REPUBLIQUE FRANÇAISE
__
CENTRE HOSPITALIER REGIONAL
DE MARTINIQUE (CHRM)
Exercices 2013 à 2015
Poste comptable :
Trésorerie de Fort-de-France
Centre hospitalier
Jugement n° 2019-0015
Séance plénière et publique du 10 décembre 2019
Prononcé le 27 décembre 2019
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA MARTINIQUE,
Vu,
le code des juridictions financières ;
Vu,
le code général des collectivités territoriales ;
Vu,
l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963
modifiée, notamment, par l
’
article 90 de la loi de finances rectificative
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu,
la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction
publique hospitalière et, notamment, son article 116-1 ;
Vu,
le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique ;
Vu,
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu,
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l
’
article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu,
l
’
arrêté du 25 juillet 2013 portant application du premier alinéa de l
’
article 42 du
décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique et encadrant le contrôle sélectif de la dépense ;
Vu,
les comptes rendus par Mme Y, en sa qualité de comptable du centre hospitalier
régional de Martinique (CHRM) du 28 juin 2013 au 31 décembre 2015 ;
2
Vu,
le réquisitoire n° 2019-12 du 10 septembre 2019 de M. Fabrice LANDAIS,
procureur financier, saisissant la chambre à fin d
’
instruction sur des faits
susceptibles d
’
engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Y ;
Vu,
la décision n° 18/2019, en date du 13 septembre 2019, du président de la chambre
attribuant à M. René PARTOUCHE, premier conseiller, l
’
instruction du jugement
des comptes du CHRM ;
Vu,
la notification du réquisitoire du procureur financier et de la décision du président
de la chambre à M. Benjamin GAREL, directeur en fonction du CHRM,
le 24 septembre 2019 ;
Vu,
la
notification
de
ce
réquisitoire
et
de
cette
décision
à
Mme Y,
le 30 septembre 2019 ;
Vu,
les lettres en date du 3 octobre 2019, invitant l
’
ordonnateur et le comptable à faire
part de leurs observations et à produire toutes les pièces utiles complémentaires ;
Vu,
la lettre en date du 3 octobre 2019, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Martinique à communiquer le montant des garanties constituées par
les comptables sur la période en jugement ;
Vu,
la demande d
’
information adressée au comptable en fonction, M. Z, par courriel du
19 novembre 2019 ;
Vu,
la réponse de Mme Y, enregistrée au greffe le 25 octobre 2019 ;
Vu,
l
’
absence
de
réponse
de
M. GAREL
dans
les
délais
impartis,
soit
le 22 octobre 2019 ;
Vu,
la réponse de la direction régionale des finances publiques de la Martinique
le 6 novembre 2019 ;
Vu,
la réponse produite par M. Z, le 19 novembre ;
Vu,
le
plan
de
contrôle
hiérarchisé
de
la
dépense
produit
par
M. Z,
le
12 décembre 2019 ;
Vu,
les lettres, en date du 20 novembre 2019, informant les parties de la clôture de
l
’
instruction, du dépôt du rapport et des conclusions, ainsi que de la date de
l
’
audience publique ;
Vu,
les
conclusions
n° 2019-0082-CJU-146
du
procureur
financier,
en
date
du 20 novembre 2019 ;
Vu,
la transmission au procureur financier du plan de contrôle hiérarchisé de la dépense,
reçu après l
’
audience publique ;
Après avoir entendu, lors de l
’
audience publique, M. René PARTOUCHE en son rapport
et M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses observations ;
En l
’
absence des parties ;
Après en avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier ;
3
Charge n° 1 :
P
aiement de la contribution au Comité de gestion des œuvres sociales
hospitalières (CGOSH) de la Martinique
Attendu
que, par le réquisitoire n° 2019-12 du 10 septembre 2019 susvisé, le ministère
public a relevé que le comptable a payé à hauteur de 213 631,04
€
une contribution du
centre hospitalier régional de la Martinique (CHRM) au
comité de gestion des œuvres
sociales hospitalières (CGOSH) de la Martinique en octobre 2014, imputée au compte
647184 «
Œuvres sociales
», en tant que charge assise sur les salaires, assimilée à une
charge patronale, suivant dix mandats de la paie, comme il suit ;
Contribution au CGOSH assise sur les salaires d
’
octobre 2014
Budget
Mandat n°
Bordereau n°
Prise en charge
Montants
H - Principal
150279
123382
28/10/2014
169 628,04
€
H - Principal
150280
123382
28/10/2014
20 489,85
€
H - Principal
150281
123382
28/10/2014
6 030,27
€
Sous-total H
196 148,16
€
B1 - USLD FDF
50893
50271
29/10/2014
3 195,94
€
B2 - USLD LAMENTIN
60647
60187
29/10/2014
1 155,88
€
B3 - USLD TRINITÉ
70753
70216
28/10/2014
918,69
€
C - ÉCOLES
81841
80287
28/10/2014
1 661,57
€
E2 - EHPAD
11103
10332
28/10/2014
7 960,78
€
P1 - CSAPA
792
204
28/10/2014
1 442,37
€
P2 - CAMSP
5922
5224
28/10/2014
1 147,65
€
Total
213 631,04
€
Source : Compte de gestion sur pièces
Sur l
’existence d’un
manquement du comptable
Attendu
qu
’
en vertu de l
’
article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 et de
l
’
article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des actes et des contrôles qui leur incombent en application de ses
articles 18, 19 et 20, dans les conditions fixées par l
’
article 60 de la loi du
23 février 1963 ; qu
’
aux termes de l
’
article 19 de ce dernier décret, «
Le comptable public
est tenu d
’
exercer le contrôle [...] : 2.° S
’
agissant des ordres de payer [...] ; d) de la
validité de la dette dans les conditions prévues à l
’
article 20, e) du caractère libératoire
du paiement [...]
» ; qu
’
aux termes de l
’
article 20 du même décret, «
Le contrôle des
comptables publics sur la validité de la dette porte sur : 1.° la justification du service
fait ;
2.° l
’
exactitude
de
la
liquidation ;
[...]
5.° la
production
des
pièces
justificatives [...] »
;
Attendu
que cette contribution trouve son fondement dans
l’article 116
-1 de la loi
du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique
hospitalière, aux termes duquel «
Les personnels des établissements mentionnés à
l
’
article 2, actifs ou retraités et, dans certaines conditions, leurs ayants droit bénéficient
de l
’
action sociale, culturelle, sportive et de loisirs mentionnée à l
’
article 9 du titre I
er
du
statut général des fonctionnaires.
4
« La prise en charge de cette action est assurée par une contribution annuelle desdits
établissements dont le taux et l
’
assiette sont fixés par les ministres chargés de la santé et
des affaires sociales. Cette contribution est versée à l
’
un des organismes agréés par l
’
Etat
chargés de la gestion et de la mutualisation de cette contribution et dont la gestion associe
des représentants du personnel et des représentants de l
’
administration hospitalière
» ;
Attendu
que l
’annexe
I au code général des collectivités territoriales (CGCT) portant
nomenclature des pièces justificatives des dépenses des collectivités territoriales, établie
en vertu de son article D. 1617-19, dans sa rédaction issue du décret n° 2007-450 du
25 mars 2007 alors en vigueur, prévoit, dans sa rubrique 222 : «
Charges sociales, impôts,
taxes et versements assimilés sur rémunération - Décompte indiquant notamment
l
’
assiette, le taux et le montant des charges à payer, ou état de redressement suite à un
contrôle (URSSAF, ASSEDIC, taxe sur salaire...) »
;
Attendu
que les décisions ministérielles, prévues par l
’
article 116-1 de la loi
du 9 janvier 1986, qui ont fixé le taux et l
’
assiette de cette contribution n
’
ont pas été
produites ;
Attendu
que la convention de fonctionnement conclue entre le CHRM et le CGOSH le
30 novembre 2017 en application de l
’
article 116-1 de la loi du 9 janvier 1986, produite
par le comptable, n
’
indique ni les références précises de la décision ministérielle, ni le
taux et l
’
assiette de la contribution ; qu
’
en tout état de cause, ladite convention est
postérieure aux paiements litigieux ;
Attendu
que selon l
’
article 33 du décret du 7 novembre 2012 susvisé, «
Le paiement est
l
’
acte par lequel une personne morale mentionnée à l
’
article 1
er
se libère de sa dette
[…]
» et selon son article 36, «
Le paiement est libératoire lorsqu
’
il est fait au profit du
créancier ou de son représentant qualifié. Les cas dans lesquels il peut être fait entre les
mains d
’
une autre personne sont fixés par décret pris sur rapport du ministre chargé du
budget
» ;
Attendu
que la convention précitée ne fait pas mention de l
’
agrément qui aurait été
attribué au CGOSH par l
’
État, conformément à la loi ; que le comptable en fonctions n
’
a
pas pu produire un tel agrément dont l
’
absence est de nature à priver le CGOSH de qualité
pour recevoir la contribution du CHRM au titre du financement de l
’
action sociale prévue
par l
’
article susmentionné ;
Attendu
que les états liquidatifs produits ne détaillent pas la liquidation de cette
contribution telle qu
’
elle est opérée sur le traitement de chaque agent ; que ces pièces ne
sont pas suffisamment précises et complètes pour permettre au comptable
de contrôler
l
’
exacte liquidation
de la dépense, en particulier en ce qui concerne l
’
absence de
prélèvement de la cotisation sur certaines catégories d
’
agents, les modulations de
l
’
assiette, le choix du taux appliqué ;
Attendu
qu
’
ainsi, les paramètres de liquidation de la contribution versée au CGOSH ne
sont pas justifiés ; que les «
droits acquis
» du CGOSH, au sens du 2° de l
’
article 31 du
décret du 7 novembre 2012 précité, au paiement de cette contribution ne sont pas établis ;
qu
’
en l
’
absence de pièces justificatives adéquates, Mme Y aurait dû suspendre les
paiements et réclamer ces justifications au CHRM ;
Attendu
que Mme Y n
’
a pas fait valoir d
’
observation sur l
’
existence du manquement
après réception du réquisitoire susvisé ;
5
Attendu
que le manquement est constitué du fait de l
’
absence des pièces justificatives
requises et de vérification de l
’
exactitude de la liquidation de la dépense ;
Attendu
que, dans ces conditions, Mme Y a manqué aux obligations qui lui incombent
en matière de contrôle du caractère libératoire du paiement et de la validité de la dette ;
que, par suite, elle a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement
des dispositions précitées de la loi du 23 février 1963 pour dépenses irrégulièrement
payées, à concurrence de 213 631,04
€
;
Attendu
qu
’
il n
’
en irait autrement que si le comptable pouvait exciper de la force
majeure ; en effet, l
’
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque [...] le juge des
comptes constate l
’
existence de circonstances constitutives de la force majeure., il ne met
pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
Attendu
que Mme Y argue que
« le fonctionnement du poste comptable a été lourdement
affecté par la fusion du CHU avec deux établissements en grande difficulté comptable et
financière. Il n
’
y a pas eu de personnel supplémentaire attribué en rapport avec la charge
de travail.
« Par ailleurs, s
’
agissant de la gestion hospitalière, le poste comptable étant le seul de
ce type dans le département, il souffre d
’
un manque de formation spécialisée sur le
département qui est préjudiciable à un contrôle de qualité. »
Attendu
que ces explications ne sont pas recevables au titre de la force majeure ; que
Mme Y reconnaît d
’
ailleurs qu
’
il n
’
y a pas de circonstances constitutives de force
majeure ;
Sur l
’
existence d
’
un préjudice financier et sur son lien de causalité avec le
manquement
Attendu
que, selon l
’
article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, «
la
responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont
relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les
conditions qui suivent
» ; que «
lorsque le manquement du comptable […] a causé un
préjudice financier à l
’organisme public concerné […] le comptable a l’
obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
Attendu
que Mme Y a répondu que, de son point de vue, «
le manquement reproché n
’
a
pas causé de préjudice financier au CH[R] de Martinique. En effet, le personnel du
CH[R] de Martinique a bien bénéficié de l
’
action culturelle, sociale et sportive et de
loisirs du CGOSH de Martinique, en contrepartie de la contribution versée par le
CH[R]
» ;
Attendu
que M. GAREL, directeur du CHRM, n
’
a pas répondu sur le préjudice
financier ;
Attendu
qu
’
un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d
’
une dépense indue
donnant lieu à constatation dans la comptabilité de l
’
organisme et se traduisant par un
appauvrissement patrimonial de la personne publique ; que l
’
existence d
’
une contrepartie
ou d
’
un service fait ne suffit pas à écarter l
’
existence d
’
un préjudice ;
6
Attendu
que le constat de l
’
existence, ou non, d
’
un préjudice financier relève de la seule
appréciation du juge des comptes ; que, s
’
il doit tenir compte des déclarations du
comptable et de l
’
ordonnateur, il n
’
est pas tenu par celles-ci ;
Attendu
que le versement de la
contribution du CHRM au comité de gestion des œuvres
sociales hospitalières (CGOSH) de la Martinique, assise sur les salaires d
’
octobre 2014,
étant irrégulier, faute de justification, le manquement du comptable a causé un préjudice
financier au CHRM ;
Sur les conséquences du manquement et du préjudice
Attendu
qu
’
aux termes de l
’
article 60, VI, de la loi du 23 février 1963 précitée,
« Lorsque
le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier
à l
’
organisme public
concerné […], le comptable a l’
obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante »
;
Attendu
qu
’
en l
’
absence, il y a lieu de constituer Mme Y débitrice du CHRM pour la
somme de 213 631,04
€
au titre de l
’
exercice 2014 ;
Attendu
qu
’
aux termes du paragraphe VIII de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise
en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu
’
ainsi,
cette somme sera augmentée des intérêts de droit à compter de la date de présentation de
l
’
envoi du réquisitoire au comptable, soit le 5 octobre 2019 ;
Sur la mise en œuvre d’un
contrôle sélectif de la dépense
Attendu
qu
’
aux termes du paragraphe IX de l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963, «
les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire
a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des
sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par
celui-ci, sous l
’
appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des
dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la
responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le
ministre chargé du budget étant dans l
’
obligation de laisser à la charge du comptable
une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa
dudit
VI […]
» ;
Attendu
qu
’
aux termes de l
’
article 1
er
de l
’
arrêté du 25 juillet 2013 susvisé, «
Le
comptable public établit un plan de contrôle hiérarchisé des ordres de payer qui
distingue : 1° Les catégories de dépenses soumises, a priori, à l
’
ensemble des contrôles
définis par les articles 19 et 20 du décret susvisé ; 2° Les catégories de dépenses
soumises, a priori ou a posteriori, à tout ou partie des contrôles définis par les articles
19 et 20 du décret susvisé
» ;
Attendu
que le comptable en poste a produit un plan de contrôle hiérarchisé de la dépense
(CHD) du 24 mars 2014 ; que ce CHD a été produit à la chambre après le dépôt du rapport
du rapporteur et des conclusions du procureur financier et après la date de l
’
audience
publique ; que ce CHD a été transmis au procureur financier près la chambre, qui a ainsi
été consulté ;
7
Attendu
qu
’
en vertu de l
’
article 1
er
de l
’
arrêté du 25 juillet 2013 susvisé, le comptable
établit un plan de contrôle hiérarchisé des ordres de payer qui distingue, d
’
une part, les
catégories de dépenses soumises,
a priori
, à l
’
ensemble des contrôles définis par les
articles 19 et 20 du décret du 7 novembre 2012 susvisé et, d
’
autre part, les catégories de
dépenses soumises,
a priori
ou
a posteriori
, à tout ou partie des contrôles définis par ces
mêmes dispositions ;
que ce plan est soumis à l’approbation du directeur régional des
finances publiques ; qu
’
il
s’ensuit
que le contrôle sélectif constitue un mode optionnel et
dérogatoire au contrôle exhaustif des dépenses, lequel demeure applicable pour toutes les
dépenses qui ne sont pas expressément mentionnées dans le plan de contrôle, en
application des dispositions des articles 19 et 20 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre
2012 susvisé ;
Attendu
que, lorsqu’un comptable apporte la preuve de la d
éfinition et de la mise en
œuvre effective d’un plan de contrôle sélectif (ou «
hiérarchisé ») de la dépense,
l’éventuel débet lié à un paiement injustifié relevant du champ de ce contrôle
peut faire
l’objet d’une remise gracieuse totale par le ministre ch
argé du budget
; en l’absence de
contrôle hiérarchisé de la dépense et de sa mise en œuvre effective, un éventuel débet ne
peut pas faire l’objet d’une remise gracieuse totale, un minimum d’1/3
000
e
du
cautionnement du poste comptable devant être laissé à la charge du comptable ;
Attendu
que le plan de contrôle sélectif de la dépense produit par le comptable pour
l
’
année 2014 ne mentionne pas le contrôle des charges patronales dans son volet
«
Paie
» ; que ces charges devaient dès lors être contrôlées de manière exhaustive ;
Attendu
, en conséquence, qu’en cas de remise gracieuse du débet par le ministre chargé
du budget, un minimum de 3/1 000
e
du cautionnement du poste comptable (243 000
€)
devra être laissé à la charge de Mme Y, soit 729
€
;
Charge n° 2 :
Paiement de l
’
indemnité de service public exclusif
Attendu
que, par le réquisitoire n° 2019-12 du 10 septembre 2019 susvisé, le ministère
public a relevé que le comptable a payé le 27 octobre 2014, à hauteur de 8 774,82
€
,
l
’
indemnité d
’
engagement de service public exclusif à 18 médecins hospitaliers, sur
mandat collectif n° 150216 du 21 octobre 2014 d
’
un montant de 1 752 154,52
€
;
Sur l
’
existence de manquement du comptable
Attendu
qu
’
en vertu de l
’
article 12 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 et de
l
’
article 17 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012, applicable à compter du
1
er
janvier 2013, les comptables publics sont personnellement et pécuniairement
responsables des actes et contrôles qui leur incombent en application de ses articles 18,
19 et 20, dans les conditions fixées par l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963 ; qu
’
aux
termes de l
’
article 19 de ce dernier décret, «
Le comptable public est tenu d
’
exercer le
contrôle [...] : 2.° S
’
agissant des ordres de payer [...] ; d) de la validité de la dette dans
les conditions prévues à l
’
article 20, e) du caractère libératoire du paiement [...]
» ;
qu
’
aux termes de l
’
article 20 du même décret, «
Le contrôle des comptables publics sur
la validité de la dette porte sur : 1.° la justification du service fait ; 2.° l
’
exactitude de la
liquidation ; [...] 5.° la production des pièces justificatives [...] »
;
Attendu
que l
’
annexe I du CGCT portant nomenclature des pièces justificatives des
dépenses des collectivités territoriales, établie en vertu de son article D. 1617-19, prévoit
8
dans sa rédaction issue du décret n° 2007-450 du 25 mars 2007, alors en vigueur, à sa
rubrique 22 : «
Dépenses de personnel des établissements publics de santé [...] / 220223
Primes et indemnités [...] b) primes et indemnités des personnels médicaux : allocations
liées à l
’
occupation d
’
un poste à recrutement prioritaire et indemnités d
’
engagement de
service public exclusif : contrat ou convention d
’
engagement [...] » ;
Attendu
que la pièce justificative n
’
a pas été produite s
’
agissant de quatre médecins ; que
la convention produite pour un cinquième médecin conclue le 29 août 2011 pour une
durée de trois ans, n
’
était plus valide à la date du paiement et ne pouvait plus en constituer
la pièce justificative ;
Attendu
que Mme Y n
’
a pas fait valoir d
’
observation sur l
’
existence du manquement
après réception du réquisitoire susvisé ;
Attendu
que le manquement est constitué du fait de l
’
absence des pièces justificatives
requises ;
Attendu
que, dans ces conditions, Mme Y a manqué aux obligations qui lui incombaient
en matière de contrôle de la validité de la dette ; que, par suite, elle a engagé sa
responsabilité personnelle et pécuniaire sur le fondement des dispositions précitées de la
loi
du
23 février 1963
pour
dépenses
irrégulièrement
payées,
à
concurrence
de 2 437,45
€
;
Attendu
qu
’
il n
’
en irait autrement que si la comptable pouvait exciper de la force
majeure ; en effet, l
’
article 60-V de la loi n° 63-156 indique que «
lorsque [...] le juge des
comptes constate l
’
existence de circonstances constitutives de la force majeure., il ne met
pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
Attendu
que Mme Y argue de la charge de travail, de l
’
insuffisance de personnel et du
manque de formation spécialisée des agents du poste comptable mais non de
circonstances constitutives de force majeure qui
supposent la survenance d’un fait
extérieur imprévisible et irrésistible qui aurait empêché le contrôle des pièces
justificatives requises ;
Sur l
’
existence d
’
un préjudice financier et sur son lien de causalité avec le
manquement
Attendu
que, selon l
’
article 60 susvisé de la loi du 23 février 1963 modifiée, «
la
responsabilité personnelle et pécuniaire prévue au I est mise en jeu par le ministre dont
relève le comptable, le ministre chargé du budget ou le juge des comptes dans les
conditions qui suivent
» ; que «
lorsque le manquement du comptable […] a causé un
préjudice financier à l
’organisme public concerné […] le comptable a l’
obligation de
verser immédiatement de ses deniers personnels la somme correspondante
» ;
Attendu
que Mme Y a répondu que, de son point de vue, «
l
’
absence de la pièce
justificative constituant un engagement sur l
’
honneur de ne pas exercer d
’
activité libérale
dans les trois ans ne constitue pas un préjudice financier en tant que tel, sauf à démontrer
que les médecins concernés auraient exercé une activité libérale dans les trois ans après
leur contrat et que cette activité aurait porté préjudice au CHU de la Martinique » ;
Attendu
que M. GAREL, directeur du CHRM, n
’
a pas répondu sur le préjudice
financier ;
9
Attendu
que le constat de l
’
existence, ou non, d
’
un préjudice financier relève de la seule
appréciation du juge des comptes ; que, s
’
il doit tenir compte des déclarations du
comptable et de l
’
ordonnateur, il n
’
est pas tenu par celles-ci ;
Attendu
qu
’
un préjudice financier résulte, notamment, du paiement d
’
une dépense indue
donnant lieu à constatation dans la comptabilité de l
’
organisme et se traduisant par un
appauvrissement patrimonial de la personne publique ; que l
’
indemnité de service public
exclusif est versée en contrepartie d
’
un engagement qui constitue un de fondements
juridiques du versement de l
’
indemnité qui, en son absence, est indue ;
Attendu
que le préjudice financier qui en résulte pour l
’
établissement a été causé par le
contrôle défaillant du comptable ;
Sur les conséquences du manquement et du préjudice
Attendu
qu
’
aux termes de l
’
article 60, VI, de la loi du 23 février 1963 précitée,
« Lorsque
l
e manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’
organisme public
concerné […], le comptable a l’
obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante »
;
Attendu
qu
’
en l
’
absence de versement par le comptable de la somme correspondante sur
ses deniers personnels, il y a lieu de constituer Mme Y débitrice du CHRM pour la somme
de 2 437,45
€
au titre de l
’
exercice 2014 ;
Attendu
qu
’
aux termes du paragraphe VIII de l
’
article 60 de la loi du 23 février 1963
précitée, «
les débets portent intérêt au taux légal à compter du premier acte de la mise
en jeu de la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics
» ; qu
’
ainsi,
cette somme sera augmentée des intérêts de droit à compter de la date de présentation du
réquisitoire, soit le 5 octobre 2019 ;
Sur
la mise en œuvre d’un
contrôle sélectif de la dépense
Attendu
qu
’
aux termes du paragraphe IX de l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963, «
les comptables publics dont la responsabilité personnelle et pécuniaire
a été mise en jeu peuvent obtenir du ministre chargé du budget la remise gracieuse des
sommes mises à leur charge. Hormis le cas de décès du comptable ou du respect par
celui-ci, sous l
’
appréciation du juge des comptes, des règles de contrôle sélectif des
dépenses, une remise gracieuse totale ne peut être accordée au comptable public dont la
responsabilité personnelle et pécuniaire a été mise en jeu par le juge des comptes, le
ministre chargé du budget étant dans l
’
obligation de laisser à la charge du comptable
une somme au moins égale au double de la somme mentionnée au deuxième alinéa
dudit
VI […]
» ;
Attendu
qu
’
aux termes de l
’
article 1
er
de l
’
arrêté du 25 juillet 2013 susvisé, «
Le
comptable public établit un plan de contrôle hiérarchisé des ordres de payer qui
distingue : 1° Les catégories de dépenses soumises, a priori, à l
’
ensemble des contrôles
définis par les articles 19 et 20 du décret susvisé ; 2° Les catégories de dépenses
soumises, a priori ou a posteriori, à tout ou partie des contrôles définis par les articles
19 et 20 du décret susvisé
» ;
Attendu
que le comptable en poste a produit le plan de contrôle hiérarchisé de la dépense
(CHD) en date du 24 mars 2014 ; que ce CHD a été produit à la chambre après la date du
10
délibéré ; qu
’
en tout état de cause le versement des indemnités de la rubrique 220223
susmentionnée fait l
’
objet, au titre du CHD, d
’
un contrôle
a posteriori
de périodicité
annuelle sur un échantillon de 100 pièces et portant notamment sur les pièces
justificatives ;
Attendu
que Mme Y n
’
établit pas avoir procédé aux diligences
a posteriori
prévues au
plan de contrôle ; que, cependant, la justification de ces diligences ne lui a pas été
demandée et ne
permet donc pas d’affirmer que le plan de contrôle n’a pas été appliqué
;
qu’en conséquence, la mise en œuvre d’un plan de contrôle sur la catégorie de dépense
dont relève la présente charge sera considérée comme effective ;
Par ces motifs,
DÉCIDE
Article 1
S
’
agissant de la charge n° 1, Mme Y est constituée débitrice du centre hospitalier régional
de Martinique sur le fondement du 3
e
alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée, pour la somme de deux cent treize mille six cent trente-et-un
euros et quatre centimes (213 631,04
€
) correspondant au paiement de dix mandats au
compte 647184 «
Œuvres sociales
», somme augmentée des intérêts de droit à compter
du 5 octobre 2019, date de la présentation du réquisitoire au comptable.
Les paiements correspondant à la somme mise à la charge de Mme Y au titre de la charge
n° 1 n
’
entrant pas dans une catégorie de dépenses faisant l
’
objet de règles de contrôle
sélectif, une éventuelle remise gracieuse de ce débet par le ministre chargé du budget ne
pourrait pas être totale, un minimum représentant 3/1 000
e
du cautionnement du poste
comptable devant être laissé à la charge de Mme Y, soit sept cent vingt-neuf euros
(729
€
).
Article 2
S
’
agissant de la charge n° 2, Mme Y est constituée débitrice du centre hospitalier régional
de Martinique sur le fondement du 3
e
alinéa du VI de l
’
article 60 de la loi n° 63-156 du
23 février 1963 modifiée, pour la somme de deux mille quatre cent trente-sept euros et
quarante-cinq centimes (2 437,45
€
) correspondant au paiement de cinq indemnités de
service public exclusif, sur un mandat collectif n° 150216 du 21 octobre 2014, d
’
un
montant de 1 752 154,52
€
, somme augmentée des intérêts de droit à compter du
5 octobre 2019, date de la présentation du réquisitoire au comptable.
Les paiements correspondant à la somme mise à la charge de Mme Y au titre de la charge
n° 2 entrant dans une catégorie de dépenses faisant l
’
objet
d’un
contrôle sélectif, aucun
minimum de laissé à charge de Mme Y
ne s’impose en cas de remise gracieuse décidée
par le ministre chargé du budget.
Article 3
Mme Y est déchargée de sa gestion du 28 juin 2013 au 31 décembre 2013.
11
Article 4
Mme Y ne sera déchargée de sa gestion, du 1
er
janvier au 31 décembre 2015, qu
’
après
apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et délibéré par la chambre régionale des comptes de la Martinique,
le 20 décembre 2019.
Présents :
-
M. Yves COLCOMBET, président de la chambre, président de séance,
-
MM. Alexandre ABOU, Christian PAPOUSSAMY, Eric PELISSON et Pierre
STEFANIZZI, premiers conseillers ;
En présence de Mme AZARES, greffière de séance.
A signé : M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire général.
Raphaël BOYER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main
; à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 et R. 242-16 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités
prévues aux articles R. 242-17 et R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois
pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après
expiration des délais d’appel, et ce, dans les conditions prévues à l’article R.
242-26 du même
code.