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REPUBLIQUE FRANÇAISE
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CENTRE HOSPITALIER LOUIS DOMERGUE
DE LA TRINITÉ
Exercice 2012
Poste comptable : Trésorerie de La Trinité
Jugement n° 2019-0013
Séance plénière et publique du 10 décembre 2019
Prononcé le 27 décembre 2019
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE RÉGIONALE DES COMPTES DE LA MARTINIQUE,
Vu,
le code des juridictions financières ;
Vu,
le code général des collectivités territoriales ;
Vu,
l
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 portant loi de finances pour 1963
modifiée, notamment, par l
article 90 de la loi de finances rectificative
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu,
décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique ;
Vu,
le décret n° 93-977 du 31 juillet 1993 relatif aux saisies et cessions notifiées aux
comptables publics ;
Vu,
le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et
comptable publique ;
Vu,
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l
article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu,
le décret n° 2012-935 du 1
er
août 2012 relatif à la création d
un centre hospitalier
régional à la Martinique par fusion du centre hospitalier universitaire de
Fort-de-France, du centre hospitalier du Lamentin et du centre hospitalier Louis
Domergue de La Trinité au 1
er
janvier 2013
;
Vu,
l
arrêté du 11 décembre 2012 portant rattachement de la gestion comptable et
financière d
un établissement public de santé à un poste comptable des services
déconcentrés de la direction générale des finances publiques ;
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Vu,
le compte de 2012 du centre hospitalier Louis Domergue de La Trinité produit par
Mme Y, le 6 janvier 2014, en sa qualité de comptable du centre hospitalier régional
de la Martinique ;
Vu,
le réquisitoire n° 2019-14 du 5 septembre 2019 de M. Fabrice LANDAIS,
procureur financier, saisissant la chambre à fin d
instruction sur des faits
susceptibles d
engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Z ;
Vu,
le réquisitoire supplétif n° 2019-16 du 12 septembre 2019 de M. Fabrice
LANDAIS, procureur financier, corrigeant une erreur matérielle sur le réquisitoire
initial n °2019-14 susvisé ;
Vu,
la décision n° 17/2019, en date du 5 septembre 2019, du président de la chambre
attribuant à M. René PARTOUCHE, premier conseiller, l
instruction du jugement
des comptes du centre hospitalier Louis Domergue de La Trinité ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à M. Benjamin GAREL,
directeur en fonction du centre hospitalier régional de la Martinique,
le 6 septembre 2019 ;
Vu,
la notification de ce réquisitoire et de cette décision à Mme Z le 6 septembre 2019 ;
Vu,
les lettres en date du 12 septembre 2019, invitant l
ordonnateur et la comptable à
faire part de leurs observations et à produire toutes les pièces utiles
complémentaires ;
Vu,
la lettre en date du 3 octobre 2019, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Martinique à communiquer le montant des garanties constituées par
les comptables sur la période en jugement ;
Vu,
la demande d
information adressée au comptable en fonction, M. X, par courrier du
28 octobre 2019 ;
Vu,
la réponse de Mme Z, enregistrée au greffe le 4 octobre 2019 ;
Vu,
la réponse de M. GAREL, enregistrée au greffe le 2 décembre 2019 ;
Vu,
la réponse de la direction régionale des finances publiques de la Martinique, en date
du 4 novembre 2019 ;
Vu,
les réponses produites par M. X, le 4 novembre 2019 ;
Vu,
les lettres, en date du 15 novembre 2019, informant les parties de la clôture de
l
instruction, du dépôt du rapport et de la date de l
audience publique ;
Vu,
les
conclusions
n° 2019-079-CJU-140
du
procureur
financier,
en
date
du 14 novembre 2019 ;
Après avoir entendu, lors de l
audience publique, M. René PARTOUCHE en son rapport
et M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses observations ;
En l
absence des parties ;
Après en avoir délibéré hors de la présence du rapporteur et du procureur financier ;
Charge unique : Restes à recouvrer
Attendu
que, par le réquisitoire n° 2019-14 du 5 septembre 2019 susvisé, le ministère
public a relevé que, sur l
état des restes à recouvrer au 31 décembre 2012 du budget du
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centre hospitalier universitaire de Fort-de-France, figuraient six titres de recettes non
recouvrés à cette date bien que pris en charge entre le 23 janvier et le 16 décembre 2008,
pour lesquels l
action en recouvrement se serait trouvée compromise sous la gestion de
Mme Z ; que ces titres sont référencés dans le tableau ci-dessous, pour un montant total
de 11 711,03
;
Titres non recouvrés au 31 décembre 2012 (divers comptes)
PEC
Titre n°
Compte
Débiteur
Séjour du
redevable
Montant
RAR
Diligences
23/01/2008
T-36889 4161
04/07 au
12/07/2006
892,15 €
892,15 €
CDT 16/06/2008
PCF 21/07/2008
OTD 18/02/2010
27/03/2008
T-42090 41658
26/10 au
05/11/2007
1 408,00 €
1 408,00 €
LR 16/06/2008
CDT 20/10/2008
PSE 01/03/2010
CDT 09/11/2011
27/03/2008
T-42107 41658
09/10 au
17/10/2007
1 126,79 €
1 126,79 €
LR 16/06/2008
CDT 20/10/2008
PCF 20/04/2009
SV 22/09/2011
17/04/2008
T-50086 4161
25/01 au
31/12/2007
4 722,85 €
4 722,85 €
LR 16/06/2008
CDT 20/10/2008
PCF 17/11/2008
18/04/2008
T-50311 41651
04/10 au
25/10/2007
2 956,20 €
2 956,20 €
LR 16/06/2008
CDT 20/10/2008
PCF 20/04/2009
CDT 06/07/2009
CDT 09/03/2011
MED 09/11/2012
AS 19/11/2014
16/12/2008
T-30666 4161
23/08 au
26/08/2008
605,04 €
605,04 €
PCF 05/10/2009
SV 21/01/2011
Total
11 711,03 €
11 711,03 €
Nota :
AS pour autorisation de saisie, CDT pour commandement, LR pour lettre de rappel, CDT pour
commandement de payer, MED pour mise en demeure de payer, PCF pour phase comminatoire
facultative, PSE pour poursuite OTD pour opposition à tiers-détenteur, PEC pour prise en charge,
SV pour saisie-vente, et RAR pour reste à recouvrer.
Source : Etat des restes à recouvrer au 31 décembre 2012
Sur l
existence de manquement de la comptable
Attendu
qu
aux termes du I de l
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 de
finances pour 1963 modifiée,
« les comptables publics sont personnellement et
pécuniairement responsables du recouvrement des recettes […]. La responsabilité
personnelle et pécuniaire prévue ci-
dessus se trouve engagée dès lors […] qu’
une recette
n
a pas été recouvrée »
; que, selon l
article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre
1962 portant règlement général sur la comptabilité publique, alors applicable,
« Les
comptables publics sont seuls chargés : de la prise en charge et du recouvrement des
ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs, des créances constatées par
un contrat, un titre de propriété ou autre titre dont ils assurent la conservation ainsi que
de l
encaissement des droits au comptant et des recettes de toute nature que les
organismes publics sont habilités à recevoir
[…]
, de la conservation des pièces
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justificatives des opérations et des documents de comptabilité
[…]
, de la tenue de la
comptabilité du poste comptable qu
ils dirigent »
;
Attendu
que le 3° de l
article L. 1617-5 du CGCT relatif à la prescription de l
action en
recouvrement des comptables des collectivités territoriales et des établissements publics
locaux prévoit que leur action se prescrit par quatre ans à compter de la prise en charge
du titre de recettes, ce délai étant interrompu par tout acte comportant reconnaissance de
leur dette par les débiteurs et par tout acte interruptif de prescription ;
Attendu
qu
en cas de défaut de recouvrement d
une recette devenue irrécouvrable, la
responsabilité du comptable n’est pas engagée s’il apporte la preuve que
ses diligences
pour obtenir le paiement du débiteur ont été adéquates, complètes et rapides, même si
elles n’ont pas été couronnées de succès
;
Attendu
que Mme Z fait valoir en premier lieu que les titres ont été soldés ;
Attendu
que Mme Z n
apporte pas d
éléments et de documents en justifiant ; qu
il est
possible toutefois qu
elle fasse référence à l
admission en non-valeur (ANV) de ces
titres ;
Attendu,
en effet, que M. X, comptable en fonction, a fait connaître au rapporteur que
les titres en cause ont été admis en non-valeur le 31 décembre 2014 ;
Attendu
toutefois, à la supposer régulièrement intervenue, que l
ANV n
exonère pas le
comptable de
sa responsabilité en cas l’absence ou d’
insuffisance des diligences
auxquelles il était tenu, antérieurement à cette mesure ;
Attendu
qu
aucun justificatif de l
interruption du délai de prescription de l
action en
recouvrement n
est apporté pour celles des diligences mentionnées aux états de restes
susceptibles d
avoir eu cet effet. ; que la charge de la preuve pèse sur le comptable
à qui
il revient d
établir que les actes interruptifs du délai de prescription de l
action en
recouvrement
ont bien été reçus ou réputés reçus (retour du pli) par les redevables ; que
cette preuve ne peut être apportée par la simple mention des diligences sur les états de
restes et dans l
application Hélios, restituée sous forme de copies d
écran ;
Attendu
que l
ANV est intervenue deux ans après la prescription de l
action en
recouvrement des titres visés à la charge ; que, de surcroît, le motif en justifiant
poursuites sans effet
») ne vient que corroborer et tirer la conséquence de
l
insuffisance des diligences de recouvrement menées par la comptable ;
Attendu,
ainsi, qu
aucun élément probant n
a été produit par Mme Z ni incidemment, par
le comptable en fonction, M. X ;
Attendu
qu
en deuxième lieu, Mme Z soutient que
« Les actes de recouvrement en cause
sont issus de l
automate des poursuites Hélios et transmis directement aux redevables
par les centres éditiques spécialisés de la DGFIP. Les actions initiées par le comptable
génèrent des flux distribués sous pli simple par ces structures. Cette automatisation de la
chaîne des poursuites couvre les centaines de milliers de titres dont le comptable a la
charge. Seules les cotes à enjeux peuvent faire l
objet d
une notification au débiteur,
selon les préconisations de la DGFIP »
;
Attendu
que l
automatisation et la mutualisation de la chaîne des poursuites ne
dispensent pas le comptable, qui peut toujours recourir, si nécessaire, à des notifications
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manuelles, de justifier de façon probante l
interruption effective du délai de prescription
de l
action en recouvrement ;
Attendu,
en dernier lieu, que Mme Z soutient que
« Par ailleurs, comme vous l
indiquez,
la fusion hospitalière prévoyant le transfert de la gestion du CH Louis Domergue est
intervenue au 01/01/2013. Cette fusion a nécessité des travaux préalables de préparation
très en amont de cette date. Les opérations lourdes et complexes d
apurement et de
régularisation comptables ont été priorisées de manière à neutraliser toutes les causes
de blocage à l
édition du compte financier de 2012. Durant cette période, le comptable,
en lien avec la DRFIP de la Martinique, s
est attaché à identifier et régulariser les
anomalies bloquantes remontant souvent à plusieurs années, notamment celles liées à la
migration de l
ancienne application vers Hélios »
;
Attendu
que, par son inaction, la comptable a irrémédiablement compromis le
recouvrement de ces créances, la prescription de l
action en recouvrement intervenant
avant le 16 décembre 2012 ; que la responsabilité personnelle et pécuniaire de Mme Z se
trouve engagée de ce fait, en application des dispositions précitées de l
article 60 de la loi
du 23 février 1963 ;
Attendu
qu
il n
en irait autrement que si la comptable pouvait exciper de la force
majeure, l
article 60, V, de la loi n° 63-156 indiquant que «
Lorsque
[…]
le juge des
comptes constate l
existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met
pas en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
Attendu
que les éléments précités qui pourraient être pris en compte à l
appui d
une
éventuelle demande de remise gracieuse de la part de l
intéressée, sont inopérants à
l
égard de la charge soulevée ; qu
ils ne peuvent pas dégager par eux-mêmes la
responsabilité de Mme Z dans le défaut de recouvrement des six titres visés au réquisitoire
dès lors qu’ils ne caractérisent pas une situation de force majeure
;
Attendu
qu
aucune circonstance de force majeure n
est
d’ailleurs
alléguée ni établie ;
Sur l
existence d
un préjudice financier et sur son lien de causalité avec le
manquement
Attendu
qu
il est constant que l
insuffisance des diligences et le non-recouvrement des
créances causent un préjudice financier à l
organisme public concerné sauf si
l
insolvabilité du débiteur se révèle antérieure à la prise en charge du titre de recette, ce
qui n
est pas établi par le comptable en l
espèce ;
Attendu
que le lien de causalité entre les manquements reprochés à Mme Z et le préjudice
causé au centre hospitalier Louis Domergue de La Trinité est établi par le simple fait que,
faute de diligences adéquates, complètes et rapides, la comptable a compromis les
chances de l
hôpital de recouvrer ses créances ;
Attendu
qu
en l
espèce, le préjudice est d
autant moins contestable que l
ANV s
est
traduite par une charge pour l
établissement, nonobstant une hypothétique reprise du
recouvrement ;
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Sur les conséquences du manquement et du préjudice
Attendu
qu
aux termes de l
article 60, VI, de la loi du 23 février 1963 précitée,
« Lorsque
le manquement du comptable […] a causé un préjudice financier à l’
organisme public
concerné […], le comptable a l’
obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante »
;
Attendu
que, dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions du
3
e
alinéa de l
article 60, VI, de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et de constituer Mme Z
débitrice de la somme de 11 711,03
pour le non-recouvrement des six titres de recettes
susvisés ;
Attendu
que cette somme sera augmentée des intérêts de droit à compter de la date de la
notification du réquisitoire, fixée au plus tard le 25 septembre 2019, date de la réponse de
Mme Z qui vise ledit réquisitoire ;
Par ces motifs,
DÉCIDE
Article 1
Mme Z est constituée débitrice du centre hospitalier Louis Domergue de La Trinité sur le
fondement du 3
e
alinéa du VI de l
article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963
modifiée, pour la somme de onze mille sept cent onze euros et trois centimes
(11 711,03
), somme augmentée des intérêts de droit à compter de la notification du
réquisitoire qui, en l
absence d
accusé de réception au dossier, doit être fixée au plus tard
au 25 septembre 2019, date de la réponse de Mme Z qui vise ledit réquisitoire.
En cas de remise gracieuse de ce débet par le ministre chargé du budget, un minimum
représentant 3/1 000
e
du cautionnement du poste comptable devra être laissé à la charge
de Mme Z, soit cinq cent vingt-huit euros (528
€)
.
Article 2
Mme Z ne sera déchargée de sa gestion, du 1
er
janvier au 31 décembre 2012, qu
après
apurement du débet fixé à l
article 1 ci-dessus.
Fait et délibéré par la chambre régionale des comptes de la Martinique,
le 10 décembre 2019.
Présents :
-
M. Yves COLCOMBET, président de la chambre, président de séance,
-
MM. Alexandre ABOU, Christian PAPOUSSAMY, Eric PELISSON et Pierre
STEFANIZZI, premiers conseillers ;
En présence de Mme AZARES, greffière de séance.
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A signé : M. Yves COLCOMBET, président.
Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Martinique et délivré par moi, secrétaire général.
Raphaël BOYER
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce
requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs généraux et aux procureurs
de la République près les tribunaux de grande instance, d’y tenir la main
; à tous commandants
et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en ser
ont légalement requis.
En application des articles R. 242-14 et R. 242-16 du code des juridictions financières, les
jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant
la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la notification, selon les modalités
prévues aux articles R. 242-17 et R. 242-19 du même code. Ce délai est prolongé de deux mois
pour les personnes domiciliées à l’étranger. La révision d’un jugement peut être demandée après
expiration des dé
lais d’appel, et ce, dans les conditions prévues à l’article R.
242-26 du même
code.