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Chapitre VII
Les actes et consultations externes
à l’hôpital : une activité à intégrer
à la définition de l’offre de soins
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
287
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
Également désignés sous le terme « d’activité externe » des hôpitaux,
les actes et consultations externes (ACE) à l’hôpital recouvrent des activités
composites :
consultations
médicales,
actes
techniques
médicaux,
d’imagerie ou de biologie, passages aux urgences…
Ils sont dispensés par des médecins salariés, pour l’essentiel
d’établissements de santé publics et privés non lucratifs
383
. Ils diffèrent des
consultations en ville par le fait qu’ils sont effectués en établissement de
santé. Ils se distinguent par ailleurs des séances et des séjours à l’hôpital,
y compris de médecine ambulatoire, par le fait qu’ils sont financés pour
l’essentiel selon les tarifs applicables aux professionnels libéraux de ville.
Les ACE sont susceptibles d’être réalisés à plusieurs moments du
parcours du patient : venue aux urgences s’accompagnant de la réalisation
d’un acte diagnostique ou thérapeutique et non suivie d’une hospitalisation,
demande d’avis médical spécialisé, réalisation ponctuelle d’un acte de
biologie ou d’imagerie, consultation en pré ou post-hospitalisation,
consultation périodique dans le cadre du traitement d’une pathologie.
En 2017, les ACE ont été à l’origine de 4,2 Md€ de dépenses
d’assurance maladie en médecine-chirurgie-obstétrique (MCO)
384
, dont
27 % au titre des urgences.
En 2018, les juridictions financières ont effectué une enquête sur ce
domaine mal connu de l’activité hospitalière : la Cour a examiné le cadre
juridique, le financement et les orientations fixées par le ministère de la
santé et par les agences régionales de santé (ARS) en matière d’activité
externe des hôpitaux ; pour leur part, onze chambres régionales des
comptes
385
ont contrôlé la gestion de cette activité par 18 établissements
publics de taille variée
386
.
383
Les ACE liés à l’activité de praticiens salariés d’établissements privés lucratifs
représentent un enjeu limité (11 M€ de dépenses d’assurance maladie en 2017). La
quasi-totalité des praticiens intervenant dans ces établissements n’en sont pas salariés
et facturent leurs actes dans les mêmes conditions que les praticiens libéraux de ville.
384
Les soins de suite et de réadaptation (SSR) et la psychiatrie n’étaient pas compris
dans le champ de l’enquête.
385
CRC Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Bretagne, Grand Est,
Hauts-de-France, Ile-de-France, La Réunion, Normandie, Nouvelle-Aquitaine,
Occitanie, Pays de la Loire.
386
CHU de Caen, de Dijon, de La Réunion et de Lille ; centres hospitaliers de Bagnols-
sur-Cèze, de Calais, de Compiègne-Noyon, de la Côte Basque, de Dole, de La Ferté-
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288
I -
Une activité externe insuffisamment suivie,
malgré des enjeux financiers significatifs
Selon l’Agence technique de l’information sur l’hospitalisation
(ATIH), 22,5 millions de patients ont bénéficié en 2016 d’un acte ou d’une
consultation externe dans un établissement de santé public ou privé
d’intérêt collectif, dont 16,9 millions en dehors d’une urgence
387
. Pour le
secteur
médecine-chirurgie-obstétrique
(MCO),
cela
représente
37,8 millions de consultations médicales
388
, en dehors des urgences, qui
viennent s’ajouter aux 332,1 millions de consultations réalisées en ville.
Si elles représentent une part réduite de l’ONDAM hospitalier
(5,3 %), les dépenses d’ACE prises en charge par l’assurance maladie sont
dynamiques (+4,8 % en moyenne annuelle entre 2013 et 2017). Pour
autant, le poids respectif des facteurs à l’origine de cette augmentation n’est
pas connu avec précision. En outre, les ACE constituent, le plus souvent
encore, un angle mort du pilotage de leurs activités par les hôpitaux, malgré
un solde financier globalement déficitaire pour ces derniers.
A -
Des dépenses croissantes pour l’assurance maladie,
des facteurs d’évolution mal connus
1 -
Une hausse rapide des dépenses globales d’ACE
En 2017, l’assurance maladie a financé près de 4,2 Md€ de dépenses
au titre des actes et consultations externes (dont 3,7 Md€ au titre des
établissements publics et 0,5 Md€ au titre des établissements privés non
lucratifs). Entre 2013 et 2017, les dépenses d’ACE qu’elle prend en charge
ont augmenté de 20,5 %, soit une hausse annuelle moyenne de 4,8 %
389
.
Bernard, de Guingamp, de Guise, de Moulins-Yzeure, de Niort, de Pontoise, de Saint-
Brieuc, de Soissons et de Wissembourg.
387
ATIH, « chiffres clés, activité externe 2016 ». Ces chiffres couvrent l’activité
externe en MCO et soins de suite et de réadaptation (SSR).
388
DREES (SAE 2016).
389
L’assurance maladie prend en charge une part prépondérante et croissante des ACE
effectués par les établissements publics de santé (84,2 % en 2017, contre 81,9 %
en 2013).
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INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
289
Tableau n° 34 :
dépenses d’assurance maladie liées aux ACE
(2013-2017, en M€)
2013
2014
2015
2016
2017
Var. 2017/
2013
Var.
annuelle
moyenne
3 450
3 589
3 830
4 039
4 157
+20,5 %
+4,8 %
Source : ATIH (Ovalide).
En 2017, les dépenses d’assurance maladie relatives aux ACE
étaient constituées, pour 44 % d’actes inscrits à la NGAP
390
(consultations
de généralistes, de spécialistes, biologie…), pour 35 % d’actes de la
CCAM
391
(actes de radiologie, d’échographie, de chirurgie et actes
techniques médicaux) et pour 21 % de forfaits (ATU
392
, forfait de sécurité
et d’environnement, etc.).
Un peu plus du quart correspondait à l’activité des services
d’urgences (soit 1,1 Md€ en 2017).
Tableau n° 35 :
nature des dépenses d’assurance maladie relatives
aux actes et consultations externes en 2017
Montant
(en M€)
Dont urgences
(en M€ et en % du total)
Actes et consultations relevant de la NGAP
1 815
514
28 %
Consultations médicales (y compris majorations)
1 224
360
29 %
Biologie
482
151
31 %
Soins infirmiers
39
0
-
Autres (actes de sages-femmes, échographie, orthopédie)
70
3
5 %
Actes relevant de la CCAM
1 434
295
21 %
Actes d’imagerie
569
158
28 %
Actes techniques médicaux
467
68
14 %
Actes d'échographie
311
35
11 %
Actes de chirurgie
71
33
46 %
Autres (obstétrique, anesthésie, soins dentaires)
16
1
5 %
Forfaits techniques de radiologie (FTN)
534
36
7 %
Forfaits d'accueil et de traitement des urgences (ATU)
294
294
100 %
Forfait de sécurité et environnement hospitalier (SE)
55
Ns
-
Dispositifs médicaux
19
Ns
-
Forfaits alternatives à la dialyse en centre
3
-
-
Forfait prestation intermédiaire
1
-
-
Total
4 157
1 140
27 %
Source : Cour des comptes, d’après ATIH (Ovalide).
390
NGAP : nomenclature générale des actes professionnels.
391
CCAM : classification commune des actes médicaux.
392
ATU : forfait d’accueil et de traitement des urgences.
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290
Au cours de la période examinée, l’augmentation des dépenses
d’assurance maladie relative aux ACE a nettement dépassé celle des postes
comparables de soins de ville en moyenne annuelle : +6,1 % contre +3 %
pour les consultations et les actes techniques médicaux ; +4,1 % contre
+1 % pour les actes de biologie. Les dépenses de soins médicaux et
d’analyses biologiques se déportent ainsi de manière croissante vers
l’hôpital, en dehors même des urgences (qui représentent une part stable de
27 % des dépenses entre 2013 et 2017).
2 -
Des facteurs d’évolution mal cernés
Au-delà d’une facturation plus exhaustive à l’assurance maladie liée
à la mise en œuvre de nouvelles modalités de facturation
393
, plusieurs
facteurs d’augmentation globale des dépenses liées aux ACE, en dehors
des urgences, peuvent être identifiés, sans toutefois que leurs impacts
individuels soient chiffrés.
À l’instar de la croissance tendancielle des soins de ville
394
,
l’augmentation de l’activité externe est probablement pour partie portée par
le vieillissement de la population et par l’extension des maladies
chroniques et polypathologiques qui l’accompagne.
L’éventualité d’un déport de l’activité de la ville vers l’hôpital pour
pallier une offre en médecine de spécialité insuffisante ou trop onéreuse est
plus discutée. Les rares études disponibles invitent en effet à une analyse
nuancée. Une étude de la DREES
395
a notamment montré qu’en 2015, en
moyenne, l’offre de consultations externes de spécialité rapportée au
nombre d’habitants était d’autant plus élevée que l’offre de consultations
libérales était forte.
393
Facturation individuelle des établissements de santé ou FIDES (voir
infra
).
394
Selon le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de juin 2018,
le sous-objectif soins de ville de l’ONDAM aurait connu une augmentation spontanée
(avant économies et revalorisations) de 18 955 M€ entre 2010 et 2017, soit +25,4 % au
total et +3,3 % de hausse annuelle moyenne.
395
Dossier statistique de la DREES associé à l’avis du Haut conseil pour l'avenir de
l'assurance maladie du 22 juin 2017 « Médecine spécialisée et second recours ».
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291
S’agissant de l’impact éventuel du virage ambulatoire
396
, le
caractère fruste de la description médicale des actes facturés par les
établissements de santé (seule la spécialité médicale du professionnel est
indiquée) ne permet pas d’apprécier la part de la hausse des dépenses
imputable à leur substitution à des hospitalisations de jour. De même, les
consultations ne peuvent être distinguées en fonction de leur objet
(diagnostic, suivi de routine, suivi de cas complexes
397
…).
Pour une part enfin, les évolutions différenciées qui peuvent être
observées entre les différents postes de dépenses traduisent l’incidence de
changements de tarifs et de règles de prise en charge.
Ainsi, l’évolution des dépenses liées à la NGAP et à la CCAM
reflète pour partie l’incidence des créations et modifications de cotations
d’actes effectuées par la convention médicale de 2016.
Par ailleurs, les dépenses liées aux forfaits techniques d’imagerie
(FTN), dont la progression était particulièrement élevée, décélèrent en
2017, sous l’effet de mesures tarifaires prises par l’assurance maladie
398
.
Tableau n° 36 :
évolution des dépenses d’assurance maladie liées
aux quatre principaux postes d’ACE (2013-2017)
2014/2013
2015/2014
2016/2015
2017/2016
Var.
annuelle
moyenne
NGAP
+3,9 %
+4,5 %
+3,1 %
+2,9 %
+3,6 %
CCAM
+4,3 %
+9,6 %
+7,9 %
+2,3 %
+6,0 %
FTN
399
+3,0 %
+11,3 %
+12,6 %
+4,2 %
+7,7 %
ATU
+3,5 %
+2,2 %
-5,1 %
+1,3 %
+0,4 %
Total ACE
+4,0 %
+6,8 %
+5,4 %
+2,9 %
+4,8 %
Champ : hors dialyse et IVG.
Source : ATIH.
396
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale, octobre 2018
, chapitre V Le virage ambulatoire du système de santé : de
nouvelles transformations à engager, en ville comme à l’hôpital, p. 169-202, La
Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
397
À compter de 2017 ont été créées dans la NGAP des cotations particulières pour les
consultations médicales dites complexes et très complexes.
398
Baisse de tarifs des scanners et IRM, création d’un tarif pour les TEP (tomographie
par émission de positions) et TEP/SCAN amortis au-delà de 7 ans, évolution des seuils
d’activité de référence.
399
FTN : Forfait technique scanner ou IRM.
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292
De la même façon, les dépenses d’assurance maladie liées aux ATU,
qui ressortent en forte baisse entre 2015 et 2016, ont été affectées en réalité
par une réduction de leur taux de remboursement
400
. Le montant remboursé
par l’assurance maladie a ainsi baissé, alors même que le nombre de
passages et la dépense globale (tous financeurs confondus) continuaient à
augmenter à un rythme rapide.
Tableau n° 37 :
évolution comparée du nombre de passages
aux urgences et des dépenses liées au forfait ATU (2013-2017)
2013
2014
2015
2016
2017
Var.
annuelle
moyenne
Nombre de passages
facturés (en millions)
11,9
12,4
12,9
13,5
13,6
+3,4 %
Total des dépenses (en M€)
308,1
318,7
333,0
346,5
350,5
+3,3 %
Part des dépenses
remboursées par l’assurance
maladie (en M€)
289,6
299,6
306,1
290,5
294,4
+0,4
%
Source : ATIH (Ovalide).
B -
Une activité globalement déficitaire
pour les établissements et insuffisamment pilotée
1 -
Une activité déséquilibrée sur le plan financier
Le financement des actes et consultations externes repose sur des
classifications dont la Cour a souligné les limites de portée générale
401
:
complexité croissante de la NGAP, difficulté à réviser à la baisse les tarifs
de la CCAM, procédure trop lourde d’actualisation de la classification et
retards significatifs à la prise en compte de l’innovation thérapeutique.
400
Depuis octobre 2015, une participation de 20 % est demandée aux assurés au titre
des forfaits ATU.
401
Cour des comptes,
Rapport public thématique,
L’avenir de l’assurance maladie :
assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs, La Documentation
française, novembre 2017, 287 p., disponible sur www.ccomptes.fr ; Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, octobre 2018
,
chapitre V Le virage ambulatoire du système de santé : de nouvelles transformations à
engager, en ville comme à l’hôpital, p. 169-202, La Documentation française,
disponible sur www.ccomptes.fr.
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293
Ces
classifications
résultent
exclusivement
de
négociations
conventionnelles entre les représentants des professions libérales de santé
et l’assurance maladie, auxquelles les représentants hospitaliers et la
direction générale de l’offre de soins ne sont pas associés. Elles ne tiennent
pas compte des coûts de production des ACE par les hôpitaux publics et
privés non lucratifs. De surcroît, certaines majorations facturables par les
médecins libéraux ne pouvaient, jusqu’à récemment, être facturées par les
établissements ; un arrêté du 28 juin 2019 étend quatre majorations aux
ACE (notamment la majoration pour personne âgée et la majoration du
médecin spécialiste)
402
. À l’inverse, divers forfaits de rémunération
propres à l’hôpital
403
, visant notamment à compléter la valorisation des
ACE, ne s’appliquent pas à la médecine de ville.
L’activité d’ACE est réputée par nature déficitaire pour les
établissements qui la pratiquent, y compris après prise en compte des
forfaits précités. En effet, elle engage des ressources hospitalières,
humaines, médicotechniques ou autres, pour réaliser des actes rémunérés
au même tarif qu’un praticien de ville, voire à un niveau inférieur.
En raison de la faiblesse de leurs outils de comptabilité analytique
et du manque de fiabilité des données recueillies, la plupart des
établissements contrôlés ont éprouvé des difficultés à documenter cet
aspect de l’enquête des juridictions financières.
Les données recueillies tendent cependant à confirmer la perception
commune, d’un écart significatif
404
entre les recettes retirées des ACE et
les charges consacrées à leur réalisation.
De fait, l’enjeu financier propre aux ACE demeure négligé par
certains hôpitaux, avec pour conséquences possibles une sous-facturation
des actes et consultations effectués ou l’insuffisance des actions visant à
optimiser les recettes et les coûts.
402
Soit 50 M€ de dépenses supplémentaires pour l’assurance maladie en année pleine.
403
Il s’agit notamment du forfait d’accueil et de traitement des urgences (ATU) et du
forfait de sécurité et environnement hospitalier (SE), soit 294 M€ et 55 M€ de dépenses
en 2017. Le forfait de sécurité et environnement hospitalier a pour objet de couvrir les
dépenses résultant de soins non suivis d’une hospitalisation, mais nécessitant la mise à
disposition de moyens techniques propres à ce mode de prise en charge.
404
En 2012, la DREES a mis en évidence un effet négatif des consultations externes sur
la marge d’exploitation des hôpitaux publics sur la période 2005-2009 (EVAIN, Franck,
YILMAZ, Engin, Les déterminants de la rentabilité des établissements de santé,
Panorama des établissements de santé
, 2012). Selon la Fédération des établissements
hospitaliers et d'aide à la personne privés non lucratifs (FEHAP), les établissements
privés non lucratifs, même très bien organisés, seraient déficitaires de 40 à 50 % sur les
consultations médicales externes.
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294
Des pistes de réduction des coûts dans l’organisation
des consultations externes hospitalières en Auvergne-Rhône-Alpes
L’analyse comparée effectuée par l’ARS d’Auvergne-Rhône-Alpes
sur 33 établissements de santé, essentiellement publics, souligne les marges
de progrès de certaines organisations hospitalières. Ainsi, l’amplitude des
horaires d’ouverture des salles polyvalentes ou spécialisées dans lesquelles
ont lieu les consultations est réduite : la durée moyenne d’ouverture est de
l’ordre de 12 heures par semaine, soit moins de 3 heures par jour. Le nombre
moyen de consultations réalisées par plage d’une heure varie, toutes
spécialités confondues, de 1,7 à 3,5 selon les établissements. Alors qu’en
moyenne 8 % des rendez-vous sont annulés à la dernière minute dans les
établissements de santé, seules deux équipes sur trois s’efforcent de
compenser ces annulations, en intégrant les urgences, en rappelant les
patients en attente ou en pratiquant du « surbooking ».
Si l’équilibre financier paraît difficilement atteignable en l’état - les
tarifs étant fixés en fonction d’un cadre d’activité non comparable -, il
apparaît néanmoins essentiel que les établissements de santé se dotent
d’outils adéquats d’analyse de leur activité d’ACE et identifient les leviers
à même de leur permettre de s’en approcher.
2 -
Une implication encore limitée des établissements
De la même façon, les enjeux stratégiques et organisationnels des
ACE sont encore souvent négligés.
Les données nationales de synthèse de l’utilisation par les
établissements de santé de l’outil « macrodiagnostic » mis à leur
disposition par l’Agence nationale d’appui à la performance des
établissements de santé (ANAP) font en effet apparaître une faible maturité
de l’organisation des consultations externes par rapport aux autres secteurs
hospitaliers. Le pilotage opérationnel est encore peu formalisé et
médicalisé.
De
bonnes
pratiques
(adoption
d’une
charte
de
fonctionnement, identification d’un médecin coordonnateur ou référent,
mise en œuvre d’un « conseil des consultations ») peuvent être relevées,
mais restent peu répandues
405
. Le secteur des ACE concentre souvent des
personnels en reclassement professionnel, sans stratégie préétablie de
gestion des compétences.
405
De telles instances de pilotage dédiées à l’activité externe ne sont certes pas
obligatoires ; elles traduisent néanmoins une approche plus aboutie de l’activité.
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295
Faute de données, les établissements contrôlés éprouvent des
difficultés à situer leur offre dans le cadre plus général d’une analyse
territoriale,
contrairement
à
celle
d’hospitalisation.
Fréquemment,
l’ouverture de nouvelles consultations avancées
406
par ces établissements
ne comporte pas de justification explicite et ne s’appuie pas sur une analyse
préalable de l’offre de soins disponible.
De manière générale, les ACE sont un enjeu peu pris en compte par
les établissements contrôlés, qu’il s’agisse de la stratégie à déployer, du
suivi de l’activité ou de l’information du public.
Une visibilité réduite des ACE dans les hôpitaux contrôlés
Si tel est parfois le cas (CHU de Dijon et de Lille
407
), le projet
d’établissement ne comporte généralement pas de développements sur les
ACE (CHU de La Réunion, centres hospitaliers de Niort et de la Côte
basque) ou une mention très générale, sans objectif précis (centres
hospitaliers de Calais, de La Ferté-Bernard et de Guise)
408
.
En dehors de quelques exceptions (comme le CHU de Caen),
les outils de suivi de l’activité externe sont limités. Ainsi, quelques
établissements seulement (CHU de Caen et de Lille, centre hospitalier de
Dole) suivent la provenance des patients (adressage par un médecin libéral
ou hospitalier, passage par les urgences ou rendez-vous spontané
409
). En
outre, le nombre de premières consultations n’est généralement pas recensé
alors que cet indicateur est utile pour analyser la dynamique de l’activité.
406
Les « consultations avancées » sont des consultations réalisées par des praticiens
d’un établissement de santé (établissement employeur) dans un autre établissement de
santé.
407
Le projet d’établissement 2018-2022, le schéma directeur ambulatoire et le plan de
retour à l’équilibre énoncent des orientations en matière d’ACE. Néanmoins, aucun
document ne formalise l’ensemble des consultations proposées, leur fréquence, les
moyens qui leur sont affectés ou le détail des actes effectués.
408
Depuis l’automne 2017, le CHU de Caen déploie un plan global d’optimisation de
l’activité d’ACE. Néanmoins, il n’a plus de projet d’établissement depuis 2012, en
contravention avec les articles L. 6143-1 et L. 6143-2 du code de la santé publique.
409
53 % des consultants au CHU de Caen sont adressés par un médecin de ville et près
d’un tiers au CHU de Lille (contre près de 40 % par un praticien du CHU et 15 % par
la propre initiative des patients). Au centre hospitalier de Dôle, 60 % des patients
indiquent en revanche être venus de leur propre chef ; seuls 22 % indiquent avoir été
adressés par un médecin extérieur et 16 % par le service des urgences.
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296
Sauf exception, les établissements ont développé des actions de
communication, pas nécessairement propres aux ACE, en direction des
professionnels libéraux de santé (documentation, réunions, pages internet
dédiées). Parfois, des lignes directes permettent aux médecins de ville de
contacter directement un confrère spécialiste de l’établissement (centres
hospitaliers de la Côte basque
410
, de Dole et de Niort). En revanche,
l’information disponible sur les sites internet des établissements pour les
patients est parfois incomplète ou très générale (CHU de Lille, centres
hospitaliers de La Ferté Bernard et de Moulins-Yzeure) ; les établissements
de Dole et de Saint-Brieuc
411
qui ont mis en place une communication
globale sur les ACE font exception à ce constat.
3 -
Une méconnaissance persistante par le ministère de la santé
Les ACE sont par ailleurs un pan de l’activité hospitalière peu
analysé par le ministère de la santé.
Au niveau national, la place de l’offre hospitalière en consultations
médicales par rapport à l’offre libérale en ville et les motivations des
patients qui s’adressent à l’hôpital (absence d’offre en ville ou d’offre de
secteur 1 sans dépassement tarifaire, proximité du plateau technique, etc.)
ne pas sont étudiées. Si les délais de rendez-vous dans certaines spécialités
tenues pour problématiques
412
sont recueillis dans la statistique annuelle
des établissements de santé (SAE), ces informations restent inexploitées.
L’activité externe des hôpitaux publics et privés non lucratifs n’est
pas soumise en tant que telle à une procédure d’autorisation préalable par
les ARS
413
. Sauf exception, les ARS n’analysent pas l’activité externe des
hôpitaux publics placés sous leur tutelle. Plusieurs projets régionaux de
santé adoptés en 2018 ne mentionnent tout simplement pas - ou bien de
manière anecdotique - les ACE (par exemple, Hauts-de-France, La
Réunion, Nouvelle-Aquitaine et Pays de la Loire).
Par ailleurs, la situation des consultations avancées dans d’autres
établissements de santé et les dépenses afférentes sont très mal connues des
ARS interrogées, voire parfois des établissements eux-mêmes.
410
Le médecin traitant peut ainsi obtenir un avis médical, programmer une consultation
urgente et organiser une hospitalisation rapide sans passage du patient par les urgences.
411
Comportant le recours à un réseau social et des vidéos sur les parcours de soins
(cancer du sein, thorax, chirurgie pédiatrique, maternité).
412
Endocrinologie, neurologie, pédiatrie et ophtalmologie.
413
Ce sont les activités de soins qui font l’objet d’une autorisation de l’ARS, la
consultation externe n’étant qu’une modalité d’exercice de ces activités.
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INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
297
L’amélioration du pilotage de l’activité externe par le ministère de
la santé appelle le rassemblement et l’analyse de données dispersées entre
plusieurs « producteurs » (ATIH, DREES, CNAM), voire la constitution
de bases de données
ad hoc
, qui pourraient ensuite être interrogées par les
ARS et les établissements eux-mêmes.
II -
Au-delà d’indispensables progrès de gestion,
un rôle à mieux définir dans l’offre de soins
Les actes et consultations externes sont une catégorie peu analysée
et suivie de l’activité de soins. Des démarches d’efficience doivent être
engagées ou renforcées afin d’améliorer l’organisation de cette activité
dans les établissements concernés et fiabiliser son financement. Pour
indispensables qu’ils soient, ces progrès de gestion n’épuisent cependant
pas les évolutions ayant vocation à être apportées à l’activité externe des
hôpitaux publics. Alors que le ministère de la santé n’a fixé à ce jour que
très peu d’orientations les concernant, il convient que les ACE soient partie
prenante aux évolutions en cours qui visent à réorganiser les soins
médicaux dans le cadre territorial et à améliorer l’accès aux soins.
A -
Des innovations organisationnelles à diffuser
Des démarches d’amélioration de l’organisation de l’activité externe
ont pu être relevées lors des contrôles d’établissements de santé. Plusieurs
leviers à la disposition des établissements ou des ARS peuvent permettre
d’en étendre la diffusion : les outils d’évaluation conçus par l’ANAP à
l’attention des établissements qui intéressent les consultations externes
414
;
le dialogue de gestion, voire le contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens
- CPOM - conclu par les ARS avec chaque établissement public, qui
devraient prendre en compte plus systématiquement les ACE.
1 -
Les réorganisations spatiales
Selon l’ANAP, il est délicat d’identifier un modèle d’organisation
des activités externes plus performant. Leur regroupement sur un même
site géographique peut présenter des avantages (mutualisation des
ressources, continuité de service grâce à la polyvalence des personnels,
complémentarité des expertises) ;
a contrario
, le maintien d’activités
externes à proximité de l’hospitalisation évite des déplacements aux
médecins et conforte les compétences spécialisées des soignants.
414
Organisation des consultations externes, secrétariats médicaux et chaîne accueil-
facturation-recouvrement.
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COUR DES COMPTES
298
Dans la pratique, la grande majorité des établissements contrôlés
(16 sur 18) a cherché à rationaliser l’organisation spatiale de l’activité
externe par des regroupements partiels ou complets de celle-ci dans des
lieux distincts de ceux consacrés à l’hospitalisation.
Un regroupement physique de l’activité externe souvent engagé
L’organisation spatiale des consultations externes peut être soit
dispersée, soit rassemblée sur un même lieu, soit à mi-chemin de ces deux
organisations. Dans ce dernier cas, le regroupement partiel de l’activité
externe, parfois limité à quelques spécialités, fait perdurer plusieurs
plateaux répartis sur différents étages ou pavillons, par ensemble de
spécialités (CHU de La Réunion et de Lille, centres hospitaliers de Bagnols-
sur-Cèze et de Soissons). À titre d’illustration, au centre hospitalier de
Moulins-Yzeure, malgré le regroupement d’une partie des consultations,
demeurent encore 23 points distincts de consultations de médecine,
chirurgie et obstétrique dans l’établissement.
Le regroupement total de l’ensemble des activités externes sur un
seul site, qui concerne six établissements parmi ceux contrôlés (centres
hospitaliers de Calais, de Compiègne-Noyon pour le site de Noyon, de la
Côte basque, de Guise, de La Ferté-Bernard et de Saint-Brieuc),
s’accompagne le plus souvent de la mise en place d’un secrétariat mutualisé
et d’un secteur d’admission spécifique. L’unité est alors généralement
supervisée par un cadre soignant à temps complet ou partiel.
2 -
L’amélioration du circuit du patient
Dans les établissements contrôlés, le circuit du patient externe
415
est
encore rarement organisé dans l’ensemble de ses aspects. Plusieurs
améliorations ont vocation à lui être apportées.
Ainsi, alors qu’elle se développe en hospitalisation complète ou
ambulatoire, la pratique de la préadmission
416
reste peu répandue ; le
dossier peut toutefois être constitué en ligne au CHU de Caen ou au centre
hospitalier de la Côte basque.
415
Ce circuit comprend une succession d’étapes : accueil administratif, accueil médical,
attente,
consultation,
reprise
de
rendez-vous
ou
programmation
d’examens
complémentaires, paiement, envoi du compte rendu.
416
Il s’agit de la constitution préalable du dossier administratif avant la venue du
patient, qui permet un gain de temps à l’accueil le jour de la consultation.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
299
Par ailleurs, l’analyse comparative effectuée par l’ARS Auvergne-
Rhône-Alpes sur 33 établissements en 2017 a notamment souligné la
difficulté pour les patients et les médecins de ville à joindre les services
hospitaliers : plus de 30 % des points de consultations étaient difficilement
joignables par téléphone et 46 % des appels n’étaient pas décrochés. De
même, les établissements se mobilisaient encore peu, en 2017, pour réduire
la proportion de rendez-vous annulés à la dernière minute : seuls 37 % des
points de consultation en effectuaient le rappel par SMS.
La mise en place de centres d’appels et de plateformes en ligne peut
notablement améliorer la prise de rendez-vous. Ainsi, la prise de
rendez-vous en ligne est pratiquée dans le centre hospitalier de Pontoise et
dans le service de gynécologie-obstétrique des centres hospitaliers de la
Côte basque et de Saint-Brieuc et est par ailleurs envisagée pour certaines
spécialités au CHU de Lille, qui compte 125 numéros d’appel distincts.
Cette solution peut permettre de réduire les délais d’attente pour obtenir un
rendez-vous, le temps de gestion des secrétariats médicaux et le nombre de
rendez-vous non honorés. Au-delà, elle peut contribuer à remettre à plat
l’offre de consultations externes et les tâches de gestion qui s’y rapportent.
Le retour rapide d’information vers le médecin traitant est en outre
crucial. Si le centre hospitalier de Dole a étendu à l’activité externe la
« lettre de liaison » prévue pour l’hospitalisation qui doit être transmise au
médecin traitant le jour de la sortie du patient, cette pratique est encore très
peu répandue.
Enfin, dans un quart des établissements contrôlés, des « circuits
courts »
417
ont été créés dans les services d’urgences hospitalières, dans un
contexte où environ 20 % des patients actuels des urgences hospitalières
devraient être pris en charge par la médecine de ville, et non à l’hôpital
418
.
Comme la Cour l’a recommandé, la généralisation de « circuits courts »
traitant de cas légers, ainsi que de filières d’admission directe dans les
services hospitaliers compétents, sans passage par les urgences, notamment
pour les personnes âgées, permettrait de fluidifier les parcours de soins des
patients et d’améliorer la qualité de leur prise en charge.
417
À l’accueil des urgences, un infirmier reçoit les patients et, lorsque leur état de santé
ne requiert pas de soins urgents, les oriente vers des consultations réalisées par des
généralistes salariés par l’hôpital.
418
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2019
, Tome II, Les urgences
hospitalières : des services toujours trop sollicités, p. 211-239, La Documentation
française, disponible sur www.ccomptes.fr.
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COUR DES COMPTES
300
3 -
L’utilisation de la télémédecine
La Cour avait relevé, en 2017, l’intérêt de la télémédecine pour les
territoires peu peuplés ou éloignés de plateaux techniques spécialisés, mais
aussi le caractère encore embryonnaire de son développement. Afin de
favoriser ce dernier, elle préconisait la mise en œuvre d’une stratégie
globale, qui lève l’ensemble des obstacles techniques, juridiques et
tarifaires à son essor dans un cadre de droit commun, au-delà des
expérimentations locales jusque-là pratiquées
419
.
Depuis lors, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a
fait entrer la téléconsultation et la télé-expertise dans le droit commun
conventionnel, en autorisant l’assurance maladie et les professionnels de
santé à définir les tarifs et modalités de réalisation des actes concernés.
Pour l’application de ces dispositions, l’avenant n° 6 à la convention
médicale de 2016 offre un cadre propice à l’essor de l’activité externe à
distance
420
. Pour sa part, la télésurveillance doit encore donner lieu à des
expérimentations nationales, jusqu’en 2022 au plus tard.
Des solutions de télémédecine ont commencé à être déployées dans
plusieurs des établissements de santé contrôlés.
Un développement de la télémédecine amorcé
dans les établissements contrôlés
La téléconsultation est la modalité la plus répandue, par exemple
pour des consultations à distance des plaies et cicatrisations des patients du
centre hospitalier de Paimpol par celui de Saint-Brieuc, pour des patients
atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive au centre
hospitalier de Moulins-Yzeure, par les médecins urgentistes du SAMU au
CHU de La Réunion ou pour la prise en charge des accidents vasculaires
cérébraux (télé-AVC) au CHU de Lille. Plusieurs établissements envisagent
par ailleurs de développer des téléconsultations avec des établissements
d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). De manière
plus ponctuelle, des modalités de télésurveillance sont mises en œuvre, par
exemple par les centres hospitaliers de Niort et de Saint-Brieuc dans le
domaine de la cardiologie.
419
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale 2017
, chapitre VII La télémédecine : une stratégie cohérente à mettre en œuvre,
p. 297-330, La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
420
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2019
, Tome II, Le suivi des
recommandations de la Cour en 2018, Des exemples de recommandations en cours de
mise en œuvre, La télémédecine, p. 380, La Documentation française, disponible sur
www.ccomptes.fr.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
301
B -
Des modalités de financement à fiabiliser
Les chantiers visant à fiabiliser la facturation des ACE à l’assurance
maladie et le recouvrement des créances qui leur sont liées auprès des
assurances maladie complémentaires et des patients doivent être menés à
terme. Au-delà, la fiabilisation du financement des ACE par l’assurance
maladie est tributaire d’une clarification et d’une meilleure application des
règles de facturation elles-mêmes.
1 -
Une facturation directe à l’assurance maladie désormais
en voie de généralisation pour la seule activité externe
Historiquement, le financement par l’assurance maladie des séjours
et ACE liés à l’activité de MCO des établissements publics et privés non
lucratifs de santé est assuré par la voie de dotations des ARS qui valorisent
les activités déclarées par ces établissements, sans que soient détectées, ni
corrigées d’éventuelles incohérences
421
.
La loi du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie avait prévu le
passage à une facturation directe en 2009, à l’instar des établissements
privés lucratifs et des professionnels libéraux de santé.
Après de multiples retards, la facturation individuelle (FIDES) des
ACE est désormais acquise ou en voie de l’être
422
. Elle doit permettre à
l’assurance maladie et aux établissements de santé concernés d’effectuer
d’importants progrès de gestion au titre de ce segment d’activité.
Les progrès permis par la facturation directe des ACE
Avant la facturation directe des frais de santé dans le cadre de la
FIDES, la vérification par l’assurance maladie de la régularité des sommes
qui lui sont facturées reposait exclusivement sur des contrôles
a posteriori
visant des échantillons restreints d’opérations. En permettant la mise en
œuvre de contrôles automatisés
a priori
, la facturation directe élargit le
périmètre des anomalies susceptibles d’être détectées.
421
Dans le programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI).
422
Début 2019, le déploiement de FIDES ACE était effectif dans tous les
établissements, à l’exception de l’AP-HP et de certains établissements ultramarins.
Toutes les recettes d’ACE ne transitent toutefois pas encore par FIDES ACE : les
activités dites « à forfait », soit environ 1,2 Md€ en 2017, ne seront intégrées qu’au
1
er
mars 2020.
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COUR DES COMPTES
302
Dans les établissements de santé concernés, la mise en œuvre de la
FIDES a par ailleurs permis des progrès sur l’ensemble de la chaîne de
facturation-recouvrement, portant sur le recueil des ACE effectués et le
recouvrement des recettes correspondantes. En particulier, le taux moyen de
rejet (en volume de factures) a diminué progressivement depuis la mise en
place de la FIDES (il s’établissait à l’automne 2018 à 3,5 %
423
), tandis que
le respect par l’assurance maladie des délais de règlement (compte tenu d’un
règlement en moyenne à six jours au regard d’un engagement de règlement
à 12 jours) a des effets positifs sur la trésorerie des établissements.
La FIDES a nécessité un important effort de professionnalisation des
personnels hospitaliers, l’adaptation des outils informatiques et, parfois, des
réorganisations internes du service de facturation. Globalement, dans les
établissements contrôlés, une amélioration de la maîtrise, par les agents et
les éditeurs de logiciels, des règles et du processus de facturation peut être
constatée, malgré des difficultés d’adaptation.
Des marges de progrès subsistent toutefois. Sur une année glissante
(de septembre 2017 à août 2018), les factures des établissements rejetées
atteignaient encore près de 344 M€ au plan national. Ces rejets sont
essentiellement dus au non-respect de la réglementation ou à un défaut
d’actualisation de la situation médico-administrative de l’assuré. À cet
égard, l’actualisation des droits des patients à l’assurance maladie sera
facilitée par l’outil de Consultation des DRoits intégrée (CDRi), encore
déployé dans moins de 200 établissements.
Ainsi, la facturation directe des ACE à l’assurance maladie est de
nature à améliorer l’exhaustivité et l’exactitude des sommes que verse
l’assurance maladie aux établissements publics et privés non lucratifs à ce
titre. Néanmoins, les contrôles automatisés que met en œuvre l’assurance
maladie sur les factures qui lui sont adressées couvrent un périmètre étroit
d’anomalies, qui devrait être étendu
424
. Le principal enjeu financier reste
quant à lui à traiter : la mise en œuvre d’une facturation directe à
l’assurance maladie des séjours hospitaliers, dernièrement
425
différée au
1
er
mars 2022, soit plus de 13 années après l’échéance initialement fixée.
423
Avant le projet FIDES, 15 % à 20 % des factures étaient rejetées sur un périmètre
étroit de facturation directe (rétrocession de médicaments par les pharmacies
hospitalières, soins délivrés aux titulaires de la CMU-C ou de l’AME).
424
Cour des comptes,
Rapport de certification des comptes du régime général de
sécurité sociale, exercice 2017
, p. 25-26, La Documentation française, mai 2018,
132 p., disponible sur www.ccomptes.fr.
425
Par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
303
2 -
Un recouvrement des parts à la charge
des complémentaires santé et des patients encore à fiabiliser
La facturation de la part des assurances maladie complémentaires
(AMC) et le recouvrement de la part restant à la charge des patients
comportent d’autres marges de progrès.
La facturation aux AMC, qui s’appuie essentiellement sur des
échanges papiers, est chronophage pour les équipes hospitalières
(identification de l’organisme couvrant le patient, identification de
l’opérateur qui prend en charge les traitements pour le compte de ce
dernier, difficultés de recouvrement, etc.).
Surtout, selon la direction générale des finances publiques, la part
patient non recouvrée au bout d’un an s’élevait, en 2017, à 550 M€ au titre
des séjours et des ACE (soit 3 % de la facturation hospitalière). Dans la
plupart des établissements contrôlés, l’éloignement des régies des espaces
de consultations est peu propice au paiement de son reste à charge par le
patient qui quitte directement l’établissement après les soins. À cet égard,
les montants encaissés en régie
426
sont réduits par rapport aux sommes
facturées aux patients au titre des ACE (8 % au centre hospitalier de
Compiègne-Noyon, 5,2 % à celui de La Ferté-Bernard, 3,6 % à celui de
Niort, 1,2 % au CHU de Caen, 0,3 % au centre hospitalier de Soissons).
Deux projets portés par le ministère de la santé visent à améliorer le
recouvrement de cette partie des recettes et à simplifier le parcours
administratif du patient. Le projet ROC (Remboursement des Organismes
Complémentaires), en cours d’expérimentation, devrait aboutir à la
dématérialisation complète de la chaîne de facturation-recouvrement et se
traduire par des gains d’efficience analogues à ceux observés au titre de la
FIDES. Quant au projet DIAPASON (Débit Intervenant Après le PArcours
des SOiNs) également expérimenté, il devrait permettre de débiter
automatiquement le reste à charge sur le compte bancaire du patient. Il
convient que ces projets soient menés à terme.
426
La régie est une « caisse » de l’hôpital auprès de laquelle le patient peut procéder au
règlement des frais hospitaliers restant à sa charge.
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COUR DES COMPTES
304
3 -
Des règles de tarification à clarifier et à mieux respecter
Au-delà des modalités techniques de facturation, la fiabilisation des
sommes versées aux établissements de santé au titre des ACE par
l’assurance maladie et, avec des enjeux plus limités, les assurances
maladies complémentaires et les patients, se heurte à une difficulté de
fond : le caractère imparfaitement assuré de la distinction entre les ACE et
les séjours hospitaliers de jour en médecine.
Longtemps différée
427
, la révision par le ministère de la santé de la
« circulaire frontière », qui a pour objet de préciser dans quels cas une prise
en charge de jour doit donner lieu à la facturation de séjours ou d’ACE, a
été engagée en 2019. Dans l’attente, les contrôles sur les séjours de
médecine facturés à l’assurance maladie ont été suspendus. Dans ce
contexte, les hôpitaux utilisent peu le « forfait prestation intermédiaire »,
créé en 2017, pour appliquer à certaines pathologies un niveau
intermédiaire de rémunération entre ACE et séjours hospitaliers.
Une mise en œuvre limitée du forfait prestation intermédiaire
Au 1
er
mars 2017, un forfait prestation intermédiaire (FPI) a été créé
afin
de
financer
pour
certaines
pathologies
des
consultations
pluridisciplinaires ou pluri-professionnelles
428
. En effet, les coûts liés à ces
prises en charge étaient imparfaitement couverts par les tarifs des ACE, ce
qui pouvait inciter les hôpitaux à pratiquer ou à facturer des hospitalisations
de jour ou avec nuitée, plus rémunératrices. En 2018, l’assurance maladie a
remboursé uniquement 5,1 M€ à ce titre ; seuls 23 des 30 CHU ont émis des
factures à ce titre.
En complément de la révision de la circulaire « frontière »,
l’instauration d’un dispositif de rescrit tarifaire sur l’éligibilité ou non de
tel type précis de prise en charge à l’application d’un tarif d’hospitalisation
de jour contribuerait à sécuriser les pratiques de facturation des
établissements et à prévenir des contentieux ultérieurs.
L’objectif d’une sécurisation accrue des pratiques de facturation des
établissements appelle aussi un investissement plus important de leurs
départements de l’information médicale (DIM) dans le codage des ACE,
aujourd’hui en retrait par rapport à celui observable pour les séjours.
427
La circulaire, qui date de 2010, n’a pas été actualisée depuis lors.
428
Il s’agit de prises en charge impliquant la mobilisation coordonnée de plusieurs
professionnels médicaux et paramédicaux ou socio-éducatifs ainsi qu’un temps de
synthèse médicale, sans pour autant nécessiter une hospitalisation, conventionnelle ou
de jour, ni le recours à un plateau technique.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
305
Une implication insuffisante des DIM dans le codage des ACE
En contradiction avec la réglementation, le codage est souvent confié
à des personnels non médicaux, en particulier des assistants médico-
administratifs, par délégation du praticien (centre hospitalier de Soissons)
ou en alternance avec le médecin (CHU de Dijon et centres hospitaliers de
Moulins-Yzeure, Niort et Pontoise).
Pour corriger les défauts du codage initial, les établissements ont
parfois recours à des cabinets spécialisés. En général, leur intervention se
traduit par la récupération de recettes notables (943 k€ entre 2015 et 2016
au CHU de Dijon, 490 k€ entre 2012 et 2017 au centre hospitalier de
Bagnols-sur-Cèze, 103 k€ en 2017 à celui de Saint-Brieuc, 102 k€ en 2016
à celui de Soissons).
Dans les établissements contrôlés, les conditions de rémunération
des prestataires de service qui concourent à optimiser les recettes d’ACE
n’ont pas appelé, en l’espèce, d’observations. Un renforcement des
compétences internes
429
des établissements en matière de codage et de
vérification de l’exhaustivité et de l’exactitude des ACE facturés à
l’assurance maladie apparaît néanmoins nécessaire.
C -
Une place à préciser en fonction des enjeux d’accès
aux soins et d’efficience des organisations hospitalières
En l’absence de prise en compte de cette composante de l’activité
hospitalière dans l’exercice de leurs missions par les ARS, l’offre d’actes
et de consultations externes des établissements de santé publics et privés
non lucratifs procède aujourd’hui pour l’essentiel de considérations
internes aux établissements concernés.
Ces considérations sont souvent motivées par la perception d’une
fonction de « recrutement » de patients par les ACE en vue de futures
hospitalisations dans le même établissement. Cette fonction peut être
observée, sans que sa portée doive être surestimée (voir encadré
infra
).
429
La Cour a récemment souligné les écueils d’un recours mal maîtrisé aux consultants,
qui appauvrit les compétences internes des établissements publics de santé, et
recommandé que ces derniers utilisent en priorité leurs propres ressources ou celles des
GHT, en matière d’expertise et de conseil de gestion (référé du 23 avril 2018 à la
ministre des solidarités et de la santé sur « Le recours aux marchés publics de
consultants par les établissements publics de santé », disponible sur www.ccomptes.fr).
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COUR DES COMPTES
306
Néanmoins, les évolutions à apporter à l’offre d’ACE ne peuvent
être envisagées du seul point de vue individuel des établissements de santé.
Elles doivent également prendre en compte les contributions souhaitables
de l’offre d’ACE à la recomposition territoriale de l’offre de soins
hospitaliers et à l’accès aux soins au niveau des territoires, de manière
complémentaire à la médecine libérale.
Une mesure de l’effet de « recrutement » de patients par les ACE
À la demande de la Cour, l’ATIH a identifié, dans l’ensemble des
séjours chirurgicaux hospitaliers de 2017, ceux qui ont été précédés d’une
consultation dans le même établissement au cours des 12 mois
précédents
430
.
Alors que 16,9 millions de patients ont fréquenté les consultations
externes (hors urgences) en 2016
431
, seuls 3 millions de patients ont eu un
séjour hospitalier précédé d’une consultation dans le même établissement.
L’effet de filière entre consultation externe et hospitalisation ne
concernerait ainsi que 18 % des consultants, sans d’ailleurs que le motif
médical du séjour soit nécessairement identique à celui de la consultation.
Ce recueil de données fait par ailleurs apparaître des mouvements
croisés entre établissements : pour 1,4 million de patients, la consultation a
eu lieu dans un hôpital et le séjour dans un autre établissement de santé, sans
que l’on en connaisse les motifs.
1 -
Intégrer les ACE aux projets médicaux
des groupements hospitaliers de territoire
La loi de modernisation de notre système de santé du
26 janvier 2016 a instauré les groupements hospitaliers de territoire (GHT),
qui mutualisent de manière obligatoire ou facultative une partie des
activités des établissements publics de santé qui leur sont obligatoirement
rattachés. La loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la
transformation du système de santé étend le périmètre de ces
mutualisations à de nouveaux domaines.
430
À l’exclusion des consultations réalisées dans les services d’urgences et des
consultations d’anesthésiste, obligatoires avant une intervention.
431
Il s’agit du nombre de patients distincts ayant été pris en charge au moins une fois
dans un établissement anciennement sous dotation globale de financement (source :
ATIH, « chiffres clés de l’activité externe », novembre 2017).
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
307
Le projet médical partagé des 135 GHT en vigueur doit notamment
comprendre les principes d’organisation, au sein de filières de soins, des
activités
de
consultations
externes,
notamment
de
consultations
avancées
432
.
Réalisées par des praticiens d’un établissement de santé dans un
autre établissement de santé, ces consultations peuvent permettre d’élargir
l’accès aux consultations médicales de spécialité à l’hôpital dans des
territoires périphériques ou isolés et d’opérer une gradation de la prise en
charge en établissement en fonction de la complexité de la situation du
patient et des soins qui lui sont apportés.
Les apports des consultations avancées entre hôpitaux
Les établissements de santé ont développé des consultations
avancées de manière pragmatique, afin d’apporter une expertise médicale
spécialisée dans des établissements qui en sont dépourvus. Ainsi, l’activité
externe du centre hospitalier de Guise, petit établissement de proximité,
repose essentiellement (84 % des vacations médicales) sur l’appui des
praticiens de celui de Saint-Quentin, avec lequel il partage une direction
commune. De même, l’offre diversifiée du centre hospitalier de La Ferté-
Bernard (24 types distincts de consultations) est rendue possible par la mise
à disposition de praticiens par celui du Mans.
La mise en place des GHT s’est parfois accompagnée d’un
renforcement des consultations avancées. Ainsi, le GHT Cantal met en
œuvre des consultations de cardiologie de praticiens du centre hospitalier
d’Aurillac vers ceux de Mauriac, de Murat et de Saint-Flour et, de même,
en chirurgie vasculaire, vers les centres hospitaliers de Saint-Flour et de
Mauriac. Au sein du GHT Navarre-Côte Basque, des praticiens du centre
hospitalier de la Côte basque apportent leur expertise dans un grand nombre
de spécialités
433
au centre hospitalier de Saint-Palais situé à l’intérieur du
Pays Basque, ce qui fait bénéficier en retour le centre hospitalier de la Côte
basque d’hospitalisations sur son site de Bayonne. Au sein du GHT Centre
Franche-Comté, la réorganisation de la filière chirurgicale comporte la mise
en place de consultations avancées au centre hospitalier de Dole par des
praticiens du CHU de Besançon, en vue de développer la chirurgie
ambulatoire sur le site dolois.
432
Article R. 6132-3 du code de la santé publique.
433
Chirurgie du cancer, neurochirurgie, urologie, endocrinologie, gastro-entérologie,
gériatrie, gynécologie, pédiatrie, pneumologie, rhumatologie, maladies vasculaires
.
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COUR DES COMPTES
308
Dans les CHU, qui proposent des consultations de recours très
spécialisées, les flux de coopération dépassent souvent le seul cadre du GHT
dont ils relèvent. Ainsi, une soixantaine de médecins du CHU de Caen se
rendent dans les établissements environnants pour soutenir des équipes en
tension ou assurer le bon fonctionnement de filières de soins par spécialité
qui renforcent en retour son activité de recours. Seules un quart de ces
interventions sont effectuées au sein du GHT. Le CHU de Caen accueille
par ailleurs une cinquantaine de médecins d’autres établissements, pour
l’essentiel membres du même GHT, en vue de satisfaire des besoins non
couverts par ses propres ressources médicales ou de permettre aux praticiens
concernés de renforcer leur formation ou de diversifier leur pratique.
Or, à l’heure actuelle, seule la moitié des projets médicaux partagés
des GHT abordent les activités externes des hôpitaux publics qui en sont
membres. En outre, la mise en place de consultations avancées ne s’appuie
pas nécessairement sur une analyse territorialisée des besoins des patients.
Les projets médicaux partagés des GHT sont une composante de
leurs conventions constitutives soumises à l’approbation des ARS
434
.
À cette occasion, les ARS devraient s’assurer que ces projets médicaux
comportent un volet relatif aux ACE, qui prévoit la mise en œuvre de
consultations avancées - adaptées aux besoins identifiés dans le cadre des
projets régionaux de santé - dans les établissements qui en sont membres,
dans d’autres établissements ou encore dans des structures de ville
435
partenaires (maisons et centres de santé).
2 -
Créer les conditions d’une complémentarité accrue
entre l’hôpital et la ville pour les soins médicaux
Comme la Cour l’a souligné, le report d’activités de l’hôpital vers la
ville dans le cadre du virage ambulatoire du système de santé est freiné par
les obstacles physiques et monétaires à l’accès aux soins et par un défaut
d’organisation de la médecine de ville, notamment pour la prise en charge
des soins non programmés
436
. Le recours injustifié au plan médical aux
actes et consultations externes dans le cadre des urgences hospitalières, qui
434
Article L. 6132-2 du code de la santé publique.
435
Ces consultations sont alors désignées sous le terme de consultations hors les murs.
436
Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité
sociale, octobre 2018
, Chapitre V Le virage ambulatoire du système de santé : de
nouvelles transformations à engager, en ville comme à l’hôpital, p. 169-202,
La Documentation française, disponible sur www.ccomptes.fr.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
309
concerne un passage sur cinq, est l’illustration la plus marquante de
l’inadéquation des prises en charge sanitaires entre la ville et l’hôpital
437
.
Compte tenu des inégalités qui affectent la répartition géographique
de l’offre de soins médicaux en ville, la complémentarité de l’offre
hospitalière en consultations médicales par rapport à celle de ville présente
un enjeu particulier. Lorsque l’offre libérale de ville est insuffisante, sur un
plan quantitatif ou qualitatif, les consultations externes à l’hôpital, qui
représentent, hors urgences, environ 11 % du volume total de consultations
médicales en France, peuvent utilement la compléter.
Des hôpitaux publics qui assurent des soins médicaux de proximité
Dans certains territoires, les établissements de santé suppléent, de
fait, l’insuffisance de l’offre de soins médicaux de ville. Ainsi, le centre
hospitalier de Niort pallie la faiblesse de l’offre libérale en odontologie et
en dermatologie ; sa consultation de pédiatrie vise prioritairement les
enfants qui requièrent un suivi spécifique, tandis que la médecine générale
en ville prend en charge le suivi plus conventionnel. Dans un contexte de
faible densité médicale
438
, le centre hospitalier de Moulins-Yzeure est seul
à proposer des consultations de pédiatrie sur son bassin de population. De
même, celui de Dole est le seul recours de proximité dans plusieurs
disciplines,
comme
la
gynécologie-obstétrique,
l’endocrinologie-
diabétologie, la néphrologie et certaines spécialisations pédiatriques.
Comme il a été indiqué, les consultations « hors les murs » dans des
structures de soins de ville et la télémédecine peuvent permettre d’associer
plus étroitement l’hôpital et la ville au bénéfice des patients.
Au-delà, le plan gouvernemental « Ma santé 2022 »
439
prévoit
d’associer plus étroitement les offres hospitalières et de ville de soins de
proximité, notamment médicaux.
437
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2019
, Tome II, Les urgences
hospitalières : des services toujours trop sollicités, p. 211-239, La Documentation
française, disponible sur www.ccomptes.fr.
438
Dans le département de l’Allier, les densités en médecins généralistes (142 médecins
pour 100 000 habitants) et spécialistes (136) sont très en retrait par rapport aux densités
régionales (158 et 182) et nationales (155 et 185).
439
Ces orientations ont été traduites dans la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2019, la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du
système de santé, ainsi qu’un accord interprofessionnel en faveur du développement de
l'exercice coordonné et du déploiement des communautés professionnelles territoriales
de santé approuvé par un arrêté du 21 août 2019.
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COUR DES COMPTES
310
Trois mesures sont prévues à cet effet : la labellisation d’ici à 2022
de 500 à 600 hôpitaux de proximité
440
accueillant dans des proportions
variables des praticiens hospitaliers et libéraux ; la création de 400 postes
de médecins généralistes à exercice partagé ville/hôpital dans les territoires
prioritaires ; la création d’un millier de communautés professionnelles
territoriales de santé (CPTS) à l’initiative de professionnels de santé,
généralement de ville, qui doivent notamment améliorer l’accès aux soins
non programmés et réduire ainsi le recours aux urgences hospitalières.
À ce jour, la place des ACE dans la mise en œuvre de ces nouvelles
modalités d’association entre professionnels hospitaliers et libéraux et les
implications pour l’offre en ACE d’une structuration accrue de la médecine
de ville dans le cadre des CPTS
441
ne sont pas précisées.
Dans l’exercice de leur nouveau pouvoir d’approbation des projets
territoriaux de santé établis par les CPTS, les ARS devraient s’assurer de
la prise en charge par ces communautés des soins courants non
programmés, ce qui conduirait à alléger le recours aux ACE dans le cadre
des urgences. Un autre enjeu concerne la définition formalisée dans le
cadre de ces projets de filières de prise en charge des patients qui adressent
ces derniers, dans des délais appropriés, des consultations de médecins
généralistes en ville à des consultations de médecins spécialistes en ville
ou à l’hôpital, préalablement ou non à une hospitalisation.
Dans le cadre de leur dialogue de gestion avec les établissements
publics de santé, les ARS devraient par ailleurs encourager le
développement de consultations avancées et « hors les murs » d’ACE dans
les territoires où l’offre libérale de soins médicaux programmés ou non
demeurerait insuffisante. Afin de fonder ces orientations sur des éléments
objectifs, il conviendrait que les ARS apprécient, territoire par territoire, le
degré d’accès aux soins de ville compte tenu des besoins de prise en charge
des patients (qui augmentent avec l’âge), des temps de transport des
patients et du niveau d’activité des médecins de ville, et, en regard de ce
degré d’accès, l’offre hospitalière d’ACE.
440
Qui pratiqueront des activités de médecine polyvalente, de soins aux personnes
âgées, des consultations de spécialités, des consultations non programmées et de soins
de suite et de réadaptation. Ils devront disposer d’un plateau technique de biologie et
d’imagerie, d’équipes mobiles et d’équipements en télémédecine.
441
Instaurées par la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016,
les CPTS regroupent des professionnels de santé d’un même territoire sur une base
volontaire. Elles auront plusieurs missions obligatoires : actions de prévention, garantie
d’accès à un médecin traitant, réalisation de soins non programmés (obtention d’un
rendez-vous dans la journée en cas de nécessité, organisation de l’accès à des
spécialistes dans des délais admissibles) et maintien à
domicile des personnes fragiles.
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LES ACTES ET CONSULTATIONS EXTERNES À L’HÔPITAL : UNE ACTIVITÉ À
INTÉGRER À LA DÉFINITION DE L’OFFRE DE SOINS
311
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
Les actes et consultations externes effectués par les établissements
publics et privés non lucratifs de santé présentent des enjeux financiers
significatifs : 4,2 Md€ de dépenses d’assurance maladie en 2017 ; une
croissance des dépenses beaucoup plus rapide que celle des consultations
comparables de médecine de ville, en dehors même des urgences ; une
activité globalement déséquilibrée au plan financier.
Pour autant, ce pan d’activité est largement méconnu par le
ministère de la santé et par les établissements eux-mêmes, comme en
témoigne l’absence de facteurs explicatifs précis à l’évolution des dépenses
d’ACE, de mesure fiable du solde financier de l’activité externe des
établissements et de prise en compte de cette dernière dans la définition de
la plupart des projets régionaux de santé par les ARS.
D’autres progrès de gestion de l’activité d’actes et de consultations
externes sont nécessaires, avec un soutien accru du ministère de la santé.
Ainsi, les établissements de santé doivent organiser cette activité de
manière plus efficiente afin de mieux en maîtriser les coûts et réduire son
déséquilibre financier. Par ailleurs, le prochain achèvement de la mise en
place d’une facturation directe, longtemps différée, marque un progrès
important pour l’exhaustivité et l’exactitude de la facturation des ACE à
l’assurance maladie. Il doit s’accompagner d’une clarification du champ
des ACE par rapport à celui des séjours hospitaliers de jour.
Au-delà, les actes et consultations externes ne doivent plus rester à
l’écart des orientations stratégiques du ministère de la santé qui visent à
réorganiser l’offre de soins, comme c’est le cas aujourd’hui, mais
contribuer utilement à leur réalisation, qu’il s’agisse de la gradation des
soins hospitaliers dans le cadre des groupements hospitaliers de territoire
ou de l’amélioration de l’accès aux soins dans les territoires
insuffisamment dotés en médecine de ville, notamment de spécialité.
La Cour formule ainsi les recommandations suivantes :
28.
intégrer systématiquement les actes et consultations externes à
l’hôpital à la définition des orientations publiques qui concernent
l’organisation territoriale et l’accès aux soins : projets régionaux de
santé établis par les ARS ; projets médicaux des groupements
hospitaliers de territoire, contrats pluriannuels d’objectifs et de
moyens des hôpitaux publics et projets de santé des communautés
professionnelles territoriales de santé soumis à l’approbation des ARS
(ministère chargé de la santé, ARS) ;
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COUR DES COMPTES
312
29.
compléter la révision de la « circulaire frontière » des actes et
consultations externes et des séjours hospitaliers de jour par un
dispositif de rescrit sur l’application des tarifs des séjours hospitaliers
de jour (ministère chargé de la santé, assurance maladie) ;
30.
accompagner plus efficacement l’exercice de leur activité externe par
les établissements de santé en fiabilisant les données de recettes et de
coûts liées à cette activité et en faisant connaître les pistes de
résorption des écarts de coûts par rapport aux établissements les plus
performants de taille comparable (ministère chargé de la santé, ATIH,
ANAP, ARS).
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