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Chambre plénière
Jugement n° 2018-0026
Audience publique du 6 décembre 2018
Prononcé du 18 décembre 2018
Centre Hospitalier Intercommunal des Vallées
d’Ariège
Poste comptable : Pays de Foix (Ariège)
N° codique : 009007986
Exercice 2015
La République Française
Au nom du peuple français
La Chambre,
VU les comptes rendus en qualité de comptable du centre hospitalier intercommunal des Vallées
d’Ariège
par M.
X…
, du 1
er
janvier 2015 au 31 décembre 2015 ;
VU le réquisitoire n° 2018-0031, pris le 24 septembre 2018 et notifié le 28 septembre 2018, par lequel
le procureur financier près la chambre régionale des comptes a saisi la juridiction de charges
présomptives à
l’encontre dudit comptable au titre d’opérations relatives
à
l’exercice 2015
;
VU les justifications produites au soutien du compte ;
VU
l’article 60 modifié de la loi de finances n
° 63-156 du 23 février 1963 ;
VU le code des juridictions financières ;
VU les lois et règlements applicables aux centres hospitaliers ;
VU le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité
publique ;
VU le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable
publique ;
VU le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du deuxième alinéa du VI de
l'article 60 de la loi de finances de 1963 modifié, dans sa rédaction issue de l'article 90 de la loi
n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 ;
VU le rapport de Mme Vanina DUWOYE, premier conseiller, magistrat
chargé de l’instruction
;
VU les conclusions de M. Denys ECHENE, procureur financier près la chambre ;
VU les pièces du dossier ;
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ENTENDU, lors de l’audi
ence publique du 6 décembre 2018, Mme Vanina DUWOYE, premier
conseiller, en son rapport, et M. Denys ECHENE, en ses conclusions ;
Après avoir délibéré hors la présence du rapporteur et du procureur financier près la chambre M.
X…
,
comptable, et M.
Y…
, ordonnateur,
n’étant ni présents ni représentés à l’audience publique
;
Sur la présomption de charge unique
, soulevée à l’encontre de
M.
X…, au titre de l’exercice
2015 :
1- Sur le réquisitoire
ATTENDU qu
’en application
de
l’article 60 de la loi du 23
février 1963 susvisée, les comptables publics
sont personnellement et pécuniairement responsables du recouvrement des recettes, du paiement
des dépenses, de la garde et de la conservation des fonds et valeurs appartenant ou confiés aux
différentes personnes morales de droit public dotées d'un comptable public, du maniement des fonds
et des mouvements de comptes de disponibilités, de la conservation des pièces justificatives des
opérations et documents de comptabilité ainsi que de la tenue de la comptabilité du poste comptable
qu'ils dirigent ;
ATTENDU que par les dispositions du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 sont précisés, en
ses articles 17 à 20, les compétences exclusives des comptables, les contrôles qui leur sont impartis
et l'étendue de la responsabilité qui en découle ;
ATTENDU que, sur ces fondements et par réquisitoire susvisé du 24 septembre 2018, le procureur
financier près la chambre régionale des comptes a requis la juridiction, au motif que M.
X…
, comptable
du
centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège
(CHIVA) alors en poste, a procédé de sa propre
initiative
, sans accord préalable de l’ordonnateur, à l’annulation d’
un titre ;
ATTENDU que
le centre hospitalier intercommunal du Val d’Ariège a
encaissé en 2008 ce qui apparaît
aujourd’hui
comme étant des dotations sur exercices antérieurs ;
qu’en l’absence de titres de recettes
identifiés auxquels les rattacher, ces recettes, d’un montant de 1
069
247,01 €,
avaient été portées le
25 juin 2008 au compte d
’imputation provisoire 4713
« Recettes perçues avant émission de titres » ;
que cette écriture d’attente n’a
vait pas été régularisée,
ainsi qu’elle aurait dû l’être, par l’émission d’un
titre avant la fin de l’exercice 2008
;
ATTENDU que
c’est
le 27 janvier 2012, au cours de la journée complémentaire 2011,
qu’
un titre de
régularisation n° 117276 a été émis, pour un montant légèrement inférieur (1 069 219,71
€
), afin
d’apurer le compte d’attente p
ar une recette au compte 778 « Autres produits exceptionnels » ;
ATTENDU que par courrier du 23 juillet 2013,
le comptable a demandé à l’ordonnateur
d’annuler
le
titre précité émis en janvier 2012, au motif que des relevés et concordances lui avaient permis
d’identifier les titres de recettes émis en 2008 auxquels
correspondaient en réalité les encaissements
du 25 juin de la même année précités ;
ATTENDU
que l’ordonnateur a refusé par courrier en date du 4 juin 2014 de donner
une suite
favorable
à cette demande d’annulation
présentée par le comptable ; que la demande du comptable
n’aurait
pas été assez justifiée ;
qu’aucune provision n’ayant été constituée
,
l’annulation a
urait
lourdement pesé
sur les résultats d’exploitation d’un établissement à la situation financière fragile
;
ATTENDU que le comptable public, par écriture n° 30706 du 25 mars 2015, a de lui-même annulé le
titre n° 117276 précité
; qu’il a pour ce faire utilisé le compte de virement interne 588, le créditant par
le débit du compte de réserve 106820, ce dernier supportant in fine la charge exceptionnelle résultant
de l’anéantissement du titre
n° 117276, et donc de la recette correspondante ;
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ATTENDU
que l’ensemble des opérations décrites ci
-
avant, à l’exception de celles qui se sont
déroulées en 2008, ont été réalisées durant la gestion de M. X
…
, entré en fonctions le 17 mars 2011 ;
que la comptable qui lui a succédé le 4 janvier 2016, Mme
Z…, a fait connaître à l’instruction qu’elle
avait procédé à l’annulation des écritures de régularisation passées par M.
X…
le 25 mars 2015, sur
lesquelles elle avait de surcroît émis des réserves à son entrée en fonctions ;
que l’instruction M21
alors applicable n’autorisait ni le recours à ce compte de réserves, ni l’utilisation, en regard, du compte
de disponibilités 558 ;
qu’il résulte de l’ensemble de
ce qui précède,
qu’en
effectuant le 25 mars 2015
lesdites opérations de sa propre initiative, M.
X…
a procédé à des écritures comptablement
irrégulières ayant possiblement provoqué un appauvrissement indu du CHIVA entraînant une charge
entrant dans la catégorie des déficits ou manquants en monnaie ou en valeurs ; que la tenue de la
comptabilité du poste comptable
paraît entâchée de désordres du fait également de l’annulation d’un
titre en l’absence d’autorisation préalable donnée par l’ordonnateur
;
ATTENDU que la responsabilité de M.
X…
est donc susceptible d’être engagée, selon le ministère
public, jusqu’à concurrence de 1
069
219,71 €
;
1-
Sur l’existence d’un manquement
du comptable à ses obligations
ATTENDU que le comptable fait valoir dans sa réponse, que dès le caractère non justifié du titre
n° 117276 établi, il a procédé à des demandes régulières, formelles
aussi bien qu’
informelles,
d’annulation dudit titre auprès de l’ordonnateur
; que ces demandes sont restées sans suite ; qu
’
il a
de même
demandé la rectification des comptes par le recours à la procédure de correction d’erreurs
sur exercices antérieurs
; qu’
enfin il a procédé de sa propre initiative à ladite procédure, selon les
modalités retranscrites dans le réquisitoire,
par anticipation d’un accord
formel
de l’ordonnateur
qui
avait manifesté oralement un acquiescement de principe à cette procédure ;
ATTENDU que, dans ses observations, le directeur du CHIVA, ordonnateur,
fait valoir que l’annulation
du titre n° 117276 a été faite sans son accord ;
ATTENDU que, dans ses conclusions, le procureur financier près la chambre
souligne, qu’en premier
lieu
il ressort de l’instruction et des
réponses apportées que le titre n° 117276 du 27 janvier 2012
relatif à 2011 ne recouvre pas une créance réelle, et
qu’il
était de ce fait irrécouvrable dès son
émission
; qu’en second lieu, l’opération d’apurement de ce titre, qui fait l’objet des poursuites, résulte
d’un travail
de vérification conduit par le comptable mis en cause, travail qui seul a permis de
déterminer que le titre en question, de régularisation, avait été émis sans nécessité, les créances en
attente ayant été rattachées à un autre titre, recouvrées et encaissées
; qu’e
n troisième lieu, il convient
d’admettre que la nécessité d’apurer dans les meilleurs délais le titre de 2011
, ne reposant sur aucune
créance réelle, est incontestable en son principe, mais que la procédure et les modalités suivies pour
réaliser cet apurement sont irrégulières ;
que l’
autorisation écrite préalable
de l’ordonnateur
était
indispensable ; que
la validité de l’opération comptable impliquant un prélèvement sur le compte 1068
n’est corroborée par aucune des pièces produit
es ;
que l’instruction M21 alors applicable n’autorisait
ni le recours à ce compte de réserves, ni l’utilisation, en regard, du compte de disponibilités 558
; que
le manquement du comptable pour défaut de tenue des comptes, paraît, dans ces conditions, établi ;
ATTENDU qu
’il ressort de l’ensemble des pièces au dossier,
que
l’émission du titre
n° 117276 était
fondée
sur une erreur matérielle d’appréciation du comptable dans ses diligences de vérification des
encaissements de l’exercice 2008 enregistrés dans le compte 4713
;
qu’une fois l’absence de validité
de ladite créance établie, le comptable a saisi par écrit l’ordonnateur de demandes d’annulation
répétées
; que ces demandes ont été rejetées par l’ordonnateur
;
ATTENDU que l’opération d’apurement est matérialisée par
des écritures réalisées par le comptable
le 25 mars 2015, dont les effets sur les comptes
de l’
établissement sont manifestes au vu de la
balance provisoire des comptes en date du 26 mars 2015 versée au dossier d’instruction
; que
l’absence de certificat administratif dans les éléments justificatifs du comptable confirme l’absence
d’accord de l’ordonnateur à la réalisation d’une telle opération en 2015
; que le comptable reconnaît
lui-
même avoir procédé à l’opération par anticipation d’un accord écrit de l’ordonnateur
; que cet
accord aurait été acquis, mais informellement ; que toutefois seule la for
malisation d’un accord dans
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un certificat administratif dûment signé de l’ordonnateur aurait permis
au comptable public de se
prévaloir de l’approbation de ce dernier
; qu
e l’opération d’apurement précitée est
par ailleurs
comptablement irrégulière du fait
de l’utilisation d’un compte financier 588 alors que les corrections
d’erreurs commises au cours d’exercice antérieurs ne doivent utiliser que des comptes de classe 1,
2, 3 ou 4 ; que ces écritures se traduisent par un appauvrissement du CHIVA ;
ATTENDU que, dès lors,
l’opération susvisée constitue un défaut de tenue des comptes prévu à
l’article 60
-I de la loi du 23 février 1963,
susceptible d’engager la responsabilité personnelle et
pécuniaire du comptable ; que par conséquent que le comptable a ainsi commis un manquement
susceptible d’engager sa responsabilité personnelle et pécuniaire
;
2-
Sur l’existence d’un préjudice financier du fait du manquement du comptable
ATTENDU que le comptable fait valoir qu
’il n’y a pas eu de préjudice financier pour l’établissement
,
par le caractère injustifi
é du titre initial annulé, et du fait que la collectivité n’a pas perdu de recette
puisque la régularisation opérée par lui a été annulée, et que la créance a ensuite été affectée sur un
autre titre que celui de 2011 ;
ATTENDU que, dans ses observations, le directeur du CHIVA, ordonnateur, indique
qu’une solution
visant à l’
apurement du titre en question a été depuis lors élaborée, en coordination technique avec
les services de la trésorerie ;
qu’
il considère que
l’établissement n’a pas subi de préjudice financier
;
que,
bien qu’historiquement non justifiée
en dépit des demandes répétées du comptable
, l’annulation
unilatérale du titre n° 117276 par ce dernier
illustre l’
obligation de fiabilisation des comptes de
l’
établissement ; que cette annulation est programmée
pour la clôture des comptes de l’exercice 2018,
et va
être réalisée dans le cadre d’une procédure de correction d’erreur commise sur exercice
s
antérieurs
; que du fait de son caractère nécessaire, l’opéra
tion réalisée par le comptable ne peut être
considérée comme ayant
causé un préjudice financier à l’établissement
;
ATTENDU que,
selon une jurisprudence constante, le fait que le comptable ou l’ordonnateur estiment
qu’un préjudice financier n’a pas été causé à la collectivité publique n’est pas opposable au juge des
comptes dans son examen de l’existence éventuelle d’un tel préjudi
ce ;
ATTENDU que l’opération de régularisation du titre
n° 117276 du 27 janvier 2012, entreprise en 2015
par M.
X…
, a conduit à mouvementer un compte de réserves et un autre de disponibilités, conduisant
à l’apparence d’un appauvrissement indu
; que, toutefois, cet appauvrissement apparent ne faisait
que compenser une recette elle-même indûment comptabilisée au préalable dans les comptes du
CHIVA,
sur la base d’un titre mat
érialisant une créance invalide ;
que l’enrichissement initial de
l’établissement étant fictif, il en va de même pour l’appauvrissement qui le contrepassait
; que cette
opération de régularisation irrégulière a en outre été annulée en tous ses effets, en mai 2016 par la
comptable actuellement en poste, qui a succédé à M.
X…
, laquelle avait, au préalable, émis des
réserves recevables à ce sujet ;
ATTENDU, par conséquent, que le manquement du comptable
n’a pas
causé un préjudice financier,
au sens des dispositions du troisième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23 février
susvisée, au centre hospitalier intercommunal
des vallées de l’Ariège
;
3-
Sur la mise en œuvre de la responsabilité du comptable
ATTENDU
qu’aux termes du
deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la loi du 23
février
1963 susvisée : «
lorsque le manquement du comptable […] n’a pas causé de préjudice financier à
l’organisme public concerné, le juge des comptes peut l’obliger à s’acquitter d’une
somme arrêtée,
pour chaque exercice, en tenant compte des circonstances de l’espèce
» ;
ATTENDU que le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 susvisé, fixe le montant maximal de
cette somme à un millième et demi du montant du cautionnement prévu pour le poste comptable ;
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que ce dernier montant s’établit, au moment de la commission des faits, à
177
000 € (cent soixante
dix-sept milles euros) pour le poste comptable du pays de Foix, dont relève le CHIVA ;
ATTENDU
qu’il y a lieu d’arrêter le montant de la
somme non rémissible laissée à la charge du
comptable à 265,50
€ (deux
-cent-soixante-cinq euros et cinquante centimes) ;
Par ces motifs,
DÉCIDE :
Article 1
er
: Sur la présomption de charge unique, au
titre de l’exercice
2015 :
M.
X…
devra s’acquitter d’une somme de
deux-cent-soixante-cinq euros et cinquante centimes
(265,50
€), en application du deuxième alinéa du paragraphe VI de l’article 60 de la lo
i n° 63-156 du
23 février 1963.
Article final : La décharge de M.
X…
ne pourra êtr
e donnée qu’après apurement
de la somme à
acquitter, fixée ci-dessus.
Délibéré le 6 décembre 2018 par M. André PEZZIARDI, président de la chambre, président de
séance, M. Dominique JOUBERT, président de section, réviseur, Mme Isabelle HOUVENAGHEL,
première conseillère, Mme Marjorie MERLIAUD-HUBERT, première conseillère, M. Jérôme HENRI-
ROUSSEAU, premier conseiller.
En présence de M. Richard GINESTE, greffier de séance.
Richard GINESTE
greffier de séance
André PEZZIARDI
président de séance
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de justice, sur ce requis,
de mettre les dispositions dudit jugement à exécution, aux procureurs généraux et aux procureurs de
la République près les tribunaux de grande instance
d’y tenir la main, à tous commandants et officiers
de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la chambre régionale des comptes Occitanie,
et délivré par moi, secrétaire générale,
Brigitte VIOLETTE
En application des articles R. 242-19 à R. 242-21 du code des juridictions financières, les jugements
prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés d’appel devant la Cour des
comptes dans un délai de deux mois à compter de leur notification, et ce selon les modalités prévues aux
articles R. 242-22 à R. 242-24 du même code.
Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées
à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et ce dans les
conditions prévues à l’article
R. 242-29 du même code.