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REPUBLIQUE FRANÇAISE
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AGENCE DEPARTEMENTALE D’INSERTION
DE LA GUADELOUPE
Exercices 2008 à 2011
POSTE COMPTABLE
:
Paierie départementale
Jugement n° 2016-0013
Séance plénière et publique du 8 décembre 2016
Prononcé le 22 décembre 2016
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS,
LA CHAMBRE REGIONALE DES COMPTES DE LA GUADELOUPE,
Vu
le code des juridictions financières ;
Vu
le code général des collectivités territoriales ;
Vu
l’article 60 de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 modifiée portant loi de finances
pour 1963 notamment par l’article 90 de la loi de finances rectificative n° 2011-
1978 du 28 décembre 2011 ;
Vu
le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique, alors applicable ;
Vu
le décret n° 2012-1386 du 10 décembre 2012 portant application du VI de
l’article 60 de la loi de finances pour 1963 modifiée ;
Vu
les comptes rendus en qualité de comptable de l’Agence départementale
d’insertion de la Guadeloupe (ADI) par M. X, du 1
er
janvier 2008 au 31 mars 2009
et M. Y, du 1
er
avril 2009 au 31 décembre 2011 ;
Vu
le réquisitoire n° 2015-15-CJU-0450 du 14 décembre 2015 de M. Fabrice
LANDAIS, procureur financier, saisissant la chambre à fin d’instruction sur des
faits susceptibles d’engager la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X
et Y ;
Vu
la décision n° 11/2015, du 21 décembre 2015, du président de la chambre
attribuant à Mme Laurence MOUYSSET, présidente de section, rapporteur,
l’instruction du jugement des comptes de l’ADI ;
2
Vu
la notification de ce réquisitoire et de cette décision le 22 décembre 2015, par
lettre, à MM. X et Y (accusé de réception du 24 décembre 2015), et à
Mme BOREL-LINCERTAIN, présidente du conseil départemental en fonction
(accusé de réception du 24
er
décembre 2015) ;
VU
le réquisitoire rectificatif n° 2016-02-CJU-050 du 16 mars 2016 notifiés aux
parties le 4 avril 2016 visant à corriger le montant de la charge n° 6 ;
Vu
la notification de cette décision, par lettres du 27 septembre 2016 à MM. X et Y
(accusés de réception du 28 septembre 2016) et à l’ordonnateur (accusés de
réception du 28 septembre 2016) ;
Vu
les lettres en date du 13 janvier 2016, invitant les parties à faire part de leurs
observations et à produire toutes les pièces utiles complémentaires ;
Vu
la lettre en date du 13 janvier 2016, invitant la direction régionale des finances
publiques de la Guadeloupe à communiquer le montant des garanties
constituées par les comptables sur la période en jugement ;
Vu
les réponses des comptables et de l’ordonnateur ;
Vu
la réponse de la direction régionale des finances publiques de la Guadeloupe,
enregistrée au greffe de la chambre le 26 février 2016 ;
Vu
la
notification
de
la
date
de
la
séance
publique
par
courrier,
le
17 novembre 2016, à M. X (accusé de réception du 18 novembre 2016), M. Y
(accusé de réception du 18 novembre 2016), et à l’ordonnateur (accusé de
réception du 21 novembre 2016) ;
Vu
l’ensemble des pièces du dossier ;
Vu
les conclusions n°2016-149-CJU-058 du procureur financier en date du
17 novembre 2016 ;
Après avoir entendu, lors de l’audience publique, M. Serge MOGUÉROU, en son
rapport, et M. Fabrice LANDAIS, procureur financier, en ses observations ;
Les parties n’étant ni présentes, ni représentées ;
ORDONNE CE QUI SUIT :
Sur les soldes débiteurs des comptes 40 et 43 (première et deuxième charges)
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis la chambre de se
prononcer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y au motif que les
comptes 40 «
Fournisseurs et comptes rattachés
» et 43 «
Sécurité sociale et autres
organismes sociaux
» présentaient des soldes anormalement débiteurs et constitutifs
de manquants en caisse, au 31 décembre 2011, comme aux tableaux ci-après :
3
Tableau n°1 : Soldes débiteurs du compte 40 au 31 décembre 2011
Compte
Solde au 31/12/2010
Solde au 31/12/2011
Libellé
Débit
Crédit
Débit
Crédit
c/ 40111 Fournisseurs ADI exercice précédent
-
10 045,37 €
3 194,83 €
-
c/ 40112 Fournisseurs PDI exercice précédent
-
5 688,53 €
13 238,84 €
-
c/ 40121 Fournisseurs ADI exercice courant
-
170 788,83 €
4 296,11 €
-
Total
-
186 522,73 €
20 729,78 €
-
Tableau n°2 - Soldes débiteurs du compte 43 au 31 décembre 2011
Compte
Solde au 31/12/2010
Solde au 31/12/2011
Libellé
Débit
Crédit
Débit
Crédit
c/ 437812 CNRACL exercice courant
-
574,80 €
739,04 €
-
c/ 43782
Autres organismes sociaux
-
53 824,43 €
4 324,84 €
-
Total
-
54 399,23 €
5 063,88 €
-
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
que la responsabilité personnelle et pécuniaire d’un comptable public n’est
pas systématiquement engagée, en matière de comptes de classe 4, du simple fait de
l’existence de soldes
anormalement débiteurs ; qu’il n’en va ainsi que si le comptable
est incapable de justifier ces soldes qui, faute de pouvoir être régularisés, sont alors
assimilés à des manquants en deniers ;
Attendu
qu’au 31 décembre 2011, le compte 401 «
Fournisseurs ADI, exercices
précédent et courant
» présente un solde débiteur anormal et injustifié de 20 729,78 € ;
que le compte 437 «
Autres organismes sociaux
» présente un solde débiteur anormal
et injustifié de 5 063,88 € ; que, lors de la remise de service, ces soldes injustifiés ont
fait l’objet de réserves précises et motivées de la part du successeur de M. Y, lors de la
reprise de la comptabilité de l’organisme dans les comptes du département de la
Guadeloupe au 1
er
janvier 2012 ;
Attendu
que ces soldes anormalement débiteurs de comptes de charges
correspondent à leur utilisation comme comptes de produits ; que ces soldes débiteurs
correspondent à des créances à recouvrer non justifiées ; qu’aucun titre ou pièces
justificatives permettant l’identification des opérations en cause n’a pu être produit par
le comptable ; qu’il y a donc lieu d’engager la responsabilité de M. Y au titre du défaut
de recouvrement de ces créances, en vertu de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Attendu
qu’il en irait autrement si le comptable pouvait exciper de la force majeure,
l’article 60-V de la loi n° 63-156 indiquant que «
lorsque […] le juge des comptes
constate l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas
en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
Attendu
que des circonstances ne sont constitutives de la force majeure qu’à la
condition que les trois critères de circonstance extérieure à la personne du comptable,
d’irrésistibilité et d’imprévisibilité soient réunis ;
4
Attendu
qu’au cours de la procédure contradictoire, M. Y a évoqué des éléments de
contexte liés à l’organisation interne du poste ; que ces éléments ne sont pas
constitutifs de la force majeure ; qu’elles constituent des éléments à présenter à l'appui
d'une demande de remise gracieuse, le cas échéant ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
que ni le comptable, ni l’ordonnateur ne conteste l’existence d’un préjudice
financier ; que, lorsque l’instance est ouverte devant le juge des comptes, le constat de
l’existence ou non d’un préjudice financier relève de l’appréciation de ce juge ; que,
dans le cas présent, ces soldes débiteurs, faute d’avoir pu être justifiés par M. Y,
constituent des manquants dans la caisse de l’ADI au sens des dispositions précitées
de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; que leur non recouvrement a causé un
préjudice financier à l’ADI ;
Attendu
que le lien de causalité entre le manquement reproché à M. Y et le préjudice
financier causé à la collectivité est établi du seul fait d’un manquement du comptable à
ses obligations ;
Attendu
que l’article 60-VI de la loi n°63-156 précise que si le manquement du
comptable a causé un préjudice financier à l’organisme concerné, «
le comptable a
l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante »
;
Attendu
, qu’il y a lieu, en conséquence, de faire application des dispositions du VI du
3
e
alinéa de l’article 60-VI de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 et de prononcer un
débet pour un montant égal au préjudice subi par la collectivité au titre des charges 1
et n°2, soit 25 793,66 €, à l’encontre de M. Y ; que ces sommes porteront intérêts à
compter de la date de notification au comptable du réquisitoire du procureur financier,
soit le 24 décembre 2015 ;
Sur les écarts constatés entre les états de développement et la balance du
compte de gestion (troisième et quatrième charges)
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a relevé, qu’au
31 décembre 2011, que les comptes 44
« État et autres collectivités publiques »
et 46
« Débiteurs divers et créditeurs divers »
présentaient des soldes débiteurs non
intégralement justifiés par les états de développement de soldes produits à l’appui, ni
par aucune autre pièce jointe aux comptes comme aux tableaux ci-après :
Tableau n°3 - Soldes débiteurs du compte 44 au 31 décembre 2011
Libellé
Balance
Etat de solde
Ecart
c/ 441731
Subventions communes,
associations, autres
2 126 695,64 €
2 107 111,27 €
-19 584,37 €
c/ 44353
Aide Etat versée au CNASEA
emplois jeunes
1 026 030,73 €
922 765,49 €
-103 265,24 €
Total
3 152 726,37 €
3 029 876,76 €
-122 849,61 €
5
Tableau n°4 - Soldes débiteurs du compte 46 au 31 décembre 2011
Libellé
Balance
Etat de solde
Ecart
c/ 4631
Comptes débiteurs
exercice courant
867 166,13 €
847 134,47 €
-20 031,66 €
c/ 4632
Comptes débiteurs
exercices antérieurs
5 890,06 €
global 463
-5 890,06 €
Total compte 463
873 056,19 €
847 134,47 €
-25 921,72 €
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
que les états de développement de soldes ne permettent pas de reconstituer
les soldes de ces comptes figurant à la balance du compte de gestion de 2011 ; que
ces soldes ont fait l’objet de réserves du successeur de M. Y, au moment de la reprise
de la comptabilité de l’ADI dans les comptes du Département au 1
er
janvier 2012 ;
Attendu
qu’il appartient aux comptables de conserver les pièces justificatives de leur
comptabilité et de les produire au juge des comptes ; que le comptable n’a pas apporté
d’information ou d’explication permettant de reconstituer les écarts constatés ; que
l’inscription ou le maintien de ces sommes au débit desdits comptes à l’actif du bilan,
manifeste la reconnaissance d’une créance au profit de l’ADI ; que l’absence de pièce
justifiant ces soldes, notamment par le détail des créances correspondantes, doit
conduire à regarder les montants en cause comme constitutifs de manquants au sens
des dispositions précitées de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ; que le défaut de
justification du solde constitue un manquement de M. Y à ses obligations de
conservation des pièces justificatives et des documents de comptabilité prévues par
les décrets des 29 décembre 1962 ;
Attendu
que, par ce manquement, le comptable a engagé sa responsabilité
personnelle et pécuniaire en vertu de l’article 60 de la loi du 23 février 1963, sans que
des circonstances constitutives de la force majeure qui permettraient de l’en dégager
soient établies ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
qu’en matière de créances sur les tiers, les comptables doivent être en
mesure de représenter à chaque instant la situation intégrale, détaillée et nominative
des débiteurs ; qu’à défaut, une différence en moins entre le total des créances
identifiées restant à recouvrer et le solde du compte correspondant au bilan constitue
un manquant dans la caisse au sens de la loi du 23 février 1963 ; que ce manquant
dans les écritures d’un comptable est constitutif d’un préjudice financier ;
Attendu
que le lien de causalité entre le manquement reproché à M. Y et le préjudice
financier causé à la collectivité est établi du seul fait d’un manquement du comptable à
ses obligations ;
Attendu
que l’article 60-VI de la loi n°63-156 précise que, si le manquement du
comptable a causé un préjudice financier à l’organisme concerné,
« le comptable a
l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante »
;
6
Attendu
, en conséquence, qu’il y a lieu de prononcer un débet pour un montant égal
au préjudice subi par la collectivité au titre des charges n°3 et n°4, soit 148 771,33 € à
l’encontre de M. Y ; que ces sommes porteront intérêts à compter de la date de
notification
au
comptable
du
réquisitoire
du
procureur
financier,
soit
le
24 décembre 2015 ;
Sur le solde débiteur du compte 467 (cinquième charge)
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis la chambre de se
prononcer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Y au motif que le
solde débiteur du compte 467
« Autres comptes débiteurs ou créditeurs »
, au
31 décembre 2011, d’un montant de 9 429 145,13 €, était susceptible de constituer un
manquant dans la caisse de l’ADI au sens de la loi du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
qu’au 31 décembre 2011, le compte 467 présentait un solde débiteur de
9 429 145,13 € ; que, suite à l’intégration des écritures de l’ADI dans la comptabilité du
Département au 1
er
janvier 2012, le payeur départemental a formulé des réserves sur
ce compte en ces termes
« Le compte de tiers « Autres comptes débiteurs » présente
un solde débiteur de 9 429 145,13 € qui est injustifié car l’état de développement de
solde produit par l’agent comptable lors de la remise de service ne permet pas de
déterminer les opérations litigieuses en cause, selon le PV de remise de service et la
lettre du 17 juillet 2012 du DRFIP au président du conseil général, et semble indiquer
la passation d’une écriture comptable erronée relative à la souscription de placements
financiers par l’ADI »
;
Attendu
que, dans sa réponse, M. X précise que ce solde correspond à des
placements de trésorerie d’une durée de six mois, réalisés par le service financier de
l’ADI ; que son successeur n’aurait pas saisi les opérations comptables obligatoires à
l’apurement de ce compte ; que dans sa réponse, le comptable décrit le mécanisme de
comptabilisation des placements de trésorerie mais ne justifie pas le solde constaté à
la clôture de l’exercice 2011 ;
Attendu
que M. Y indique que ce solde résulterait
« d’une écriture passée en 2005 par
son prédécesseur et qu’elle serait liée à une opération de souscription d’un placement
financier avec une augmentation fictive du compte 110 »
;
Attendu
que le compte 110
«
Report
à nouveau (solde créditeur)
» enregistre les
excédents antérieurs à incorporer dans la section de fonctionnement du budget ; que
l’écriture erronée à laquelle il est fait référence (débit compte 467/crédit compte 110) a
majoré artificiellement le compte 110 ; qu’un éventuel débet viendrait majorer à
nouveau ses excédents ;
Attendu
que les éléments recueillis en cours d’instruction ne permettent pas de
reconstituer avec certitude l’apparition du solde en cause ; que le solde débiteur n’a
pour contrepartie aucun compte de caisse et n’a donné lieu à aucune extraction des
deniers de l’établissement ;
7
Attendu
que, dans ces conditions, il ne peut être reproché aux comptables
successivement en responsabilité à l’ADI un défaut de diligences ayant définitivement
compromis le recouvrement de créances ; qu’en conséquence, la responsabilité
personnelle et pécuniaire de MM. X et Y ne peut être recherchée et mise en jeu sur le
fondement des dispositions de l’article 60 modifié de la loi du 23 février 1963, à raison
de la cinquième présomption de charge retenue par le réquisitoire introductif
d’instance ;
Sur les restes à recouvrer au 31 décembre 2011 – Compte 46721 (sixième
charge)
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis la chambre de se
prononcer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de MM. X et Y, au motif que
les comptables successifs n’auraient pas effectué les diligences adéquates, complètes
et rapides pour le recouvrement des titres de recettes figurant au tableau ci-après :
Tableau n°5 – Restes à recouvrer au 31 décembre 2011
titre
Année de prise
en charge
Débiteur
Restes à
recouvrer
Diligences
T-882008335
2004
7 580
,6
6
Relance 07/09/11
,
Mise en demeure du 1
5/
03/13
T-88200
831
0
2005
6
947,47 €
Relance 07/09/11
,
Mise en demeure du 1
5/03/13
T
-
882005233
2005
9
816,07
Relance 25/10/11
,
Mise ne demeure du
15/03/
13
T-882006172
2006
16 027
,
85
Relan
ce
07/11/11
,
Mise en demeure 04/02/13
Total
40 372,05 €
Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
qu’en vertu de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales,
l'action en recouvrement des comptables publics se prescrit par quatre ans à compter
de la prise en charge du titre de recettes ; que ce délai de quatre ans est interrompu
par tous actes comportant reconnaissance de la part des débiteurs et par tous actes
interruptifs de la prescription ;
Attendu
que les comptables sont d’accomplir les diligences nécessaires, c’est-à-dire
adéquates, complètes et rapides en vue du recouvrement des titres qu’ils ont pris en
charge ;
Attendu
que le titre de recette n°T-882008335 a été pris en charge par le comptable
en 2004 ; qu’à défaut de la date précise attestée, ce titre est réputé avoir été pris en
charge le 31 décembre 2004 ; que l’action en recouvrement était prescrite au plus tard
le 31 décembre 2008, alors que M. X était encore en fonction ;
Attendu
que le comptable n’a produit aucun document démontrant que l’action en
recouvrement de ce titre aurait été interrompue à quelque moment que ce soit et par
quelque modalité que ce soit ; qu’en tout état de cause, les diligences indiquées sont
intervenues alors que l’action en recouvrement de ce titre de recette était déjà éteinte ;
qu’à défaut de justification, les arguments du comptable quant à l’absence de réserve
de son successeur sont irrecevables ;
8
Attendu,
ainsi, que le recouvrement de ce titre de recette s’est trouvé définitivement
compromis sous la gestion de M. X qui a donc engagé sa responsabilité en application
de l’article 11 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 qui charge les comptables
publics «
du recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les
ordonnateurs
» et de l’article 60-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 qui dispose que
la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables «
se trouve engagée dès
lors
[…]
qu’une recette n'a pas été recouvrée
» ;
Attendu
qu’il en irait autrement si le comptable pouvait exciper de la force majeure,
l’article 60-V de la loi n° 63-156 indiquant que «
lorsque
[…]
le juge des comptes
constate l’existence de circonstances constitutives de la force majeure, il ne met pas
en jeu la responsabilité personnelle et pécuniaire du comptable public
» ;
Attendu
que des circonstances ne sont constitutives de la force majeure qu’à la
condition que les trois critères de circonstance extérieure à la personne du comptable,
d’irrésistibilité et d’imprévisibilité soient réunis ;
Attendu
que M. X, dans sa réponse du 12 février 2016, écrit : « la force majeure peut
être invoquée pour ma gestion suite aux évènements de début d’année 2009 : les
locaux de l’ADI étant fermés durant une longue période, de janvier à mars 2009 (à
cela, s’ajoute le solde de mes congés annuels), je n’ai pu arrêter le compte financier de
la gestion 2008 » ;
Attendu
que, seul, le critère de l’extériorité peut être concédé au comptable ; qu’ainsi
les circonstances invoquées ne sont pas constitutives de la force majeure ; qu’elles
constituent des éléments à présenter à l'appui d'une demande de remise gracieuse, le
cas échéant ;
Attendu
qu’en
ce
qui
concerne
les
titres
T-882008310,
T-882005233
et
T-8820066172,
l’action
en
recouvrement
est
intervenue
au
plus
tard
le
31 décembre 2009 pour les deux premiers et le 31 décembre 2010 pour le troisième,
soit, sous la gestion de M. Y qui a pris ses fonctions le 1
er
avril 2009 ;
Attendu
qu’à l’instar de son prédécesseur, M. Y n’a transmis aucun document
permettant d’apprécier la matérialité des diligences accomplies en vue du
recouvrement de ces trois titres de recette ; que le comptable bénéficiait encore de
plusieurs mois pour interrompre l’action en recouvrement ; que les diligences
mentionnées sont intervenues alors que l’action en recouvrement de ces trois titres
étaient éteintes entre le 31 décembre 2009 et le 31 décembre 2010, sous la gestion de
M. Y ;
Attendu
que M. Y a engagé sa responsabilité en application de l’article 11 du décret
n° 62-1587
du
29 décembre 1962
qui
charge
les
comptables
publics
« du
recouvrement des ordres de recettes qui leur sont remis par les ordonnateurs
» et de
l’article 60-I de la loi n° 63-156 du 23 février 1963 qui dispose que la responsabilité
personnelle et pécuniaire des comptables «
se trouve engagée dès lors
[…]
qu’une
recette n'a pas été recouvrée »
;
Attendu
que les éléments invoqués par le comptable ne constituent pas des
circonstances de force majeure ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
que, selon l’ordonnateur, le manquement des comptables
« a directement
causé un préjudice financier au Département »
;
9
Attendu
que M. X indique que « les manquements reprochés sont d’ordre comptable
et non financiers (hormis le non-recouvrement des titres de recettes et ordres de
reversement dans les délais impartis) » ;
Attendu
que l’insuffisance des diligences et le non-recouvrement des créances
causent un préjudice financier à l’organisme public concerné, sauf si l’insolvabilité du
débiteur se révèle antérieure à la prise en charge du titre de recette ;
Attendu
qu’en l’espèce, l’insolvabilité des débiteurs antérieure à la prise en charge des
titres de recettes visés par le réquisitoire n’est pas établie ; que leur non-recouvrement
a donc causé un préjudice financier à la collectivité ;
Attendu
que le lien de causalité entre les manquements reprochés à MM. X et Y et le
préjudice financier causé à la collectivité est établi par le simple fait que, faute de
diligences adéquates, complètes et rapides, les comptables ont compromis les
chances de la collectivité de recouvrer ses créances ;
Attendu
que l’article 60-VI alinéa 3 de la loi n° 63-156 dispose que
« lorsque le
manquement du comptable
[…]
a causé un préjudice financier à l’organisme public
concerné
[…],
le comptable a l’obligation de verser immédiatement de ses deniers
personnels la somme correspondante »
;
Attendu
qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. X débiteur du Département de la somme
de 7 580,66 € ;
Attendu
qu’ainsi, il y a lieu de constituer M. Y débiteur envers le Département de la
somme 32 791,39 € ;
Attendu
que, dans le réquisitoire initial, le périmètre de la sixième charge ressortait à
33 424,58 € au lieu de 40 372,05 € ; qu’un réquisitoire rectificatif a été notifié à
l’ensemble des parties le 4 avril 2016 pour corriger cette erreur matérielle ; que, dès
lors, les sommes au titre de cette charge porteront intérêts à compter de la date de
notification aux comptables du réquisitoire initial du procureur financier, soit le
24 décembre 2015 ;
Sur le solde débiteur du compte 4728 (septième charge)
Attendu
que, par réquisitoire susvisé, le ministère public a requis la chambre de se
prononcer sur la responsabilité personnelle et pécuniaire de M. Y au motif que le
compte 4728 «
Autres dépenses à régulariser
»
présentait un solde débiteur non
justifié de 69 068,85 €, constitutif de manquants en caisse au 31 décembre 2011,
comme au tableau ci-après :
Tableau n°6 – Solde débiteur du compte 4728 au 31 décembre 2011
Compte
Solde au 31/12/2010
Solde au 31/12/2011
Libellé
Débit
Crédit
Débit
Crédit
c/ 4728
Avances CNASEA
495 198,05 €
69 068,85 €
Total
495 198,05 €
69 068,85 €
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Sur l’existence d’un manquement du comptable
Attendu
que, selon les articles 12 et 13 du décret du 29 décembre 1962 portant
règlement général sur la comptabilité publique, il incombe aux comptables, notamment
en matière de dépenses, d’exercer
«
[…]
le contrôle
[…]
de la validité de la créance »
qui porte, entre autres, sur la production des justifications ;
Attendu
que le compte 472 «
Dépenses à classer ou à régulariser
»
enregistre les
opérations réglées sans mandatement préalable ou qui ne peuvent être imputées de
façon définitive à un compte déterminé au moment où elles doivent être enregistrées ;
que ces écritures doivent être régularisées au plus tard avant la clôture de l’exercice ;
Attendu
que la dérogation prévue par l’article 31 du règlement général sur la
comptabilité publique à la règle de l’ordonnancement préalable ne dispense pas le
comptable d’exercer les contrôles qui lui incombent en application des dispositions des
articles 12 et 13 précités, notamment celles relatives à la production des justifications ;
Attendu
que lors de la remise de service, le comptable entrant a émis une réserve
précise et motivée sur le solde débiteur du compte 4728
« Autres dépenses à
régulariser »
au motif le compte de tiers
« Avances CNASEA »
présente un solde
débiteur de 69 068,85 € qui est injustifié car l’état de développement de solde produit
par l’agent comptable ne permet pas de déterminer les opérations litigieuses en cause,
en liaison avec l’organisme ;
Attendu
que
M. Y
n’a
pas
justifié
le
solde
débiteur
du
compte 47
«
Comptes transitoires ou d’attente
»
apparu alors qu’il était en fonction, ni à l’occasion
de sa remise de service, ni dans le cadre du réquisitoire ;
Attendu
qu’en n’ayant pas mis en oeuvre les moyens nécessaires à la régularisation
des paiements litigieux, le comptable a méconnu ses obligations en matière de
contrôle de la dépense et a engagé sa responsabilité personnelle et pécuniaire au
sens des dispositions du I de l’article 60 de la loi du 23 février 1963 ;
Sur l’existence d’un préjudice financier
Attendu
que, s’agissant de dépenses injustifiées, ce manquement cause un préjudice
financier à la collectivité ;
Attendu
que le lien de causalité entre le manquement reproché à M. Y et le préjudice
financier causé à la collectivité est établi par le simple fait que les dépenses ont été
irrégulièrement payées ;
Attendu
que l’article 60-VI de la loi n°63-156 précise que, si le manquement du
comptable a causé un préjudice financier à l’organisme concerné,
« le comptable a
l’obligation de verser immédiatement de ses deniers personnels la somme
correspondante »
;
Attendu
, qu’il y a lieu, en conséquence de prononcer un débet pour un montant égal
au préjudice subi par la collectivité, soit 69 068,85 €, à l’encontre de M. Y ; que ces
sommes porteront intérêts à compter de la date de notification au comptable du
réquisitoire du procureur financier, soit le 24 décembre 2015 ;
Par ces motifs,
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DECIDE :
Article 1
M. Y est constitué débiteur du Département pour la somme de deux cent quarante-trois
mille six cent trente-trois et quatre-vingt-quatre centimes (243 633,84 €), au titre des
charges n°1, n°2, n°3, n°4 et n°7, somme augmentée des intérêts de droit à compter
du 24 décembre 2015, date de la notification du réquisitoire ;
En cas de remise gracieuse accordée par le ministre chargé du budget, une somme
représentant 3/1 000
e
du cautionnement du poste comptable, soit 598,80 €, sera
a minima
laissée à la charge de l’intéressé.
Article 2
M. Y est constitué débiteur du Département pour la somme de trente-deux mille sept
cent quatre-vingt-onze euros et trente-neuf centimes (32 791,39 €), au titre de la
charge n° 6, somme augmentée des intérêts de droit à compter du 24 décembre 2015,
date de la notification du réquisitoire ;
En cas de remise gracieuse accordée par le ministre chargé du budget, une somme
représentant 3/1 000
e
du cautionnement du poste comptable, soit 598,80 €, sera
a minima
laissée à la charge de l’intéressé.
Article 3
M. X est constitué débiteur du Département pour la somme de sept mille cinq cent
quatre-vingt euros et soixante-six centimes (7 580,66 €), au titre de la charge n°6,
somme augmentée des intérêts de droit à compter du 24 décembre 2015, date de la
notification du réquisitoire.
En cas de remise gracieuse accordée par le ministre chargé du budget, une somme
représentant 3/1 000
e
du cautionnement du poste comptable, soit 589,20 €, sera
a minima
laissée à la charge de l’intéressé.
Article 4
La responsabilité de MM. X et Y n’est pas engagée au titre de la charge n°5.
Article 5
M. X ne sera déchargé de sa gestion au titre des exercices 2008 à 2009 qu’après
apurement du débet fixé ci-dessus.
Article 7
M. Y ne sera déchargé de sa gestion, du 1
er
avril 2009 au 31 décembre 2011, qu’après
apurement des débets fixés ci-dessus.
Fait et jugé par M. COLCOMBET, président de séance, Mme DELATTRE, MM. LANDI,
RAUD et ABOU, premiers conseillers ;
En présence de Mme AZARES, greffière de séance.
Ont signé : Mme Martine AZARES, greffière, M. Yves COLCOMBET, président.
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Collationné, certifié conforme à la minute étant au greffe de la Chambre régionale des
comptes de la Guadeloupe et délivré par moi, secrétaire général.
Pour le secrétaire général
et par délégation
La greffière
Martine AZARES
En conséquence, la République française mande et ordonne à tous huissiers de
justice, sur ce requis, de mettre le présent jugement à exécution ; aux procureurs
généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux de grande instance,
d’y tenir la main ; à tous commandants et officiers de la force publique de prêter main-
forte lorsqu’ils en seront légalement requis.
En application des articles R. 242-14 et R. 242-16 du code des juridictions financières,
les jugements prononcés par la chambre régionale des comptes peuvent être frappés
d’appel devant la Cour des comptes dans le délai de deux mois à compter de la
notification, selon les modalités prévues aux articles R. 242-17 et R. 242-19 du même
code. Ce délai est prolongé de deux mois pour les personnes domiciliées à l’étranger.
La révision d’un jugement peut être demandée après expiration des délais d’appel, et
ce, dans les conditions prévues à l’article R. 242-26 du même code.