Sort by *
La ministre
Liberté
Égalité
Fraternité
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
MINISTÈRE
DU
LOGEMENT
ET
DE
L'HABITAT
DURABLE
Paris,
le
1 4
NOV.
2016
à
Monsieur
le
Premier
président
de
la
Cour
des
comptes
Objet :
Référé
relatif
au
taux
réduit
de
TV
A
sur
les
travaux
d'entretien
et
d'amélioration
des
logements
de
plus
de
deux
ans
(Référence
:
52016-2893)
Par
courrier
en
date
du
14
septembre
2016,
vous
m'avez
adressé
le
référé
relatif
au
taux
réduit
de
TVA
sur
les
travaux
d'entretien
et
d'amélioration
des
logements
de
plus
de
deux
ans.
Ce
référé
appelle
de
ma
part
certaines
observations
et
précisions
ci-dessous
énoncées.
La Cour évoque la relative fiabilité de l'estimation
de
la dépense fiscale dans le projet
de
loi de
finances annuel, avec néanmoins depuis
2012
une augmentation de l'écart entre prévision et
réalisation (page
2).
Je
souhaite
rappeler
que
le
coût
2014
de
la
dépense
fiscale
a
été
obtenu
à
partir
d'une
estimation
de
l'assiette
fiscale
sur
la
base,
faute
de
données
disponibles,
de
l'édition
2012
des
chiffres
clés
du
Bâtiment
publiée
par
I'
Agence
de
l'environnement
et
de
la
maîtrise
de
l'énergie
(ADEME).
En
dépit
de
la
difficulté
à
estimer
cette
dépense
fiscale,
en
l'absence
d'informations
précises
sur
l'assiette
éligible
en
raison
du
mode
de
recouvrement
de
la
TVA,
le
chiffrage
a
néanmoins
pu
être
fiabilisé
à
partir
de
2015
grâce
à
l'utilisation
des
données
fiscales
très
précises
du
crédit
d'impôt
pour
la
transition
énergétique
(CITE),
dont
l'assiette
est
proche
de
celle
de
la
TVA
à
5,5
%
Afin
d'améliorer
la
qualité
du
chiffrage
de
la
dépense
fiscale,
une
autre
méthode
a
été
retenue
dans
le
cadre
du
PLF
2016,
consistant
à
utiliser
la
grande
proximité
entre
l'assiette
du
CITE
et
celle
de
la
dépense
fiscale
730223
1
.
Le
coût
prévisionnel
2015
a
ainsi
été
obtenu
en
s'appuyant
sur
les
prévisions
de
dépenses
de
travaux
éligibles
au
CITE
au
titre
de
2015,
dépenses
majorées
de
20
%
au
titre
de
la
main
d'oeuvre
et
de
20
%
au
titre
des
travaux
induits,
tous
deux
non
éligibles
au
CITE
mais
éligibles
au
taux
réduit
de
TVA
de
5,5
%.
L'assiette
de
la
dépense
fiscale
au
taux
de
TVA
de
5,5
%
est
estimée
à
7,7
Mds€
au
titre
de
2015.
L'assiette
de
la
dépense
fiscale
au
taux
de
TVA
de
10
%
est
ensuite
obtenue
en
déduisant
de
la
somme
des
chiffres
d'affaires
déclarés
aux
taux
réduits
de
TVA
de
5,5
%,
7
%
et
10
%
par
le
secteur
du
bâtiment
en
2014,
soit
40,5
Mds€,
le
chiffre
d'affaires
2015
qui
serait
soumis
au
taux
de
TVA
de
5,5
%
estimé
à
7,
7
Mds€.
1
Taux
de
5,5% pour les travaux d'amélioration
de
la
qualité énergétique des locaux
à
usage
d'habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont
indissociablement liés
55 rue Saint Dominique -
75700 Paris Tél :
33
(0)140
81 21 22
www.logement.gouv.fr
De
manière
générale,
les
méthodes
d'estimation
du
montant
de
la
dépense
fiscale
font
l'objet
de
mises
à
jour
régulières,
dès
l'obtention
de
données
fiabilisées,
afin
d'améliorer
la
qualité
du
chiffrage.
La Cour s'interroge sur les modifications successives du taux réduit
de
TV
A,
qui était pourtant
resté constant
à
5,5
%
entre
1999
et
2012
(page
2).
li
est
souligné
que
les
modifications
successives
du
taux
réduit
de
TVA
n'ont
pas
remis
en
cause
les
objectifs
poursuivis
par
le
Gouvernement
à
travers
ce
dispositif,
mais
se
sont
inscrites
dans
un
plan
global
de
redressement
des
finances
publiques
mis
en
oeuvre
depuis
le
début
du
quinquennat.
Ainsi,
l'augmentation
à
10
%
du
taux
réduit
de
TVA
par
la
troisième
loi
de
finances
rectificative
pour
2012
a
permis
de
financer
le
crédit
d'impôt
pour
la
compétitivité
et
l'emploi
sans
dégradation
du
solde
des
finances
publiques.
En
outre,
il
est
nécessaire
de
mettre
en
corrélation
les
modifications
du
taux
réduit
de
TVA
avec
les
autres
dispositifs
en
faveur
de
la
rénovation
énergétique,
à
savoir
principalement
le
crédit
d'impôt
pour
la
transition
énergétique
(CITE)
et
l'éco-prêt
à
taux
zéro.
Afin
de
prendre
en
compte
la
baisse
du
nombre
de
ménages
bénéficiaires
de
l'éco-PTZ
et
du
CITE,
le
taux
réduit
de
TVA
a
été
abaissé
à
5,5
%
en
2014,
afin
de
soutenir
l'effort
important
de
rénovation
énergétique,
en
application
des
engagements
pris
par
le
Président
de
la
République
le
21
mai
2013
se
déclinant
notamment
à
travers
le
plan
de
rénovation
énergétique
de
l'habitat
(PREH),
et
l'objectif
de
500
000
logements
rénovés
par
an
d'ici
2017.
Conformément
à
ces
engagements,
la
loi
de
finances
pour
2014
a
amorcé
le
«
verdissement
»
progressif
de
la
politique
fiscale.
La
loi
de
finances
pour
2014
a
ainsi
conditionné
l'octroi
du
PTZ+
pour
l'acquisition
d'un
logement
neuf
au
respect
de
la
réglementation
thermique
2012,
et
a
dégrevé
la
taxe
foncière
sur
les
propriétés
bâties
pour
les
bailleurs
sociaux
qui
réalisent
des
investissements
en
matière
d'économie
d'énergie
sur
le
parc
existant.
Le
découplage
du
taux
réduit
de
TVA
s'inscrit
donc
dans
ce
double
objectif
de
soutien
à
la
rénovation
des
logements
et
de
bonification
des
travaux
de
rénovation
énergétique.
Enfin,
dans
le
cadre
de
ce
découplage,
il
a
été
décidé
de
conserver
le
taux
réduit
de
TVA
sur
les
travaux
d'entretien
et
d'amélioration
à
10
%.
Un
relèvement
du
taux
à
20
%
aurait
entraîné
une
destruction
d'emplois
du
fait
de
la
réduction
des
volumes
produits
et
du
transfert
d'une
partie
de
ces
emplois
vers
l'économie
informelle.
La Cour regrette l'absence d'évaluation par les pouvoirs publics depuis
2011
de l'impact du
taux réduit de
TV
A sur l'activité et l'emploi du secteur
de
l'entretien-amélioration des
logements (page
3).
Je
tiens
à
souligner
la
difficulté
à
réaliser
de
telles
évaluations
car,
comme
souligné
par
la
Cour
dans
son
rapport
d'observations
provisoires,
la
nomenclature
d'activités
française
(NAF)
adoptée
par
l'INSEE
(Institut
national
de
la
statistique
et
des
études
économiques)
ne
permet
pas
d'isoler
le
secteur
de
l'entretien-amélioration
des
logements
dans
les
statistiques
sur
les
entreprises
produites
chaque
année
par
l'institut.
Par
conséquent,
le
chiffre
d'affaires
et
le
nombre
d'emplois
relevant
du
secteur
ne
sont
pas
connus
avec
précision,
ce
qui
rend
difficile
la
réalisation
d'évaluations
sur
l'impact
du
taux
réduit
de
TV
A.
Pour
pallier
cette
difficulté,
un
affinement
de
la
nomenclature
NAF
devrait
sans
doute
être
effectué
mais
ce
travail
n'entre
pas
dans
mon
périmètre
d'action.
De
plus,
pour
réaliser
des
évaluations
et
pour
améliorer
la
connaissance
sur
le
secteur
de
l'entretien-
amélioration,
il
serait
très
utile
de
pouvoir
accéder
aux
données
sur
les
recettes
de
TVA
du
secteur
de
la
construction
(suivant
les
différents
codes
NAF)
détenues
par
la
DGFiP
(Direction
générale
des
finances
publiques).
Au
final,
pour
réaliser
ses
propres
études
sur
les
travaux
de
rénovation
des
logements,
mes
services
ne
disposent
que
de
l'enquête
logement
de
l'INSEE.
La
fréquence
de
réalisation
de
cette
enquête
varie
entre
4
et
7
ans
(les
derniers
millésimes
correspondent
aux
années
1996,
2002,
2006
et
2013)
ce
qui
rend
difficile
l'étude
de
l'impact
des
changements
de
taux
récents
intervenus
entre
2012
et
2014.
A partir des données
de
l'enquête nationale sur
le
logement (ENL) 2013, mes services ont tout
de
même
simulé
les
effets sur les montants déclarés
de
travaux d'entretien-amélioration (hors rénovation
énergétique) d'une modification
du
taux
de
TVA appliqué
au
secteur (plusieurs scenarii ont été testés :
taux
de
TVA à 5.5
%,
7
%
ou
20
%).
Une
note présentant les résultats
de
ces
simulations a été
transmise à la Cour
en
octobre 2015.
Ce
travail, même s'il pourrait être approfondi
si
davantage
de
données étaient mises à disposition, va
au-delà d'une simple «tentative d'évaluation prospective
».
Il
analyse
en
effet les déterminants
de
la
réalisation
de
travaux dans les logements (et notamment la décision
de
recourir
ou
non
à
un
professionnel) à partir
de
données issues d'un échantillon représentatif
de
15
000 ménages. Pour
ce
faire, conformément aux recommandations
de
la Cour qui préconise la réalisation
de
« travaux
de
simulation à l'aide d'outils économétriques
»,
mes services ont utilisé pour leur étude
un
modèle
logit (régression logistique), qui constitue
un
modèle économétrique courant dans l'étude
des
politiques publiques.
Je
souhaite rappeler que suivant cette évaluation,
il
était estimé qu'un relèvement
du
taux
de
TVA
de
10 à
20
%
pour les travaux d'entretien-amélioration hors rénovation énergétique entraînerait
une
baisse des montants
de
travaux déclarés et réalisés par
un
professionnel suivant deux effets : d'une
part
un
effet « volume global
»
lié à la diminution
de
l'activité économique
du
secteur due à la hausse
des
prix et à la baisse
de
la demande (selon les estimations
du
modèle, cet effet
se
traduirait par
une
diminution
de
3,7
%
des montants
de
travaux déclarés), d'autre part
un
effet «dissimulation
»
lié
au
fait que la hausse des prix entraînée par
le
relèvement
du
taux
de
TVA conduirait les ménages à
effectuer eux-mêmes les travaux souhaités
ou
à
ne
pas les déclarer (cet effet
se
traduirait par
une
diminution
de
2,4
%
des montants
de
travaux déclarés).
L'effet global d'un relèvement
de
taux sur l'assiette
de
la dépense fiscale correspond à la somme
de
ces
deux effets. Ainsi,
si
le
taux
de
TVA pour les travaux d'entretien-amélioration augmentait
de
10
%
à
20
%,
le
montant des travaux déclarés réalisés par
un
professionnel diminuerait
de
6.1
%.
En
conséquence,
en
considérant pour 2016
une
assiette
de
la dépense fiscale égale à 32.8 milliards
d'euros,
un
relèvement
du
taux
de
TVA entraînerait
une
diminution
du
chiffre d'affaires hors taxe,
déclaré par les professionnels,
de
2,0 milliards d'euros.
En
retenant l'hypothèse qu'une baisse
de
chiffre d'affaires
de
75
000 euros entraînerait la destruction d'un emploi, la hausse
du
taux
de
TVA
provoquerait la destruction
de
près
de
27
000 emplois.
En
conclusion,
il
est souligné que les travaux d'estimation et d'évaluation des dépenses fiscales
ne
peuvent être réalisés qu'avec
un
certain nombre de données dont mes services
ne
disposent
pas
toujours.
Telles sont les observations que je souhaitais porter à votre connaissance.
Emmanuelle COSSE