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ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
FRANCE TÉLÉVISIONS
Mieux gérer l’entreprise,
accélérer les réformes
Rapport public thématique
Synthèse
Octobre 2016
AVERTISSEMENT
Cette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes concernés
figurent à la suite du rapport.
Sommaire
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
L’entreprise unique, des résultats non atteints . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Le
fonctionnement
interne
:
de
multiples
obstacles
au changement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .11
3
Les achats de programmes : des adaptations trop lentes
au regard des enjeux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
4
L’information : un secteur emblématique rétif au changement . .15
5
Les
réseaux
régionaux
:
une
rationalisation
nécessaire,
une intégration à renforcer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
3
Depuis 2009, France Télévisions est une entreprise unique, constituée par la
fusion de sociétés publiques de programmes auparavant distinctes. Société dont
le capital est détenu à 100 % par l’État, elle regroupe cinq chaînes nationales
(France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô), 24 antennes régionales de
France 3, neuf stations ultramarines de télévision et radio (les « Outre-Mer 1
ère
»)
et possède plusieurs filiales dont les principales sont France Télévisions Publicité
(FTP), France Télévisions Distribution (FTD), Multimédia France Productions
(MFP), France 2 Cinéma et France 3 Cinéma.
Au 31 décembre 2015, les effectifs de la société (hors filiales) s’élevaient à
9 932 emplois à temps plein, dont 8 531 emplois permanents (86 %) et
1 401 emplois non permanents (14 %). Sur la période contrôlée par la Cour, les
ressources d’origine publique, dont l’essentiel provient de la contribution à
l’audiovisuel public,
représentent en moyenne près de 80 % du total de ses
produits (2 481 M€ en 2015 sur un total de 3 139 M€).
Comme ses concurrents, France Télévisions est confrontée à la nécessité de
s’adapter aux changements induits par la révolution numérique. Ceux-ci affectent
non seulement tous les métiers de l’audiovisuel, mais aussi les usages en
multipliant les modes d’accès et les écrans.
La mutation que l’entreprise doit opérer, ne serait-ce que pour maintenir ou
développer son audience, intervient dans le contexte d’une réorganisation
inaboutie, d’une gestion insuffisamment rigoureuse et d’une situation financière
fragilisée. Ces facteurs devront conduire France Télévisions à accélérer ses
réformes, à accroître ses gains de productivité et à rendre plus robuste son
modèle économique.
C’est à cette condition, tout en faisant preuve d’innovation et de créativité, que
France Télévisions assurera son avenir d’entreprise du service public de l’audiovisuel
et justifiera le consentement de nos concitoyens au paiement de la contribution
d’où provient l’essentiel de ses ressources.
Introduction
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
5
1
L’entreprise unique,
des résultats non atteints
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
7
Une entreprise unique
inaboutie
Créée en 2009, l’entreprise unique
France Télévisions a peiné à s’organiser
pour tirer pleinement profit des synergies
attendues du rapprochement des
anciennes sociétés de programmes.
À partir de janvier 2010, France
Télévisions s’est engagée dans une lente
et difficile réforme de son organisation :
- sur le plan des contenus, par la
mise en oeuvre d’une stratégie de
bouquet visant à développer des
identités distinctes et complémen-
taires pour chacune des chaînes,
tout en les structurant autour
d’une marque commune ;
- sur
le
plan
de
l’organisation
interne, par la constitution de
directions centrées sur les contenus
(les programmes, l’information, les
sports, etc.) et compétentes pour
l’ensemble des chaînes de l’entre-
prise, quel que soit le support de
diffusion ;
- sur le plan des moyens, par la
mutualisation et la rationalisation
des fonctions de soutien.
Sur la période, les chaînes du groupe
enregistrent des résultats d’audience
en demi-teinte. Si France Télévisions
reste en 2015 le premier groupe
audiovisuel français (avec 29,2 % de
parts d’audience contre 27,7 % pour
le groupe TF1), elle a connu une perte
de 5,5 points d’audience globale entre
2008 et 2015, les pertes du groupe
TF1 étant moindres (- 2,6 points),
tandis que le groupe M6 enregistrait
une légère croissance (+ 0,8 point) sur
la même période. La perte d’audience
la plus significative sur la période est
celle de France 3 (- 4,1 %). France Ô,
avec 0,6 % de part d’audience en
2015, continue d’enregistrer de très
faibles audiences.
En l’espace de six ans, l’organisation de
France Télévisions n’a cessé d’osciller
entre,
d’une
part,
une
nouvelle
approche par métiers (les programmes,
l’information, les sports, etc.), plus en
phase avec la logique de groupe, et,
d’autre part, une approche traditionnelle
par chaîne, héritage des anciennes
sociétés de programmes.
France Télévisions s’est tardivement
engagée dans une stratégie de déve-
loppement numérique à la hauteur
des bouleversements induits par les
nouveaux usages de la télévision. Il a
fallu attendre 2010-2011 pour que
cette stratégie se dessine. L’offre
s’est structurée et les audiences ont
progressé,
notamment
dans
le
L’entreprise unique, des résultats non atteints
domaine de l’information et de la
télévision de rattrapage. Toutefois,
l’investissement consenti n’est pas
encore à la hauteur des enjeux vitaux
auxquels le numérique confronte les
entreprises de l’audiovisuel (polyvalence
des métiers, consommation délinéarisée,
multiplication des écrans).
Enfin, principal échec de la mise en
oeuvre de l’entreprise unique, celle-ci
ne s’est pas accompagnée d’efforts
suffisants de mutualisation, permettant
notamment de rationaliser les fonctions
support dont les effectifs n’ont pas
baissé.
Un défaut de pilotage stratégique
et de cadrage financier
Dans ce contexte de réorganisation,
les orientations données à l’entreprise
par ses tutelles à travers les différents
documents stratégiques n’ont pas été
suffisamment claires. En outre, le conseil
d’administration ne joue pas toujours le
rôle d’une telle instance dans une
entreprise de plein exercice.
Défini avec l’État par les contrats
d’objectifs et de moyens (COM) et
leurs avenants qui se sont succédé à
un rythme rapide, le cadrage financier
à moyen terme de l’entreprise s’est
révélé erratique. Jusqu’en 2012, la
diminution plus ou moins anticipée
des ressources publiques a pu être
compensée
par
les
ressources
publicitaires, particulièrement élevées
en 2009 et 2010.
Mais à partir de 2012, les recettes
publicitaires ont baissé, tandis que l’État
diminuait le montant des ressources
publiques que le COM 2011-2015
prévoyait initialement d’allouer à
l’entreprise, pour les exercices 2013 à
2015. Malgré un plan d’économies de
80 M€, la rigidité de l’entreprise ne lui
a pas permis d’absorber cette baisse
de ressources.
Un retour à l’équilibre financier
incertain
Confronté à la baisse non anticipée de
l’ensemble de ses recettes et dans
l’incapacité de diminuer rapidement
ses dépenses, France Télévisions a vu
sa situation se dégrader au point
d’afficher des pertes importantes à la
fin
de
l’exercice
2013
(résultat
d’exploitation de - 57,2 M€ et résultat
net de - 84,6 M€). Si le résultat net
comptable est revenu à l’équilibre à
fin 2015, le déficit d’exploitation
demeure
encore
très
significatif
(- 30,1 M€), témoignant de fragilités
structurelles profondes.
Cette évolution a mécaniquement eu
des conséquences très importantes
sur la trésorerie du groupe : culminant
à 191 M€ à fin 2011, cette dernière
s’est dégradée au point de devenir
négative à fin 2015 (-19 M€), conduisant
ainsi l’entreprise à devoir faire face à
un besoin de liquidité – une analyse
plus fine montre que la trésorerie
mensuelle moyenne de ce dernier
exercice est en réalité de - 60 M€.
Les incertitudes liées au coût de la
nouvelle chaîne d’information en
continu, et, de manière plus générale, la
faible capacité de l’entreprise à dégager
des économies significatives sur ses
coûts de fonctionnement rendent
problématique le financement du
groupe pour les années qui viennent.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
8
L’entreprise unique, des résultats non atteints
Évolution de la position mensuelle de trésorerie sur 2014 et 2015
Source : Cour des comptes
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
9
La seule issue à ce qui revêt désormais
le caractère d’une impasse financière
passe par une réduction significative des
charges de l’entreprise, ce qui implique
d’engager des actions nettement plus
vigoureuses que celles qui ont été
entreprises
jusqu’à
présent
pour
dégager des économies structurelles
sur le fonctionnement de France
Télévisions.
2
Le fonctionnement interne :
de multiples obstacles
au changement
______________________
1
Cour des comptes,
Rapport public thématique : France Télévisions et la nouvelle télévision
publique.
La Documentation française, octobre 2009, 230 p., disponibles sur www.ccomptes.fr ;
Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
, Tome I. France Télévisions : au milieu du gué
,
p. 281-316. La Documentation française, février 2012, 468 p., disponibles sur www.ccomptes.fr
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
11
La Cour a déjà, à plusieurs reprises
1
,
appelé France Télévisions à plus de
rigueur de gestion. Au terme de cette
enquête, force est de constater que les
progrès ont été insuffisants.
En matière de gestion des ressources
humaines,
France Télévisions n’a pas été
en mesure de réduire significativement
ses
effectifs
permanents
et
le
recours à l’emploi non permanent
reste insuffisamment contrôlé. La
création de l’entreprise unique n’a
donné lieu à aucun engagement
chiffré
de
la
part
de
France
Télévisions sur les synergies attendues
et, partant, sur le volume d’emplois à
atteindre avant 2013. En dépit de leur
caractère coûteux (55 M€ au total), les
deux plans successifs de départs
volontaires (en 2009-2012 puis en
2014-2015) n’ont permis qu’une faible
diminution des effectifs, de 10 211 ETP
moyens en 2009 à 9 932 en 2015, soit
une baisse de 2,7 % en six ans. Cette
baisse demeurera privée de tout effet
durable tant que France Télévisions
restera dans l’incapacité de réguler son
recours à l’emploi non permanent,
dans un contexte de hausse du taux
d’absentéisme.
En dépit d’acquis comme la fin du
paritarisme en matière de gestion des
carrières individuelles ou la fin des
automatismes dans les promotions
individuelles, le nouvel accord collec-
tif conclu en mai 2013 a augmenté les
charges salariales de l’entreprise tout
en laissant en suspens de nombreux
points de négociation (polyvalence
des salariés, taux d’encadrement) qui
obèrent aujourd’hui la capacité de
transformation de l’entreprise. Au
total, malgré la légère baisse des
effectifs évoquée plus haut, les
charges de personnel ont donc
enregistré une augmentation de
13 % entre 2009 et 2015 (de 807 M€
à 914 M€), à un rythme nettement
plus rapide que le total des charges
d’exploitation au cours de la même
période (+ 2 %).
Dans le domaine des systèmes
d’information,
les retards pris par le
plan d’unification des outils, socle
indispensable à la mise en place de
l’entreprise unique, ont amplifié les
difficultés de gestion interne. Plus de
cinq ans après la constitution de
l’entreprise unique, certains systèmes
prévus par ce plan de convergence
n’ont pas encore été déployés.
Le fonctionnement interne :
de multiples obstacles au changement
De même, les insuffisances de la gestion
financière
et
le
caractère
encore
embryonnaire
du
contrôle
interne
constituent des obstacles évidents au
retour à l’équilibre des comptes sur le
long terme.
S’agissant plus spécifiquement des
achats hors programmes, (559 M€ en
2015) et alors que l’entreprise est
entrée dans le champ de la commande
publique avec l’ordonnance du 6 juin
2005, la Cour constate que la situation
est critique (défauts de mise en
concurrence,
documentation
et
archivage
déficients,
contrôles
absents, procédures insuffisantes et
non respectées) et doit être corrigée
rapidement. La mise en concurrence
des fournisseurs doit être systématisée
sans délai et une sensibilisation des
personnels
aux
risques
juridiques
encourus doit être engagée.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
12
3
Les achats de programmes :
des adaptations trop lentes
au regard des enjeux
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
13
À l’exception des programmes de
l’information et de sports qui sont très
majoritairement produits en interne,
France Télévisions achète auprès de
sociétés privées de production les
programmes qui servent à alimenter sa
grille, non seulement en émissions dites
de « flux » (magazines, divertissements,
jeux), mais également en oeuvres dites
« patrimoniales » (fictions, documen-
taires, films, animations, captations des
spectacles vivants) pour lesquelles
l’entreprise est soumise à un cadre
d’obligations découlant de la politique
publique de soutien à la création
audiovisuelle et cinématographique.
En 2015, le montant global de ces
achats était de 912 M€.
Après une hausse du coût de grille du
programme national entre 2009 et
2011 (passant de 1 046 M€ à 1 124 M€,
soit + 7,6 %), un coup d’arrêt a été donné
par France Télévisions, se traduisant par
une réduction de 56 M€ de ce poste
entre 2011 et 2015 (soit - 5,1 %).
Coût de grille par genre (en M€)
Source : France Télévisions
(1) Part antenne des investissements en
création cinématographique des filiales F2-
cinéma et F3-cinéma déclarés au CSA
(2) Programmes ou films achetés, majoritai-
rement d'origine européenne et étrangère
(3) Notamment : bandes annonces, autopro-
motion, habillage, dépréciations
Les achats de programmes : des adaptations
trop lentes au regard des enjeux
Si cette évolution du coût de grille
marque sans conteste la capacité de
l’entreprise à améliorer sa performance,
elle témoigne de la difficulté de France
Télévisions à faire des économies
ailleurs que sur son « coeur de métier ».
Dans un environnement où l’investis-
sement sur les contenus est essentiel
pour pouvoir résister à la concurrence
des nouveaux acteurs du marché
comme Netflix ou Amazon, il n’est pas
certain que cet arbitrage, au détriment
des achats de programmes, constitue
la façon la plus appropriée de préparer
l’avenir.
Participant de la politique de soutien à
la production indépendante mise en
oeuvre en 1986 et confortées par les
décrets « Tasca » de 2001, les obligations
de financement
de
programmes
patrimoniaux produits par le secteur
privé relèvent des dispositions du cahier
des charges et du contrat d’objectifs et
de moyens. France Télévisions est ainsi
tenue d’acheter chaque année 400 M€
d’ « oeuvres audiovisuelles » (fictions,
documentaires, animation, captations
de spectacle vivant), parmi lesquelles la
fiction occupe une place prépondérante
(252,5 M€ en 2015).
Ces
obligations
d’investissement
sont complétées par des dispositions
incluses
dans
des
accords
dits
« interprofessionnels » conclus entre
France Télévisions et les organisations
de producteurs qui précisent les
conditions de diffusion des oeuvres
et le régime de la propriété et de la
valorisation des droits qui y sont
attachés. À ce titre, France Télévisions ne
possède pas les droits des productions
qu’elle finance, à l’exception de celles qui
relèvent de la part dite « dépendante »
de ses obligations de financement.
Les
relations
contractuelles
de
France Télévisions avec la production
indépendante, ainsi que ses possibilités
de développer la « part dépendante »,
c’est-à-dire la part des programmes dont
elle détient les droits, conditionnent
le futur du modèle économique de
l’entreprise. Ce point dépend de la
capacité de l’État à faire évoluer la
réglementation applicable au diffuseur
public, notamment en rapprochant
progressivement le régime de la part
dépendante de France Télévisions de
celui des diffuseurs privés.
Telles qu’elles sont pratiquées par
l’entreprise, les modalités d’achat de
programmes doivent également être
révisées pour garantir des décisions
plus collégiales et plus transparentes.
Des règles strictes de déontologie
doivent être mises en place sans délai
pour mettre fin à certaines pratiques
contestables (membres de la famille
d’un responsable de programmes qui
interviennent dans la réalisation
d’une production suscitée par ce
dernier, responsables de programmes
qui créent leurs propres entreprises de
production et reçoivent immédiatement
d’importantes commandes de France
Télévisions).
La réforme de la « filière de production »
(ensemble des moyens internes de
fabrication des programmes), qui
rassemble près d’un millier de salariés,
doit se poursuivre par une meilleure
connaissance de ses coûts et la réduc-
tion significative du nombre de ses
implantations.
Enfin, l’effort entrepris pour assurer
une meilleure commercialisation des
droits doit être encouragé.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
14
4
L’information : un secteur
emblématique rétif
au changement
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
15
Stratégique
pour
l’entreprise
au
regard de sa mission de service public
et des moyens qui lui sont alloués, le
secteur de l’information, emploie en
2015 plus de 2 700 journalistes.
Dans la grille de France Télévisions,
l’information occupe une place de
premier plan et enregistre des résultats
d’audience globalement plus élevés que
l’audience moyenne de chacune des
chaînes. À l’échelle nationale, France 2
et France 3 connaissent toutefois des
évolutions très contrastées, l’offre de la
première résistant à la concurrence,
contrairement à celle de la seconde.
Tant du point de vue des effectifs
que du coût de grille, le secteur de
l’information est resté largement
préservé de toute économie. Entre
2011 et 2015, alors que le nombre
total des salariés permanents de
France Télévisions a baissé de 0,3 %,
les effectifs permanents du secteur
de l’information (niveau national et
réseaux) ont crû de 6 %, passant de
5 236 ETP à 5 531 ETP. Cette hausse
est intervenue dans un contexte de
développement des outils numériques,
qui aurait dû permettre des gains
d’efficience. Entre 2011 et 2015, le
coût de grille total de l’information est
passé de 593 M€ à 635 M€, soit une
progression de 7 %.
Annoncée depuis septembre 2012
dans le cadre du projet Info 2015, la
fusion des rédactions nationales peine
à se concrétiser. Si des avancées ont
été réalisées sur le plan technique, la
mise en commun des ressources et
l’organisation rationalisée qui doit en
résulter n’ont toujours pas été menées
à bien.
Dans ce contexte, si le lancement de
la chaîne d’information en continu
doit, en principe, se traduire par le
développement de synergies avec
d’autres sociétés de l’audiovisuel
public (Radio France, INA et France 24),
l’expérimentation de nouveaux modes
de travail plus flexibles ne va pas sans
poser de grandes difficultés. Conduit à
marche forcée, ce projet novateur –
dont le coût en année pleine ne sera
connu qu’en 2017 – présente, en outre,
un risque sérieux de dérapage financier.
Il importe donc que le coût effectif de
la chaîne d’information soit rapidement
évalué.
5
Les réseaux régionaux :
une rationalisation nécessaire,
une intégration à renforcer
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
17
France Télévisions dispose de deux
réseaux régionaux, le réseau régional
de France 3 et le réseau des Outre-Mer
1
ère
, qui regroupent ensemble près de
la moitié de ses effectifs. Aussi, leur
intégration dans l’entreprise unique
constitue-t-elle un enjeu crucial.
Le réseau régional de France 3
produit deux à trois heures par jour
de décrochages régionaux et locaux
qui sont diffusés en complément
des
programmes
de
l’antenne
nationale. En 2015, 3 369 ETP (dont
1 420 journalistes), soit un tiers
des effectifs de France Télévisions,
travaillent au sein de ce réseau
régional dont le coût des programmes
est évalué à 367 M€.
Très dense avec ses 116 implantations,
le réseau régional de France 3 apparaît
comme dispendieux, d’autant que
l’audience régionale de France 3 se
dégrade et que son vieillissement s’ac-
célère. Une nouvelle stratégie doit
être élaborée pour rendre ce réseau
moins coûteux.
La réflexion doit s’engager sur la carte
des
implantations
régionales
de
France 3. Le renouvellement de la carte
régionale (13 régions) devrait se traduire
par un alignement de l’organisation du
réseau de France 3 dont les antennes
semblent avoir naturellement pour
vocation à être le miroir de l’identité
des treize nouvelles régions, ce qui
n’empêche pas de conserver un maillage
territorial dense. Le rapprochement
entre le réseau France Bleu de Radio
France et le réseau régional de France 3,
sur le modèle du réseau des Outre-Mer
1
ère
qui associe radio, télévision et
numérique, constitue également une
piste prometteuse. Une fois ces réformes
abouties, la question de la transformation
du réseau en chaînes régionales de
plein exercice, en partenariat avec les
régions, pourra se poser.
Le
réseau
outre-mer
de
France
Télévisions
comprend, quant à lui,
neuf stations dont chacune réunit
une télévision, une radio et une
offre numérique, et qui diffusent
des programmes qui leur sont propres,
même si d’importantes mutualisations
existent entre elles. Une rédaction
parisienne et la direction du réseau,
chargées de la coordination et du
suivi de l’information d’outre-mer
dans l’Hexagone, situées à Malakoff,
complètent cet ensemble, qui compte
au total 1 580 ETP (1 340 dans les
stations et 240 à Malakoff).
Depuis 2010, le réseau des Outre-Mer
1
ère
s’est adapté avec succès à l’arrivée
de la TNT qui a permis la diffusion
directe des chaînes nationales dans les
outre-mer, alors que cette diffusion
Les réseaux régionaux : une rationalisation
nécessaire, une intégration à renforcer
incombait auparavant aux stations du
réseau et représentait une large partie
de leur grille. Doté d’une stratégie
claire et partagée, constituant un
exemple de mise en oeuvre de la
convergence des médias, ce réseau
jouit – comme en attestent ces
audiences – d’une dynamique glo-
balement positive que nourrissent
des modes de fonctionnement ori-
ginaux et le développement rapide
du numérique. Pour autant, de nom-
breux efforts restent à mener, à la fois
pour contenir les charges croissantes
qui risquent d’étouffer cette dyna-
mique et pour mieux intégrer les sta-
tions
outre-mer
dans
l’entreprise
unique.
Par ailleurs, le réseau des Outre-Mer
1
ère
constitue à bien des égards une
expérience sur laquelle le réseau
régional de France 3 pourrait s’appuyer
pour sa propre réforme dans le cadre
de la réorganisation territoriale en
cours.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
18
Conclusion
Au terme de l’enquête de la Cour, les défis stratégiques que doit relever France
Télévisions pour garantir la pérennité du service public de l’audiovisuel apparaissent
clairement identifiables : le chantier de l’entreprise unique, encore inabouti, le
contexte général de la révolution numérique qui remet en cause, à un rythme rapide,
de nombreux aspects du fonctionnement de l’entreprise, un modèle économique
dont la configuration actuelle n’est pas soutenable dans la durée, et enfin, une
définition plus claire des missions de service public de l’entreprise.
Achever la réorganisation de France Télévisions et les chantiers
d’amélioration de la gestion
Sept ans après sa création, la mise en place de l’entreprise unique n’étant pas
achevée, les objectifs de productivité qui devaient en découler ne se sont donc
pas concrétisés.
Cette situation ne peut perdurer, et il n’est pas concevable qu’elle se résolve,
une fois encore, par une allocation de ressources publiques supplémentaires.
Pour sortir de l’impasse financière à laquelle elle est confrontée, investir dans
les domaines essentiels pour son avenir, France Télévisions ne pourra plus
s’exonérer de dégager des gains de productivité en adoptant des modes de
gestion dont la performance et la rigueur doivent être ceux que l’on peut
légitimement escompter d’une entreprise publique de cette taille.
Accélérer les transformations dans le domaine du numérique
France Télévisions n’a franchi qu’une première étape de son développement
numérique et doit désormais accélérer sa transformation en s’attaquant aux
chantiers sur lesquels elle bute encore : l’intégration du numérique dans l’ensemble
de l’entreprise, la constitution d’un catalogue de droits et de nouveaux modes de
coopération avec les autres entreprises de l’audiovisuel public.
Définir un modèle économique robuste
Pour pouvoir développer une stratégie correspondant aux défis auxquels elle est
confrontée, France Télévisions doit retrouver un modèle économique robuste.
Passant prioritairement par le retour rapide à l’équilibre de ses résultats opérationnels,
la consolidation durable de ce modèle requiert une maîtrise rigoureuse des charges
et reste de ce fait subordonnée à la capacité de l’entreprise à opérer des réformes
structurelles pouvant aller jusqu’à un réaménagement substantiel de ses activités.
Elle implique également l’adoption d’une trajectoire de recettes calée sur le
moyen terme, en jouant sur les leviers qui sont à cet égard envisageables
(augmentation de la redevance, développement des recettes de valorisation
des contenus ou évolution du régime de la publicité). S’il n’appartient pas à
la Cour de se prononcer sur les voies qu’il convient de privilégier, il est de son
devoir d’insister sur l’urgence et la nécessité de procéder à des choix garantissant
à l’entreprise de pouvoir assurer son avenir.
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Conclusion
Assurer l’avenir du service public audiovisuel
Concomitamment à la nécessité de redéfinir un modèle économique robuste, il
importe de poursuivre la réflexion sur les conditions dans lesquelles le service
public de l’audiovisuel restera en mesure d’affirmer son identité au sein de
l’univers de concurrence exacerbée qui est désormais celui de la consomma-
tion de programmes sur les multiples supports numériques auxquels nous
avons accès. Outre la nécessité de mieux anticiper l’avenir, d’innover et de s’em-
ployer à renouveler les audiences, le fait de privilégier des programmes de
contenu, à forte valeur ajoutée, constitue incontestablement une marque de dif-
férenciation essentielle, comme en témoigne sur ce point le succès de la BBC.
Anticiper le rapprochement des entreprises de l’audiovisuel public
Le processus à l’oeuvre de convergence des médias doit conduire l’État à encourager
le développement de coopérations entre les entreprises de l’audiovisuel public
sur des projets concrets. Après l’information en continu, d’autres perspectives
semblent pouvoir être envisagées, telles que le rapprochement des réseaux
régionaux, celui des réseaux à l’étranger, ainsi que l’élaboration d’une stratégie
de convergence des choix en matière d’infrastructures techniques.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Renforcer
la
gouvernance
et
assurer l’équilibre financier
1.
prendre les dispositions nécessaires
au renforcement du rôle du conseil
d’administration dans la gouvernance
de France Télévisions et y nommer
des personnalités indépendantes
possédant une solide expérience de la
gouvernance des grandes entreprises
ou
des
sociétés
audiovisuelles
(ministère de la culture et de la com-
munication, ministère de l’économie,
CSA, France Télévisions)
2.
inscrire l’équilibre durable du
résultat
d’exploitation
comme
objectif prioritaire et structurant du
contrat d’objectifs et de moyens
(France Télévisions, ministère de
l’économie et des finances) ;
3.
faire figurer dans le plan d’affaires
du COM des objectifs précis en
matière de trésorerie et organiser un
suivi étroit de la trésorerie par le
comité d’audit (France Télévisions,
contrat d’objectifs et de moyens,
ministère de l’économie et des
finances).
Améliorer la gestion interne de
l’entreprise
4.
s’engager sur un objectif précis de
non remplacement des départs à la
retraite
d’ici
à
2020
(France
Télévisions) ;
5.
diminuer le recours aux contrats
non permanents par une triple
action : une meilleure planification
des
équipes
permanentes,
un
contrôle effectif et automatisé du
décompte horaire des salariés
permanents et la suppression
sans délai de tout cumul entre un
contrat à durée indéterminée et
des contrats à durée déterminée
(France Télévisions) ;
6.
passer en revue le contenu
effectif des postes occupés par les
salariés les mieux rémunérés de
l’entreprise (France Télévisions) ;
7.
revoir la classification des métiers
pour y inscrire la polyvalence des
emplois induite par le numérique
(France Télévisions) ;
8.
aligner le forfait-jour des journalistes
(197 jours) sur celui des personnels
techniques et administratifs (204)
(France Télévisions) ;
9.
en matière d’achats, systématiser la
remise en concurrence des contrats
existants (France Télévisions).
En matière de programmes, réformer
l’encadrement réglementaire et
rendre
plus
transparente
les
procédures d’achat
10.
engager une réflexion sur le
modèle de la production audiovi-
suelle et le type de relations contrac-
tuelles à établir entre diffuseur et pro-
ducteur, tel qu’il ressort du régime issu
des « décrets Tasca » (ministère de
la culture et de la communication,
France Télévisions) ;
11.
rapprocher progressivement
le régime de la part dépendante
de France Télévisions de celui des
diffuseurs privés (ministère de la
culture et de la communication,
France Télévisions) ;
Recommandations
L’exécution budgétaire de 2014 démontre qu’une loi de finances initiale
construite à partir de prévisions de recettes fiscales surestimées et de dotations
budgétaires trop souvent sous-calibrées ne peut permettre une exécution bud-
gétaire conforme aux engagements de la France.
Elle met en évidence les limites des techniques traditionnelles visant à contenir
la dépense : les crédits annulés plafonnent, les reports de charges s’accroissent
et des opérations de l’État sont financées en dehors de son budget.
1.
faire figurer, en loi de finances ini-
tiale et en loi de règlement, la
décomposition des soldes, structu-
rel et conjoncturel, de l’article limi-
naire pour l’État comme par sous-
secteur d’administrations publiques
(recommandation partiellement
2.
modifier
la
présentation
du
tableau d’équilibre des ressources
et des dépenses dans les lois de
finances en déduisant des recettes
fiscales brutes de l’État les seuls
remboursements et dégrèvements
relatifs à des impôts d’État pour la
détermination des recettes fiscales
nettes
(recommandation
reconduite).
3.
établir et rendre public un
document de référence précisant
les méthodes et le processus de
prévision des recettes pour les prin-
cipaux impôts (recommandation
reconduite).
4.
réaliser et publier, dans l’annexe
Voies et moyens du projet de loi de
finances, des analyses approfondies
des écarts entre prévision et exécu-
tion
de
recettes
fiscales
(recommandation reconduite).
5.
procéder à l’évaluation exhaus-
tive des dépenses fiscales au cours
des cinq années de la loi de pro-
grammation
2015-2019
(recommandation reconduite).
6.
compléter les documents budgé-
taires (PAP et RAP) en classant les
dépenses fiscales en fonction des
objectifs du programme auquel
elles
se
rattachent
(recommandation reconduite).
7.
élargir le périmètre des normes
de dépenses aux comptes d’affecta-
tion spéciale dont les dépenses ne
présentent pas de différence de
nature avec celles du budget géné-
ral (une fraction des dépenses de
Gestion du patrimoine immobilier
de l’État, la totalité des dépenses de
Gestion et valorisation des res-
sources tirées de l’utilisation du
spectre hertzien), et à la variation
du
solde
du
CAS
Pensions
(recommandation reconduite).
8.
élargir le périmètre des normes
de dépenses aux décaissements
annuels effectués par les opéra-
teurs
au
titre
des
dotations
consommables;
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Recommandations
12.
baisser à 50 % le seuil de 70 %
du total du financement d’une
oeuvre audiovisuelle ouvrant droit à
l’obtention de parts de coproduc-
tion, prévu par le décret du 27 avril
2015 (ministère de la culture et de la
communication, France Télévisions) ;
13.
transmettre chaque année au
conseil d’administration le volume
horaire des oeuvres financées par
France Télévisions au titre du soutien
à la création, et celui des oeuvres
diffusées sur les antennes (France
Télévisions) ;
14.
établir sans délai un code de
déontologie
pour
les
salariés
concernés
par
les
achats
de
programmes (France Télévisions) ;
15.
mettre en place au sein de l’entre-
prise un « comité d’investissement »
des programmes, permettant une
traçabilité des décisions d’achat
(France Télévisions) ;
16.
redéfinir la stratégie en matière
d’audits
de
production
(France
Télévisions) ;
17.
réexaminer l’articulation entre
la production de films et les besoins
de l’antenne et étudier l’option
d’une
fusion
des
deux
filiales
(France Télévisions) ;
18.
réduire
significativement
le
nombre de sites d'implantation de
la "filière de production" (France
Télévisions).
Conduire les réformes longtemps
repoussées de l’information
19.
conduire rapidement le projet
de fusion des rédactions nationales
en vue d’une rationalisation des
coûts de l’information (France
Télévisions) ;
20.
fournir sans tarder à l’État le coût
complet de la chaîne d’information en
continu afin de prévenir tout dérapage
financier (France Télévisions) ;
21.
supprimer les bureaux régionaux
de France 2 (France Télévisions).
Rationaliser le périmètre des réseaux
régionaux
22.
réduire le nombre des antennes
de France 3 de vingt-quatre à treize
(France Télévisions) ;
23.
étudier l’option d’un rapproche-
ment entre le réseau régional de
France 3 et le réseau France Bleu
(ministère de la culture et de la
communication,
Radio
France,
France Télévisions).