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CONSEIL DES IMPÔTS
FISCALITÉ ET ENVIRONNEMENT
Vingt-troisième rapport
au Président de la République
2005
Le Conseil des impôts est présidé par M. Philippe SÉGUIN,
Premier Président de la Cour des comptes.
Il comprend :
M. Gabriel MIGNOT, président de chambre à la Cour des comptes,
représentant le Premier Président de la Cour des comptes,
M. Gilles BACHELIER, maître des requêtes au
Conseil d’Etat,
M. André BARILARI, inspecteur général des finances,
M. Michel BOUVIER, professeur agrégé des universités,
M. Patrice CAHART, conseiller en service extraordinaire
à la Cour de cassation,
M. François CAILLETEAU, inspecteur général des finances,
M. Bernard CHALLE, conseiller à la Cour de cassation,
M. Philippe DOMERGUE, inspecteur général de l’INSEE,
M. Denis MORIN, conseiller maître à la Cour des comptes,
M. Pierre PAUGAM, conseiller maître à la Cour des comptes,
M. Michel PINAULT, conseiller d’Etat,
Membres du Conseil des impôts.
Le présent rapport, présenté par le rapporteur général, M. Henri PRÉVOST,
conseiller référendaire à la Cour des comptes, a été délibéré et arrêté au
cours de la séance du 6 juillet 2005.
Les études dont le rapport constitue la synthèse, ont été effectuées par :
M. Maxime BAFFERT, inspecteur des finances,
M. Franck BESSETTE, conseiller référendaire à la Cour des comptes,
M. Edouard CRÉPEY, auditeur au Conseil d’Etat,
M. Sébastien RASPILLER,
administrateur de l’INSEE,
Rapporteurs,
Mme Sophie BARBIER, administratrice civile,
M. Jean-Christophe BOCCON-GIBOD, administrateur civil,
Chargés d’études.
Le secrétariat du Conseil des impôts a été assuré par :
M. Jean-Pierre COSSIN, conseiller maître à la Cour des comptes, secrétaire
général du Conseil des impôts,
Mme Madeleine GALLO, attachée au secrétariat général du Conseil des
impôts.
5
INTRODUCTION
La protection de l’environnement et le souci d’assurer les
conditions d’un développement équilibré à long terme ont pris depuis
les années 1970 une place croissante dans le débat public et dans la
politique gouvernementale.
L’introduction en France de la Charte de l’Environnement
dans les textes de valeur constitutionnelle et l’entrée en vigueur du
Traité de Kyoto, qui organise la lutte contre l’effet de serre au niveau
international, en sont les illustrations les plus récentes.
La science économique, elle aussi, a progressivement pris en
compte l’environnement. Des travaux économiques ont permis
d’évaluer les avantages représentés par la consommation de biens
jusqu’ici considérés comme gratuits, comme l’air notamment, et les
coûts des dommages provoqués par les activités humaines, celle des
transports
par
exemple.
Exploitant
ces
résultats,
des
outils
économiques sont aujourd’hui proposés aux pouvoirs publics pour
mettre en oeuvre une politique de protection de l’environnement.
Sommairement, ces outils sont de deux types : soit des
instruments
réglementaires,
qui
créent
des
interdictions,
des
obligations de respecter des normes, c’est-à-dire des contraintes
juridiques assorties de sanctions, soit des instruments économiques,
définis comme des signaux émis à l’attention des particuliers et des
entreprises en vue d’influencer leurs comportements de producteurs,
de consommateurs ; jusqu’à une période récente, il s’agissait, pour
l’essentiel, de mesures fiscales.
6
Pour son XXIII
ème
rapport au Président de la République, le
Conseil des impôts a retenu le thème de la fiscalité et de
l’environnement. Il s’est posé deux questions :
-
Comment
cette
fiscalité
est-elle
utilisée
actuellement en France ?
-
Son rôle peut-il être accru ?
Dès lors que l’objectif poursuivi par ces mesures fiscales n’est
pas seulement budgétaire - assurer des ressources aux budgets
publics - mais aussi de protéger l’environnement tout en prenant en
compte les contraintes économiques, chercher à répondre à ces
interrogations
consiste
à
essayer
de
déterminer
les
mesures
« efficaces »
L’analyse économique part du constat qu’en l’absence de
toute politique environnementale, les divers agents économiques –
producteurs et consommateurs - ne tiennent pas compte des
dommages que leur activité peut exercer sur l’environnement. Ce
constat justifie une certaine régulation.
La première forme de cette régulation a été l’édiction de
règles juridiques. La réglementation, par interdiction ou encadrement
des comportements et des pratiques, permet de limiter les dommages
causés à l’environnement. C’est le mode d’intervention le plus adapté
face à des menaces irréversibles ou jugées intolérables ou bien en cas
de situation d’urgence. Mais la réglementation impose à tous une règle
uniforme qu’il est difficile d’adapter aux situations particulières, sauf
à créer de nombreuses dérogations, difficiles à définir et surtout à
contrôler.
Selon les économistes de l’environnement, les mesures
fiscales, parce qu’elles permettent une approche décentralisée,
constituent un moyen de contourner cet inconvénient de la
réglementation, tout en soulevant d’autres problèmes, s’agissant tant
de leur conception que de leur mise en oeuvre. Elles visent à orienter
les choix des acteurs économiques par l’intermédiaire des prix. Le
raisonnement part du constat que le coût de la production d’un bien est
inférieur à son coût social, lequel inclut notamment celui de la
dégradation de l’environnement provoqué par cette production. La
différence entre ces deux coûts est qualifiée d’externalité. Les mesures
fiscales
permettent
d’introduire - les
économistes
parlent
d’internaliser - la valeur estimée de l’externalité dans le calcul
économique des agents.
7
En présence d’une taxe, les agents peuvent arbitrer entre la
réduction de la pollution qu’ils occasionnent ou son maintien et le
paiement de la taxe. Le marché, ainsi corrigé, est censé conduire à
l’optimum.
Le niveau de ces mesures est toutefois délicat à établir. Selon
la théorie, le taux de la taxe doit être fixé au niveau où le coût
marginal de réduction d’une pollution donnée et le coût marginal des
effets négatifs de cette pollution sont égaux. Si le taux de la taxe est
trop bas, le niveau de pollution sera excessif et, à l’inverse, si le taux
est fixé trop haut, la production ou la consommation du bien ou du
service en cause sera réduite en dessous du niveau souhaitable. Le bon
fonctionnement de ces mécanismes suppose donc la connaissance
précise des phénomènes écologiques et de leurs conséquences,
permettant d’estimer les coûts marginaux, ce qui peut s’avérer très
difficile.
Cette difficulté conduit les économistes de l’environnement à
préconiser, en cas d’information incomplète, une approche dite
« démarche de second rang ». Sur la base d’une norme donnée, par
exemple un accord international comme le traité de Kyoto, la taxe est
fixée à un taux qui est censé permettre de limiter la pollution à ce
niveau. Cette approche nécessite un niveau d’information moindre
mais elle suppose une bonne connaissance prévisionnelle de la
manière dont les agents économiques vont réagir à la taxe pour limiter
la pollution.
En tout état de cause, le recours aux mesures fiscales
comporte un degré assez élevé d’incertitude. Il n’est pas certain que le
seuil de pollution retenu soit respecté si les acteurs économiques ne
réagissent pas comme il était prévu. Les exonérations fiscales et les
subventions présentent le même risque. Les marchés de quotas sont
présentés comme une réponse à ce risque.
8
Le marché de « quotas »
Un marché de quotas consiste, après avoir déterminé un niveau maximum
de pollution à atteindre, à répartir entre les entreprises concernées des quotas
permettant de le respecter. Un
« droit » implicite et précaire à polluer est transformé
en un « droit limité et négociable ». Une autorisation d’émettre une quantité donnée
de polluants correspond à un quota ou à un permis qui est échangeable. Les échanges
permettent aux entreprises
qui ont réduit leur pollution (en principe parce que le coût
de la réduction était inférieur au prix des quotas sur le marché) de vendre leurs droits
à celles qui n’ont pas réduit la leur (le plus souvent parce que le coût de cette
réduction aurait été jugé trop élevé). Le marché assure ainsi une répartition rationnelle
des efforts. Mais, pour pouvoir être mis en place, un marché de quotas nécessite une
évaluation précise des facteurs de pollution et les acteurs ne doivent pas être trop
nombreux pour permettre à la fois l’organisation de la répartition des quotas et celle
du marché où ils peuvent s’échanger. Les premiers marchés ont été organisés aux
Etats-Unis pour limiter les émissions d’oxydes de soufre (SO2). Dans le cadre du
protocole de Kyoto, un marché de droits est en cours de mise en place dans les pays
européens pour permettre aux plus gros émetteurs de CO2 : producteurs d’énergie,
industries du papier, du verre, du ciment notamment, d’acheter ou de vendre des
droits.
La taxation, les mesures fiscales dérogatoires et les marchés
de quotas présentent des avantages sur la réglementation : celui de la
décentralisation tout d’abord, la décision d’ajustement relevant du
choix,
supposé
rationnel,
de
chaque
consommateur
ou
producteur ; celui de la souplesse ensuite, puisque ces instruments ne
fixent pas les modalités par lesquelles on doit respecter la norme.
L’efficience de l’outil fiscal repose sur la qualité de l’information
disponible sur les dommages environnementaux, les comportements et
les techniques de production. Son utilisation suppose donc à la fois
des études d’impact approfondies, préalables aux décisions et un suivi
attentif de leurs effets pour pouvoir le cas échéant procéder à des
ajustements.
En outre, l’utilisation de l’outil fiscal au service des politiques
publiques de l’environnement ne peut déroger, sauf à créer de
nouvelles distorsions dans l’économie, à un certain nombre de critères
de l’efficacité fiscale que le Conseil des impôts a dégagés au fil des
ans.
L’expérience montre que la fiscalité est peu adaptée si le
niveau des recettes est trop limité ou instable et si l’assiette est
complexe à identifier ou à contrôler. Ces défauts augmentent très
sensiblement les coûts de gestion de l’administration mais aussi ceux
des redevables, ce qui rend la mesure moins acceptable par ces
derniers.
9
A côté de la charge administrative qu’entraîne une mesure
fiscale, son acceptabilité est habituellement appréciée par rapport à la
capacité contributive des redevables. Or, s’agissant de la fiscalité
environnementale, un autre principe, celui du « pollueur-payeur », doit
aussi être pris en compte. Dans quelle mesure la taxe est-elle
effectivement supportée par l’agent économique producteur de la
pollution ?
Au
regard
de
l’acceptabilité
de
la
fiscalité
environnementale, un concept « original » complète cette approche,
celui du « double dividende ». Comme l’impôt environnemental
affecte les coûts de production des entreprises ou le pouvoir d’achat
des consommateurs, il risque de peser à court terme sur le potentiel de
croissance.
Pour atténuer ce risque, certains économistes de
l’environnement ont proposé de compenser les impôts nouveaux par la
diminution d’autres prélèvements obligatoires, plus particulièrement
ceux pesant sur le travail (cotisations sociales notamment), diminution
qui est censée être favorable à la croissance et à l’emploi.
Cette « compensation » peut se résumer ainsi :
-
le premier « dividende » vient de la réduction des
comportements néfastes à l’environnement ;
-
le second « dividende » vient de l’abaissement de
prélèvements défavorables à la croissance (cotisations sociales par
exemple) qui est rendu possible par les recettes dues à la taxe.
Comme on peut l’imaginer, la question fait débat mais elle
s’inscrit bien dans la préoccupation de l’acceptabilité de l’impôt.
*
*
*
Le Conseil des impôts a retenu une approche large qui,
dépassant la fiscalité explicitement conçue pour lutter contre la
pollution (mesures qualifiées parfois d’écotaxes),
inclut des mesures
dont la finalité première est le financement des services publics qui
peuvent contribuer à limiter la pollution.
Cette approche correspond à celle, avec quelques variantes, de
l’OCDE, d’EUROSTAT ou de la Commission des comptes et de
l’économie de l’environnement. Elle considère comme fiscalité liée à
l’environnement l’ensemble des mesures fiscales ayant un impact sur
l’environnement. Dans cette approche, une disposition prise par les
Pouvoirs publics est considérée comme liée à l’environnement si elle
« taxe » des éléments qui nuisent à celui-ci. Répondent à cette
10
définition
des
taxes,
des
redevances
1
,
d
es
allègements,
des
exonérations, des crédits ou remboursements d’impôts bénéficiant à
certains contribuables et favorables à l’environnement.
En revanche, cette définition ne retient pas certaines taxes
dont l’assiette est considérée comme n’ayant pas un lien suffisamment
direct avec l’environnement. C’est par exemple le cas de la taxe
professionnelle qui, par l’imposition des actifs, frappe les industries
lourdes qui sont souvent les plus polluantes. C’est aussi le cas de la
TVA, en raison de sa déductibilité, même si les taux minima, accordés
pour favoriser des produits ou des comportements moins polluants,
sont examinés dans le cadre des mesures dérogatoires en faveur de
l’environnement.
La définition large de l’environnement
2
conduit à inclure dans
le périmètre de la fiscalité liée à l’environnement de très nombreuses
mesures. L’inventaire complet, dressé pour le présent rapport (figurant
en annexe) recense près de 50 taxes ou redevances, réunissant une
recette de l’ordre de 48 Md€. Leur importance en termes budgétaires
et d’effet sur l’environnement est très variable. La TIPP, les taxes et
redevances perçues dans le secteur de l’eau et celles sur la collecte et
le traitement des déchets représentent à elles seules un montant de
l’ordre de 40 Md€.
Les principales mesures sont examinées dans une première
partie, en retenant la typologie suivante :
-
les taxes à finalité budgétaire, au premier rang
desquelles les accises sur les hydrocarbures. Elles peuvent
influer sur les comportements de consommation à moyen ou
long terme et contribuer à limiter la pollution ;
-
les redevances pour service rendu incitent à limiter
l’utilisation d’une ressource rare et font contribuer le
consommateur au traitement de la pollution induite. Elles
1
Le terme taxe désigne des versements effectués sans contrepartie alors que les
redevances sont des versements avec contrepartie.
2
L’article L 110-1 du code de l’environnement définit l’environnement
comme suit :
« les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air,
les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils
participent font partie du patrimoine commun de la nation ». A cette définition, il y a
lieu de rajouter le bruit, souvent considéré comme une atteinte à l’environnement, et
qui fait l’objet de mesures fiscales.
11
répondent à une préoccupation de financement du service
mais tendent aussi à influencer les comportements ;
-
les
écotaxes
sont
conçues
pour
influencer
les
comportements et faire supporter par les agents économiques
les coûts engendrés pour la société par leurs choix de
consommation ou de production ;
-
les incitations fiscales cherchent à encourager les
comportements favorables à l’environnement au moyen de
mesures fiscales dérogatoires (réductions de taux, crédits
d’impôts …).
La seconde partie est consacrée à l’examen des conditions de
l’évolution de la fiscalité française de l’environnement :
-
le contexte dans lequel sont mises en oeuvre les
mesures en France,
-
les politiques conduites chez nos voisins.
Il en ressort que nos marges de manoeuvre sont limitées mais
réelles.
De ses analyses, le Conseil des impôts retient qu’une véritable et
profonde transformation de notre système fiscal fondée sur la fiscalité
environnementale n’est pas actuellement envisageable mais que des
aménagements sont à la fois souhaitables et possibles. Il formule en ce
sens quelques propositions pour remédier à certaines des faiblesses
constatées.
.
13
LA FISCALITE DE L’ENVIRONNEMENT
EN FRANCE : UN EFFET REEL MAIS
LIMITÉ
La situation peut être considérée comme paradoxale : les
effets environnementaux les plus importants sont le fait d’impôts, de
taxes ou de redevances pour services rendus, créés bien avant
l’émergence
des
politiques
publiques
en
faveur
de
l’environnement ; les mesures fiscales inspirées directement de
préoccupations environnementales n’ont qu’un effet limité, qu’il
s’agisse des diverses composantes de la taxe sur les activités
polluantes
(TGAP)
ou
des
mesures
fiscales
dérogatoires.
15
I. - L
A FISCALITE DE L
ENERGIE ET
DES TRANSPORTS
Bien
qu’ayant
pour
finalité
d’assurer
des
ressources
budgétaires importantes et stables, certaines taxes contribuent
néanmoins à limiter la pollution parce qu’elles renchérissent le prix de
produits polluants. Les taxes sur l’énergie et sur les transports en sont
l’illustration.
A. - La fiscalité de l’énergie
est le domaine d’application
des taxes qui ont l’effet le
plus important en matière
d’environnement
La plus importante des taxes sur l’énergie est la taxe intérieure
sur les produits pétroliers (TIPP) dont la création répondait à des
préoccupations budgétaires. Elle est efficace pour atténuer la pollution
la plus générale produite par l’utilisation des énergies fossiles, à savoir
l’effet de serre. En revanche, les « taxes » qui frappent les autres
formes d’énergie n’ont qu’un impact limité sur les dommages
environnementaux.
1. - La taxation des hydrocarbures
Les hydrocarbures font l’objet d’une taxation résumée dans le
tableau ci-après.
16
Tableau n° 1 :
Les taxes sur les hydrocarbures
Intitulé de la mesure fiscale
Références
Montant
recouvré en
2004 (en M€)
Taxe intérieure de consommation sur les
produits pétroliers
Code des douanes
article 265
24 962
Taxe sur les carburants dans les
départements d'outre-mer
3
Code des douanes
- article 266 quater
469
Total
25 431
La fiscalité sur les hydrocarbures représente en 2004 un
montant de 25,4 Md€, soit une part prépondérante des taxes liées à
l’environnement.
1.1. La TIPP a une finalité budgétaire
A l’origine, la taxe sur les produits pétroliers (TIPP) était un
complément du droit de douane frappant les importations.
Elle s’applique sur les produits mis à la consommation, avec
des taux variant selon la nature ou l’usage de ceux-ci. Elle agit comme
un « amortisseur » pour le prix des carburants à la pompe,
représentant entre 40 % et 50 %
du prix final du gazole et de
l’essence.
Basée sur une assiette bien identifiée, la TIPP est relativement
facile à recouvrer et à contrôler. De plus, les entreprises du secteur
pétrolier assurent l’essentiel de la gestion de l’impôt à travers leurs
obligations déclaratives et de paiement.
Le produit de la TIPP représente près de 10% des recettes
fiscales nettes de l’Etat. Toutefois, depuis la loi de finances pour 2004,
une fraction des recettes dégagées par la TIPP, de l’ordre de 5 Md€,
est reversée aux départements pour leur permettre de financer des
transferts de charges résultant de la décentralisation. La loi de finances
pour 2005 a prévu le transfert aux régions d’une nouvelle fraction de
la taxe correspondant à un montant évalué à 400 M€ en loi de finances
2005.
3
Dans les départements d’outre mer, la TIPP est remplacée par une taxe de
consommation qui alimente le budget des départements et dont le taux et les
exonérations sont fixés par ces institutions.
17
Ce transfert est accompagné de la possibilité de moduler une
fraction du tarif à compter du 1
er
janvier 2007.
Le produit de la TIPP a connu une croissance significative. Il
est passé de 21,8 Md€ en 1995 à 25 Md€ en 2004, soit une
augmentation de plus de 14 % sur dix ans.
Cette évolution n’a pas été régulière. Son produit a diminué en
2000 ( - 1,53 %) et en 2001 ( - 3,55 %), suite à l’instauration de la
TIPP flottante qui a ralenti la progression des recettes alors que la
consommation augmentait.
Dans un contexte de hausse des cours des hydrocarbures
4
, la loi de
finances pour 2001 avait institué une TIPP dite « flottante ». La TIPP était
modulée quand le cours du brent, pétrole de référence de la Mer du Nord,
variait à la hausse ou à la baisse de plus de 10 % par rapport au cours du
bimestre
ayant
entraîné
la
précédente
modification.
Ce
mécanisme
d’ajustement s’interrompait dès lors que les cours revenaient à un niveau
inférieur à ceux du mois de janvier 2000, à savoir 25,44 $ le baril. Il ne
prenait pas en compte la fluctuation du cours du dollar qui a pourtant une
forte incidence sur le prix à la pompe.
Le montant de la modulation correspondait au surplus de TVA
encaissé par l’Etat sous l’effet de la hausse des prix des carburants à la
pompe. La baisse a été au plus de l’ordre de 2,19 centimes € par litre,
auxquels s’ajoutait un allégement ou « bonus » fiscal exceptionnel au
maximum de 0,88 centimes € par litre. L’incidence budgétaire de la TIPP
flottante s’est traduite par une diminution du produit de la TIPP de
2,7 milliards
5
d’euros pour la période du 1
er
octobre 2000 au 21 juillet 2002
au cours de laquelle l’augmentation des cours du brent a entraîné des recettes
de TVA supplémentaires de l’ordre de 1,4 Md€.
Les possibilités de diminuer la TIPP sont réduites pour des raisons
budgétaires dès lors que les ressources complémentaires de TVA liées aux
prix des carburants s’avèrent limitées, notamment si la consommation
diminue.
Selon l’administration des douanes, une baisse de la TIPP d’un
centime d’euro sur les gazoles, supercarburants et fiouls domestiques
4
Le cours du baril était passé en quelques semaines de 24 à 35 $.
5
Au titre de la TIPP : 2 241 M€, auxquels il faut ajouter la perte de TVA induite, soit
environ 440 M€. L'impact total en terme de perte de recettes (TIPP+TVA) est donc
évalué à 2,7 Md€.
18
représente une perte de recettes de l’ordre de 700 millions d’euros par an,
alors que le surplus de recettes de TVA prévisible n’est que de 600 M€
6
. La
commission indépendante chargée d’analyser les effets de la hausse des prix
du pétrole sur les recettes fiscales a d’ailleurs conclu à l’automne 2004 à
«
l’absence de plus-value de la fiscalité pétrolière sur l’année …
».
A consommation donnée, et sans mesure particulière,
plusieurs facteurs contribuent à ralentir la progression du produit de la
TIPP:
- la poursuite du mouvement de substitution de l’utilisation du
gazole à celle de l’essence, malgré le rapprochement de leurs
taux de taxation respectifs ; la consommation du premier croît
de 3 % l’an environ, alors que celle de la seconde diminue à
un rythme qui semble s’accélérer depuis 2003 (2,6 % en
2003 ; 3,3 % en 2004) ; ceci résulte du fait que le nombre de
véhicules diesel des particuliers augmente chaque année de
8 % alors que celui des véhicules à essence diminue de
0,7 %. Cette modification des comportements entraîne une
perte de recettes annuelles de l’ordre de 150 M€
7
;
- la quasi disparition de la consommation du super sans plomb
et l’amélioration du rendement énergétique des moteurs.
Le taux de TIPP plus faible appliqué au gazole, consommé par
les véhicules particuliers et les utilitaires légers, par rapport à celui
appliqué à l’essence, représente une minoration de recettes budgétaires
d’environ 4 Md€. Les bénéficiaires de cette minoration sont d’abord
les ménages mais aussi, pour une part significative, les entreprises qui
détiennent 70 % des véhicules utilitaires légers et 12 % des voitures
du parc automobile français.
1.2. Une taxe dont l’impact environnemental est certain
L’ancienneté et le niveau relativement élevé de la TIPP ont
certainement contribué, dans une proportion malheureusement mal
connue, à limiter la consommation domestique en stimulant
6
Ce chiffre repose sur les hypothèses suivantes : maintien des prix, jusqu’à la fin de
l’année, au niveau observé en moyenne au 1
er
semestre et maintien des
consommations au niveau de février 2005. En cas de tassement des consommations dû
à l’effet prix, comme cela a été observé en 2004, la « plus-value » se réduit.
7
Sous l’effet
de
la diminution des consommations d’essence : -230 M€, très
partiellement compensés par les recettes supplémentaires dues à l’augmentation
de la
consommation du gazole (+ 80 M€)
19
notamment les efforts des constructeurs automobiles pour réduire la
consommation des moteurs. Mais, à court terme, les variations de prix
ont une incidence relativement faible sur la consommation. Ainsi,
l’augmentation des prix réels de l’essence en France, constatée lors
des chocs pétroliers de 1973 et 1979
8
, ne s’est pas traduite par un net
ralentissement de la consommation mais tout au plus par un
infléchissement lors du second choc pétrolier. Après la baisse sensible
des cours du pétrole observée en 1986
9
, la croissance de la
consommation a repris pendant une dizaine d’années pour se ralentir
ensuite.
Cela confirme que l’élasticité-prix de la consommation de
carburant
serait
faible
à
court
terme
(d’après
une
étude
économétrique
10
, une augmentation de 10 % du prix entraînerait une
réduction de consommation de 2 à 3 %).
Elle serait plus forte à long
terme selon la même étude (entre 6 et 8 %). Et cette élasticité varierait
selon les pays. De plus, l’augmentation des prix réels peut être
atténuée par le jeu de l’inflation ou par la baisse des cours du dollar.
En 2002, le trafic routier a provoqué l’émission de
129,6
MtCO2, soit près d’un quart des émissions totales de gaz à effet
de serre en France (554 MteCO2
11
). Or, ces émissions ne sont pas
incluses dans le nouveau marché de quotas qui porte sur le CO2
produit par les industries les plus fortes consommatrices d’énergie
primaire (cimenterie, sidérurgie, production d’électricité). Aussi, la
TIPP peut-elle être considérée comme le principal outil disponible
pour limiter les émissions liées à la combustion des hydrocarbures.
8
Quadruplement des prix en 1973 et doublement en 1979
9
Prix divisés par trois
10
GRAHAM D. & GLAISTER S. (2002)
Review of income and price elasticities of
demand for road traffic,
Centre for Transport studies, Imperial College of Science,
Technology and Medecine
11
Emissions hors prise en compte des changements d’affectation des terres et de
l’absorption par les puits de carbone (les forêts)
20
1.3. Les taux de la TIPP et leur incidence sur la pollution
Tableau n° 2 :
Les taux de TIPP
Produit
Montant de la
TIPP (en €/hl
)
Essence sans plomb
58,92
Diesel
41,69
Gazole pour transport de marchandises
39,19
Fioul domestique utilisé comme carburant
diesel
5,66
Fioul utilisé par les professions agricoles
5,66 au 30.06
04 ; 1,66 du
1.07.04 au
30.06.05
Fioul domestique utilisé par le transport
fluvial
5,66
Supercar-
burant
sans
plomb
Exonération de
TIPP dans la
limite annuelle
de 5000 litres ;
au-delà 58,92
€ /hl
Carburant utilisé par les chauffeurs de taxi
dans la limite de leur quota de 5000 l /an
Gazole
Exonération de
TIPP dans la
limite annuelle
de 5000 litres ;
au-delà 41,69
€ /hl
Carburéacteurs pour aéronefs
0
Gazole – fioul domestique
5,66
Fioul lourd
1,85
Produits pétroliers utilisés pour certains
navires, hors navigation côtière
0
Produits pétroliers utilisés par les navires
de pêche
0
La TIPP se caractérise par l’existence de taux différenciés
selon les produits et selon leur utilisation par suite de la multiplication
des mesures d’exonérations partielles ou de remboursement.
Le gazole est sensiblement moins taxé que l’essence
(41,69 €/hl contre 58,92€/hl). Cette situation se retrouve dans
l’ensemble des pays européens à l’exception du Royaume-Uni (l’écart
21
moyen étant supérieur à 10 centimes par litre). Le régime de
récupération de la TVA pour les professionnels accentue l’avantage
accordé au diesel.
En effet, la TVA acquittée sur le gazole utilisé par un véhicule
appartenant à une entreprise (assujettie à cette imposition) peut être
déduite à hauteur de 80 % de son montant alors que la TVA relative à
l’essence ne donne droit à aucune récupération en droit interne par
dérogation aux principes généraux de cette taxe. Cette pratique est
admise par la réglementation communautaire du fait qu’elle existait
avant l’entrée en vigueur de la 6
ème
directive
12
. La récupération de la
TVA sur le gazole avait été supprimée par la loi de finances pour
1998. La CJCE a considéré que cette suppression n’était pas conforme
aux dispositions de la 6
ème
directive communautaire et a censuré cette
disposition
13
.
Le taux de la taxe pour le fioul domestique, produit très
proche du gazole routier et utilisé essentiellement pour le chauffage,
est plus de sept fois inférieur à celui du gazole. Le fioul lourd utilisé
pour l’industrie et la production d’électricité est vingt fois moins taxé.
Le secteur du transport routier de marchandises bénéficie d’un
remboursement partiel de TIPP sur le gazole
14
, dont le coût est estimé
à 182 M€ en 2004. Le motif de cet avantage est le maintien de la
compétitivité de cette profession face à la concurrence étrangère.
Malgré cette mesure, le prix du gazole en France pour les
transporteurs demeure 6 % plus cher que dans la moyenne de l’Union
européenne à 25
15
.
Certains
usagers
(SNCF,
engins
agricoles
ou
de
manutention…) ont la possibilité d’utiliser du fioul domestique, moins
12
Sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière
d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre
d'affaires
13
Cf. dans la seconde partie les développements consacrés au droit européen
14
Correspondant à la différence entre le taux normal et un taux spécifique de
39,19 €/hl. Le niveau du remboursement a été ajusté pour tenir compte de la TIPP sur
le gazole et des minima de taxation prévus par la directive européenne 2003 / 96/ CE
(qui empêche de fixer des taux inférieurs à ceux en vigueur au 1/ 01/ 2003 pour la
TIPP gazole) et pérennisée par la loi de finances pour 2005. Cette loi a également
supprimé, de façon rétroactive, le contingentement qui existait précédemment.
15
Mais ce n’est pas la principale explication des difficultés rencontrées par ce secteur
composé de nombreuses entreprises de petite taille (cf. rapport HILLEMEYER
Mission parlementaire Transport routier de marchandise
, Assemblée Nationale,
2004).
22
taxé, comme carburant. Cet avantage est évalué à environ 1,23 Md€.
Les agriculteurs bénéficient en plus à l’heure actuelle d’un
remboursement partiel de TIPP destiné à limiter les effets de la hausse
du prix des hydrocarbures
16
.
Les chauffeurs de taxis, les commerçants exerçant en zone
rurale, les exploitants de transports de voyageurs bénéficient de
remboursements de TIPP à hauteur de 95 M€ par an, ce qui conduit à
une exonération quasi complète. En application de la directive
communautaire sur l’énergie
17
, ce régime devrait être remplacé à
compter du 1
er
janvier 2006 par une taxation à taux réduit.
Le carburéacteur destiné au transport aérien est totalement
exonéré, ce qui correspond à un avantage pour le secteur d’environ
1 Md€. Cette situation découle d’accords internationaux conclus dans
le cadre de l’organisation internationale de l’aviation civile (OACI)
18
et répond aujourd’hui également à une volonté d’alléger les charges de
ce secteur.
Une exonération totale est également prévue pour le transport
maritime et pour les pêcheurs professionnels. L’avantage accordé est
de l’ordre de 230 M€. Cette exemption résulte d’une pratique des
Etats qui craignent qu’une taxe sur les carburants ne détourne le trafic
de leurs territoires.
Au plan européen, le principe d’une exonération de taxation
des combustibles utilisés par le transport maritime dans les eaux
16
L’article 33-III de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 (LFI pour 2005) a
prévu un remboursement partiel de TIPP en faveur des exploitants agricoles à hauteur
de 4 € /hl, soit un taux net de TIPP de : 5,66 – 4 =1,66 €/hl. Par communiqué de
presse du 31 mars 2005, le ministre de l’économie a décidé de prolonger ce dispositif
jusqu’au 30 juin 2005.
17
L’exonération de TIPP, sur la base d’un contingent annuel, prévue à l’article
265 sexies du code national des douanes, est autorisée jusqu’au 31 décembre 2006
(directive 2003-96-CE du 27 octobre 2003, article 18 et annexe II). L’article 5 de la
même directive prévoit la possibilité d’appliquer un taux réduit de TIPP en faveur
notamment des taxis et des ambulances, à condition que ce taux réduit applicable ne
soit pas inférieur aux minima communautaires mentionnés à l’annexe I de cette
directive, à savoir : 30,2 €/hl pour le gazole ; 35,9 €/hl pour les supercarburants sans
plomb – cf. Journal Officiel de l’Union Européenne (JOUE) du 31 octobre 2003,
L. 283, p.63).
18
L’article 24 de la convention de Chicago du 7 décembre 1944 interdit en effet la
taxation du carburéacteur contenu dans les cuves des avions d’un Etat contractant à
son arrivée dans un autre Etat contractant (carburant dit de « transit »). Par extension,
le kérosène n’est pas non plus taxé sur les vols intérieurs, même si une telle
disposition ne serait pas a priori interdite par la convention de Chicago.
23
communautaires a été posé par la directive 92/81 CE d’octobre 1992
19
confirmée par la directive 2003/96 CE d’octobre 2003
20
.
Il résulte de ces différences de taux et de ces exonérations que
les recettes de la TIPP proviennent pour l’essentiel de l’essence et du
gazole (respectivement 39,4 % et 55,8 % des recettes totales)
consommés par les véhicules. La TIPP est ainsi d’abord une taxe sur
les transports.
La diversification des taux selon les usages entraîne une
charge de gestion supplémentaire pour l’administration des douanes,
même si la majeure partie des contraintes pèse sur les opérateurs
pétroliers, notamment celle liée à la coloration des carburants pour
assurer la « traçabilité »
21
.
L’existence d’une exonération partielle ou totale permet des
pratiques frauduleuses. En effet, une taxation différenciée selon
l’utilisation peut conduire à des détournements d’un produit plus
faiblement taxé vers un usage fiscalement moins favorisé. Le cas le
plus caractéristique est la substitution du fioul domestique au gazole.
Compte tenu du poids de la fiscalité pétrolière, toute fraude, même
minime, peut assurer un gain important au fraudeur
22
. Les
investigations des services de la direction générale des douanes et
droits indirects (DGDDI), ont mis en évidence l’existence d’une
fraude d’ampleur importante, menée par de véritables réseaux
organisés.
Les justifications de ces mesures d’exonération totale ou
partielle sont multiples : maintien de la compétitivité, aménagement
du territoire ou encore soutien à des secteurs en difficulté ou justifiant
un traitement particulier. Le Conseil n’a pas porté de jugement sur ces
justifications qui dépassent le cadre du présent rapport mais il observe
19
Article 8-1-c
20
Article 14-1-c qui reprend exactement les dispositions précédentes
21
Ainsi, le gazole destiné à un usage domestique se voit adjoindre un colorant rouge
pour le distinguer du gazole destiné aux véhicules. De même, c’est un colorant de
couleur bleue qui distingue le gazole destiné à l’avitaillement et au transport maritime.
22
A titre d’exemple, sachant que le prix au litre du gazole a oscillé en 2002 entre
0,74 € et 0,80 € et celui du fioul domestique entre 0,33 € et 0,40 €, et que le fioul
domestique peut être utilisé comme carburant, à la seule réserve que sa coloration le
rend détectable par les services de contrôle, le gain potentiel d’une revente de fioul
domestique, en vue d’un usage comme carburant, peut être estimé entre 0,34 € et
0,47 € par litre. Pour un seul camion-citerne de 27 000 litres (contenance moyenne), la
fraude potentielle représente un gain d’environ 10 000 €.
24
qu’elles atténuent, pour les bénéficiaires, l’incitation à économiser des
produits sources de pollution et favorisant, notamment en matière de
transport, des usages qui ne sont pas toujours les plus favorables du
point de vue environnemental.
L’utilisation des produits pétroliers entraîne en effet des
dommages multiples. En plus de l’émission de gaz carbonique, cause
principale de l’effet de serre, elle provoque des nuisances plus
localisées (par exemple risques pour la santé des émissions de
particules causées par l’utilisation du gazole), sans parler des
accidents de la route ou des difficultés de circulation automobile qui
sortent du champ de l’étude.
Les taxes sur la pollution ne sont efficaces, selon les
économistes de l’environnement, que si leurs taux sont fixés en
référence à une évaluation des dommages qu’ils causent. Si
l’information disponible ne permet pas de procéder à cette évaluation,
les taux doivent être fixés par référence au coût des mesures
permettant de respecter un niveau de pollution considéré comme un
plafond à ne pas dépasser.
Les conséquences de l’effet de serre sont encore très mal
connues. Aussi, les mesures prises pour limiter les émissions de gaz
carbonique qui participent à cette pollution sont fixées à un niveau
censé assurer le respect du plafond fixé par le protocole de Kyoto, à
savoir l’obligation pour la France de stabiliser en 2012 les émissions
de CO2 au niveau de celles de 1990.
Un rapport du Commissariat Général du Plan de juin 2001 sur
les transports estime que si le producteur ou le consommateur devait
payer 27 euros pour chaque tonne de CO2 dégagée, l’objectif de
Kyoto pourrait être respecté. Cet objectif était associé à un prix
tendanciel
23
du baril de pétrole de 28 dollars en 2005 et 36 dollars en
2020. Si le prix du baril, sur la longue période, atteignait plutôt
47 dollars, la consommation diminuerait suffisamment, selon ce
rapport, pour que l’objectif de Kyoto de réduction des gaz à effet de
serre soit atteint sans taxation. Toutefois, la faible élasticité de la
consommation à l’augmentation des cours du pétrole à court terme
conduit à considérer que ce résultat ne serait atteint qu’après un délai
relativement long. De plus, il est vraisemblable que les objectifs de
Kyoto seront rendus plus exigeants au-delà de 2012. La taxation a
23
Ces données sont indicatives et fixent des ordres de grandeur.
25
donc encore un rôle à jouer pour limiter les émissions de gaz à effet de
serre, même dans l’hypothèse d’un prix du baril durablement élevé.
De toute façon, l’effet de serre n’est pas, loin de là, la seule
nuisance
environnementale
causée
par
la
consommation
des
carburants. Le tableau ci-dessous en donne un aperçu. La nécessité de
lutter contre ces nuisances suffirait à justifier le maintien d’une taxe.
Tableau n° 3 :
Comparaison des coûts externes pour l’environnement liés à la
circulation automobile
24
(En C€ / litre)
Tableau 1 :
Pollution
locale
Effet
de
serre
Bruit
Coût total
des effets
externes
environne
mentaux
Niveau
de TIPP
actuelle
Coût
total des
effets
externes
négatifs
Taxation
actuelle
25
Zone interurbaine
VP essence
1,3
4,8
nd
6,1
58,92
56,8
72,7
VP gazole
1,6
5,3
nd
6,9
41,69
67,8
58,2
PL gazole
1,7
5,3
nd
7
39,19
50,7
53,7
Zone urbaine
VP essence
37,2
4,8
6,7
48,7
58,92
569,9
61,1
VP gazole
44,6
5,3
8,0
57,9
41,69
683,3
44,4
PL gazole
26
nd
nd
nd
nd
39,19
nd
nd
Source : calculs de la direction du Trésor et de la politique économique
(DGTPE)
24
Pour la pollution locale et le bruit, il s’agit du coût du dommage causé par la
consommation d’un litre supplémentaire de carburant.
Pour le bruit, la méthode de calcul adoptée conduit à ne pas prendre en compte les
nuisances causées à l’habitat hors des villes, leur effet touchant alors un nombre limité
de riverains. Pour l’effet de serre, il s’agit du montant de taxation théoriquement
nécessaire, par litre (le prix du baril de pétrole étant supposé égal à 35$ dans les
calculs effectués) pour que la baisse de la consommation permette d’atteindre
l’objectif de réduction des gaz à effet de serre retenu à Kyoto.
Les valeurs fournies sont des moyennes pondérées des niveaux d’effets externes dans
les différents types d’aires urbaines (de moins de 25 000 habitants à plus de 700 000
habitants et Ile-de-France) et sur les différents réseaux (autoroutes concédées ou non,
routes nationales, départementales, communales).
25
Taxation au sens large incluant la TIPP, la taxe à l’essieu, les péages autoroutiers,
les contrats d’assurance (qui prennent en partie en compte les effets des accidents)
26
Les coûts sont très difficiles à calculer, car variant fortement en fonction du trafic ;
ils n’ont pu être établis en zone urbaine ; ils sont naturellement supérieurs à ceux
causés par les véhicules particuliers. Les définir nécessiterait une étude économique
spécifique. Quelques éléments sont donnés dans le développement sur la taxe à
l’essieu.
26
Les données figurant dans ce tableau fournissent des ordres de
grandeur qui peuvent être rapprochés des taux de TIPP et des autres
taxes frappant la circulation automobile afin d’examiner si elles
couvrent la valeur des effets négatifs causés à l’environnement par
cette dernière.
Pour ce qui est de l’effet de serre, les conséquences de la
consommation d’un litre d’essence ou de gazole ne varient pas en
fonction du lieu où ils sont consommés, ce qui fait de la TIPP un outil
adapté à la lutte contre cette forme de pollution.
De ce point de vue, la différence de taux appliquée à l’essence
et au gazole n’apparaît pas justifiée, les véhicules diesel dégageant
plus de CO2 par litre que l’essence
27
.
Les autres effets négatifs varient très sensiblement selon que
la circulation a lieu en ville ou à la campagne. Il s’agit notamment des
pollutions atmosphériques liées à d’autres polluants que le CO2, en
particulier les particules fines, l’oxyde d’azote à l’origine de la
formation d’ozone et le monoxyde de carbone. D’après différentes
études, la pollution atmosphérique provoquée par la circulation
routière serait à l’origine d’environ 8000 décès prématurés chaque
année en France
28
.
Aux taux actuels, la TIPP ne permet pas de couvrir l’ensemble
des coûts des effets négatifs sur l’environnement en zone urbaine.
27
Si l’on rapporte les taux de TIPP à la quantité de kg de CO2 émise pour un litre de
carburant, on constate que le super sans plomb est taxé à 0,272 €/kg CO2 alors que le
diesel n’est taxé qu’à 0,157 € kg/ CO2.
28
Ces études n'arrivent pas toujours à un résultat identique mais donnent des ordres
de grandeur comparables :
- Agence française de sécurité sanitaire environnementale (mars 2004) Impact
sanitaire de la pollution atmosphérique urbaine, document de travail (rapports 1 et 2) :
la mortalité totale chez les personnes de plus de 30 ans due à l'exposition aux
particules fines est comprise entre 6500 et 9500 décès par an.
- Organisation mondiale de la santé, bureau régional de l'Europe (juin 1999) Health
Costs Due to Road Traffic-Related Air Pollution : 17 600 décès attribuables à la
pollution due au transport chaque année avec un intervalle de confiance de plus ou
moins 7000
- Comité pour les applications de l'académie des sciences
(1999) Pollution
atmosphérique due aux transports et santé publique. rapport commun n°12 coordonné
par Bernard Tissot:
3000 décès par an
Le rapport Boiteux a retenu, pour ces calculs, le chiffre de 10 600 cas annuels de
décès prématurés.
27
D’autres mesures fiscales, examinées plus loin à propos des
taxes sur les transports, comme les péages urbains, paraissent plus
appropriées.
Les externalités liées aux autres usages des carburants ont été
moins étudiées. Il est toutefois possible de rapprocher les taux
appliqués de la quantité de CO2 dégagée, valorisée, selon la méthode
exposée plus haut, dans le rapport du Commissariat général au Plan.
L’exonération totale de certains combustibles ne permet
évidemment pas de prendre en compte leurs émissions de gaz à effet
de serre.
Les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l’aviation
commerciale représentaient en 2000 près de 2,5 % des émissions
mondiales de dioxyde de carbone, soit un volume d’émission
comparable à celui total de la France
29
Pour l’instant, le transport
aérien, n’a pas été intégré dans le périmètre du marché de quotas. Le
transport maritime représente pour sa part 2 % des émissions
mondiales de CO2.
Les prélèvements au titre de la TIPP sur le fioul domestique et
sur le fioul lourd sont inférieurs aux niveaux correspondant à la valeur
de référence donnée dans le rapport du Commissariat général au plan.
La taxation actuelle du fioul domestique équivaut en effet à une
« valeur » de 2,3 c€ par kg de CO2 et pour le fioul lourd, de 0,6 c€
par
kg de CO2, à comparer à la valeur de référence de 2,7 c€ par kg de
CO2. Les émissions de CO2 provoquées par le secteur tertiaire
résidentiel et le secteur industriel représentent respectivement 18 %
et
33 % des émissions totales
30
.
La combustion du fioul domestique et celle du fioul lourd
dégagent d’autres polluants dans l’atmosphère (particules de matières,
oxyde de soufre, oxyde d’azote notamment) qui ne sont pris en
compte ni par la TIPP ni par le marché de quotas
31
.
29
IFEN,
Transport aérien de passagers et effet de serre
,
Données économiques de
l’environnement,
n°97, Novembre 2004
30
La partie correspondant aux usages industriels du fioul lourd est prise en compte
pour l’essentiel par le marché de quotas d’émissions.
31
Pour les entreprises assujetties à la TGAP air, certaines de ces pollutions sont
partiellement prises en compte.
28
2. - La taxation des autres combustibles
La principale taxe s’applique au gaz naturel ; il s’agit de la
taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN)
32
. Son
produit est de l’ordre de 168 M€.
Cette taxe est de 1,19 €/ million de kilowatts heures (kwh).
Elle est exigible lorsque les quantités livrées à un même utilisateur au
cours des douze derniers mois précédant la facturation ont excédé
5 millions de kwh. Elle est due par les entreprises de transport et de
distribution à l’occasion de la facturation des livraisons excédant
400 000 kwh par mois. Comme pour la TIPP, plusieurs types
d’exonérations sont accordées à raison de l’utilisation (chauffage des
immeubles à usage principal d’habitation, utilisation comme matière
première…) et les exploitants agricoles bénéficient, à titre temporaire,
d’une mesure de remboursement partiel de la TICGN acquittée pour le
chauffage des serres (0, 71 € / million de Kwh).
Le taux appliqué correspond à une valeur de 0,72 c€
33
par kg
de CO2, très inférieure à celle retenue par le rapport du plan cité plus
haut (2,7 c€ par kg de CO2), d’autant que la moyenne est beaucoup
plus faible compte tenu des exonérations et abattements à la base.
Le charbon, combustible très polluant, tant par les émissions
de CO2
34
que par les autres pollutions atmosphériques que dégage sa
combustion (particules de matières, oxydes de soufre notamment)
échappe pour l’instant à toute taxation spécifique
35
.
32
Code des douanes, article 266 quinquies
33
Centime d’euro
34
Le charbon dégage en effet 96 kg de CO2 par giga joule contre 75 pour le gazole,
73 pour l’essence, 57 pour le gaz naturel.
35
En l’absence de transposition sur ce point de la directive 2003/96/CE
29
3. - La taxation de l’électricité
Tableau n° 4 : des principales impositions de l’électricité
36
Intitulé de la mesure
fiscale
Référence
Montant
recouvré
en 2004
(en M€)
Contribution au service
public de l’électricité
Loi n°2000-108 du 10 février 2000
modifiée par la loi n°2003-8 du
3 janvier 2003
1 219
(1)
Taxe sur les fournitures
d'électricité sous faible
et moyenne puissance
CGCT articles L. 2333-2 à 5
(communes), articles L. 3333-2 à 3
(départements), article L. 5212-24
(syndicats de communes)
1 235
Taxe annuelle des
installations nucléaires
de base
Loi de finances pour 2000 n°99-1172
article 43
345
Contribution au fonds
d’amortissement des
charges d’électrification CGCT article L. 2224-31
468
(2)
(1)
Montant 2003, montant 2004 non disponible
(2)
Montant 2002, dernière année disponible
La contribution au service public de l’électricité dont le
produit dépasse 1, 2 Md€ a été instituée par une loi du 10 février 2000
pour compenser notamment les surcoûts résultant de l'obligation
d'achat, par EDF ou par les distributeurs non nationalisés, de
l'électricité produite par certains types d'installations (éoliennes,
photovoltaïque, cogénération
37
…). Son objet a été élargi à la
couverture de certaines charges liées au service public par la loi du
3 janvier 2003 (mise en oeuvre du tarif électrique " produit de première
nécessité " et dispositif institué en faveur des personnes en situation de
précarité).
36
Il faut observer que ces taxes ne prennent pas en compte celles frappant les
énergies primaires utilisées pour la production d’électricité, ni l’incidence des quotas
d’émissions.
37
La cogénération consiste en la production simultanée d’électricité et de chaleur le
plus souvent par récupération d’une partie de la chaleur perdue dans les dispositifs
classiques. Son principal intérêt est un meilleur rendement que les centrales
électriques classiques (80% contre 40%) et une réduction des émissions de gaz à effet
de serre. La cogénération est également utilisée pour la valorisation de déchets.
30
L’assiette de la taxe est constituée par la consommation
d’électricité, indépendamment de son mode de production. La taxe est
recouvrée sous la forme d’un prélèvement additionnel facturé au
consommateur
38
par les distributeurs ou fournisseurs d’électricité. Son
produit est affecté au fonds de service public de la prestation
d’électricité géré par la Caisse des dépôts et consignations.
Un plafonnement de la contribution par site de consommation
(500 K€) limite la charge pour les plus gros consommateurs
d’électricité.
La taxe sur les fournitures d’électricité sous faible et moyenne
puissance procure une recette comparable, d’environ 1,2 Md€. Elle est
collectée
auprès
des
consommateurs
par
les
fournisseurs
ou
distributeurs
d’électricité.
Son
assiette
est
constituée
par
la
consommation d’électricité sur le territoire de la collectivité. Le
produit de la taxe est affecté au budget de la commune et du
département.
La taxe sur les installations nucléaires de base, dont le produit
s’élève à 212 M€, est constituée d’une cotisation forfaitaire, modulée
en fonction de la puissance du réacteur concerné. Affectée à l’origine
à l’autorité de sûreté nucléaire, elle était perçue pour compenser les
frais liés au contrôle de la sécurité de ces installations. Elle est
devenue depuis 2000 une recette du budget général de l’Etat. La
suppression de la taxe sur les ouvrages hydroélectriques concédés en
2003, décidée pour favoriser l’énergie hydraulique, a été compensée
par une augmentation de la taxe sur les installations nucléaires de
base. Cette taxe ne prend pas en compte le traitement des déchets
nucléaires dont le coût est supporté par le producteur, EDF, qui
constitue dans ses comptes une provision à cet effet.
La contribution au Fonds d’amortissement des charges
d’électrification (FACE) représente un produit de plus de 460 M€.
Elle est collectée auprès des distributeurs d’électricité basse tension
par EDF qui l’affecte à ce fonds. Cette contribution, assise sur les
recettes des distributeurs, a un caractère obligatoire. Le taux fixé en
fonction du nombre de kilowatts heures distribués est déterminé sur la
38
La taxe est de fait à la charge des consommateurs éligibles qui sont les grosses
entreprises pouvant s'approvisionner auprès du producteur de leur choix en France ou
dans un autre Etat membre ; en revanche, pour les consommateurs non éligibles, la
taxe est compensée par une baisse équivalente des tarifs intégrés de vente de
l'électricité.
31
base du programme de dépenses établi par le conseil du FACE
39
.
Certaines dépenses du FACE ont une finalité environnementale,
notamment celles qui financent les travaux visant à améliorer
l'insertion des réseaux ruraux dans le paysage (24% des dépenses de
2002) ou encore les dépenses finançant les actions de maîtrise de la
demande en électricité faisant appel aux énergies renouvelables (1,1 %
en 2002).
B. - La fiscalité spécifique
supportée par le trafic
routier n’a pas un impact
significatif en matière
environnementale
Le secteur des transports est soumis, outre à la TIPP dont il est
le principal contributeur, à de nombreuses autres taxes qui, pour la
plupart, n’ont pas été créées dans la perspective de limiter la pollution
mais elles peuvent y contribuer.
39
Pour 2004, l’arrêté du 27 décembre 2004 du ministre de l’économie, des finances
et de l’industrie a fixé la valeur maximale des taux à 0,2 centime d’euro par kWh pour
les communes urbaines et 0,04 centime d’euro pour les communes rurales.
32
Tableau n° 5 :
Liste des impositions relatives aux domaines des transports
Imposition
Référence
Produit (en 2004,
en M€)
Taxe sur les certificats
d’immatriculation des véhicules
(carte grise)
CGI articles 1599
quindecies à novodecies A
1 458
Taxe différentielle sur les
véhicules à moteur
CGI articles 1599 C à J,
articles 1599 nonies à
duodecies
133
Taxe à l’essieu
Code des douanes, articles
284 bis à 284 sexies bis
223 (1)
Taxe spéciale sur les véhicules
de tourisme des sociétés
CGI article 302bis ZB
855
Taxe due par les
concessionnaires d’autoroutes
CGI article 302bis ZB
492
Droits de voirie, place de
stationnement
CGCT article L 2213-6
375
(1)
Taxe spéciale sur les véhicules
empruntant un pont entre le
continent et une île
Loi du 2 février 1995
1
(1)
Taxe spéciale sur les traversées
maritimes à destination
d’espaces naturels
Code des douanes article
285 quater
1
(1)
(1) Montant pour 2003 ; montant pour 2004 non disponible
1. - La taxe d’immatriculation et la taxe de
circulation
La taxe d’immatriculation des véhicules particuliers perçue au
profit des régions rapporte annuellement plus de 1,4 Md€. Elle est le
produit d’un taux unitaire (compris entre 16 et 31€ selon les régions)
par la puissance administrative du véhicule qui tient compte de sa
puissance mécanique et, depuis 1998, des émissions de CO2
40
mais
pas des autres émissions dans l’atmosphère.
Son tarif est réduit de moitié pour les véhicules de plus de dix
ans d’âge.
La taxe différentielle sur les véhicules à moteur, ou vignette
automobile, est perçue au profit des départements. Son produit ne
40
La formule est la suivante depuis 1998 : Pa = Partie entière [Emissions de CO2 en
g/km + (Puissance mécanique en kW / 40) x 1,6].
33
représente plus que 133 M€ depuis l’exonération des véhicules des
particuliers, décidée en 2000. Elle ne concerne que les véhicules
utilitaires de plus de 3,58 tonnes et moins de 12 tonnes de poids total
autorisé en charge (PTAC) et les véhicules particuliers, détenus ou
utilisés par les entreprises. Celles-ci bénéficient, par ailleurs, de
certaines exonérations
41
.
Les taux de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur,
fixés par les conseils généraux, varient selon les départements. Ils sont
différenciés en fonction de la puissance et de l’âge des véhicules
42
.
Cette modulation n’a pas de lien direct avec l’importance des
émissions de CO2 et des autres pollutions provoquées par la
circulation du véhicule.
La France est l’un des rares pays européens à ne plus avoir de
taxe annuelle sur les véhicules des particuliers. Comme le montrent
les exemples de plusieurs pays étrangers, ce type de prélèvement
pourrait prendre la forme d’une « écotaxe », modulée en fonction de la
pollution provoquée par le véhicule. Une telle taxe peut alors
contribuer à inciter les automobilistes à acheter un véhicule moins
polluant.
Dans le cadre des réflexions sur le Plan Climat 2004, le
ministère de l’écologie et du développement durable avait proposé de
mettre en place un mécanisme de « bonus malus » sur le taux de la
taxe d’immatriculation des véhicules particuliers en fonction des
émissions de CO2
43
. Cette proposition n’a pas été retenue jusqu’ici.
Une nouvelle directive européenne en cours de préparation
prévoit l’instauration d’une taxe annuelle prenant en compte le niveau
de pollution produit par les véhicules.
41
Franchise de trois véhicules pour les sociétés
42
Ils sont réduits de moitié pour les véhicules de cinq à vingt ans d’âge,
égaux à
40 % du tarif des véhicules les moins puissants pour les véhicules de vingt à vingt-
cinq ans. Au-delà de vingt-cinq ans, les véhicules sont totalement exonérés.
43
Les véhicules auraient été répartis en 7 classes (de A à G) selon leur niveau
d’émissions de CO2 (de moins de 120 gCO2/km à plus de 300gCO2/km). Les
personnes immatriculant des véhicules neufs dont les émissions (exprimées en
gCO2/km) auraient été inférieures à 140 gCO2/km auraient reçu une prime variant de
250 à 500 €. Celles immatriculant des véhicules neufs dont les émissions auraient été
supérieures à 180 gCO2/km auraient dû payer une surtaxe allant de 400 à 3200 €.
Entre 140 et 180 gCO2/km, les acheteurs de véhicules n’auraient reçu ni bonus ni
malus.
34
2. - La taxe à l’essieu
La taxe spéciale sur certains véhicules routiers, plus
communément appelée taxe à l’essieu, est assise sur le poids total
autorisé en charge (PTAC) et sur le nombre d’essieux des poids lourds
de plus de 12 tonnes de poids total autorisé en charge (PTAC). En
2004, la taxe à l’essieu a procuré à l’Etat 223 M€ de recettes
budgétaires pour un parc de 475 000 véhicules, soit environ 460 € par
véhicule.
Les taux de la taxe à l’essieu sont censés être définis en
fonction de l’usure des routes causée par la circulation des camions.
Ainsi, les véhicules dont les essieux moteurs sont équipés d’une
suspension pneumatique bénéficient d’un tarif plus favorable. La taxe
à l’essieu ne varie pas en fonction des pollutions atmosphériques
provoquées par la circulation des camions, notamment des émissions
de CO2 et des émissions de particules. Elle ne constitue pas plus que
la TIPP ou que les taxes à l’immatriculation un instrument adéquat
pour bien prendre en compte les coûts sanitaires liés aux polluants
locaux émis par le transport routier (particulièrement les émissions de
particules en zones urbaines et dans les zones de montagne).
Les exemples étrangers (cf. infra) montrent qu’il existe des
mesures mieux adaptées que les taxes précitées à la lutte contre ces
pollutions.
3. - La taxe spéciale sur les véhicules de
tourisme des sociétés
La taxe spéciale sur les véhicules de tourisme des sociétés
rapporte à l’Etat environ 855 M€. Cette taxe
fait l’objet d’une
déclaration souscrite par les redevables. Elle frappe la détention de
voitures particulières possédées ou utilisées par les sociétés en prenant
en compte leur puissance (plus ou moins de 8 CV fiscaux). Sont
exonérés les véhicules conçus pour une activité exclusivement
commerciale ou industrielle, du type camions, camionnettes, véhicules
de transport en commun, véhicules spéciaux, taxis et les véhicules des
organismes publics à caractère industriel ou commercial. Les
véhicules de plus de dix ans sont également exonérés.
35
4. - La taxe sur les concessionnaires
d’autoroutes
Le
produit
de
la
taxe
due
par
les
concessionnaires
d’autoroutes s’élève à près de 500 M€. Elle est assise sur les recettes
des
péages et elle est recouvrée comme la TVA. Elle est affectée au
fonds
d’investissement
des
transports
terrestres
et
des
voies
navigables. La taxe renchérit le coût des transports et a sans doute de
ce fait une incidence sur le trafic. Etant perçue au titre de l’utilisation
des seules autoroutes, elle peut conduire à transférer une part, sans
doute marginale, de la circulation vers d’autres voies routières, ce qui
constitue un effet défavorable d’un point de vue environnemental.
5. - Droits de voirie, places de
stationnement
Les communes peuvent percevoir des droits de voirie
44
sur le
stationnement des véhicules. Le principe de la taxation et son montant
sont déterminés par les conseils municipaux.
Les montants perçus sont de l’ordre de 375 M€. Ces taxes
contribuent à limiter la circulation en ville, si toutefois leurs taux sont
fixés à des niveaux suffisamment élevés.
6. - Deux taxes spéciales de portée limitée
On peut citer de façon anecdotique, en raison du faible
montant de recettes qu’elles procurent (de l’ordre de 1M€ chacune), la
taxe spéciale sur les véhicules empruntant un pont entre le continent et
une île et la taxe spéciale sur les traversées maritimes à destination
d’espaces naturels. Ces taxes visent plus à assurer des recettes aux
départements concernés et aux organismes assurant la gestion des
espaces naturels, auxquels elles sont affectées, qu’à limiter la
circulation dans ces zones.
*
*
*
Les taxes sur l’énergie et sur les transports n’ont pas été
conçues dans une finalité environnementale mais pour assurer des
recettes budgétaires importantes, stables et faciles à recouvrer.
44
Article L 2213-6 du code général des collectivités territoriales
36
En augmentant les prix des produits polluants, ces taxes
peuvent en limiter la consommation et, à ce titre, contribuer à réduire
les pollutions. Mais la réaction des producteurs et des consommateurs
à l’augmentation des prix est loin d’être automatique. Ainsi, la
modification des comportements des usagers en fonction de
l’évolution du prix des hydrocarbures est assez lente. Par ailleurs, les
taux appliqués ont été fixés sans tenir compte du coût des dommages
causés à l’environnement.
Néanmoins, les taxes sur les énergies fossiles sont utiles pour
limiter les émissions de gaz carbonique qui contribuent à l’effet de
serre, dont l’ampleur et les effets ne dépendent pas du lieu où elles se
produisent. Pour les autres polluants atmosphériques, ces taxes sont
moins adaptées car on ne peut moduler les taux en fonction des lieux
d’émission.
Dans le cas du trafic routier, le coût social de l’ensemble des
effets de la pollution, des accidents de la route et des difficultés de
circulation dépasse très largement le montant des prélèvements
effectués au titre de la TIPP.
La taxation de l’électricité ne tient pas compte des modes de
production qui ont pourtant une incidence directe sur la pollution.
Les
différentes
exonérations,
partielles
ou
totales,
généralement anciennes, accordées pour certaines utilisations des
énergies fossiles répondent à des considérations économiques ou
d’aménagement
du
territoire
mais
non
à
des
considérations
environnementales. Le Conseil n’a pas formulé d’avis sur ces
justifications qui dépassent le cadre du présent rapport.
Il invite
seulement les pouvoirs publics à évaluer les conséquences de ces
choix, à l’évidence dommageables au regard de l’environnement.
La taxation du gazole utilisé par les poids lourds est
sensiblement différente d’un pays à l’autre au sein de l’Union
européenne.
Il apparaît souhaitable d’harmoniser au niveau européen
les taux pratiqués pour le gazole consommé par les poids lourds.
L’exonération totale de TIPP pour les transports maritimes et
aériens n’est pas justifiée d’un point de vue environnemental mais le
traitement de cette question ne peut être raisonnablement recherché
que dans le cadre d’une négociation internationale
. Plusieurs voies
sont
possibles ;
elles
peuvent
d’ailleurs
être
empruntées
simultanément de façon complémentaire : la réglementation des
37
émissions, leur inclusion dans les marchés de quotas, la remise en
cause partielle des exonérations.
Le Conseil des impôts a constaté que le différentiel de taux
existant entre le gazole et l’essence ne pouvait être justifié par l’effet
induit sur la pollution. Il n’ignore pas que le contexte créé par
l’augmentation des cours du pétrole et les fluctuations de l’euro et du
dollar rend délicate la remise en cause de ce différentiel. Le
relèvement du taux pratiqué sur le gazole utilisé par les voitures
particulières et les véhicules utilitaires au niveau de celui appliqué à
l’essence représenterait une augmentation des prélèvements sur les
ménages et les entreprises de plus de 4 Md€. Une diminution de la
taxe pesant sur l’essence serait aussi envisageable et serait sans doute
plus acceptable du point de vue des consommateurs mais elle
représenterait une charge pour les finances publiques de l’ordre de
2,4 Md€.
Le Conseil préconise de rapprocher progressivement le
niveau des taxes sur le gazole et l’essence pour arriver à terme à un
taux unique qui devrait pouvoir être obtenu au minimum à un coût nul
pour les finances publiques. Une diminution du prélèvement global
ainsi qu’une homogénéisation brutale des divers taux (alignement du
gazole sur l’essence, suppression des exonérations et des régimes
particuliers) sont exclues, quel que puisse être leur intérêt du point de
vue
environnemental. Seuls des ajustements progressifs peuvent être
envisagés.
Les progrès des équipements réalisés par les constructeurs
automobiles pour réduire les pollutions atmosphériques et la
différence des effets de la circulation routière entre la ville et la
campagne conduisent à recommander de compléter la taxation
générale par des mesures plus ciblées. Or, dans leur forme actuelle, la
taxe d’immatriculation (carte grise), la taxe différentielle sur les
véhicules à moteur (vignette) et la taxation des poids lourds ne
répondent pas à cet objectif. Aussi apparaît-il souhaitable de les
aménager ou de les moduler en fonction du degré de pollution causé
par le véhicule. La France est l’un des rares pays en Europe à avoir
pratiquement
abandonné
toute
taxation
annuelle
des
voitures
particulières. La taxe à l’essieu concernant les poids lourds ne tient
compte que de l’usure des infrastructures routières. La taxe sur les
certificats d’immatriculation n’est que très partiellement modulée sur
la base de critères environnementaux.
38
Il apparaît souhaitable de chercher à aménager la taxe
d’immatriculation, la taxe différentielle sur les véhicules à moteur ou
la taxe à l’essieu des poids lourds pour les moduler en fonction du
degré de pollution causé par le véhicule.
Des mesures complémentaires peuvent être envisagées en
s’inspirant de pratiques mises en oeuvre dans certains pays étrangers.
Ces exemples conduisent à recommander d’examiner la possibilité
d’instaurer des péages urbains, évoqués récemment par la Cour des
comptes dans un rapport particulier sur les transports publics
urbains
45
. Cette solution devrait être comparée avec les autres
moyens d’action possibles, notamment la réglementation ou le
renchérissement des droits de voirie. L’utilisation des transports en
commun serait encouragée par l’existence de ces péages, ce qui
justifierait l’affectation du produit à leur développement.
Dans la même logique, il apparaît envisageable, pour prendre
en compte les effets locaux des pollutions (fonction des zones de
circulation, de la distance parcourue et des émissions polluantes), de
compléter la taxe à l’essieu, en s’inspirant du système de redevance
sur la
circulation des camions mise en place en Suisse et en
Allemagne,
pays où les autoroutes sont par ailleurs gratuites.
Ce type
de mesure permettrait de maîtriser le report d’une partie du trafic sur
les infrastructures non soumises à péage. Les recettes dégagées
pourraient être affectées en partie au développement du ferroutage.
45
Comme l’a récemment souligné la Cour des comptes dans un rapport particulier sur
les transports publics urbains (Avril 2005) : «… et l’institution de péages urbains
devront être explorés… »
39
II. -
LES REDEVANCES POUR
SERVICES RENDUS PERMETTENT DE
FINANCER DES MESURES
CONTRIBUANT A LIMITER LA
POLLUTION
La fiscalité liée à l’environnement inclut un certain nombre de
«
mesures de couverture des coûts
» (visant à faire financer le coût du
service rendu par les utilisateurs) pour reprendre la terminologie de
l’Agence européenne de l’environnement
46
. Ces mesures peuvent
encourager les comportements moins polluants bien que leur but
premier soit de financer un service. Elles sont particulièrement
utilisées dans les domaines de l’eau et du traitement et de la collecte
des déchets.
Le terme de redevance est fréquemment employé pour
qualifier ces mesures. Si certaines sont juridiquement des redevances,
d’autres sont de simples taxes.
Selon une jurisprudence bien établie
47
, une redevance doit
«
trouver sa contrepartie directe dans les prestations fournies par le
service ou dans l’utilisation de l’ouvrage
». Il en résulte notamment
que son mode de calcul doit garantir la proportionnalité de la
rémunération au coût du service rendu ; une exception à ce principe ne
peut être envisagée que dans le cas d’un service facultatif
48
et compte
tenu de l’existence d’une concurrence effective sur le marché local
49
.
Avec la taxe disparaît la notion de contrepartie, même si elle a
pour objet le financement d’un service public spécialisé. Elle peut
ainsi être instituée dès qu’un service est mis à la disposition de
46
Agence
européenne
de
l’environnement :
Récents
développements
dans
l’utilisation des écotaxes au sein de l’Union européenne
(2001)
47
CE, Ass., 21 novembre 1958,
Syndicat national des transporteurs aériens
, Rec. p.
572
48
Par exemple, pour un système d’assainissement non collectif, la commune n’étant
tenue d’assumer que les dépenses de contrôle d’un tel système
49
CE, 23 mai 2003,
Communauté de communes Artois-Lys
, à publier au Recueil, à la
RJF
40
l’usager. Elle n’a pas à être proportionnelle à l’usage qui est fait de ce
service. En revanche, ses bases de liquidation peuvent tenir compte de
la capacité contributive des usagers et du niveau de pollution qu’ils
ont causé.
La jurisprudence range ce type de taxe parmi les impositions
de toute nature.
En pratique, le vocabulaire confond les deux termes et les
règles relatives aux deux types d’imposition ont tendance à se
rapprocher.
A. - Les redevances du secteur de
l’eau potable : une source de
financement importante mais des
prélèvements assez peu incitatifs
1. - Présentation du dispositif
Dans le secteur de l’eau, les redevances ont permis de dégager
des financements pour la protection de la ressource en eau et le
traitement des eaux utilisées.
Il existe deux grandes catégories de redevances :
-
celles
établies
et
perçues
par
les
collectivités
territoriales ou les services gestionnaires en charge de
l’approvisionnement et de l’assainissement ;
-
celles établies par les agences de l’eau pour la
protection de la ressource en eau.
41
Tableau n° 6 :
Principales mesures relatives au domaine de l’eau assimilables
à des redevances pour service rendu
Intitulé de la mesure fiscale
Référence
Evaluation
2004
(en M€)
Redevances d'eau potable et
d'assainissement des collectivités
CGCT articles L. 2224-6 à 12
9 036
(2)
Redevance pour la détérioration
de la qualité de l'eau (dite
redevance pollution) perçue par
les agences de l’eau
Loi n°64-1245 du 16 décembre
1964 (modifiée), article 14
1 355
(1)
Redevance pour prélèvement
perçue par les agences de l’eau
Loi n°64-1245 du 16 décembre
1964 (modifiée), article 14
285
(1
)
Redevance fixe et participation à
l'entretien des ouvrages de
navigation perçue par l’Etat
Décret 99-872 du 11 octobre
1999 (article 41 de l'annexe)
Nd
Redevance pour occupation ou
prélèvement dans le domaine
fluvial
Loi n°96-314 du 12 avril 1996,
article 55
79
(2)
Redevance payée par les agences
de l’eau sur la consommation
d’eau distribuée dans toutes les
communes bénéficiant d’eau
potable publique perçue au profit
d’un compte spécial du Trésor, le
FNDAE jusqu’en 2003
Redevance remplacée par une
taxe en 2004 et supprimée en
2005
91
(1
)
(1)
Dernier montant connu : 2003
(2)
Dernier montant connu : 2001
Les redevances d’eau potable et d’assainissement des
collectivités et les «
redevances
» des agences de l’eau représentent
ensemble plus de 98 % du total des ressources perçues dans le
domaine de l’eau.
2. - Les redevances d’eau potable et
d’assainissement
Les redevances d’eau potable et d’assainissement constituent
juridiquement de véritables redevances selon la définition qu’en donne
la
jurisprudence.
Elles
permettent
aux
collectivités
locales
organisatrices du service public de l’eau et de l’assainissement de
financer ce service. L’assiette des redevances est constituée par le
42
volume d’eau distribué à l’usager. Les taux varient selon les
communes en fonction du coût des services.
Le produit des redevances est passé de 5,73 milliards d’euros
en 1990 à 9,03 milliards d’euros en 2003. Cette augmentation
s’explique pour l’essentiel par la politique d’amélioration de la qualité
de l’eau, qui nécessite la réalisation d’investissements importants.
Le caractère de redevance pour service rendu, au sens
juridique du terme, a été reconnu à la redevance épuration par le
Conseil constitutionnel en 1983. La haute juridiction a souligné que
cette redevance avait le caractère d’un prix versé en contrepartie d’un
service rendu, son assiette étant directement liée au volume d’eau
prélevé par l’usager et son produit étant exclusivement affecté aux
charges de fonctionnement et d’investissement du service
50
. Ainsi,
une augmentation des tarifs décidée pour alimenter le budget général
de la ville et couvrir des charges étrangères à la mission dévolue à ce
service serait illégale
51
.
La règle selon laquelle la redevance doit correspondre
exactement au coût du service rendu s’accommode d’un certain
nombre de dérogations inspirées par un souci de pragmatisme.
Lorsqu’il s’avère impossible de mesurer l’importance des rejets à
partir de la consommation d’eau, par exemple en l’absence de
compteurs, le tarif de la redevance peut être fixé sur une base
forfaitaire par catégories d’usagers
52
. De même, la redevance peut être
au même niveau pour les résidences secondaires et pour les résidences
principales dès lors que l’utilisation saisonnière des résidences
secondaires et leur dispersion entraînent des charges fixes
53
. Bien que
la loi sur l’eau de 1992 ait prévu que la tarification au forfait soit
exceptionnelle, elle subsiste, notamment dans de petites communes.
La règle de la proportionnalité ne fait pas obstacle à ce que la
redevance d’assainissement comprenne une partie fixe ou surtaxe,
destinée à couvrir les charges d’investissement et une partie des frais
50
CC, 23 décembre 1983, n° 83-166 DC,
Loi relative au prix de l’eau en 1984
51
CE, 30 septembre 1996,
Société stéphanoise des eaux et Ville de Saint-Etienne
,
Rec. p. 355
52
Voir en ce sens CE, 23 novembre 1992,
Syndicat d’assainissement de la Haute-
Vallée d’Aure
, RJF 1/93 n° 72 ; ou encore
CE, 9 septembre 1996,
Commune de
Vallica
, RJF 10/96 n° 1253
53
CE, 23 novembre 1992,
Brousier
, RJF 1/93 n° 73
43
de fonctionnement et d’entretien
54
. Cette partie fixe, indépendante de
la consommation d’eau, ne constitue pas une incitation à la diminution
de celle-ci.
Si la redevance d’assainissement est assise sur le nombre de
mètres cubes prélevés par l’usager, cette disposition n'oblige pas les
assemblées délibérantes des collectivités publiques ou établissements
publics dont relève le service d'assainissement à instituer un tarif
uniforme pour chaque mètre cube prélevé.
Un tarif dégressif
55
peut
notamment être institué.
Dans ces conditions, la redevance ne prend pas en compte le
niveau de pollution réellement causé.
Ainsi, en dépit de son apparente rigueur, le régime juridique
des redevances d’eau potable et d’assainissement ne garantit pas le
respect du principe « pollueur-payeur ».
L’utilisation des redevances d’assainissement pour inciter à
des comportements plus respectueux de l’environnement supposerait
d’instaurer des tarifs au moins proportionnels à la consommation
d’eau et des taux plus élevés à l’égard des usagers qui contribuent
davantage à la pollution.
3. - Les redevances des agences de l’eau
3.1. Le cadre des redevances
L’article 14 de la loi du 16 décembre 1964 prévoit que «
les
agences établissent et perçoivent, sur les personnes publiques ou
privée, des redevances dans la mesure où ces personnes rendent
nécessaire ou utile l’intervention de l’agence ou dans la mesure où
elles y trouvent leur intérêt
». Le décret de 1966 précise en son article
18 que les agences peuvent, en principe, établir des redevances soit au
titre de la détérioration de la qualité de l’eau (redevance-pollution),
soit au titre des prélèvements sur les ressources en eau (redevance-
prélèvement), soit enfin au titre des activités ayant pour effet de
modifier le régime des eaux (redevance-régime des eaux).
54
Tarification dite « binôme », cf. art. R 2333 du code général des collectivités
territoriales et
CE, 17 décembre 1982,
Préfet de la Charente-Maritime
, Rec. p. 427,
RJF 5/83 n° 670 ou, pour un exemple plus récent, CE, 8 mars 2002,
Ratie et autres
,
aux tables, RJF 6/02 n° 726
55
CE, 15 janvier 1992,
Villain
, aux tables, RJF 3/92 n° 391
44
Le système repose sur la mutualisation des moyens. Le
produit des redevances est redistribué sous forme d’aides aux
collectivités territoriales, aux industriels et aux agriculteurs pour
réaliser des travaux en vue de développer et d’améliorer la gestion des
ressources en cause et de lutter contre la pollution. Ainsi, les taux
sont-ils fixés en fonction de l’ampleur des travaux à financer.
Pourtant, en raison de la difficulté à faire aboutir les projets, les
agences ont accumulé au cours des années 1995 à 2002
56
d’importants
excédents de trésorerie qui ont alimenté à hauteur de 210 M€ un fonds
de concours exceptionnel finançant des dépenses du ministère de
l’écologie et du développement durable en 2004. Cet écart entre les
recettes et les dépenses conduirait à remettre en cause le niveau des
prélèvements si l’importance des besoins liés à l’état de la ressource
en eau n’était pas aussi manifeste.
La même ambiguïté juridique que celle déjà évoquée pour la
redevance assainissement a longtemps concerné les «
redevances
»
perçues par les agences de l’eau en vertu de la loi du 16 décembre
1964 relative au régime, à la répartition des eaux et à la lutte contre
leur pollution.
Le Conseil constitutionnel a jugé en 1982 que, destinées à
assurer le financement des dépenses de toute nature incombant aux
agences, ces redevances ne pouvaient être regardées comme des
rémunérations pour services rendus mais devaient être rangées parmi
les impositions dont l’article 34 de la Constitution réserve au
législateur le droit de fixer les règles concernant l’assiette, le taux et
les modalités de recouvrement.
57
Le Conseil soulignait ainsi la
fragilité du fondement juridique des prélèvements ne respectant pas
ces règles.
Du fait de ces incertitudes, les agences ont hésité à donner aux
redevances « pollution » et « prélèvement » un caractère incitatif par
le moyen d’une modulation des taux. La même incertitude a fait
obstacle à toute mise en oeuvre pratique de la redevance relative à la
modification du régime des eaux qui était prévue par la loi précitée de
1964.
56
En 1995 et 1996 : 300 M€ et de 1997 à 2002 : 400 M€ d’après l’insertion au
rapport public de la Cour des comptes 2003 consacrée aux agences de l’eau
57
CC, 23 juin 1982, n° 82-124 L. Le Conseil d’Etat s’est ultérieurement rangé à cette
appréciation (CE, Ass., 20 décembre 1985,
SA Etablissements Outters
, Rec. p. 382)
45
Le décret du 14 septembre 1966 n’ayant déterminé les
modalités d’assiette et de taux que pour les redevances «
pollution
» et
«
prélèvement
», le Conseil d’Etat a en effet jugé illégales les
délibérations par lesquelles les agences de bassin avaient décidé de
mettre en oeuvre cette redevance pour modification du régime des
eaux
58
.
Sur chacun de ces deux points, le projet de loi sur l’eau en
discussion devant le Parlement au moment de l’adoption du présent
rapport devrait clarifier les règles applicables. Le régime des
redevances
serait
mis
en
conformité
avec
les
exigences
constitutionnelles, le législateur étant appelé à en fixer les assiettes, les
modalités de recouvrement et les taux plafonds. L’adoption de ce texte
permettrait la mise en oeuvre de la redevance au titre du changement
de régime des eaux.
3.2. Les redevances pollution
Les redevances pollution représentent plus de 80 % du total
des redevances perçues par les agences de l’eau.
Ces redevances sont théoriquement assises sur la quantité de
pollution produite un jour normal du mois de rejet maximal, les
éléments physiques, chimiques, biologiques et microbiologiques pris
en considération étant fixés par arrêté ministériel, à charge pour
chaque agence de déterminer le taux unitaire applicable aux différents
polluants en fonction des priorités du bassin. Une prime d’épuration
peut être attribuée au maître d’ouvrage qui met en place les moyens
techniques permettant d’éviter la détérioration de la qualité des eaux.
Mais la plus grande partie (88 % en 2003) de la redevance-
pollution est acquittée par les collectivités territoriales au titre de la
«
redevance de pollution domestique et assimilés
»
59
. Or, celle-ci est
calculée, à l’échelle de la commune, sur la base d’une quantité
forfaitaire de pollution produite quotidiennement par habitant.
58
Taxation d’activités comme l’extraction de granulats qui ont pour effet de modifier
le régime des eaux par les changements qu’elles apportent notamment au dessin des
lits des cours d’eau ou aux couches de terrain situées sur les nappes, sans constituer
un prélèvement ni une détérioration (cf :CE, 2 mars 1994,
Union régionale des
producteurs de granulats du Languedoc-Roussillon et autres
, au Recueil)
59
Sont assimilés les usages non domestiques dont la consommation annuelle est
inférieure à 6000 mètres cubes.
46
Les coefficients de collecte des eaux usées mis en oeuvre et la
faiblesse de la modulation pratiquée en fonction de la qualité de
l’épuration effective, limitent la prise en compte du niveau réel de
pollution même si les agences tentent aujourd’hui de remédier à cette
situation.
Le projet de loi sur l’eau, en cours de discussion devant le
Parlement au moment de l’adoption du présent rapport, cherche à
limiter ces défauts en supprimant les coefficients de collecte. L’idée
de retenir une assiette forfaitaire représentative de la pollution
domestique serait également abandonnée. La taxation serait établie en
fonction du volume d’eau consommé. Les gestionnaires des réseaux
d’assainissement devraient pour leur part s’acquitter d’une redevance
spécifique, assise sur les volumes transitant par ces réseaux.
La redevance pollution industrielle, qui représente 10% de la
redevance-pollution acquittée, a pour sa part un aspect réellement
incitatif. Les établissements industriels paient en effet une redevance
brute diminuée de la prime pour épuration à laquelle ils peuvent
prétendre en fonction des investissements réalisés. Aussi, la redevance
peut-elle être complètement neutralisée pour les établissements ayant
mis en place des procédés d’épuration efficaces. La Cour des comptes
a observé, dans une insertion au rapport public de 2003, consacrée aux
agences de l’eau, que les pollutions avaient sensiblement diminué là
où les taux de redevance étaient suffisamment élevés. Il faut toutefois
noter que l’efficacité de ce mécanisme est limitée par le recours assez
fréquent à des estimations forfaitaires de la pollution émise, par
branche industrielle. Ce mode d’évaluation ne paraît justifié que dans
l’hypothèse où le coût de la mesure effective de la pollution serait
disproportionné par rapport à celui de la pollution causée.
A l’origine, il n’existait pas de redevance spéciale pour
l’agriculture et les agences n’accordaient aucune aide particulière à ce
secteur. Cette situation a été remise en cause pour tenir compte de
l’ampleur des pollutions d’origine agricole.
Par un arrêté du 2 novembre 1993
60
, les conséquences
néfastes sur l’environnement des activités d’élevage de bovins,
porcins, volailles, poules et palmipèdes ont été prises en compte dans
l’assiette de la redevance-pollution et évaluées forfaitairement en
fonction du nombre d’animaux présents ou produits. Une prime pour
60
Modifiant l’arrêté du 28 octobre 1975 pris en application du décret n° 75-996 du
même jour
47
épuration peut venir en déduction lorsque le redevable a réalisé un
investissement permettant d’éviter ou d’atténuer la détérioration
environnementale. Une modulation de la redevance est prévue pour
tenir compte des conditions de l’épandage des effluents d’élevage.
L’application de la redevance à l’agriculture comportait un
moratoire de cinq ans puis une montée en puissance, très progressive
et échelonnée en fonction de la taille de l’exploitation. Les redevances
sur les effluents d’élevage n’ont donc finalement été perçues à ce titre
qu’à partir de 2000. Par le jeu des seuils adoptés et de la prise en
compte des efforts réalisés par l’éleveur pour réduire la pollution,
seuls quelques grands élevages sont effectivement soumis à cette
redevance.
Le coût administratif de la gestion de la redevance « élevage »
est lourd. Ainsi par exemple, l’agence de l’eau de Seine-Normandie
consacre entre 35 et 40 % du produit de la redevance à sa gestion.
Les pollutions induites par les autres activités agricoles,
qualifiées de diffuses, ne sont pas prises en compte dans le calcul de la
redevance, du fait notamment de la difficulté de les contrôler. Cela
explique sans doute l’échec de la taxation des excédents d’azote prévu
dans le projet de loi sur l’eau, abandonné après une première lecture
au Parlement en 2001.
En définitive, les redevances sur l’eau sont peu efficaces pour
limiter les pollutions d’origine agricole, comme l’ont souligné les
rapports publics de la Cour des Comptes
61
et une étude récente de
l’agence Seine-Normandie.
3.3. Les redevances « prélèvement »
Les redevances « prélèvement », acquittées par toutes les
personnes qui effectuent des prélèvements dans le milieu naturel, sont
proportionnelles aux volumes d’eau captés et consommés. Mais
comme le rapport public de 2003 de la Cour des comptes l’a souligné,
l’existence de nombreux seuils de liquidation ou de perception et de
plusieurs coefficients forfaitaires limitent le caractère incitatif des
mécanismes mis en place.
61
Le rapport public de la Cour des comptes 2003, déjà cité, et le rapport public
particulier, consacré à
« La préservation de la ressource en eau face aux pollutions
d’origine agricole : le cas de la Bretagne »,
Février 2002
48
Seules, quelques agences de l’eau ont retenu des dispositifs
incitatifs visant à limiter l’importance des prélèvements tels que des
majorations substantielles pour ceux opérés dans des nappes aquifères
fragiles.
Comme tous ceux qui effectuent des prélèvements d’eau, les
agriculteurs bénéficient des avantages liés à l’application des seuils et
des coefficients forfaitaires. Leur régime a par ailleurs été assoupli
dans les années 1997 à 2002, à la suite de négociations entre les
agences et les représentants de cette profession. Plusieurs agences ont
accordé d’office un abattement d’environ 50% aux exploitants dotés
de compteurs d’eau, alors que la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau rendait
l’installation de ces appareils obligatoire.
Ces avantages permettent aux agriculteurs de ne payer que
4% des redevances alors qu’ils prélèvent sur l’année environ la moitié
des volumes totaux
62
.
B. - Le traitement des ordures
ménagères : un dispositif faiblement
incitatif
1. - Présentation des différentes redevances
La majeure partie des recettes des communes ou des
établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité
propre perçue au titre de la récupération et du traitement des déchets
ménagers provient des contributions pour services rendus. Elles sont
présentées dans le tableau ci-dessous et peuvent être complétées par
des recettes annexes provenant par exemple de la vente de matériaux
ou d’énergie.
62
Rapport « Agriculture et environnement », documentation française, 2005
49
Tableau n° 7 :
Impositions relatives à l’élimination des déchets relevant des
prélèvements pour services rendus
Imposition
Référence
Produit
2004
(en M€)
Taxe d'enlèvement des ordures
ménagères
CGI articles 1520 à 1526
(communes), articles 1609 bis,
quater, quinquies C et 1609
nonies A ter et D (groupements)
4 035
Redevance d'enlèvement des
ordures ménagères
CGCT article L 2333-76
408
(1)
Redevances d'enlèvement des
déchets ménagers des terrains
de camping
CGCT article L 2333-77
3
(1)
Redevance spéciale pour
l'enlèvement des déchets
industriels et commerciaux
CGCT article L 2333-78
29
(1)
(1) Derniers chiffres connus : 2003
Parmi ces impositions, les deux principales sont la taxe
d’enlèvement des ordures ménagères et la redevance d’enlèvement des
ordures ménagères, qui assurent l’essentiel des recettes.
2. - La taxe d’enlèvement des ordures
ménagères (TEOM) : un outil de
financement efficace mais peu incitatif
La taxe d’enlèvement des ordures ménagères est le mode de
financement privilégié des services communaux de gestion des
déchets. Elle rapporte un peu plus de 4 milliards d’euros en 2004 et
concerne 82,4% de la population.
Cette taxe est affectée au budget général de la collectivité qui
assure le ramassage et le traitement des déchets.
50
Jusqu’en 2005, les collectivités fixaient le produit attendu
pour financer le service, le taux à appliquer étant déterminé par les
services fiscaux sur la base du revenu net (valeur locative) utilisé pour
le calcul de la taxe foncière sur les propriétés bâties. Il s’agissait d’un
impôt de répartition. L’article 107 de la loi de finances pour 2004
prévoit qu’à compter du 1
er
janvier 2005, les communes et leurs
groupements votent eux-mêmes les taux de TEOM et non plus son
produit.
Son assiette n’est pas directement liée à la production de
déchets par les usagers. Dès lors, la TEOM n’incite pas directement à
réduire le volume des déchets produits.
Le code général des impôts prévoit des exonérations de la
TEOM, notamment pour :
-
les usines
63
;
-
les locaux appartenant à des collectivités publiques
et
n’ayant pas de caractère industriel et commercial
64
;
-
les locaux à usage industriel et commercial, cette
exonération étant facultative et subordonnée à une décision
annuelle du conseil municipal.
Pour compenser la charge induite par les déchets industriels et
commerciaux « banals », c’est-à-dire assimilables à des déchets
ménagers, les communes ou les groupements de communes qui ont
recours à la TEOM ou qui financent directement la gestion des
déchets sur leur budget général
65
sont depuis la loi du 13 juillet 1992
tenus d’instaurer une redevance spéciale. Cette redevance est en
principe calculée selon l’importance du service rendu mais cette
obligation n’est pas systématiquement respectée par les collectivités
locales et les redevables qui devraient l’acquitter ne supportent, au
mieux, qu’une partie du coût du service. Ceci entraîne un transfert de
charge de certaines entreprises tertiaires et artisanales et collectivités
publiques vers les ménages.
63
Qui financent par ailleurs l’élimination de leurs déchets spécifiques et ne sont pas
forcément desservies par le service d’enlèvement des ordures ménagères
64
Qui financent par ailleurs l’élimination de leurs déchets spécifiques et ne sont pas
forcément desservies par le service d’enlèvement des ordures ménagères
65
Il faut noter que cette redevance spéciale n’est pas cumulable avec la REOM, en
application de l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales.
51
Afin d’améliorer le fonctionnement de la TEOM, plusieurs
dispositions ont été récemment adoptées.
Pour renforcer la transparence sur la gestion du service des
déchets, les communes ou leurs groupements comptant au moins
10 000 habitants sont tenus de retracer dans un état spécial annexé aux
documents budgétaires le produit de la TEOM et les dépenses directes
et indirectes liées à la collecte et au traitement des ordures ménagères.
Cette obligation permettra de suivre le niveau de couverture des coûts
de ramassage des déchets par la taxe et de connaître la charge
supportée par le budget général.
Consacrant une jurisprudence bien établie, la loi permet
maintenant de lier, au moins partiellement, le montant de la taxe au
service rendu, ce qui permet d’appliquer des taux différents à des
zones définies au sein de la commune ou du groupement. Les critères
de définition des zonages ont été précisés. Ils permettent de tenir
compte non seulement d’éléments purement physiques (fréquence de
ramassage, proximité du service de ramassage ...) mais également du
coût du service. Ainsi, les communes et leurs groupements peuvent
définir des zones de perception de la TEOM sur lesquelles ils votent
des taux différents en vue de proportionner le montant de la taxe à
l’importance du service rendu en fonction des conditions de sa
réalisation et de son coût
.
La composition de la famille concernée pourra être prise en
compte. Aussi, les communes et leurs groupements pourront plafonner
les valeurs locatives des locaux à usage d’habitation et de chacune de
leurs dépendances, dans la limite d’un montant qui ne peut être
inférieur à deux fois le montant de la valeur locative moyenne des
locaux d’habitation.
Ces modifications apparaissent de nature à atténuer les défauts
du système actuel de financement. Leur efficacité reste cependant
conditionnée à leur mise en application par les collectivités
concernées.
52
3. - La redevance d’enlèvement des
ordures ménagères (REOM) : un outil
potentiellement incitatif mais assez souvent
inefficace
Les collectivités locales peuvent préférer recourir à la
redevance d’enlèvement des ordures ménagères plutôt qu’à la taxe
d’enlèvement des ordures ménagères ou au financement par le budget
général. La REOM doit alors financer le ramassage et le traitement
des ordures ménagères et des déchets assimilés dont l’élimination
n’implique pas de moyen technique particulier. Son produit représente
408 M€, soit moins d’un neuvième de celui de la TEOM. En raison
des difficultés d’application juridique et de gestion, notamment
l’obligation d’établir un budget annexe dans les comptes de la
collectivité, cette redevance n’est perçue que dans une minorité de
communes, dont une seule ville importante, Besançon.
Sur le fond, la redevance est censée correspondre au service
rendu, en tenant compte notamment de la quantité de déchets produite
par chaque redevable. Or, il est très difficile de mesurer cette quantité.
Le recours à la pesée des ordures collectives est complexe à mettre en
oeuvre ; la prise en compte de la taille des containers est un outil moins
fin mais plus facile à utiliser. La composition de la famille peut être un
autre critère mais le suivi de son évolution soulève concrètement
beaucoup de difficultés. La connaissance des dates de déménagements
effectués par les redevables en cours d’année, nécessaire pour évaluer
le service rendu prorata temporis, est délicate et source de
contestations.
De manière générale, la redevance s’est avérée assez peu
incitative et très difficile à gérer, notamment en ce qui concerne les
habitants des immeubles collectifs. De plus, la REOM n’étant pas une
taxe, elle est recouvrée par la collectivité compétente ou son
concessionnaire, ce qui a entraîné un taux de recouvrement inférieur à
celui de la TEOM.
Le législateur a cherché en 2004 à atténuer ces difficultés de
recouvrement et a permis le recours à la procédure d’opposition à tiers
détenteur. La tâche des comptables du Trésor, qui ne disposaient
jusqu’alors que des procédures civiles, devrait s’en trouver facilitée
66
.
66
On peut au demeurant noter que ce nouvel outil ne s’applique pas seulement à la
REOM mais concerne l’ensemble des produits non fiscaux des collectivités locales.
53
De même, dans l’habitat collectif, la personne morale ou physique
chargée de la gestion de la résidence est dorénavant considérée
comme l’usager du service public, à charge pour elle de procéder à la
répartition de la redevance globale entre les foyers.
Enfin, une part fixe peut être introduite pour assurer plus
facilement l’équilibre financier du compte.
*
*
*
Les redevances pour service rendu visent à faire supporter à
l’usager le coût d’un service ou un droit d’usage d’une ressource rare.
Elles permettent de financer les coûts directs du service mais ne
couvrent
généralement
pas
les
autres
dommages
causés
à
l’environnement
67
. Cela vaut notamment pour la consommation d’eau
ou la production d’ordures ménagères.
Les redevances ne peuvent s’écarter sensiblement du coût du
service. Seules les taxes permettent, en théorie, de prendre aussi en
compte l’ensemble des coûts des dommages environnementaux.
Les redevances d’eau potable et d’assainissement dépendent
de la quantité d’eau utilisée mais l’existence de dérogations,
abattements ou perceptions forfaitaires entraîne des transferts de
charges entre usagers ou vers les contribuables. Elles ne prennent pas
en compte l’ampleur effective de la pollution de l’eau entraînée par la
consommation de l’usager.
Les redevances des agences de l’eau assurent le financement
de la « ressource en eau » mais ne sont pas fixées à des niveaux
permettant de réduire les dommages causés à l’environnement,
notamment ceux provoqués par les activités du secteur agricole dont la
contribution financière à la lutte contre la pollution reste faible. Les
excédents importants de ressources qui ont été constitués dans les
dernières années traduisent la difficulté d’ajuster dans le temps le
niveau des redevances avec celui des dépenses d’investissement.
Le Conseil des impôts recommande une meilleure cohérence
dans l’utilisation des divers instruments : la réglementation et les
différentes taxes, redevances, et subventions. Face aux pollutions
diffuses, la fiscalité
apparaît mal adaptée, en raison notamment de
ses coûts de gestion et de contrôle. L’attribution des subventions
67
Externalités négatives
54
agricoles en fonction de critères environnementaux, récemment
amorcée, devrait contribuer à améliorer la situation. Les efforts
entrepris pour que les redevances des agences de l’eau prennent
mieux en compte les pollutions affectant cette ressource doivent être
poursuivis.
S’agissant du ramassage des déchets, la taxe d’enlèvement des
ordures ménagères (TEOM) est le mode de financement le plus utilisé.
Elle assure des recettes prévisibles, stables et faciles à recouvrer. En
revanche, elle ne permet pas de tenir compte des comportements plus
ou moins vertueux des usagers.
La redevance spéciale pour l’enlèvement des déchets des
activités tertiaires, prévue par la loi sur le territoire des communes où
le ramassage des ordures ménagères est financé par la TEOM ou le
budget général, n’est pas systématiquement appliquée. Ceci entraîne
un transfert de charge au détriment des ménages et au profit de
certaines entreprises et collectivités publiques bénéficiant du service
d’enlèvement des ordures ménagères et ne supportant au mieux
qu’une partie du coût.
Le Conseil des impôts recommande
l’application générale de la redevance spéciale.
Le recours à la REOM permet en théorie de respecter le
principe « pollueur-payeur ». Mais la recette ne peut être évaluée avec
certitude et sa gestion est d’autant plus complexe que l’on cherche à
fixer son montant en fonction de la quantité de déchets produite par
l’usager.
De toute façon, ces prélèvements ont un effet trop indirect sur
le consommateur pour l’inciter à réduire sensiblement ses déchets.
55
III. - L
ES
«
ECOTAXES
»
ACTUELLES N
ONT QU
UN EFFET
LIMITE
Créée en 1999
68
, et présentée comme ayant une finalité
environnementale, la taxe générale sur les activités polluantes
(TGAP), constitue le seul exemple d’écotaxe en France. En fait, il
s’agissait non pas de la création d’une taxe nouvelle mais de la
réunion, sous une même appellation, de cinq taxes spécifiques (taxe
sur les décharges de déchets ménagers, sur les décharges de déchets
industriels, sur les huiles et préparations lubrifiantes, sur les émissions
polluantes atmosphériques et sur les nuisances sonores provoquées par
les décollages d’aéronefs). Depuis, la taxe sur les nuisances sonores
provoquées par les avions a été sortie du champ de la TGAP alors que
celles sur les installations classées, les produits antiparasitaires, les
préparations pour lessives et les matériaux d’extraction y ont été
intégrées. Enfin, deux nouvelles taxes ont été récemment créées, celle
sur les imprimés non sollicités, en 2003, non encore applicable, et
celle sur les distributeurs de carburants, en 2004, qui doit être perçue à
compter de 2006.
En 2001, il était prévu d’étendre sensiblement le champ de la
taxe en mettant en place un nouveau prélèvement sur l’énergie.
L’accroissement sensible des recettes qui étaient attendues de cette
mesure avait conduit à affecter l’essentiel du produit de la TGAP au
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale (FOREC). Cette affectation était censée limiter
l’augmentation des charges sociales provoquées par la mise en oeuvre
de la loi sur le temps de travail. Il s’agissait dans l’optique de la
théorie du « double dividende »
69
de financer un allégement massif du
coût du travail par un nouvel impôt « environnemental », l’ensemble
devant se faire à prélèvements obligatoires constants. L’abandon du
projet de TGAP élargie à l’énergie, à la suite de la décision du Conseil
constitutionnel du 28 décembre 2000, examinée plus loin, a privé cette
mesure
d’une
véritable
portée,
la
TGAP
n’ayant
jamais
dépassé 3 % des ressources du Fonds.
68
Loi de finances pour 1999
69
Cf. introduction générale
56
Ces taxes, qui n’ont pas de cohérence entre elles, peuvent être
classées en fonction de la nature de leur assiette : taxes sur des
produits, taxes sur des émissions et taxes sur des installations.
Le tableau ci-dessous présente les différentes composantes de
la TGAP.
Tableau n° 8 : La TGAP
Imposition
Référence
Produit
2004
(en M€)
Taxes sur les produits
TGAP - Préparation pour lessives Code des douanes article 266 sexies
62
TGAP - Produits antiparasitaires
(phytosanitaires)
Code des douanes article 266 sexies
29
TGAP matériaux d’extraction
(grains minéraux)
Code des douanes article 266 sexies
29
TGAP Huiles et préparations
lubrifiantes
Code des douanes article 266 sexies
20
TGAP - Contribution visant à
l'élimination des déchets résultant
de la distribution gratuite
d'imprimés non sollicités
Code des douanes article 266 sexies
Non encore
applicable
TGAP distributeurs de carburants
Code des douanes article 266 sexies
A/C 2005
Taxes
sur les émissions
TGAP sur les émissions
polluantes atmosphériques
Code des douanes article 266 sexies
58
Taxe sur les nuisances sonores
aériennes (1)
Code général des impôts article 1609
quater huicies
30
Taxes sur les installations
TGAP installations classées
Code des douanes article 266 sexies
12
TGAP Déchets ménagers et
assimilés
Code des douanes article 266 sexies
213
TGAP Déchets industriels et
spéciaux
Code des douanes article 266 sexies
14
Total
467
(1) Cette taxe a cessé en 2005 d’être une composante de la TGAP
57
A. - Les taxes sur les produits
1. - La TGAP préparations pour lessives
Cette taxe a été introduite par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 afin d’inciter à la production de lessives
sans phosphates, produits qui provoquent l’eutrophisation
des
rivières
70
. Son produit est de l’ordre de 62 M€ en 2004. Il est pour
l’essentiel payé par un nombre très limité de producteurs (les dix plus
importants contributeurs paient 85 % de la taxe).
Les trois taux (71,65 €/t, 79,27 €/t et 86,90 €/t) varient en
fonction de la teneur en phosphates des produits taxables. L’écart
entre ces trois taux est sans doute trop faible pour être perceptible par
le consommateur.
Surtout, le coût lié aux changements de formules de
produits est dans l’ensemble supérieur au gain résultant de l’utilisation
du tarif le plus faible. Dans ces conditions, l’incidence de cette taxe
sur l’environnement est limitée.
2. - La TGAP produits antiparasitaires
En 2000, a été instaurée une taxe sur la consommation et la
livraison sur le marché intérieur de produits antiparasitaires à usage
agricole (et de produits assimilés). Elle vise à limiter l’utilisation de
ces produits qui contribuent notamment à dégrader la qualité de l’eau.
En 2004, les recettes de la TGAP antiparasitaire s’élevaient à
29 M€ acquittés par un nombre limité de producteurs (les dix plus
importants contributeurs en règlent plus de 70 %).
Les produits taxés sont ceux dont la composition comprend
des substances classées dangereuses. Ces substances sont réparties en
7 catégories, chacune d’elles correspondant à la combinaison d’un
niveau de toxicité pour l’homme et de toxicité pour l’environnement.
La catégorie 1 regroupe les substances les moins dangereuses et le
niveau 7 les produits les plus nocifs. Le taux de la taxe est fonction de
la catégorie à laquelle appartient le produit. Pour chaque produit
antiparasitaire commercialisé, la taxe est assise sur le poids net de la
substance dangereuse qui entre dans sa composition, ce qui en
70
Phénomène qui se manifeste par la prolifération d’algues et par une diminution de
la teneur en oxygène de l’eau, ce qui peut entraîner la mort de la faune et de la flore
aquatique.
58
complique beaucoup la gestion. Il est ainsi difficile de déterminer le
taux applicable en cas de mélange des substances.
Les volumes annuels de produits antiparasitaires (exprimés en
tonnes de substances actives) vendus en France ont fortement diminué
entre 1999 et 2002, de près de quarante mille tonnes.
La baisse de 20% des prix réels à la production agricole entre
1990 et 2002 explique sans doute une grande partie de la baisse de
16% de la consommation de produits antiparasitaires observée sur la
même période.
Le projet de loi sur l’eau prévoit la suppression de cette taxe
comme composante de la TGAP, tout en en conservant le principe. La
taxe actuelle serait en effet remplacée par des redevances pour les
pollutions diffuses engendrées par les produits antiparasitaires à usage
agricole, perçues auprès des distributeurs de ces produits et affectées
aux agences. La fiscalité pourrait être plus incitative si les taux
d’imposition étaient plus élevés. Mais le risque est de faire naître des
contraintes uniformes sans considération pour la capacité d’absorption
des sols.
De toute façon, les produits antiparasitaires les plus dangereux
devraient faire l’objet d’une interdiction plutôt que d’une mesure
fiscale.
3. - La TGAP matériaux d’extraction
Cette taxe représentait un produit de 29 M€ en 2004. Elle est
supportée par de nombreux petits redevables.
L’extension de la TGAP, en 2000, aux matériaux d’extraction
correspondait initialement à une volonté de renchérir le coût de
l’extraction de ces granulats, compte tenu des conséquences
dommageables de cette activité sur le milieu naturel, particulièrement
lorsqu’elle est exercée dans un milieu aquatique. Néanmoins,
plusieurs caractéristiques de cette taxe contredisent cet objectif initial.
Le taux de la TGAP sur les matériaux d’extraction est trop
faible - 0,09 €/t soit environ 2 % du prix des matériaux - pour inciter
véritablement les opérateurs à se tourner vers des matériaux
renouvelables. La taxe frappe tous les modes d’extraction sans
particulièrement pénaliser l’extraction d’origine alluvionnaire alors
même que c’est ce type d’activité qui peut avoir les conséquences les
plus dommageables sur l’environnement, comme la destruction du
59
milieu aquatique ou encore l’aggravation du risque d’inondation.
Enfin, les exportations et les livraisons intracommunautaires sont
exonérées de TGAP tandis que les importations sont taxées. Or, d’un
point de vue strictement environnemental, il serait préférable d’avoir
un système inversé afin de limiter les pollutions localisées sur le
territoire national. En effet, il ne devrait pas s’agir d’une taxe sur la
consommation mais d’une taxe sur l’extraction de matériaux.
4. - La TGAP huiles et préparations
lubrifiantes
Le principe est de taxer la fabrication nationale ou la livraison
sur le marché intérieur des substances susceptibles de produire des
huiles usagées
71
.
La taxe sur la production d’huiles usagées a rapporté 20 M€
au budget de l’Etat en 2004. Son paiement est très concentré, les dix
plus premiers contributeurs en acquittant près de 80 %.
Cette taxe est assise sur des produits assez facilement
quantifiables, ce qui, en principe, devrait en simplifier la gestion.
L’affectation de son produit à l’ADEME a permis, à l’origine, le
développement
d’une
filière
de
collecteurs
agréés,
assurant
l’enlèvement puis l’élimination des huiles usagées. Sa transformation
en TGAP n’a pas bouleversé l’économie du secteur dès lors que l’aide
de l’ADEME est restée d’un montant équivalent à celui qui était
distribué avant 1999.
La création de la TGAP s’est accompagnée d’un relèvement
sensible du taux de la taxe qui est passé de 22,87 €/t en 1998 à
38,11 €/t en 2000, soit une augmentation de 66,6 %. Cette forte
augmentation apparaît en cohérence avec la finalité de la TGAP qui
n’est pas seulement de solvabiliser un service de gestion des déchets
mais
bien
de
prendre
en
compte
l’ensemble
des
coûts
environnementaux liés aux huiles usagées, au-delà des seuls coûts de
récupération et d’élimination.
Le bilan en termes environnementaux de la filière des huiles
usagées apparaît globalement favorable
72
, même si des efforts sont
71
L’usage « lubrifiants » des produits pétroliers, y compris par exemple celui du
gazole, n’est pas taxable à la TIPP.
72
Voir Eco-bilan « Recyclage et valorisation énergétique des huiles usagée - Atouts
et faiblesses », ADEME n°3571, 2000
60
encore nécessaires, notamment pour la
régénération des huiles
usagées. Cette filière constitue donc, selon le Commissariat général au
plan, un exemple où «
les producteurs ou importateurs des biens
financent la totalité des coûts de gestion des déchets générés par ces
biens, ainsi qu’une partie au moins des coûts externes
».
Seules des études économétriques permettraient de confirmer
que les taux sont pertinents pour tenir compte des externalités ou au
moins du coût des mesures à prendre pour lutter contre la pollution.
5. - La TGAP sur les imprimés non
sollicités
La loi de finances rectificative pour 2003 a créé une nouvelle
composante de la TGAP due par les personnes et organismes ayant
produit ou fait produire des imprimés non sollicités s’ils n’ont pas
contribué
73
à la collecte, la valorisation et l’élimination des déchets
résultant de l’abandon de ces imprimés. Cette nouvelle taxe n’est pas
encore entrée en vigueur. Cela tient notamment aux difficultés que
soulève sa mise en oeuvre (identification des producteurs et des
redevables n’ayant pas contribué à l’élimination des déchets).
Le taux est de 0,15 c€ par kilogramme d’imprimés, mis à la
disposition ou distribués, au-delà d’un seuil de 2 500 kilogrammes.
Les redevables risquent d’être difficiles à identifier, étant
donné leur dispersion sur le territoire. De plus, les services des
douanes abordent, avec la gestion de cette taxe, un secteur
d’intervention nouveau.
6. - La TGAP sur les distributions de
carburants
Appliquée depuis le 1
er
janvier 2005, la taxation sur les
distributions de carburants est « conditionnelle ». En sont redevables
les opérateurs qui mettent à la consommation des essences et du
gazole sans y avoir incorporé un minimum de biocarburants. Le
montant de la taxe due est diminué en fonction de la quantité de
biocarburants incorporés. La détermination de l’assiette et le
73
En nature ou par versement à un organisme agréé ; le paiement de cette
composante de la TGAP doit être l’exception, la règle étant le respect de l’obligation
nouvelle.
61
recouvrement semblent devoir être assez difficiles. Pour les produits
pétroliers arrivant sur le territoire national, par voie de pipe-line par
exemple, il faudra déterminer leur destination précise afin de contrôler
la quantité de biocarburants incorporée au moment de chaque mise à
la consommation. Si les obligations documentaires supplémentaires
incombent aux redevables, la direction générale des douanes et droits
indirects devra néanmoins assurer de nouveaux contrôles.
B. - Les taxes sur les
émissions polluantes
1. - La TGAP sur les émissions de
polluants atmosphériques
Une taxe parafiscale sur les émissions de polluants dans
l’atmosphère avait été créée en 1985, assise initialement sur les
émissions
de
dioxyde
de
soufre
(SO2) ; son
assiette
a
été
progressivement étendue aux émissions d’oxydes d’azote (NOx),
d’acide chlorhydrique (HCl), et aux composés organiques volatils
(COV).
Cette taxe a été remplacée à compter du 1
er
janvier 1999 par la
taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et son produit n’a
plus été affecté à l’ADEME. Les assujettis peuvent déduire de leur
contribution les cotisations qu’ils versent aux associations agréées de
surveillance de la qualité de l’air dont ils sont membres, dans la limite
de 152 500 € ou à concurrence de 25 % du montant de la taxe. Le
Conseil s’est interrogé sur cette disposition, d’autant que les montants
en cause ne sont pas négligeables (13,1 millions d’euros en 2002 et
12,6 millions en 2003 représentant 20 % du montant perçu au titre de
la taxe). Le sérieux des organismes n’est pas en cause, l’agrément
préfectoral dont ils doivent bénéficier offrant une garantie à cet égard.
Mais l’affectation de ressources importantes à des associations
chargées d’assurer la surveillance de la qualité de l’air devrait être
évaluée pour garantir une utilisation optimale des fonds publics.
Cette taxe a représenté en 2004 un produit de 58 M€. Les
contributeurs
sont
les
exploitants
d’installations
d’incinération
d’ordures ménagères d’une capacité de plus de trois tonnes par heure,
les exploitants des installations de combustion d’une capacité
supérieure à 20 mégawatts et des installations rejetant plus de
62
150 tonnes par an de l’un des produits qui constitue son assiette. Les
dix plus importants contributeurs paient près de 50 % du produit de
cette taxe qui a les caractéristiques d’une véritable écotaxe. Elle est
assise sur la quantité de pollution émise dans l’air et les taux
applicables aux différentes émissions sont modulés en fonction de leur
nocivité.
Cette caractéristique complique bien évidemment la tâche des
services des douanes qui n’ont pas de compétences particulières dans
le domaine de l’analyse des émissions de fumée et le suivi des
installations techniques des usines. Dans ces conditions, l’efficacité
des contrôles et la capacité à identifier de nouveaux redevables sont
limitées.
Les taux ne sont pas fixés de manière à correspondre au coût
des
dommages
provoqués
par
les
émissions
de
polluants
atmosphériques ni en fonction du coût des mesures de lutte contre la
pollution. Ils ont été fixés, à l’origine, à des niveaux faibles sans
rapport avec les coûts environnementaux évalués dans les études
d’impact. En dépit d’une actualisation en fonction de l’inflation, la
taxe ne compense qu’une partie infime des dommages.
63
Tableau n° 9 : Taux de taxation des émissions de polluants soumis à la TPPA
et à la TGAP (en €/tonne)
En €/tonne
1985
1990
1995
1999
TGAP
air
2000
TGAP
air
74
Coût des
dommages
en €/tonne
Oxydes de
soufre et autres
composés
soufrés (SO2)
20
23
27,5
27,5
38,11
7300
Oxydes d’azote
et autres
composés
oxygénés de
l’azote (NOx)
sauf N2O
0
23
27,5
38
45,73
8100
Acide
chlorhydrique
(HCl)
-
23
27,5
27,5
38,11
nd
Composés
organiques
volatils non
méthaniques
(COVNM) et
solvants
-
-
27,5
38
38,11
900
Protoxyde
d’azote (N2O)
-
-
27,5
38
57,17
nd
Source : Rabl et Spadaro (2002)
Le programme de recherche « Externe » financé par la
Commission européenne a donné les valeurs indicatives des
dommages causés par les émissions de polluants atmosphériques. Ces
valeurs varient d’une zone urbaine à une autre dans la mesure où elles
sont liées à la densité de la population. En 2002, deux économistes
75
ont calculé les valeurs moyennes reprises dans le tableau ci-dessus.
Ces valeurs sont indicatives. Elles peuvent être révisées en hausse ou
en baisse, en fonction des progrès réalisés dans la connaissance des
pollutions. Elles montrent que les taux de taxation en vigueur en
France ont été fixés en dessous du niveau nécessaire pour internaliser
74
Cf. article 266 nonies du code des douanes
75
Ari RABL et Joseph SPADARO,
Air Pollution Damage Estimate : the cost per kg
of pollutant
, in International Journal of Risk Assesment and Management, Vol (3)1,
pp.75-98, 2002
64
les
dommages
provoqués
par
les
émissions
de
polluants
atmosphériques.
Une étude
76
réalisée en décembre 2002 a estimé le coût
marginal de dépollution atmosphérique pour les entreprises françaises
à partir de données individuelles sur la période 1990-1998. Il en
ressort que le coût marginal de dépollution en dioxyde de soufre des
installations assujetties excédait sur la période le taux de la taxe, ce
qui laisse penser que son effet incitatif était faible. L’analyse
économétrique des données permet d’évaluer le coût marginal de
réduction de SO2 entre 310 et 990 €/t alors que le taux de la taxe était
de 27,5 € en 1999. Ces coûts de dépollution sont à comparer au prix à
la tonne constaté sur le marché de permis existant aux Etats-Unis, qui
a varié entre 70 et 212 dollars entre la date de création du marché en
1994 et juin 1999.
Une autre étude économétrique réalisée en 2003 pour mesurer
l’efficacité environnementale de la taxe parafiscale sur la pollution
atmosphérique
77
(reprise dans la TGAP) nuance un peu ce constat.
Pour trois polluants sur quatre, l’étude observe une simultanéité entre
l’instauration de la taxe et la baisse des émissions. Mais l’évaluation
des effets de la taxe comporte deux limites que les auteurs
reconnaissent eux-mêmes : ne sont pris en compte ni l’effet de la
réglementation, ni l’évolution de l’activité des sites. Seule une
nouvelle étude concentrée sur les plus gros pollueurs permettrait de
clarifier ces résultats.
La baisse sensible des pollutions atmosphériques, depuis
1970, résulte moins de la taxation que des efforts d’amélioration de
l’efficacité énergétique dans l’industrie (sous l’effet du coût de
l’énergie), de l’entrée en service des principales centrales nucléaires et
de la réglementation.
Il faut observer que l’industrie ne contribue que dans une
proportion limitée à l’ensemble des émissions concernées. Le secteur
des transports routiers est le premier émetteur de NOx (près
76
RIEDINGER
Nicolas et Erwan
HAUVUY
, « Les coûts de dépollution atmosphérique
des entreprises françaises : une estimation à partir de données individuelles », in
La
fiscalité liée à l’environnement
, rapport de la Commission des comptes et de
l’économie de l’environnement, novembre 2003, pp. 219-231
77
MILLOCK, KATRIN et Céline NAUGES
(avril 2003)
The French Tax on Air
Pollution : some preliminary results on its effectiveness
, note de travail n°44, 2003, de
la Fondazione Eni Enrico Mattei
65
de 50%
des émissions totales en 2003) ; le secteur résidentiel-
tertiaire, les secteurs de l’agriculture et des transports routiers sont des
émetteurs importants de COV. Le secteur de l’agriculture est
l’émetteur principal de N2O (environ 75%) ; il est également à
l’origine de 76% des émissions de protoxyde d’azote et de 70% des
émissions de méthane, ces deux gaz participant à l’effet de serre.
Le choix de faire porter la taxe sur le secteur industriel
s’explique pour beaucoup par le niveau de concentration des
installations concernées. Les émissions industrielles sont, en effet,
concentrées
sur
un
faible
nombre
d’installations.
Les
vingt
établissements les plus importants émetteurs de SO2 causaient, en
1999, 50 % des émissions de l’industrie. Cette concentration des
redevables facilite la mise en oeuvre d’une taxe et en renforce
l’efficacité.
Pour qu’elle ait un effet dissuasif, le taux de la taxe devrait
être relevé dans une proportion importante. Le produit pourrait alors
être remboursé, au moins en partie, aux entreprises du secteur, en
fonction de leur production ou de leurs efforts de lutte contre la
pollution,
dans un souci d’acceptabilité. La redistribution en fonction
de la production courante, pratiquée en Suède
78
, permet d’avantager
les entreprises qui polluent moins pour une production donnée. Elle ne
pénalise pas celles ayant déjà réalisé des efforts importants.
2. - La taxe sur les nuisances sonores
aériennes
Le 1
er
janvier 2005, une «
taxe sur les nuisances sonores
aériennes
» a remplacé la composante de la TGAP sur les décollages
d’aéronefs
79
qui avait généré un produit de l’ordre de 30 M€ en 2004.
La nouvelle taxe, dont le redevable et l’assiette demeurent
inchangés, peut, comme auparavant, être modulée en fonction de
l’horaire de décollage et des caractéristiques acoustiques de l’appareil,
dans un rapport, désormais, de 0,5 à 120 (1 à 50 auparavant). Les
compagnies aériennes et les constructeurs sont ainsi fortement incités
à privilégier des technologies moins bruyantes. Outre le niveau des
taux, le principal changement tient à ce que la taxe est désormais
78
Cf. développements sur les pratiques de certains Etats étrangers figurant plus bas
79
Articles 19 et 20 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 portant loi de finances
rectificative pour 2003
66
recouvrée par les services de l’aviation civile, et non plus par les
agents des douanes, et qu’elle est perçue non pas au profit de l’Etat,
mais de personnes publiques ou privées gérant les aérodromes
concernés. Elle est affectée au financement des aides aux riverains
prévues par le code de l’environnement. Son tarif tient compte des
besoins qui résultent des plans de gêne sonore élaborés dans ce cadre
et des coûts d’insonorisation. Cette tarification ne prend donc en
compte qu’une partie des externalités.
Afin d’assurer le recouvrement de cette taxe, les services de la
direction générale de l’aviation civile peuvent requérir, en tant que de
besoin, la saisie conservatoire des avions exploités par le redevable
auprès du juge du lieu d’exécution de la mesure.
C. - Les taxes sur les installations
1. - La TGAP installations classées
La taxe sur les installations classées n’a rapporté que
12 M€ en 2004.
Bien que depuis 1999 la TGAP « Installations classées » ne
soit plus une recette affectée à la couverture du contrôle de ces
installations, il n’en demeure pas moins que l’économie générale de la
taxe n’a pas véritablement été modifiée et qu’elle a toujours pour
objectif de compenser les dépenses occasionnées à l’Etat par
l’inspection des installations en cause.
Cette taxe est assise sur la délivrance d’une autorisation,
complétée pour certaines activités à risques, par une taxe annuelle.
Son taux est forfaitaire par installation. Il est compris entre 442,10 € et
2 225,76 € pour la partie « autorisation ». Il est de 336,39 € par
installation pour la partie « exploitation », ce tarif forfaitaire de base
étant assorti d’un coefficient multiplicateur compris entre 1 et 10 en
fonction de la nature et du volume des activités exercées dans
l’installation concernée.
De
nombreuses
installations
classées
sont
exonérées,
notamment dans les secteurs agricole et artisanal, ce qui contribue à
limiter le caractère incitatif de cette taxe.
67
2. - La TGAP déchets ménagers et
assimilés
La taxe « déchets ménagers » est une taxe sur les décharges
dans la mesure où elle est due par les exploitants d’installations de
stockage de déchets ménagers et assimilés. Son produit est de
213 M€ en 2004. La taxe est payée par un grand nombre de
collectivités locales, ce qui n’en facilite pas le recouvrement,
notamment parce que les personnels des collectivités de petite taille
maîtrisent difficilement la réglementation applicable et les modalités
de paiement. En outre, le contrôle du respect des obligations
déclaratives qui revient aux services de l’administration des douanes
en charge de la gestion de cette taxe sort du domaine de compétence
habituel de cette administration.
Cette taxe vient en complément des dispositions du code de
l’environnement
relatives
aux
installations
ayant
pour
objet
l’élimination des déchets. En effet, la TGAP est conçue pour inciter à
l’application de l’article L. 541-22 du code précité qui prévoit
notamment que les déchets concernés «
ne peuvent être traités que
dans les installations pour lesquelles l’exploitant est titulaire d’un
agrément de l’administration
», dans la mesure où les décharges non
autorisées sont davantage taxées que les autres. Depuis 1999, il existe
un taux majoré applicable aux installations de stockage de déchets
ménagers et assimilés non agréées. Ce taux est de 18,29 €/t alors qu’il
n’est que de 9,15 €/t pour les sites autorisés et de 7,5 €/t pour les sites
ayant fait l’objet d’une certification environnementale
80
.
Le seuil de taxation exprimé en nombre de tonnes est, pour sa
part, passé de 250 tonnes à 49 tonnes entre 1993 et 2002
81
. Cet
abaissement des seuils a fait entrer dans le champ de la taxe un
nombre important de décharges et, en particulier, des décharges non
agréées dont le volume de stockage est généralement inférieur à celui
des sites agréés.
80
Taux applicable si l’installation de stockage a fait l’objet d’un enregistrement dans
le cadre du système communautaire de management environnemental et d’audit
(EMAS) défini par le règlement (CE) n° 761/2001 du Parlement européen et du
Conseil, du 19 mars 2001, ou dont le système de management environnemental a été
certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 par un organisme accrédité
81
Le calcul du seuil minimal de taxation exprimé en tonnes est réalisé en divisant le
minimum annuel de recouvrement par installation par le taux simple de la taxe. Ce
calcul est réalisé dans le rapport du commissariat général au plan déjà cité.
68
Le nombre de décharges non agréées, taxées, est passé de
2 068 en 1994 à 1 118 unités en 1999, représentant alors 2,85 % du
tonnage taxé.
82
Depuis, le nombre de décharges non agréées acquittant
la TGAP a continué à diminuer, sous l’effet de leur agrément ou de
leur fermeture. Elles n’étaient plus que 172 en juin 2005.
De manière générale, même si la fiscalité n’est pas la seule
cause de l’amélioration des conditions de traitement des déchets
ménagers, on peut estimer qu’elle y a contribué.
3. - La TGAP sur les déchets industriels
La composante déchets industriels fonctionne selon le même
principe que celle sur les déchets ménagers et s’applique aux
exploitants d’installations d’élimination des déchets industriels
spéciaux. Le nombre de redevables est modeste (78 en 2003), les dix
plus importants payant près de 70 % des 14 M€ que la taxe a rapportés
en 2004. Il existe deux taux :
-
9, 15 € / tonne pour les déchets réceptionnés dans une
installation d’élimination de déchets industriels spéciaux,
-
18, 29 € / tonne pour les déchets réceptionnés dans une
installation de stockage de déchets industriels spéciaux.
*
*
*
La taxe générale sur les activités polluantes est l’expression
employée pour désigner un ensemble hétéroclite de petites taxes dont
le produit total atteint un montant de l’ordre de 470 millions d’euros.
Si la plupart des taxes ont été au départ présentées comme
ayant une finalité écologique, les taux de ces taxes n’étant pas fixés en
fonction des dommages causés à l’environnement, leur effet sur la
pollution est limité.
De plus, les assiettes sont définies de façon souvent complexe.
Ainsi, la taxe sur les lessives a trois niveaux de taux fixés en fonction
de la teneur en phosphates des produits taxables. La taxe sur les
produits antiparasitaires comporte sept taux dont il est parfois difficile
de savoir celui qui doit être appliqué en cas de mélange de substances
dans le même produit.
82
Chiffres du Commissariat général au plan
69
Cette complexité rend difficile le contrôle de la TGAP par
l’administration des douanes.
Le principe de la TGAP apparaît fondé mais les modalités de
mise en oeuvre des différentes taxes qui la composent peuvent être
améliorées. Ces mesures fiscales devraient être réexaminées en
s’inspirant des principes suivants :
-
les taux doivent tenir compte du coût des effets négatifs
imputables à la pollution que l’on cherche à limiter ou, pour le moins,
du coût des mesures que doivent
prendre les agents économiques
pour respecter un seuil de pollution déterminé par les pouvoirs
publics ;
-
il est nécessaire de vérifier qu’il existe des alternatives
économiques et techniques permettant de réduire la pollution à un
coût acceptable pour l’ensemble de la société ;
-
l’efficacité des mesures doit être évaluée au moment où elles
sont envisagées, puis ensuite à intervalles réguliers, en vue de leur
remise en cause ;
-
les taxes doivent être applicables sans difficulté excessive par
les redevables et pouvoir être effectivement contrôlées ;
-
enfin, pour les rendre acceptables par les contribuables, des
mécanismes de reversement du produit de la taxe en fonction des
comportements peuvent être justifiés.
L’application de ces principes devrait au minimum conduire à
modifier un certain nombre de composantes de la TGAP.
Dans sa forme actuelle, la taxe sur les installations classées
ne peut être rangée dans le périmètre de la fiscalité à objectif
environnemental. Il est proposé de la sortir du champ de la TGAP.
Pour la taxe sur les huiles, il est nécessaire de rapprocher la
liste des produits taxables de la nomenclature douanière qui constitue
une référence
administrative incontestable.
Il faut supprimer la déductibilité à l’exportation de la taxe sur
les matériaux d’extraction
afin de limiter les dommages induits par
l’extraction des grains minéraux destinés à être exportés.
Le maintien de trois taux différents, mais très proches, pour la
taxe sur les préparations pour lessives ne se justifie pas. Il faut, soit
retenir des taux plus différenciés en fonction du niveau de pollution
70
engendré par ces produits, soit fixer un seul taux en exonérant ceux
qui sont les moins polluants.
La simplification du tarif actuel de la taxe sur les produits
antiparasitaires, qui comporte sept taux en fonction du niveau de
toxicité, apparaît souhaitable, certains produits faiblement polluants
pouvant être exonérés alors que les plus dangereux devraient faire
l’objet d’une mesure d’interdiction.
La taxe sur les décharges de déchets ménagers appelle une
simplification. Les différences de taux sont en effet très faibles (7,5€ et
9,15 € la tonne). Quant au taux majoré sanctionnant les décharges
non autorisées, la fermeture des sites concernés ou leur régularisation
devrait conduire à le supprimer, les dernières installations pouvant
subsister relevant de sanctions pénales prévues au code de
l’environnement
83
et non de mesures fiscales.
S’il était décidé d’augmenter sensiblement les taux de la taxe
sur les émissions polluantes atmosphériques pour les porter au niveau
justifié par les effets de la pollution, on pourrait accompagner cette
mesure du reversement d’une partie du produit de la taxe aux
redevables
ayant,
proportionnellement
à
leur
production,
le
comportement le moins polluant.
Il apparaît souhaitable de renoncer à
la taxe sur les imprimés
non sollicités dont la mise en oeuvre apparaît trop complexe.
Une taxe sur les emballages, qui pourrait être une nouvelle
composante de la TGAP, constituerait une réponse adaptée au faible
effet incitatif des TGAP sur les décharges, de la TEOM et de la REOM
à réduire le volume des déchets. Les avantages d’une telle mesure
devraient être évalués par comparaison avec d’autres solutions
envisageables, comme la réglementation ou le renforcement du
recyclage par les entreprises.
83
L. 514 - 9
71
IV. -
DES
M
ESURES FISCALES
DEROGATOIRES A FINALITE
ENVIRONNEMENTALE N
ONT QUE
TRES PEU D
EFFET
A. - Les mesures dérogatoires dans le
domaine de l’énergie et des
transports sont les plus significatives
Les mesures fiscales dérogatoires dans le domaine de
l’énergie et des transports visent à :²
-
favoriser l’utilisation des modes de transport les
moins polluants ;
-
inciter aux économies d’énergie dans le domaine de
l’habitat.
L’évaluation du montant des mesures fiscales dérogatoires en
faveur de l’environnement est incertaine ; beaucoup ne concernent
qu’un nombre limité de contribuables ; celles qui font l’objet d’une
évaluation représentent environ 560 M€ en 2004.
72
1. - Les mesures positives en faveur
des carburants « propres »
Tableau n° 10 : liste des principales mesures destinées à favoriser le recours à
des carburants « propres » et des modes de transport moins polluants
Mesure
Référence
Evaluation
2004en
M€
Crédit d’impôt en faveur de l’acquisition ou de
la location de véhicule non polluant
CGI art 200
quinquies
11
Amortissement exceptionnel des véhicules non
polluants (GPL –GNV…)
CGI article 39AC
et AD
0
Amortissement exceptionnel des matériels
spécifiquement destinés à l’approvisionnement
en GPL et GNV et à la charge des véhicules
électriques
CGI article 39AE
Nd
Exonération de taxe différentielle sur les
véhicules à moteur pour les véhicules propres de
société
CGI article 1599
F et 1599 nonies
A
Nd
Exonération de la taxe sur les certificats
d’immatriculation des véhicules pour les
véhicules propres
CGI article 1599
quindecies et
novodecies
Nd
Exonération de la taxe sur les véhicules de
société pour les véhicules fonctionnant à
l’énergie électrique, au gaz naturel ou au GPL
CGI article 1010A
Nd
Remboursement de TIPP en faveur des
utilisateurs de carburants et de véhicules propres
pour les exploitants de transport public et de
bennes de ramassage de déchets ménagers
Code des douanes
art 265 sexies
2
Exonération partielle, sur agrément, de TIPP sur
les biocarburants
Code des douanes
art 265 bis A
167
Déductibilité en totalité de la TVA afférente à
l’électricité consommée par les véhicules
terrestres exclus du droit à déduction lorsque ces
véhicules sont utilisés pour les besoins
d’opération ouvrant droit à déduction
CGI art 273
septies B nouveau
Nd
Déductibilité en totalité de la TVA afférente au
GPL, au propane liquéfié et au butane liquéfié et
au GNV
CGI art 298 4-1°
et 1°bis
Nd
73
Mesure
Référence
Evaluation
2004en
M€
Réduction de 75 % de la taxe à l’essieu pour les
véhicules routiers utilisant les systèmes mixtes
rail-route
Décret n°71-105
du 3 février 1971
(modifié par le
décret 99-10)
Nd
Ces dispositions ont été introduites dans le système fiscal pour
développer l’utilisation de carburants « propres » et des modes de
transport moins polluants.
L’exonération partielle de TIPP accordée aux biocarburants
est évaluée à 167 M€ en 2004 et fixée à un montant plafond de
255 M€ en 2005
84
. Le crédit d’impôt en faveur de l’acquisition ou
de la location de véhicules non polluants est évalué à 11 M€.
Le
remboursement de TIPP pour certains utilisateurs de carburants et de
véhicules propres est évalué à moins de 2 M€. Le coût des autres
mesures dérogatoires n’est pas connu ou est considéré comme
négligeable.
Certaines mesures ne sont quasiment plus utilisées par les
contribuables, notamment celles encourageant l’achat ou la location
par les entreprises de véhicules « propres ».
Les carburants sont des carburants liquides produits à partir de
plantes. Leur combustion dégage du CO2 mais c’est celui qui avait été
absorbé auparavant par les plantes (canne à sucre, betterave, colza). Le cycle
est donc neutre au regard de l’environnement sous réserve du CO2 dégagé au
stade de la culture (machines agricoles) et du raffinage : 30 à 40 % de
l’ensemble.
Le CO2 dégagé par la consommation de carburants fossiles, en
revanche, n’est pas compensé par une absorption préalable de CO2
atmosphérique et des dégagements s’y ajoutent en amont, au stade du
transport et du raffinage.
L’exonération de TIPP a été accordée pour rétablir la
compétitivité des biocarburants par rapport aux carburants fossiles en
compensant les surcoûts liés à leur mode de production. Elle
84
Augmentation liée à la hausse du taux d’incorporation décidée à compter de 2005
;
cette augmentation devrait être compensée en tout ou partie par la nouvelle
composante TGAP introduite à compter de 2005 qui pèsera sur les carburants et
dont
le produit a été estimé à 80 M€ pour la première année d’application.
74
s’applique
aux
différentes
filières
produisant
des
substances
susceptibles d’être incorporées :
-
les esters d’huiles végétales (EMHV) incorporés au
gazole
et
au
fioul
domestique
bénéficient
d’une
exonération de TIPP de 33 euros/hl ;
-
les dérivés de l’alcool éthylique (ETBE) dont la
composante alcool est d’origine agricole incorporés aux
essences bénéficient pour leur contenu en alcool d’une
réduction de TIPP de 38 euros/hl ;
-
depuis 2003, l’alcool éthylique d’origine agricole
incorporé directement aux supercarburants bénéficie
également d’une réduction de TIPP de 37 euros/hl.
Ces biocarburants doivent provenir d’unités de fabrication
agréées sur appel d’offres communautaire et être mis à la
consommation sur le territoire français
85
. De plus, les quantités
susceptibles de bénéficier de l’exonération sont plafonnées.
Ces exonérations sont modulées en fonction de l’évolution des
cours des matières premières. Selon l'ADEME, le coût des
biocarburants
devrait
diminuer.
Ceci
justifierait
le
réexamen
périodique des avantages fiscaux octroyés. Des cours du pétrole situés
durablement entre 40 et 50 $
86
étaient considérés jusqu’ici comme
permettant de supprimer les surcoûts liés aux biocarburants par
rapport aux carburants fossiles mais l’existence de débouchés
concurrents pour les oléagineux peut contribuer à exercer une certaine
pression à la hausse sur les prix de revient du diester fabriqué à partir
de ces plantes.
Dans le cadre des objectifs fixés par une directive européenne,
la loi de finances pour 2005 prévoit une augmentation de
130 000 tonnes du quota de biocarburants aidés fiscalement, soit 20 %
du volume de 2004
87
.
L’effet de cette mesure devrait être renforcé par l’application
de la nouvelle composante de la TGAP destinée à inciter les
distributeurs de carburants à augmenter le taux d’incorporation de
biocarburants dans l’essence ou le diesel.
85
Article 265 bis A du code des douanes.
86
Rapport « Agriculture et environnement » du CAE
87
Article 31 de la loi n°2004-1484 du 30 décembre 2004.
75
Les
réductions
d’émissions
de
CO2
induites
par
les
biocarburants constituent une externalité positive. La valeur du
kilogramme de CO2 évité devrait être évaluée comme les taxes. Elle a
été chiffrée ci-dessous sur la base de l’objectif recommandé par le
rapport du Plan déjà cité (27 € /t CO2) et rapprochée de la réduction
fiscale.
Tableau n° 11 :
Comparaison entre les
gains en terme d’effet de serre liés à
l’utilisation de biocarburants et les réductions fiscales accordées au titre de
cette utilisation
Economies de gaz
à effet de serre
(teCO2/tonne de
carburant)
Gains liés à
l’utilisation de
biocarburants
(€/hl)
Réduction fiscale
(€/hl)
Diester
EMHV
88
2,5
5,8
33
Bioéthanol
2,7
5,4
37
ETBE
0,6
1,35
19
89
Source ADEME (2002) - Calcul DGTPE.
Le
montant
des
exonérations
fiscales
accordées
aux
biocarburants est beaucoup plus élevé, en termes d’émissions de CO2,
que la valeur des effets positifs pour l’environnement induits par leur
utilisation.
Pour les autres émissions polluantes, les avantages des
biocarburants ne sont pas significatifs et l’évolution des normes
européennes relatives aux émissions de polluants locaux (normes
EURO V en discussion) ainsi que les progrès réalisés dans la
composition des carburants (réduction de la teneur en soufre
notamment) devraient venir réduire l’avantage comparatif des
biocarburants par rapport aux carburants fossiles.
Bien évidemment, les externalités négatives du transport
routier touchant aux domaines non environnementaux (congestion,
usure des infrastructures….) ne sont pas réduites par les biocarburants.
88
EMHV : esters d’huiles végétales
89
L’ETBE est fabriqué à partir d’isobutylène (produit pétrolier) et d’éthanol. Seul
l’alcool intervenant dans la fabrication de l’ETBE est partiellement défiscalisé
(38€/hl). La défiscalisation partielle dont bénéficie l’ETBE est ainsi de l’ordre de
19 €/hl.
76
Aujourd’hui, la baisse des externalités négatives du secteur
des transports permise par les biocarburants ne justifie qu'une fraction
des exonérations fiscales actuelles dont ils bénéficient. Toutefois, des
considérations autres qu’environnementales et la perspective de la
baisse du différentiel de coût de production avec les combustibles
fossiles peuvent expliquer cette situation.
77
2. - Les mesures positives dans le
domaine de l’habitat et de la
construction
Tableau n° 12 : liste des mesures positives relatives à la construction et à
l’habitat
Mesure
Référence
Evaluation
2004
(en M€)
Exonération de taxe foncière sur les propriétés
bâties pour les logements sociaux satisfaisant à
des critères de qualité environnementale
CGI article 1384-A-I
bis
0
Crédit d’impôt pour dépenses d’acquisition,
afférente à la résidence principale,
d’équipements utilisant une source d’énergie
renouvelable, de matériaux d’isolation
thermique et d’appareils de régulation du
chauffage
CGI article 200
quater
315
90
Amortissement exceptionnel des matériels
destinés à économiser l’énergie et des
équipements de production d’énergies
renouvelables acquis ou fabriqués avant le
01/01/07
CGI article 39 AB
Nd
Réduction de la valeur locative
prise en
compte en matière de taxe professionnelle pour
les matériels ouvrant droit à l’amortissement
exceptionnel
39 AB
nd
Majoration d’un demi point des coefficients de
l’amortissement dégressif pour les matériels
destinés à économiser l’énergie et les
équipements de production d’énergies
renouvelables acquis ou fabriqués entre le 1
er
janvier 2001 et le 1
er
janvier 2003
CGI article 39 AA
Nd
Exonération TIPP/TICGN sur les produits
utilisés dans les installations de cogénération
(durée = 5 ans)
Code des douanes
article 266 quinquies
A
50
90
Estimation pour la partie énergies renouvelables, isolation thermique et régulation
du chauffage
78
Les mesures visent principalement à inciter les particuliers
(crédits
d’impôt)
comme
les
entreprises
(amortissements
exceptionnels) à se doter d’équipements permettant d’économiser
l’énergie. L’exonération de TIPP en faveur de la cogénération est
d’une nature différente mais relève d’une logique similaire dans la
mesure où la cogénération permet de récupérer l’électricité produite
lors de la production de chaleur et donc d’économiser l’énergie
correspondante.
Les avantages fiscaux sont peu utilisés et beaucoup ne sont
pas chiffrables par la direction générale des impôts, ce qui montre
indirectement leur faible efficacité.
La seule mesure significative est le crédit d’impôt pour
dépenses d’acquisition d’équipements destinés à économiser l’énergie
afférentes à la résidence principale, évaluées pour 2004 à
315 M€. Ce
crédit d’impôt destiné aux particuliers a fait l’objet d’une refonte dans
la loi de finances pour 2005. Cette mesure concernait à l’origine tous
les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et
d’entretien des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de
deux ans. Elle a ensuite acquis un caractère environnemental plus
marqué avec son recentrage sur les équipements de production
d’énergie
utilisant
une
source
renouvelable
et
aux
dépenses
d’acquisition de matériaux d’isolation thermique et d’appareils de
régulation de chauffage. Ce crédit d’impôt, qui venait à expiration au
31 décembre 2005, a été reconduit par la loi de finances pour 2005 et
limité aux équipements les plus performants au regard des économies
d’énergie qui bénéficient de taux différenciés en fonction du type de
matériel
91
.
91
Ainsi, le taux du crédit d’impôt est de 15 % pour les dépenses d’acquisition de
chaudières à base température, de 25 % pour les dépenses d’acquisition de chaudières
à condensation, de matériaux d’isolation thermique ou d’appareils de régulation de
chauffage, et de 40 % pour les équipements de production d’énergie renouvelable.
79
B. - Dans les autres domaines, des
mesures dérogatoires dispersées et
peu efficaces
1. - Les dépenses fiscales en faveur de la
qualité de l’air
Parmi les mesures à caractère fiscal susceptibles de favoriser
la réalisation d’objectifs environnementaux en matière de qualité de
l’air figure la possibilité donnée aux entreprises, en application de
l’article 39 quinquies E du code général des impôts, de pratiquer un
amortissement exceptionnel pour les immeubles spécialement conçus
pour lutter contre la pollution atmosphérique. Cette mesure est
également étendue aux immeubles destinés à l’épuration de l’eau et à
la lutte contre le bruit. Cet amortissement du prix de revient est
appliqué sur douze mois, dès l’achèvement de la construction. Ce
régime concerne les constructions achevées avant le 1
er
janvier 2006.
Le coût et le degré d’utilisation de cette disposition ne sont pas
connus, ce qui conduit à penser que la mesure a une portée limitée
malgré l’importance de l’avantage accordé.
Cet
amortissement
exceptionnel
s’accompagne
d’une
réduction de la valeur locative de l’immeuble, retenue pour le calcul
de la taxe professionnelle.
80
2. - Les dépenses fiscales dans le domaine
de l’eau
Tableau n° 13 : liste des dépenses fiscales et des mesures favorables relatives
au domaine de l’eau
Intitulé de la mesure fiscale
Référence
Evaluation
2003 (en M€)
Amortissement exceptionnel des immeubles
destinés à l’épuration des eaux industrielles ou à
la lutte contre la pollution de l’air
CGI art 39
quinquies E
et F
Nd
Réduction de la valeur locative prise en compte
en matière de taxe professionnelle pour les
matériels ouvrant droit à l’amortissement
exceptionnel
DA
39 quinquies
Nd
Taux réduit de TVA applicable aux taxes,
surtaxes et redevances perçues sur les usagers
des réseaux d’assainissement
CGI article
279 b 2°
Nd
Taux réduit de TVA applicable aux
remboursements et rémunérations versés par les
communes ou leurs groupements aux exploitants
des services de distribution d’eau et
d’assainissement
CGI article
279 b 1°
Nd
Ces mesures sont de même nature que celles prises en faveur
de la qualité de l’air et ne donnent pas non plus lieu à évaluation.
81
3. - Les dépenses fiscales dans le domaine
de la prévention des risques
Tableau n° 14 : liste des dépenses fiscales en faveur de la prévention des
risques
Intitulé de la mesure fiscale
Référence
Evaluation 2004
(en M€)
Déduction des dépenses d’amélioration
destinées à protéger les locaux professionnels
et commerciaux des effets de l’amiante
CGI art 31
Nd
Déduction des dépenses de mise aux normes
de protection de l’environnement des
bâtiments d’exploitation rurale
CGI art 31
Nd
Exonération de TP pour moitié sur 10 ans de
la valeur locative des installations de
désulfuration du gazole et du fioul lourd ainsi
que celle des installations de conversion
profonde de fioul lourd en gazole, fioul
domestique ou carburant pour autoroute.
CGI art 1464
0
Les dépenses fiscales destinées à aider les entreprises à se
conformer aux normes en matière de prévention des risques sont
concentrées sur trois secteurs (amiante, secteur de l’agriculture et de
l’industrie des hydrocarbures). En l’absence d’évaluation de leur
montant, il est difficile d’en apprécier l’impact réel, en particulier leur
éventuelle influence sur le comportement des entreprises.
82
4. - Les dépenses fiscales dans le domaine
de la lutte contre le bruit
Tableau n° 15 : liste des dépenses fiscales en faveur de lutte contre le bruit
Intitulé de la mesure fiscale
Référence
Evaluation
2003 (en M€)
Amortissement exceptionnel des matériels
destinés à réduire le bruit
DA art 39
Nd
Réduction de la valeur locative prise en
compte en matière de taxe professionnelle
pour les matériels ouvrant droit à
l’amortissement exceptionnel
DA art 39
Nd
Pour inciter les entreprises à diminuer le niveau acoustique de
leurs installations, un amortissement exceptionnel sur douze mois a
été instauré. Il permet d’amortir sur cette durée les équipements acquis
ou fabriqués avant le 1
er
janvier 2006, destinés à réduire le niveau
acoustique d’installations existant au 31 décembre 1990. Un arrêté
précise la liste des équipements ouvrant droit à cet amortissement
exceptionnel. Le champ d’application de cette mesure étant restreint,
elle n’a qu’une portée très limitée.
*
*
*
Le niveau des mesures fiscales dérogatoires en faveur de
l’environnement n’a pas été fixé en fonction de l’évaluation des coûts
des dommages environnementaux ou des coûts de pollution évitée.
L’exonération partielle de TIPP des biocarburants paraît en
première analyse, et selon les études disponibles, excéder la valeur des
effets positifs pour l’environnement induits par leur utilisation. La
perspective de l’atténuation des surcoûts par rapport aux carburants
fossiles et le souci de la diversification des sources d’énergie peuvent
justifier, aujourd’hui, un avantage excédant les seuls gains en terme de
réduction des émissions de carbone mais encore faut-il réaliser les
évaluations permettant de mesurer cet avantage et de l’ajuster le cas
échéant.
Le crédit d’impôt concernant les dépenses d’économie
d’énergie sur l’habitation principale est largement utilisé par les
83
contribuables, ce qui a justifié son récent recentrage sur les dépenses
les plus efficaces et sa reconduction.
La plupart des autres mesures dérogatoires ne sont pas
utilisées, d’abord parce qu’elles ne peuvent concerner un grand
nombre de bénéficiaires en raison de la concentration des redevables,
ensuite à cause de l’inadaptation des taux, qui leur enlève tout
caractère incitatif, et des conditions d’application, souvent restrictives.
Ce
constat
conduit
le
Conseil
à
recommander
une
réappréciation de ces mesures, de façon à assurer leur efficacité et à
renouveler les recommandations formulées au sujet des mesures
fiscales dérogatoires dans son rapport de 2003 :
il est nécessaire de
mieux les contrôler, les chiffrer et les évaluer et, sur la base des
informations
recueillies, de
les
réexaminer
périodiquement
et
éventuellement de leur substituer des subventions lorsqu celles-
ci sont mieux adaptées.
85
L’OUTIL FISCAL OFFRE DES
OPPORTUNITES CERTAINES MAIS
LIMITEES
Les engagements internationaux et le droit national, s’ils
encadrent le recours à la fiscalité, ne l’interdisent pas et laissent aux
autorités nationales une marge de manoeuvre. Les politiques conduites
en France en faveur de l’environnement privilégient les outils non
fiscaux et limitent de ce fait la place que peut avoir la fiscalité.
Les exemples étrangers illustrent l’utilisation de cette marge
de manoeuvre.
87
I. -
L
E CONTEXTE JURIDIQUE LAISSE
LA FACULTE D
UTILISER LA
FISCALITE DANS LA LUTTE CONTRE
LA POLLUTION
A. - Les engagements
internationaux
En
dehors
de
quelques
cas
particuliers,
ni
le
droit
communautaire ni les accords internationaux ne constituent des
obstacles à l’utilisation de la fiscalité pour lutter contre les pollutions.
La principale limite posée aux initiatives des Etats est l’obligation de
respecter l’égalité de traitement entre les entreprises nationales et
étrangères, au nom du principe de concurrence, et de ne pas remettre
en cause les normes adoptées par le droit communautaire en matière
fiscale.
1. - Le droit européen
L’exigence de l’unanimité a contribué à limiter la mise en
place de dispositions fiscales « européennes », notamment dans le
domaine de l’environnement. L’Europe a privilégié de ce fait
l’utilisation de la réglementation pour inciter les Etats membres à
prendre des mesures favorables à l’environnement.
Dans la plupart des cas, les directives européennes fixent des
objectifs à atteindre en matière de qualité de l’environnement, laissant
aux Etats membres le choix des moyens. L’accumulation de règles,
issue de ces directives, n’empêche pas formellement le recours aux
écotaxes mais elle en limite le développement en créant un contexte
réglementaire très complexe à gérer.
88
L’exemple de la lutte contre l’effet de serre en est une
illustration. Ainsi ont été privilégiés
92
au niveau européen :
-
les accords volontaires, comme celui conclu en 1998
entre la commission européenne et l’association des
constructeurs européens de véhicules sur la réduction de
CO2 des voitures particulières neuves
93
;
-
le durcissement de la réglementation : ainsi, en
matière d’habitation, une directive européenne impose une
méthode de calcul de performance énergétique des
bâtiments
et
fixe
des
exigences
de
performance
énergétique, avec des objectifs spécifiques, lors de la
construction ou de la rénovation de bâtiments
94
;
-
des subventions et des aides comme celles attribuées à
la production d’énergies « propres » ou renouvelables
sous forme de subventions en application d’une directive
qui fixe comme objectif l’augmentation à 22% de la part
des
énergies
renouvelables
dans
la
consommation
d’électricité européenne d’ici 2010
95
.
De même, le choix de recourir à un marché de droits
d’émissions pour limiter les émissions industrielles de CO2 confirme
la place relativement réduite de la fiscalité et restreint le champ
d’application d’une taxe sur le carbone.
S’agissant de la protection de l’environnement, les principales
directives fiscales traitent seulement des accises sur les combustibles
et des taxes sur l’énergie.
La directive la plus récente, celle du 27 octobre 2003
96
sur
l’énergie, fixe des taux minima pour chaque type de combustible, y
92
Voir notamment le Programme européen sur le changement climatique, présenté
par la commission en juin 2001 et qui présente 42 mesures pour réduire les émissions
européennes de GES
93
La proposition initiale de l’association a été approuvée par le Conseil européen en
octobre 1998 et un accord avec la Commission a été finalisé début 1999.
94
Directive n°2002/91/CE du 16 décembre 2002
95
Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001. Pour la France, l’objectif est de 21%
contre 15% actuellement.
96
Directive 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 se substituant à la directive
1992/81/CEE
89
compris le gaz et le charbon
97
. Elle distingue les taux selon que
l’usage est commercial ou domestique.
Cette
directive
prévoit
trois
cas
dans
lesquels
la
consommation de combustibles fossiles est obligatoirement exonérée
de taxation :
-
lorsque les combustibles consommés sont utilisés à la
fois comme combustibles et pour un autre usage (réduction
chimique, procédés métallurgiques…) (art.2.4.b deuxième
tiret) ;
-
lorsque les combustibles sont consommés au cours de
procédés minéralogiques de production de produits non
métalliques (notamment verre, carton, plâtre, brique,
céramiques, ciment) (art 2.4.b cinquième tiret) ;
-
lorsque les combustibles sont utilisés pour produire de
l’électricité (toutefois, les combustibles utilisés dans ce cas
peuvent
être
assujettis
à
une
taxation
à
finalité
environnementale) (art.14.1.a).
Les Etats ont la possibilité de prévoir des exonérations,
notamment :
-
lorsque les combustibles servent pour la production
combinée
de
chaleur
et
d’énergie
(cogénération)
(art.15.1.c) ;
-
lorsque le gaz naturel ou les combustibles solides sont
consommés par les ménages (art.15.1.h) ;
-
lorsque les combustibles fossiles sont utilisés dans les
travaux agricoles (art. 15.3.) ;
-
lorsque les combustibles fossiles sont consommés par
les entreprises grandes consommatrices d’énergie incluses
dans un régime de quotas négociables (art. 17.2.).
Les taux minima fixés par la directive sont inférieurs à la
valeur des externalités négatives généralement associées à l’utilisation
des produits taxés et la hiérarchie des taux entre les combustibles ne
reflète pas parfaitement leur « nocivité » relative. Par exemple, le taux
97
Cette directive remonte les taux minimum de 25 % par rapport aux taux prévus par
la directive de 1992.
90
minimal sur le gazole est plus faible que celui sur l’essence sans
plomb.
En dehors du domaine de l’énergie, les Etats membres de
l’Union européenne gardent une assez grande latitude pour mettre en
oeuvre des mesures fiscales liées à l’environnement.
En effet, la valeur normative du principe « pollueur-payeur »
est incertaine. Même si la question n’a pas été clairement tranchée, à
ce jour, par la CJCE, il semble qu’il ne doive pas être regardé comme
ayant un effet direct
98
.
Ainsi, il ne peut, a priori, être directement
invoqué par les particuliers à l’encontre d’une réglementation
nationale.
Le principe a toutefois une portée interprétative : selon la
jurisprudence de la CJCE, il est réputé éclairer, en cas de doute, le
sens du droit communautaire dérivé. C’est ainsi que, saisie d’une
question préjudicielle relative à la directive 91/676/CEE concernant la
protection des eaux contre la pollution par les nitrates, la Cour de
Luxembourg a jugé que la directive, peu claire, ne pouvait avoir
entendu faire supporter aux exploitants agricoles des charges
inhérentes à l’élimination d’une pollution à laquelle ils n’auraient pas
contribué
99
.
Mais certaines normes européennes limitent les possibilités
d’instaurer des taxes environnementales. Cela vaut pour celles qui
empiéteraient sur la compétence communautaire en matière de taxes
sur le chiffre d’affaires et de droits d’accises. En principe, les Etats
membres peuvent instituer, outre les impositions obligatoires prévues
par la directive relative au régime général des produits soumis à
accises, d’autres impositions indirectes poursuivant des finalités
spécifiques. La jurisprudence de la CJCE se montre toutefois
restrictive en la matière. Ainsi, la Cour de Luxembourg a refusé
d’admettre la taxation au niveau national d’utilisations de produits
exonérées par les dispositions des directives applicables
100
. Dans le
même sens et allant à l’encontre d’une logique environnementale, la
France a même été contrainte de rétablir une disposition favorable à
l’utilisation du gazole : la possibilité pour les assujettis à la TVA de
déduire à hauteur de 80 % la TVA sur le gazole utilisé dans les
98
Conclusions de l’avocat général sous l’affaire CJCE, 20 novembre 2003,
Gemo SA
,
aff. C-126/01, au Recueil, RJF 2/04 n° 205.
99
CJCE, 29 avril 1999, Standley, aff. C-293/97, Rec. p. I-2603
100
CJCE, 10 juin 1999, Braathens Sverige AB, aff. C-346/97, au Recueil
91
véhicules exclus du droit à déduction. Cette possibilité avait été
supprimée par la loi de finances pour 1998 mais cette mesure a été
jugée non conforme à la 6
ème
directive par la CJCE
101
.
La rigueur du principe de prohibition des restrictions
quantitatives aux échanges ou des mesures d’effet équivalent est
tempérée par la prise en compte des exigences inhérentes à la
protection de l’environnement. Ainsi, la CJCE a jugé que certains
obstacles à la libre circulation peuvent être justifiés par des exigences
impératives du droit communautaire, au nombre desquelles figure,
selon elle, la protection de l’environnement, pour autant, comme il est
naturel, que les mesures soient proportionnées à l’objet visé (en ce
sens qu’elles doivent être celles qui apportent le moins d’obstacles
possible) et que la réglementation qui les institue soit indistinctement
applicable aux produits nationaux et aux produits importés
102
.
L’obligation imposée aux producteurs et importateurs de mettre en
place un système de consigne et de reprise des emballages vides pour
la bière et les boissons rafraîchissantes au Danemark a ainsi pu être
admise par la Cour. En Allemagne, une réglementation imposant aux
entreprises chargées de la fourniture d’énergie électrique d’acheter, à
concurrence d’un certain pourcentage, de l’électricité produite à partir
de sources d’énergie renouvelables à des prix minimaux a également
été tolérée par la Cour
103
alors même que cette obligation d’achat ne
pouvait concerner, de fait, qu’un fournisseur local. Elle n’y a pas
davantage vu une aide d’Etat, alors même que l’obligation d’achat est
imposée par la loi, dès lors que la mesure en cause n’entraînait aucun
transfert direct ou indirect de ressources d’Etat aux entreprises
productrices d’électricité provenant de sources propres
104
.
Naturellement, les régimes fiscaux qui, sous couvert de
finalité environnementale, visent en fait à protéger la production
nationale, sont, à l’inverse, censurés par la CJCE. Tel a été le cas d’un
dispositif mis en place en Grèce, qui prévoyait une taxe spéciale de
consommation sur les véhicules automobiles, dont le taux était réduit
pour ceux d’entre eux qui étaient équipés de technologies anti-
pollution ; les véhicules importés étaient, pour leur part, taxés à taux
101
Arrêt de la CJCE du 14 mai 2001,
Commission des communautés européennes c/
République Française.
102
CJCE, 20 septembre 1988, Commission c/ Royaume du Danemark, aff. C-302/86,
Rec. p. 4607
103
CJCE, 13 mars 2001, PreussenElektra AG, aff. C-379/88, au Recueil
104
Ce dispositif est à rapprocher de celui mis en place en France.
92
plein alors même qu’ils étaient pourvus de tels dispositifs. Ce n’est
évidemment pas le taux réduit sur les véhicules propres qui a posé
problème, mais le refus du gouvernement grec d’étendre cet avantage
aux voitures importées satisfaisant aux mêmes critères
105
.
Saisie du cas d’une taxe finlandaise sur l’énergie dont le taux
variait, pour les produits nationaux, en fonction du mode de
production plus ou moins polluant mais qui était unique pour
l’électricité
importée
compte
tenu
des
difficultés
techniques
d’identification des modes de production des produits importés, la
CJCE a développé une approche nuancée sur sa compatibilité avec
l’article 90 du traité
106
.
Elle a d’abord rappelé que le droit communautaire ne restreint
pas, en l’état actuel de son évolution, la liberté de chaque État membre
d’établir un système de taxation différenciée pour certains produits en
fonction de critères objectifs tels que la nature des matières premières
utilisées ou les procédés de production appliqués, à la condition
toutefois que ces systèmes de taxation poursuivent des objectifs
compatibles avec les exigences du Traité et du droit dérivé et que leurs
modalités soient de nature à éviter toute forme de discrimination,
directe ou indirecte, à l’égard des importations en provenance des
autres États membres. Sur le principe même, la Cour n’a donc pas
condamné le système mis en oeuvre en Finlande. Elle ne l’a finalement
jugé incompatible avec les règles du Traité que parce que, en l’espèce,
le taux unique appliqué à l’électricité importée puis distribuée à
travers le réseau national, qui était calculé de façon à correspondre au
taux moyen grevant l’électricité d’origine nationale, était supérieur au
taux le plus bas frappant l’électricité d’origine nationale. Elle
considéra ainsi qu’il fallait comparer la charge fiscale frappant
l’électricité importée à la charge fiscale la plus réduite frappant
l’électricité d’origine nationale.
Le régime des aides d’Etat paraît, en première analyse,
imposer moins de contraintes aux Etats membres souhaitant
développer des mesures fiscales à finalité incitative. Il doit cependant
être pris en considération à deux niveaux.
105
CJCE, 23 octobre 1997, Commission c/ République hellénique, Rec. p. I-5981 ;
voir dans le même sens, dans un cas cependant moins extrême : CJCE, 8 janvier 1980,
Commission c/ Italie, aff. 21/79, Rec. p. 1)
106
(CJCE, 2 avril 1998, Outokumpu Oy, Rec. p. I-1777)
93
S’agissant, en premier lieu, des exonérations fiscales, une
définition trop large du champ des exonérations introduites peut
soulever des contestations et appeler une requalification, par la Cour,
en aide d’Etat. Dans l’affaire du projet de TGAP sur les
consommations intermédiaires d’énergie, le gouvernement français
avait d’ailleurs fait valoir, devant le Conseil constitutionnel, que son
choix d’inclure l’électricité dans l’assiette de la taxe se justifiait
notamment par la crainte qu’une exonération générale aurait été
susceptible d’être analysée comme une aide sectorielle ou une aide
d’Etat, et qu’il aurait pu en aller de même en cas de limitation de la
taxation à la seule électricité d’origine thermique.
En ce qui concerne, en second lieu, les taxes proprement dites,
les règles relatives aux aides d’Etat ne sont susceptibles de trouver à
s’appliquer que dans l’utilisation de leur produit.
Les exemples étrangers examinés plus loin dans le présent
rapport
107
montrent que les Etats disposent de vraies possibilités
d’action.
2. - Les autres accords internationaux
Les autres accords internationaux, s’ils consacrent la place de
l’environnement au plan international, n’ont en revanche qu’une
incidence limitée en matière de fiscalité liée à l’environnement.
Consacré comme « principe général du droit international de
l’environnement » par une convention de 1990 sur la préparation, la
lutte et la coopération en matière de pollution par les hydrocarbures
signée par la France le 13 septembre 1991, le principe pollueur-payeur
figure dans une quinzaine de conventions internationales, dont cinq à
laquelle la France est partie, ainsi que dans la Déclaration de Rio sur
l’environnement et le développement. Le faible caractère normatif de
ces conventions les prive toutefois, dans la plupart des cas, de toute
portée directe ; elles n’ont, en tout état de cause, pas d’implications
fiscales.
La
question
de
la
compatibilité
entre
fiscalité
environnementale et règles commerciales internationales est plus
complexe.
107
Cf. infra
94
En droit international, on ne trouve que très peu de
conventions concernant directement la fiscalité environnementale.
L’exception la plus notable est la convention de Chicago en date du
7 décembre 1944, relative à l’aviation civile. Elle précise en son
article 24 que le kérosène contenu dans les soutes des appareils
effectuant des vols internationaux ne peut être soumis aux droits de
douane et que les taxes et redevances aéroportuaires et de navigation
aérienne doivent être appliquées sans discrimination de nationalité de
l’exploitant. La portée de cette interdiction, qui est juridiquement
contraignante, ne doit pas être surestimée. D’abord, elle ne concerne
que les vols internationaux. Ensuite, une taxe sur le kérosène à la
vente ne serait pas strictement contraire à la convention de Chicago ;
seul le kérosène déjà présent dans les soutes d’un avion venant de
l’international ne doit pas être taxé. Mais de nombreux accords
bilatéraux entre pays (Air Service Agreements) s’opposent, en
pratique, à la taxation du kérosène en France.
L’article
XX
de l’Accord général sur les tarifs douaniers et le
commerce permettait déjà aux organes compétents d’adopter des
mesures contraires au libre jeu du commerce pour des considérations
environnementales, excluant seulement le cas où « ces mesures
seraient appliquées de façon à constituer soit un moyen de
discrimination arbitraire ou injustifiable entre des pays où les mêmes
conditions existent, soit une restriction déguisée au commerce
international ». L’habilitation qui était ainsi donnée n’ayant pas été
utilisée, les règles générales ont été appliquées à l’occasion des
différends qui sont apparus.
Dans ce cadre, le « panel » du GATT, organe chargé du
règlement
des
différends
commerciaux
internationaux
avant
l’institution de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a admis
la possibilité d’appliquer le principe « pollueur-payeur » en taxant les
produits domestiques nuisibles et en exemptant les produits étrangers
concurrents moins nocifs (1987, US Chemical Tax Case). Comme
dans le droit communautaire, ce n’est donc que dans la mesure où les
règles fiscales affecteraient le libre échange de manière discriminante
et arbitraire que leur compatibilité avec les règles de ces dernières
pourrait le cas échéant être remise en cause.
La constitution, décidée lors de la conférence de Marrakech
créant l’OMC, d’un comité sur le commerce et l’environnement, et
l’importance accordée à cette problématique dans le cadre des
95
négociations du cycle de Doha n’ont pas, pour l’instant, modifié la
donne au plan de la fiscalité liée à l’environnement.
B. - Le principe pollueur -
payeur consacré par le droit
interne donne une place à
l’outil fiscal
Le droit interne n’est pas un obstacle à l’utilisation de l’outil
fiscal au service d’une politique de protection de l’environnement. Il
fixe seulement un cadre pour l’application du principe pollueur-
payeur.
Le Conseil constitutionnel, à l’occasion de sa décision du
28 décembre 2000
108
sur le projet de TGAP sur les produits
énergétiques, a consacré, par un considérant de principe, et avec la
plus grande clarté, la possibilité, pour le législateur, d’instituer des
mesures fiscales positives à finalité purement dissuasive. Il a en effet
estimé que le principe d’égalité ne faisait pas obstacle « à ce que
soient établies des impositions spécifiques ayant pour objet d’inciter
les redevables à adopter des comportements conformes à des objectifs
d’intérêt général, pourvu que les règles qu’il fixe à cet effet soient
justifiées
au
regard
desdits
objectifs ».
Ainsi,
le
Conseil
constitutionnel a vu dans la lutte contre l’effet de serre un « objectif
d’intérêt général » de nature à justifier l’établissement d’impositions
spécifiques à caractère incitatif.
L’introduction de la Charte de l’environnement dans les textes
de valeur constitutionnelle consacre le principe « pollueur-payeur »
formulé à son article 4. Mais comme pour l’article L.110-1 du code de
l’environnement, où ce principe était déjà énoncé, son application est
subordonnée aux « conditions définies par la loi ». En l’absence de loi
précisant son contenu, ce principe n’a, pour l’instant, qu’une portée
juridique limitée, sauf à envisager une évolution de la jurisprudence
comparable à celle opérée pour les principes figurant au préambule de
la Constitution. Pour autant, ce principe a en pratique déjà été mis en
oeuvre par le Conseil constitutionnel.
108
CC, 28 décembre 2000, n° 2000-441, loi de finances rectificative pour 2000,
Rec. p. 201
96
Ainsi, dans sa décision du 28 décembre 2000, le Conseil
constitutionnel a censuré le projet de TGAP sur les produits
énergétiques, en considérant que le fait de taxer moins lourdement les
entreprises fortement consommatrices d’énergie qui étaient aussi les
plus polluantes n’était pas conforme à ce principe. Par ailleurs, Il a
relevé l’inconstitutionnalité du dispositif adopté par le législateur qui
prévoyait de soumettre l’électricité à la taxe alors qu’en raison de la
nature des sources de production de l’électricité en France, la
consommation d’électricité contribue très faiblement au rejet de gaz
carbonique
et
permet,
par
substitution
à
celle
des
produits
énergétiques fossiles, de lutter contre l’effet de serre. Il a de la sorte
interprété le principe d’égalité devant l’impôt comme imposant le
respect du principe pollueur-payeur.
Un raisonnement comparable a été appliqué dans les deux
décisions du Conseil constitutionnel concernant la TGAP sur les
imprimés. Il a d’abord censuré
109
des exonérations qu’il a jugé de
nature à remettre en cause l’égalité des redevables, puis
110
, saisi à
nouveau de la question de la TGAP, appliquée aux imprimés, il a
reconnu que le législateur pouvait, sans porter atteinte au principe
d’égalité devant la loi, limiter aux seuls producteurs ou distributeurs
d’imprimés gratuits le champ du dispositif institué. Il a ensuite annulé
l’exonération accordée aux imprimés adressés nominativement,
étendant ainsi le champ d’application de la mesure.
C. - Les politiques en faveur
de l’environnement
privilégient les outils non
fiscaux
La fiscalité n’est pas en France l’outil privilégié par les
Pouvoirs publics pour protéger l’environnement. La réglementation
joue un rôle essentiel dans la plupart des domaines. Les subventions et
les accords volontaires occupent également une place importante.
Enfin, l’introduction de nouveaux outils de marché vient encore
limiter le rôle que pourrait avoir la fiscalité.
109
(CC, 27 décembre 2002, n° 2002-464 DC, Loi de finances pour 2003, Rec. p. 583)
110
(CC, 29 décembre 2003, décision n° 2003-488 DC, Loi de finances rectificative
pour 2003, Rec. p. 480, LPA 2004 n° 20 p. 5, note J.-E. Schoettl)
97
1. - La place privilégiée faite à la
réglementation
Comme
cela
a
été
souligné
dans
l’introduction,
la
réglementation,
qui
constitue
une
alternative
à
la
taxe,
a
historiquement une place importante en matière d’environnement et
tout particulièrement en France.
1.1. En matière de lutte contre le réchauffement climatique et de
pollution atmosphérique
Le Plan climat 2004
111
qui précise les mesures retenues par la
France pour respecter les engagements de Kyoto fait une place limitée
à la fiscalité. Il ne reprend en effet aucune des mesures fiscales
prévues dans le plan national de lutte contre le changement climatique
(PNLCC) qui devaient initialement assurer 40 % de la réduction des
émissions. L’échec de l’extension à l’électricité et aux produits
énergétiques de la TGAP prévue par la loi de finances pour 2000
112
explique en partie ce choix. Le Plan climat 2004, présenté par le
Gouvernement, prévoit seulement, de façon imprécise, l’introduction
d’une taxe sur le carbone à travers une modulation de la taxe
d’immatriculation des véhicules neufs en fonction des émissions de
CO2. Il annonce enfin le soutien de la France à l’introduction d’une
redevance aérienne communautaire et à une taxation du kérosène. On
mentionnera aussi qu’il se prononce en faveur de quelques mesures
incitatives, notamment une augmentation du crédit d’impôt sur les
équipements permettant des économies d’énergie et favorisant
l’utilisation des énergies renouvelables, et la possibilité pour les
communes de réduire la taxe foncière des propriétaires ayant réalisé
des travaux d’amélioration de la performance énergétique de leur
logement.
Ce Plan climat fait une place importante à la règlementation.
Ainsi, par exemple, est mise en avant l’adoption du règlement
européen sur les gaz à effets de serre fluorés qui doit permettre de
limiter les impacts liés au développement de la climatisation des
véhicules. Dans le secteur du bâtiment, une réglementation fixe des
normes
thermiques
pour
les
rénovations,
réhabilitations
et
constructions.
111
Présenté en juillet 2004
112
Décision n°2000-441 DC du 28 décembre 2000
98
De même, la directive « éco conception » en cours de
négociation, vise à la production de normes nouvelles introduisant des
seuils
de
performance
énergétique
minimale
et
l’interdiction
progressive de certaines catégories d’appareils.
Dans le domaine des autres pollutions atmosphériques, la
fiscalité occupe une place très limitée. Les plans régionaux pour la
qualité de l’air et les plans de protection de l’atmosphère prévus au
code de l’environnement
113
, ou encore les plans de déplacements
urbains
114
ne s’appuient pas sur l’outil fiscal mais sont mis en oeuvre
par
des
investissements
publics,
des
subventions
et
par
le
développement de la réglementation. Des mesures d’urgence en cas de
dépassement des seuils d’alerte
115
ont par ailleurs été instituées.
Le programme national de réduction des émissions de
polluants atmosphériques, adopté en 2003
116
fixe des plafonds
d'émission à l'horizon 2010.
La police des installations classées occupe également une
place importante dans le dispositif : le préfet est en mesure, par le jeu
des autorisations qu’il délivre et des prescriptions techniques dont il
peut, le cas échéant, les assortir, d’influer de manière sensible sur les
émissions de gaz à effet de serre et aussi la qualité de l’air ambiant.
1.2. Dans le domaine de l’eau
A
côté
des
redevances
ou
taxes
qui
constituent
la
rémunération des services rendus, la réglementation et la planification
occupent une place croissante dans le secteur de l’eau.
La loi du 3 février 1992 a prescrit l’élaboration, au niveau des
bassins, de schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux
(SDAGE).
La loi du 9 août 2004 relative à la santé publique simplifie les
procédures nécessaires à la protection réglementaire des points de
captage
117
.
113
Articles L. 222-1 et L.222-4
114
Article L. 222-8
115
Article L. 223-1 du code de l’environnement
116
Il constitue la transcription nationale de la directive 2001/81C2
117
Article L. 1321-2 du code de la santé publique
99
Les prélèvements d’eau sont soumis à déclaration et
autorisation.
La protection de l’eau vis-à-vis des pollutions d’origine azotée
repose pour l’essentiel sur des outils réglementaires. Sur la base d’un
zonage du territoire, effectué en fonction du niveau de pollution et de
l’importance des dommages potentiels, des normes d’épandage ont été
définies et progressivement durcies. L’application de ces normes est
pour partie obligatoire et pour partie volontaire.
La législation des installations classées sur les élevages
impose le respect d’un certain nombre de règlements. L’accroissement
du nombre d’animaux a été encadré. Il faut toutefois noter que malgré
ces contraintes, la pollution par les nitrates a continué de
s’aggraver
118
, en raison de l’absence de contrôle sérieux des pratiques
d’épandage d’effluents d’élevage. La mise en oeuvre de mesures
fiscales, sans contrôles des pratiques, n’aurait pas conduit à un résultat
différent.
Ces exemples illustrent bien la situation dans laquelle le
recours à la réglementation est privilégié : menace grave ou
irréversible et information trop partielle ne permettant pas le recours à
des outils économiques (taxe, permis).
1.3. Dans le domaine des déchets
La loi du 13 juillet 1992 relative à l’élimination des déchets
ainsi qu’aux installations classées
119
a marqué un tournant en matière
de gestion des déchets. Modifiant la loi fondatrice de 1975
120
, elle
interdisait à compter du 1
er
juillet 2002 le stockage en décharge des
déchets non ultimes. Le respect de cet objectif impliquait un
développement important des capacités d’incinération et de recyclage
pour aboutir à une meilleure valorisation des déchets non ultimes.
Ce développement s’est accompagné d’un durcissement des
normes environnementales que devaient respecter ces installations :
118
Evaluation de la mise en oeuvre de la directive « Nitrates » (2000-2003). Direction
de l’eau. Septembre 2004
119
Loi n°92-646 du 13 juillet 1992
120
Loi n°75-633 du 15 juillet 1975
100
-
s’agissant des déchetteries de superficie supérieure à
2 500 m², un arrêté de 1997
121
soumet leur ouverture à
autorisation spécifique et fixe des règles précises en
matière d’implantation, d’aménagement, d’exploitation
(évacuation périodique, gestion des eaux…) ;
-
en matière d’incinération, dès 1991, un arrêté
122
imposait une vitesse minimale d’éjection des gaz et des
valeurs limites aux émissions en fonction de la capacité
nominale d’incinération. La mise en conformité de
l’ensemble du parc, initialement prévue pour 1996, n’a été
complète qu’à compter de 2003 ;
-
les
dispositions
applicables
aux
centres
d’enfouissement technique de classe II
123
, concernant la
mise en décharge des déchets ménagers, ont été renforcées
en
1997
124
en
ce
qui
concerne
les
mesures
d’aménagement du site et de prévention des pollutions
(barrières de sécurité passive et active, contrôle du
traitement des eaux, captage du biogaz). Ces prescriptions
ont été renforcées en 2001 et 2002
125
.
1.4. Les autres domaines
S’agissant de la lutte contre le bruit, de la pollution paysagère
et de la protection du patrimoine naturel, de la prévention des risques
et de la pression sur les ressources naturelles, la réglementation est
l’outil essentiellement utilisé.
Le législateur n’a pas confié un rôle important à l’instrument
fiscal dans la lutte contre les nuisances sonores. Cette politique fait
principalement appel à des dispositifs réglementaires tels que les
procédures d’homologation ou de certification, prévues au code de
l’environnement
126
, voire d’autorisation, comme à l’article L. 571-6
déjà
mentionné.
Ces
dispositifs
sont
assortis
de
sanctions,
121
Arrêté du 2 avril 1997.
122
Arrêté du 25 janvier 1991 pris en application de la directive 83/368/CEE du 8 juin
1989 et de la directive 89/429/CEE du 21 juin 1989
123
Soumis à autorisation
124
Arrêté du 9 septembre 1997
125
Arrêté du 31 décembre 2001 et du 3 avril 2002 pris en application de la directive
1999/31/CE du 26 avril 1999
126
Article L. 571-2
101
administratives ou pénales, en cas de non application de la
réglementation. La taxe sur les décollages des aéronefs et les quelques
mesures incitatives déjà évoquées font exception.
Dès lors que la fiscalité n’est pas nécessairement le moyen
d’intervention le plus adapté dans des domaines comme celui de la
prévention des risques, on ne peut s’étonner de son rôle secondaire par
rapport à la réglementation, qui est privilégiée, notamment à travers la
législation sur les installations classées codifiée depuis dans le code de
l’environnement
127
ou à travers des dispositifs tels que les « Plans de
prévention des risques ».
La protection de la nature et de la biodiversité est également
assurée,
pour
l’essentiel,
par
des
mesures
législatives
et
réglementaires. L’OCDE observe d’ailleurs que la France dispose
d’un ensemble de lois très complet
128
dans ce domaine.
2. - La place des subventions et des
accords volontaires
Les subventions et les accords volontaires jouent également
un rôle en matière de lutte contre la pollution et permettent d’aller au-
delà des obligations fixées par la réglementation.
2.1. Dans le secteur lié à l’effet de serre et aux autres pollutions
atmosphériques
Le « Plan climat » affiche l’ambition d’aller au-delà des
accords passés par la Commission européenne avec les fédérations
européenne (ACEA), japonaise (JAMA) et coréenne (KAMA) de
constructeurs
automobiles
et
d’étendre
la
réglementation
aux
véhicules utilitaires légers.
Les subventions à motivation environnementale sont assez
rares et limitées. Toutefois, on peut citer le versement par l’ADEME
de subventions aux particuliers et aux entreprises qui participent à la
lutte contre l’effet de serre et la pollution atmosphérique
129
,
subventions qui représentent une part importante de son budget.
127
Voir notamment les articles 511-1 à 517-2 du code de l’environnement
128
Rapport « L’examen environnemental de la France », juin 2005
129
147 M€ auxquels peuvent être ajoutés une partie des 41 M€ consacrés à des
actions transversales
102
2.2. Dans le domaine de l’eau
Des subventions sont accordées aux agriculteurs pour les
inciter à respecter les normes en vigueur. Des mesures contractuelles
agri-environnementales sont par exemple mises en oeuvre dans les
contrats
d’agriculture
durable
(CAD).
Le
versement
de
ces
subventions s’inscrit dans une démarche de contractualisation
individuelle avec les exploitants.
Dans le cadre de l’agriculture raisonnée ou l’agriculture
biologique, s’agissant des apports de substances dommageables, les
agriculteurs peuvent s’imposer volontairement des normes qui
s’ajoutent à celles d’origine réglementaire.
Mais toutes les interventions des Pouvoirs publics ne
contribuent pas à limiter la pollution ; certaines subventions ont pu
encourager des pratiques défavorables à l’environnement. C’est
notamment le cas des subventions versées par les agences de l’eau
pour favoriser l’irrigation, qui étaient en contradiction avec les
orientations des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des
eaux (SDAGE) dans le cadre du 7
ème
programme aujourd’hui
achevé
130
. Les aides à la production versée aux grandes cultures
peuvent également avoir pour effet d’encourager des pratiques
dommageables
.
Aujourd’hui, la politique, tant de l’Union européenne que du
Gouvernement français, consistant à subordonner les aides à la
satisfaction de certaines conditions relevant de la protection de
l’environnement devrait entraîner une réorientation des subventions.
Suite à la réforme de 1999, les Etats membres ont eu la faculté de
diminuer les aides directes aux exploitations ne respectant pas
certaines réglementations environnementales (éco-conditionnalité des
aides). Les accords de Luxembourg de 2003 marquent une nouvelle
étape dans le découplage entre le montant des aides et les quantités
produites, subordonnant de manière obligatoire l’octroi de ces aides au
respect d’exigences environnementales.
Il est prévu une application partielle de ce découplage des
aides, à partir de 2006. Ainsi, les subventions aux grandes cultures ne
seront
plus liées aux quantités produites qu’à hauteur de 25%. Cette
évolution devrait avoir un impact positif sur l’environnement.
130
Cf. notamment le constat dressé par la Cour des comptes dans l’insertion au
rapport public 2003, consacrée aux agences de l’eau
103
2.3. Dans le domaine des déchets
Les
entreprises
utilisatrices
d'emballages
versent
une
contribution aux organismes agréés dont le principal est Eco-
emballages. Son taux, initialement d'un centime de franc par
emballage, a quadruplé depuis 2000, ce qui reste modique. Ces
organismes prennent en charge le surcoût qu’entraîne pour les
collectivités locales le tri sélectif en garantissant un prix de cession
des matières recyclées.
2.4. Dans le domaine des autres pollutions
Dans le domaine de la lutte contre le bruit, des actions de
sensibilisation et de diffusion de l’information ont été entreprises et
des subventions destinées à favoriser la réalisation de travaux
d’isolation phonique sont accordées.
3. - Un nouvel outil : les marchés de
quotas
Le marché de quotas, ou de droits d’émissions de polluants,
constitue avec la fiscalité l’un des outils dont les avantages ont été
particulièrement mis en avant par l’analyse économique. Le marché de
quotas constitue une alternative à la fiscalité. D’une certaine manière,
le marché de quotas entraîne un prélèvement sur les entreprises qui y
participent, au moins pour celles qui doivent acheter des quotas.
La principale mesure du « plan climat » est la mise en place
d’un système de marchés des droits d’émissions de CO2 entre les
entreprises « intensives » en énergie, concrétisée depuis le 1
er
janvier
2005 par l’entrée en vigueur du Plan National d’Affectation des
Quotas (PNAQ)
131
. Le recours au marché de quotas exclut de fait
l’instauration d’une taxe sur le carbone sur les entreprises concernées.
131
Ordonnance n° 2004-330 du 15 avril 2004 portant création d’un système
d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre
Décret n° 2004-832 du 19 août 2004 pris pour l’application des articles L. 229-5 à
L. 229-19 du code de l’environnement et relatif au système d’échanges de quotas
d’émission de gaz à effet de serre
104
Ce marché résulte d’une directive européenne
132
qui en
prescrit la mise en place pour réduire les émissions de CO2 dans les
secteurs industriels et énergétiques et atteindre les objectifs de Kyoto.
Le marché européen de permis d’émissions de CO2 plafonne sur la période
2005-2007 les émissions de CO2 des entreprises intensives en énergie
(sidérurgie, verre, ciment, production d’électricité et de chaleur…).
Il couvre environ 45% des émissions de CO2 de l’UE soit 2,2 Giga tonnes
CO2. La participation à ce marché est obligatoire pour les entreprises des
secteurs concernés. Chaque installation industrielle se voit attribuer des
quotas (un quota représentant le droit d’émettre une tonne de CO2) qu’elle
consomme en fonction de ses émissions réelles. Elle peut vendre les droits
excédant sa propre consommation à des entreprises qui n’en ont pas assez.
L’installation qui ne pourra pas restituer à la fin de chaque année le nombre
de quotas correspondant à ses émissions de l’année écoulée devra à la fois
payer une pénalité fixée à 40 €/t CO2 et acheter sur le marché les quotas qui
lui manquent
133
.
La loi de programme fixant les orientations de la politique
énergétique
134
prévoit la création d’un marché de certificats
d’économies d’énergie. Ce marché sera organisé de la façon suivante :
les vendeurs d'énergie présents sur le marché de l'habitat et du tertiaire
(distributeurs d’électricité, gaz, fioul et chaleur) se verront assigner
des objectifs d’économie d’énergie à réaliser, pour l’essentiel chez
leurs clients, pour les trois prochaines années. En fin de période, ils
devront restituer à l’Etat un nombre de certificats équivalant à ces
obligations ou acquitter une pénalité libératoire qui sera fixée à
2c€/kwh. Ils pourront se procurer des certificats par la réalisation
d’actions d’économies d’énergie ou par l’achat de certificats auprès
d'autres entités (entreprises, collectivités territoriales…). En principe,
toute action ayant pour objectif de réaliser des économies d’énergie
(promotion
d’appareils
performants,
substitution
d’énergies
renouvelables
à
des
énergies
non
renouvelables...)
permettra
l’obtention de ces certificats dès lors qu’elle va au-delà des obligations
imposées par la réglementation en vigueur. Les entités ayant entrepris
132
Directive 96/61CE du Conseil du 13 octobre 2003
133
Les investissements réalisés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre dans
des pays en développement (mécanisme de développement propre - MDP) ou dans
des pays développés ou en transition (mise en oeuvre conjointe - MOC) par des
entreprises européennes génèrent des crédits carbone qu’elles peuvent ensuite utiliser
pour respecter leur objectif de quotas dans le cadre du marché européen.
134
Loi 2005-781 du 13 juillet 2005
105
ces actions se verront attribuer des certificats par l'administration. Les
modalités de fonctionnement de ce marché seront précisées par les
décrets d’application de la loi de programme fixant les orientations de
la politique énergétique. Le prix moyen de ces certificats, tel qu’il est
anticipé par la direction générale de l’énergie et des matières
premières (DGEMP) est de 1c/kwh. Il sera dans tous les cas limité à la
hausse par la pénalité prévue (2c€/kwh). Les interférences entre ce
marché de certificats et le marché de permis de CO2 (directive quotas)
devraient a priori être limitées. Les certificats devraient en premier
lieu concerner les habitations et les locaux du secteur tertiaire dont les
émissions ne sont pas incluses dans les marchés de quotas et les
actions d’économie d’énergie dans les installations soumises à la
directive quotas ne permettant pas l'obtention de certificats.
Par ailleurs, le projet de loi d’orientation agricole prévoit à
son article 11 que le Gouvernement est habilité à « prendre en compte
la production et la valorisation des produits agricoles et forestiers dans
le bilan des émissions et absorptions de gaz à effet de serre et faire
participer ces activités aux mécanismes de marché destinés à respecter
les engagements internationaux ». Cette extension du marché de droits
d’émission est en cours de négociation avec nos partenaires européens
dans le cadre de l’actualisation de la mise en oeuvre du protocole de
Kyoto.
*
*
*
Ni les accords internationaux, ni le droit international ne
constituent des obstacles à l’utilisation de la fiscalité pour lutter contre
les pollutions.
Les accords internationaux signés par la France, en particulier
les engagements européens, incitent à mener des politiques en faveur
de l’environnement en recourant, le cas échéant, à la fiscalité. Les
seules limites au développement d’écotaxes tiennent à l’obligation
d’assurer un traitement équitable entre les entreprises nationales et
étrangères et de ne pas remettre en cause les normes adoptées par le
droit communautaire en matière fiscale.
Les accords concernant l’exonération de tous les combustibles
de navigation aérienne et maritime n’impliquent sans doute pas une
impossibilité à établir une taxation à un niveau européen ou
international mais ils imposent la voie de la négociation.
106
Le
droit
français
consacre
aujourd’hui
la
place
de
l’environnement. Il permet d’introduire des discriminations entre les
pollueurs sous réserve qu’elles soient proportionnées à l’objectif à
atteindre et respectent le principe « pollueur-payeur ».
La réglementation demeure néanmoins en France le moyen
privilégié d’une politique de protection de l’environnement, à côté de
l’octroi de subventions et de la conclusion d’accords volontaires.
Les nouveaux marchés de quotas constituent des alternatives à
la taxation. Leur mise en oeuvre, notamment pour réduire les gaz à
effet de serre en application du protocole de Kyoto, diminue la
justification d’une taxation sur le carbone ou sur l’énergie, au moins
pour l’ensemble des productions englobées dans le périmètre de ces
marchés. L’ouverture projetée d’un nouveau marché de certificats
d’énergie vient encore limiter le besoin d’utiliser la taxation.
La perspective ouverte par le projet de loi d’orientation
agricole de prendre en compte la production et la valorisation des
produits agricoles et forestiers dans le bilan des émissions et
absorptions de gaz à effet de serre devrait permettre de mieux mesurer
les contributions, positive et négative, des activités agricoles, alors que
jusqu’ici, certaines subventions versées au secteur de l’agriculture ont
pu
encourager
des
comportements
dommageables
pour
l’environnement.