FINANCES ET COMPTES PUBLICS
LA SÉCURITÉ
SOCIALE
Rapport sur l’application des lois de
financement de la sécurité sociale
Synthèse
Septembre 2014
g
AVERTISSEMENT
Le présent document est destiné à faciliter la lecture
du rapport de la Cour des comptes qui, seul, engage
la juridiction. Les réponses des administrations et des
organismes intéressés sont insérées dans le rapport
de la Cour.
L’ordre des chapitres résumés correspond à celui du
rapport.
SOMMAIRE
3
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
Une trajectoire de redressement des comptes sociaux à affermir
1 - La situation et les perspectives financières de la sécurité sociale :
une réduction plus ralentie qu’attendu des déficits, une trajectoire de redres-
sement très fragile . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
2 - Les tableaux d’équilibre et le tableau patrimonial de la sécurité sociale
relatifs à 2013 : avis sur la cohérence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
3 - L’ONDAM : une efficacité réduite en 2013, une construction à revoir . .17
4 - La lutte contre les fraudes aux cotisations sociales : des enjeux sous-esti-
més, une action à intensifier
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Des lois de financement de la sécurité sociale à moderniser pour un pilo-
tage plus efficace des finances sociales
5 - Les lois de financement de la sécurité sociale : une ambition à élargir .25
6 - Les prévisions financières intégrées aux lois de financement de la sécurité
sociale : une fiabilité à renforcer, un suivi à mieux assurer . . . . . . . . . . . . . . .29
Des dépenses de ville à réguler beaucoup plus vigoureusement
7 - L’ONDAM pour les soins de ville : une surestimation des économies, un
outil à réajuster . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .31
8 - Les conventions avec les professions libérales de santé : répondre aux
besoins des patients, mieux assurer l’efficience de la dépense . . . . . . . . . . .33
9 - La diffusion des médicaments génériques : des résultats trop modestes,
des coûts élevés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .37
10 - Les dispositifs médicaux : une dépense non maîtrisée . . . . . . . . . . . . . .41
Des gains d’efficience à mobiliser plus fermement à l’hôpital
11 - Les projets régionaux de santé : un cadre peu opérationnel . . . . . . . . .45
12
-
Les
urgences
hospitalières
:
une
fréquentation
croissante,
une articulation avec la médecine de ville à repenser . . . . . . . . . . . . . . . . . . .49
13 - L’assurance maternité, une place à clarifier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .53
14 - Les dépenses de personnel médical et non médical des hôpitaux :
une maîtrise précaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .57
15 - Les dépenses de personnel des cliniques privées : une charge pour l’assu-
rance maladie à mieux connaître . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .61
Les retraites des indépendants : la nécessité d’un effort contributif accru
16 - Les retraites des artisans et des commerçants : une soutenabilité mena-
cée, un poids croissant pour la collectivité nationale
. . . . . . . . . . . . . . . . . . .63
Des progrès indispensables dans la gestion de la sécurité sociale
17 - Le réseau du régime social des indépendants : une réorganisation à
achever . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .67
18 - Le recouvrement des cotisations sociales en Corse : une crédibilité
à établir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .71
19 - La gestion des personnels de direction des organismes de sécurité
sociale : une stratégie à construire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .75
SOMMAIRE
5
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
PRÉSENTATION
Le rapport annuel sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale
(RALFSS) présente le résultat des travaux de la Cour des comptes sur la sécurité
sociale.
Une trajectoire de redressement des comptes sociaux à affermir
En 2013, la réduction du déficit de la sécurité sociale, qui s’établit à fin 2013 à
-16 Md€, a été plus lente que prévu par la loi de financement initiale. La dégrada-
tion de la conjoncture économique n’en est pas la cause principale : la majeure par-
tie du déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse est structurelle.
La réduction obtenue (à hauteur de 3,1 Md€) l’a été davantage par l’apport déter-
minant de recettes nouvelles (7,6 Md€) que par l’effort sur les dépenses dont le
rythme d’augmentation n’a que faiblement fléchi.
La trajectoire votée pour 2014 (loi de financement rectificative du 8 août 2014)
apparaît d’ores et déjà compromise, du fait de l’évolution du contexte macro-éco-
nomique au cours de l’été. Le scénario d’un retour à l’équilibre en 2017 est des plus
incertains : il supposerait un doublement du rythme de réduction du déficit dans
les trois ans qui viennent, alors même que les hypothèses de croissance et d’infla-
tion sur lesquelles elle repose sont remises en question.
L’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) voté pour 2013,
impliquant une progression plus rapide de ces dépenses qu’en 2012, était peu
contraignant. Il a été certes respecté : les dépenses effectives ont été inférieures de
1,4 Md€ à cet objectif, sans qu’on puisse y voir un signe de maîtrise renforcée des
dépenses. D’une part, leur augmentation n’a pas été moins rapide qu’en 2012 et est
demeurée plus forte que celle de la richesse nationale. D’autre part, l’objectif lui-
même avait été trop largement calculé, du fait notamment de divers biais de
construction, qui se sont superposés et qui ont largement facilité son respect.
Le retour à l’équilibre des comptes sociaux reste un impératif. Il suppose ainsi au
premier chef une maîtrise plus rigoureuse des dépenses, qui passe en premier lieu
par des réformes structurelles, même si l’intensification indispensable de la lutte
contre la fraude aux cotisations sociales, dont le montant peut être estimé entre 20
et 25 Md€, peut y contribuer aussi.
Des lois de financement de la sécurité sociale à moderniser
Près de dix ans après leur dernière réforme, la Cour a particulièrement analysé
l’apport et les limites des lois de financement de la sécurité sociale pour le pilo-
tage des finances sociales. Elle met en lumière les progrès à leur apporter en
termes d’élargissement de leur champ, de plus grande fiabilité de leurs prévi-
sions, de renforcement de l’effet de régulation des objectifs de dépenses
qu’elles comportent, de meilleure analyse de leurs résultats, et de renforcement
de l’information et des possibilités de contrôle du Parlement. Dans le nouveau
contexte de gouvernance des finances publiques, il importe de développer leur
contribution à une maîtrise efficace des dépenses sociales.
Des dépenses de ville à réguler beaucoup plus vigoureuse-
ment
Dans le prolongement de ce qu’elle avait fait l’an dernier sur l’ONDAM hospita-
lier, la Cour a cette année analysé dans le détail les biais de construction qui faci-
litent largement le respect de l’ONDAM « soins de ville », au risque de mettre en
cause la sincérité de la loi de financement et d’émousser de plus en plus le rôle
de régulation de l’objectif de dépenses d’assurance maladie lui-même.
Des modalités de construction plus rigoureuses sont indispensables pour peser
plus réellement et plus efficacement sur une dépense où les marges d’écono-
mies à mobiliser apparaissent considérables.
Dans le secteur de la médecine de ville, les relations conventionnelles avec les
professionnels de santé ont constitué jusqu’ici l’instrument privilégié de régula-
tion, mais ont échoué à répondre à leurs objectifs. Les modalités de diffusion
des médicaments génériques doivent être réorientées pour combler un écart
considérable avec nos voisins européens et dégager un potentiel d’économies
de l’ordre de 2 Md€. Après ses travaux de 2013 sur les prothèses auditives et
optiques, la Cour a analysé aussi la dépense liée aux dispositifs médicaux,
domaine négligé, malgré son dynamisme et son coût considérable, qui doit faire
l’objet d’une action plus déterminée et mieux outillée de maîtrise.
PRÉSENTATION
6
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
PRÉSENTATION
7
Des gains d’efficience à mobiliser plus fermement à l’hôpital
Dans le secteur hospitalier, la Cour a examiné le principal poste de dépense des
établissements de santé, les dépenses de personnel. Dans les hôpitaux publics,
l’augmentation de la masse salariale s’est ralentie malgré une progression sou-
tenue des effectifs mais cette évolution, au demeurant sans doute sous-estimée
du fait notamment du gonflement en parallèle des comptes épargne-temps
dont le montant est mal connu, apparaît précaire à plusieurs titres. Une maîtrise
accrue de la dépense exige un meilleur pilotage par les pouvoirs publics, qui doi-
vent renforcer à cet effet leurs outils d’analyse et de régulation, et une
recherche plus active de gains de productivité par une accélération des recom-
positions hospitalières. Dans le secteur privé à but lucratif, dont les personnels
sont gérés selon des modalités très différentes, se constate une connaissance
très imprécise de la réalité des coûts, que la Cour a pu toutefois partiellement
combler pour ce qui est de la rémunération des équipes médicales en termes de
montant des honoraires opposables et des dépassement perçus. Ces difficultés
ne devraient pas empêcher pour autant les administrations de mettre en œuvre
une démarche comparative entre les deux secteurs.
Plus généralement, le décloisonnement de la médecine de ville et du secteur
hospitalier demeure au centre des gains d’efficience à dégager dans l’organisa-
tion du système de soins, comme le montre, dans le rapport, l’analyse de la fré-
quentation et de l’organisation des urgences hospitalières, qui met en lumière
l’importance du potentiel d’économies, de l’ordre de 500 M€, que permettrait
une orientation vers une prise en charge en ville de certains « passages évita-
bles », celle des prises en charge dans le cadre de l’assurance maternité, où une
réduction de la durée moyenne de séjour en maternité, nettement plus élevée
qu’à l’étranger, accompagnée d’un renforcement de l’accompagnement à domi-
cile, génèrerait également des économies non négligeables. Ce devrait être l’ob-
jectif principal des projets régionaux de santé élaborés par les agences régio-
nales de santé, mais force est de constater à leur examen que leur cadre a été
trop peu opérationnel à cet égard.
Les retraites des indépendants, la nécessité d’un effort contri-
butif accru
La Cour a examiné après ceux l’an dernier des exploitants agricoles et des
professions libérales, les régimes de retraite des artisans et des commerçants,
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
8
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
PRÉSENTATION
marqués par la dégradation des perspectives financières des régimes de base et
des difficultés préjudiciables aux assurés de liquidation des pensions. La dispari-
tion de la ressource constituée par la C3S dans le contexte d’intégration au
régime général obligera à dégager de nouvelles recettes, et notamment à
demander aux indépendants d’accroître un effort contributif qui est actuelle-
ment inférieur à celui des autres assurés.
Des progrès indispensables dans la gestion de la sécurité
sociale
La Cour a analysé les effets encore limités de la restructuration du réseau des
caisses du régime social des indépendants (RSI) sur leur gestion, les difficultés
multiples du recouvrement des cotisations sociales en Corse et la gestion
encore insuffisamment active des personnels de direction des caisses. Dans
tous les cas, elle a mis en lumière la nécessité et l’ampleur des progrès d’effi-
cience à accomplir.
***
Revenir au plus vite à l’équilibre des comptes sociaux, en affermir la trajectoire
sont autant d'enjeux fondamentaux. Le réussir est possible. À tous les niveaux,
des économies peuvent être faites sans remettre en cause notre modèle social.
C’est dans cette perspective que s’inscrivent les analyses et recommandations
de la Cour.
9
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
La situation et les perspectives
financières de la sécurité sociale :
une réduction plus ralentie qu’attendu
des déficits, une trajectoire de
redressement très fragile
Une réduction plus lente que prévue
des déficits en 2013
Le besoin de financement des régimes
obligatoires de base et du fonds de
solidarité vieillesse (FSV) s’est élevé à
-16 Md€, soit une réduction de
-3,1 Md€ en 2013 par rapport à 2012,
plus faible que prévue par la loi de
financement
initiale
pour
2013
(-3,7 Md€) et inférieure à celle des
années précédentes (-3,5 Md€ en
2012, -7 Md€ en 2011).
Cette réduction ralentie du déficit
n’est pas majoritairement due à la
dégradation de la conjoncture écono-
mique. Pour le seul régime général et
le FSV, le déficit structurel peut être
estimé à -8,7 Md€, soit 57 % du déficit
total(-15,4 Md€).
Un apport déterminant de recettes
supplémentaires, une dépense qui ne
s’infléchit que faiblement
La progression des recettes du régime
général et du FSV (+3,6 %, +11,1 Md€)
a reposé pour les deux tiers sur des
prélèvements sociaux additionnels
(+7,6 Md€).
Les dépenses ont progressé de +2,7 %
(+9 Md€), à un rythme à peine infléchi
par rapport à l’année précédente
(+2,9 %). Il reste très supérieur à la
progression du PIB en valeur (+1,1 %)
et de la masse salariale (+1,2 %).
Ce mode de redressement a atteint
ses limites : l’apport de ressources
supplémentaires par de nouveaux
prélèvements ou des hausses de
recettes n’a permis de réduire le défi-
cit du régime général et du FSV que
de 2,1 Md€.
Une baisse des déficits limitée et fra-
gile en 2014
Le Parlement a voté à l’été 2014 une
loi de financement rectificative de la
sécurité sociale (LFRSS), qui revoit à la
baisse l’ambition initiale de réduction
du
déficit,
à -13,6
Md€
contre
-13,2 Md€ en loi de financement ini-
tiale, soit une réduction de -2,4 Md€
par rapport à 2013 pour l’ensemble
des régimes obligatoires et le FSV.
Comme en 2013, la réduction du défi-
cit du régime général et du FSV serait
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
10
La situation et les perspectives financières de la
sécurité sociale : une réduction plus ralentie
qu’attendu des déficits, une trajectoire de
redressement très fragile
principalement obtenue par la hausse
des recettes (+3 %, +10,3 Md€) et, en
leur sein, par des recettes nouvelles
(+5,8 Md€).
Dans le même temps, malgré les
effets de la réforme des retraites et
les mesures sectorielles d’économies,
les dépenses continueraient à croître
de +2,4 % (+8,2 Md€), plus rapide-
ment que le PIB en valeur et la masse
salariale.
L’évolution du contexte macro-écono-
mique au cours de l’été compromet
l’atteinte de ces objectifs pourtant
déjà revus à la baisse.
Une trajectoire très incertaine de
retour à l’équilibre en 2017
Les projections de la LFRSS 2014 pré-
voient que les déficits du régime
général et du FSV se résorbent deux
fois plus rapidement entre 2015 et
2017 qu’entre 2012 et 2014.
Une
progression
dynamique
des
recettes (+3,5 % en moyenne annuelle
sur 2015-2017), du fait d’une prévision
d’accélération de la croissance du PIB
en
valeur
(+3,7 %
en
moyenne
annuelle sur la période contre +1,6 %
sur la période précédente), devait per-
mettre, avec un infléchissement limité
de la dépense (+2,4 % contre +2,7 %
sur la période antérieure), de réduire
rapidement les déficits du régime
général et du FSV, et d’infléchir, dès
2015, la dette sociale portée par la
CADES.
Ce scénario de retour à l’équilibre lar-
gement fondé sur une accélération de
la progression spontanée des recettes
apparaît très incertain.
La conjonction des risques pesant sur
les prévisions de recettes, au regard
notamment des estimations les plus
récentes de PIB et d’inflation, et de la
faible
progression
naturelle
des
assiettes de prélèvements sociaux
pourrait conduire à décaler le retour à
l’équilibre de la sécurité sociale et l’in-
flexion de la dette sociale au-delà de
2017.
Pour ne pas différer une nouvelle fois
le retour à l’équilibre si ces risques
venaient à se réaliser, il importe de
dégager des marges de précaution
par un effort accru sur les dépenses
avec la mise en œuvre de réformes
structurelles, dont les chapitres du
RALFSS illustrent année après année
les champs d’application possibles.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
11
La situation et les perspectives financières de
la sécurité sociale : une réduction plus ralentie
qu’attendu des déficits, une trajectoire de
redressement très fragile
1. renforcer les mesures structurelles
d’économies, telles que celles recom-
mandées en divers chapitres du pré-
sent rapport, afin de réduire durable-
ment le rythme de progression des
dépenses et conforter les prévisions
de retour à l’équilibre des comptes
sociaux d’ici 2017 ;
2. présenter dans la loi de finance-
ment de la sécurité sociale une éva-
luation a posteriori du rendement
effectif des mesures nouvelles adop-
tées l’année précédente ;
3. mettre fin au sous-financement
structurel du FSV (recommandation
réitérée).
Recommandations
Les tableaux d’équilibre et le tableau
patrimonial de la sécurité sociale
relatifs à 2013 : avis sur la cohérence
13
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
La Cour a la mission de vérifier la
cohérence des tableaux d’équilibre et
du tableau patrimonial, établis par le
ministère chargé de la sécurité sociale
et soumis à l’adoption du Parlement
dans le projet de loi de financement
de la sécurité sociale pour 2015. À
cette fin, elle a examiné la pertinence
et la fiabilité de l’information que ces
documents contiennent pour le pilo-
tage financier de la sécurité sociale.
Les tableaux d’équilibre : des soldes
conformes aux états financiers, mais
une information toujours en grande
partie inadaptée
Trois tableaux d’équilibre distincts
retracent les produits (« recettes »),
les charges (« dépenses ») et le résul-
tat (« solde ») de l’ensemble des
régimes obligatoires de base de sécu-
rité sociale, du régime général de
sécurité sociale et du Fonds de solida-
rité vieillesse (FSV).
Comme les années précédentes, la
présentation du résultat du FSV dans
une rubrique distincte de ceux des
régimes de base et du régime général
affecte la présentation de ces der-
niers. En effet, elle conduit à minorer
le
déficit
des
régimes
de
base
(-13,1Md€) du montant du déficit du
FSV (-2,9 Md€). Celui du régime géné-
ral (-12,5 Md€) est également minoré
de la quote-part du déficit du FSV
induite par les concours financiers de
ce dernier à sa branche vieillesse
(-2,6 Md€).
Comme les années précédentes, les
montants de produits (« recettes ») et
les charges (« dépenses ») indiqués
dans les tableaux d’équilibre font l’ob-
jet de contractions qui sont injusti-
fiées dans leur principe et induisent
des distorsions importantes dans la
présentation de leur évolution par
rapport à l’année précédente.
Comme précédemment, le Parlement
est invité à approuver les tableaux
d’équilibre sans disposer d’une infor-
mation suffisante sur la nature, l’évo-
lution par rapport à l’année précé-
dente et les écarts par rapport aux
prévisions des produits et des charges
à l’origine de la formation des résul-
tats.
À cet égard, la Cour souligne à nou-
veau que les informations contenues
dans les rapports de la commission
des comptes de la sécurité sociale ne
compensent pas les lacunes qu’elle
relève au titre des tableaux d’équili-
bre. Ces rapports n’ont pas la qualité
d’une annexe au projet de loi de finan-
Les tableaux d’équilibre et le tableau patrimo-
nial de la sécurité sociale relatifs à 2013 :
avis sur la cohérence
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
14
cement et ne sont pas conçus pour
fournir au Parlement une information
de synthèse sur la formation des
résultats des régimes de sécurité
sociale et du FSV, complétée d’une
information détaillée sur les produits
et les charges.
Au-delà, la qualité des données comp-
tables prises en compte dans les
tableaux d’équilibre et, à un moindre
degré, le tableau patrimonial demeure
affectée par les observations sur le
contrôle interne et les comptes expri-
mées par la Cour et par les commis-
saires aux comptes dans le cadre de
leurs missions respectives.
Le tableau patrimonial : une concep-
tion pertinente, une information de
qualité
Contrairement aux tableaux d’équili-
bre,
le
tableau
patrimonial
des
régimes de base de sécurité sociale et
des organismes concourant à leur
financement (FSV), à la mise en
réserve de recettes à leur profit (fonds
de réserves pour les retraites – FRR) et
à l’amortissement de leur dette
(caisse d’amortissement de la dette
sociale – CADES) procède d’une
conception pertinente, qui a large-
ment tenu compte en 2013 des imper-
fections relevées antérieurement par
la Cour.
Le Parlement est dûment éclairé sur
les données relatives aux actifs et aux
passifs de la sécurité sociale soumises
à son approbation dans le cadre du
tableau patrimonial, compte tenu des
informations qui figurent à l’annexe 9
au projet de loi de financement
annuel.
La seule difficulté significative qui
demeure porte sur la justification des
actifs et des passifs intégrés au
tableau patrimonial au titre des
régimes de base du régime social des
indépendants (RSI), en raison d’élé-
ments d’information insuffisants pour
apprécier la correcte ventilation des
données de bilan du RSI entre régime
de base et régimes complémentaires.
Les tableaux d’équilibre et le tableau patrimo-
nial de la sécurité sociale relatifs à 2013 :
avis sur la cohérence
15
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
4. améliorer l’information procurée
sur les résultats effectifs de l’ensem-
ble des régimes obligatoires de base
de sécurité sociale et du régime
général en intégrant une rubrique
propre au fonds de solidarité vieil-
lesse (FSV) dans les tableaux d’équi-
libre de l’ensemble des régimes obli-
gatoires de base de sécurité sociale
d’une part et du régime général de
sécurité sociale d’autre part (recom-
mandation réitérée) ;
5. assurer une information appro-
priée du Parlement sur la formation
des soldes retracés par les tableaux
d’équilibre,
en
mettant fin
aux
contractions injustifiées de produits
et de charges et en intégrant à l’an-
nexe 4 au projet de loi de finance-
ment des informations d’un niveau
de détail approprié sur la consis-
tance, l’évolution et les écarts par
rapport aux prévisions des produits
et des charges (recommandation réi-
térée).
17
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
L’ONDAM : une efficacité réduite en
2013, une construction à revoir
Depuis 1996, l’objectif national de
dépenses
d’assurance
maladie
(ONDAM), dont le montant est voté
chaque année en loi de financement
de la sécurité sociale (LFSS), est le
principal outil de régulation de la
dépense dans le domaine de la santé.
Une augmentation de l’ONDAM voté
plus forte qu’en 2012
L’ONDAM a été voté en LFSS pour
2013 en progression de +2,7 %
(+4,6 Md€), contre +2,5 % en LFSS
pour 2012, traduisant un moindre
effort de maîtrise de la dépense, prin-
cipalement en raison de la hausse des
sous-objectifs relatifs aux soins de
ville et aux établissements hospita-
liers.
Une dépense d’assurance maladie
qui ne ralentit pas
L’exécution de l’ONDAM s’établit fin
2013 à 174,0 Md€, contre 175,4 Md€
prévus en LFSS. Depuis 2010, cet
écart négatif à l’exécution s’accroît
chaque année.
Ce constat ne doit cependant pas
masquer une absence de ralentisse-
ment de la dépense en 2013. Le taux
de progression provisoire de l’ONDAM
exécuté s’établit à ce stade en 2013 à
+2,4 %, comme celui annoncé en 2012
à la même période, ce qui traduit un
coup d’arrêt dans le ralentissement
des dépenses constaté ces dernières
années. Les dépenses d’assurance
maladie ont ainsi augmenté deux fois
plus vite en 2013 que le PIB en valeur.
Encore ce taux d’exécution provisoire
ne prend-il pas en compte le dénoue-
ment
des
provisions.
Une
fois
« dénouées », c’est-à-dire une fois
connue la consommation définitive de
ces provisions, le taux d’exécution de
l’ONDAM pourrait être légèrement
infléchi à +2,2 %, soit un niveau en
tout état de cause égal à celui de
2012.
Un ONDAM surestimé du fait de biais
de construction
Le mode de construction de l’objectif
de dépense a conduit à la constitution
de marges de précaution à tous les
stades de son élaboration.
D’une part, la base de référence rete-
nue, c’est-à-dire le niveau d’exécution
de l’ONDAM en 2012, avait été forte-
ment surestimée au moment du vote
de la LFSS pour 2013. Cet « effet de
base » s’élève en 2013 à 0,8 Md€. Sur
les trois dernières années, le sur-cali-
brage des provisions n’a de fait pas été
L’ONDAM : une efficacité réduite en 2013,
une construction à revoir
suffisamment corrigé d’une année sur
l’autre.
D’autre part, le taux d’évolution spon-
tané retenu pour construire l’objectif
de dépenses, dit « le tendanciel », a
été surestimé autant pour les soins de
ville que pour les établissements de
santé. Ces tendanciels retenus, repo-
sant largement sur des tendances his-
toriques, ne prennent pas suffisam-
ment en compte les dynamiques pro-
pres aux dépenses de ville et des éta-
blissements.
Enfin, les économies appliquées à
cette base augmentée de sa crois-
sance tendancielle estimée, n’étaient
documentées que pour partie, corres-
pondant pour une assez large part à
une action normale des caisses plus
qu’à de réelles économies. Elles se
situaient en outre, pour l’ONDAM
2013, à un niveau (-1,8 Md€) sensible-
ment inférieur à celui prévu dans la
LFSS pour 2012 (-2,15 Md€).
Ces biais de construction ont large-
ment facilité la « sous-exécution » de
l’ONDAM alors même que le rythme
de progression de la dépense n’a pas
ralenti d’une année sur l’autre.
La nécessité d’une construction plus
rigoureuse de l’ONDAM
L’ONDAM doit gagner en capacité de
régulation infra- et pluriannuelle de la
dépense. En particulier, le seuil de
dépassement
prévisible
au-delà
duquel l’assurance maladie doit pro-
poser des économies, après avis du
comité d’alerte de l’ONDAM, actuelle-
ment fixé à +0,5 %, doit être abaissé.
Si la loi de financement rectificative
pour 2014, qui corrige l’intégralité de
l’effet
de
base
connu
en
2013
(0,8 Md€), constitue un progrès, une
construction rigoureuse de l’ONDAM
est absolument indispensable dans la
durée pour une régulation plus ambi-
tieuse et plus efficace de la dépense
d’assurance maladie.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
18
L’ONDAM : une efficacité réduite en 2013,
une construction à revoir
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
19
Recommandations
6. déterminer la base de référence de
l’ONDAM à partir du résultat de l’exé-
cution de l’année n-2 après dénoue-
ment des provisions ;
7. insérer, dans le projet de loi de
financement de la sécurité sociale,
une annexe consacrée à la méthode
de construction de l’ONDAM com-
portant
toutes
les
informations
nécessaires
sur
les
choix
ayant
conduit à la détermination de la base
et à la fixation des tendanciels par
sous-objectif ainsi qu’une présenta-
tion des méthodes d’évaluation des
économies prévues et de leur réalisa-
tion ;
8. en fonction des tendances obser-
vées, différencier davantage les taux
d’évolution
des
sous-objectifs
ONDAM ville et ONDAM hospitalier ;
9. abaisser le niveau du seuil d’alerte
afin qu’il conserve son efficacité et
son rôle de régulation de la dépense
d’assurance maladie.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
21
La lutte contre les fraudes aux
cotisations sociales : des enjeux sous-
estimés, une action à intensifier
Les cotisations versées aux orga-
nismes de protection sociale (régime
général et autres régimes obligatoires
de base, régimes complémentaires de
retraite, assurance-chômage) attei-
gnaient en 2011 selon les comptes de
la protection sociale 346,2 Md€, soit
17 % du PIB. Associées aux autres
contributions (CSG, CRDS) assises sur
la masse salariale, elles assurent les
deux tiers du financement de la pro-
tection sociale.
Une fraude supérieure à un point de
PIB
Selon
une
enquête
réalisée
par
l’ACOSS à la demande de la Cour, sur
un périmètre élargi à l’assurance chô-
mage (UNEDIC) et aux retraites com-
plémentaires obligatoires (AGIRC-
ARRCO), le montant des cotisations et
contributions éludées serait de l’ordre
de 20 à 25 Md€ en 2012, soit 5 % de
leur montant total (y compris CSG et
CRDS) et un montant double de celui
évalué lors d’une précédente étude
effectuée en 2007. Il n’existe cepen-
dant pas d’estimation fiable régulière-
ment mise à jour de la fraude aux coti-
sations.
La plus grande part de cette fraude
est constituée du travail dissimulé,
auquel s’ajoutent des irrégularités
intentionnelles dans le calcul de l’as-
siette de cotisation.
La fraude est plus importante dans
des secteurs comme la construction
ou le commerce (avec des taux de
fraude estimés de 22 et 12 %), et
demeure sous-estimée dans les sec-
teurs agricole et des indépendants du
fait de l’insuffisance des contrôles.
Des redressements rares et un recou-
vrement dérisoire des cotisations
éludées
À côté des formes traditionnelles de
fraude qui persistent (sous-déclara-
tion d’activité), de nouvelles pratiques
se nourrissent de la complexification
des lois et des règlements, liée en par-
ticulier au statut de travailleur déta-
ché à l’étranger ou au régime des
auto-entrepreneurs.
Malgré des progrès ces dernières
années, l’efficacité des redressements
apparaît très faible au regard des
montants en jeu : le niveau des redres-
sements est inférieur à 1 Md€ en
2013. Le travail illégal, qui constitue la
part massive de la fraude aux cotisa-
tions, n’en représente que 291 M€.
La lutte contre les fraudes aux cotisations
sociales : des enjeux sous-estimés, une action
à intensifier
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
22
Par ailleurs, le taux de recouvrement
des redressements notifiés pour tra-
vail dissimulé reste limité à environ 10
à 15 %. Les sommes effectivement
perçues à ce titre s’avèrent ainsi déri-
soires au regard de la fraude totale.
Une lutte contre la fraude à renfor-
cer et à professionnaliser
La lutte contre la fraude a connu des
avancées et constitue désormais une
préoccupation partagée par l’ensem-
ble des organismes chargés du recou-
vrement. Les moyens restent à com-
pléter et à mieux exploiter.
Concernant le régime général, les
techniques utilisées par les URSSAF
gagneraient à être modernisées. Leurs
moyens sont insuffisamment concen-
trés sur la lutte contre le travail illégal.
En comparaison avec le recouvrement
fiscal, les équipes de lutte contre la
fraude sociale bénéficient de préroga-
tives moindres, et les majorations
applicables en cas de fraude avérée
sont beaucoup plus faibles que pour
la fraude fiscale.
Alors que ces régimes concentrent
une part importante des enjeux, la
Mutualité sociale agricole (MSA) dis-
pose d’une fonction de contrôle très
peu professionnalisée, tandis qu’au
régime social des indépendants (RSI),
la lutte contre la fraude est quasiment
inexistante.
L’échange de signalements, les coopé-
rations et les mutualisations entre
réseaux de recouvrement apparais-
sent
toujours
embryonnaires.
Il
n’existe ainsi toujours aucun contrôle
d’assiette sur les cotisations au titre
de
la
retraite
complémentaire
(56 Md€), bien que la loi de finance-
ment de la sécurité sociale en ait acté
le principe dès 2007.
La lutte contre les fraudes aux cotisations
sociales : des enjeux sous-estimés, une action
à intensifier
23
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
10. procéder à intervalle régulier à
une estimation de la fraude aux coti-
sations sociales, selon une méthodo-
logie
rigoureuse
et
harmonisée
appliquée à un champ exhaustif ;
11. renforcer les moyens d’action des
organismes sociaux contre la fraude
aux cotisations, notamment en ren-
forçant leurs pouvoirs d’investiga-
tion, en les dotant de nouveaux
outils plus efficaces en matière de
recouvrement des montants redres-
sés et en augmentant fortement les
pénalités ;
12. mettre en place sans délai le
contrôle par les URSSAF des cotisa-
tions aux régimes complémentaires
obligatoires de retraite des salariés ;
13. mobiliser fortement la MSA sur
les enjeux de la lutte contre la fraude
aux cotisations par la fixation d’ob-
jectifs spécifiques, accompagnée de
la révision de ses procédures et d’une
réorganisation de ses moyens ;
14. faire de la lutte contre la fraude
aux cotisations une priorité du RSI,
en restaurant sans délai une poli-
tique d’ensemble fixant aux caisses
locales des objectifs de taux de
contrôle, de redressement et de
recouvrement ;
15. constituer dans la branche
recouvrement du régime général, en
tant que de besoin, des équipes inter-
régionales de lutte contre la fraude
et créer une direction nationale d’en-
quête chargée de combattre la
« grande fraude » celle qui concerne
les grandes entreprises.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Dix-huit ans après leur institution, les
lois de financement de la sécurité
sociale (LFSS) restent le principal ins-
trument pour piloter la dépense de
sécurité sociale. La persistance des
déficits de la sécurité sociale et le nou-
veau contexte de gouvernance des
finances publiques invitent toutefois à
réévaluer cet instrument pour lui don-
ner un nouveau souffle.
Élargir le périmètre des LFSS
Le périmètre actuel des LFSS est plus
restreint que celui de l’ensemble du
champ des administrations de sécu-
rité sociale (ASSO) incluses dans les
administrations publiques (APU) au
sens du Traité de Maastricht.
Il conviendrait d’y inclure les régimes
de retraite complémentaire obliga-
toire du secteur privé (AGIRC-ARRCO)
et le régime d’assurance chômage
(UNEDIC), qui, en 2012, représentent
102 Md€ de dépenses, au sein d’une
« loi de financement de la protection
sociale obligatoire » déjà recomman-
dée par la Cour.
Mieux documenter l’effort structurel
Les notions de solde et d’effort struc-
turels, précieuses pour distinguer les
parts respectives de la conjoncture et
des mesures discrétionnaires sur
l’évolution de la trajectoire financière,
sont désormais au cœur des engage-
ments européens de la France et des
lois de programmation des finances
publiques.
Pourtant, dans la sphère de la sécurité
sociale, ces notions restent insuffi-
samment utilisées pour piloter le
redressement des comptes sociaux.
Pour donner toute sa lisibilité à la tra-
jectoire de retour à l’équilibre, les
LFSS pourraient indiquer annuelle-
ment quel est le solde et l’effort struc-
turel des régimes obligatoires de base
et compléter les informations rétros-
pectives actuelles par des projections
de moyen terme de soldes et d’effort
structurel.
Rénover les instruments de maîtrise
de la dépense
Dans l’architecture actuelle des LFSS,
les objectifs de dépenses sont détail-
lés par branche sur quatre années.
Mais, à l’exception de l’objectif natio-
nal de dépenses d’assurance maladie
(ONDAM), ces objectifs ne sont pas
déclinés en sous-objectifs, ne détail-
lent pas les mesures d’économies
nécessaires pour les atteindre, et ne
disposent pas de « corde de rappel » si
un
possible
dépassement
est
constaté.
Les lois de financement de la sécurité
sociale, une ambition à élargir
25
Les lois de financement de la sécurité
sociale, une ambition à élargir
26
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Certaines mesures de maîtrise infra-
annuelle telles qu’un gel de précau-
tion ou la mise sous conditions de cer-
taines revalorisations pourraient être
prévues pour la branche famille
notamment.
Supprimer à terme les transferts des
déficits structurels de la sécurité
sociale à une caisse d’amortissement
L’accumulation des déficits, la capa-
cité donnée à l’ACOSS de les préfinan-
cer par un endettement à court terme
et la multiplication des autorisations
de transferts à la caisse d’amortisse-
ment de la dette sociale (CADES) ont
détourné le dispositif mis en place en
1996 de ses objectifs originels de can-
tonnement provisoire d’une dette
exceptionnelle et de responsabilisa-
tion collective.
Lorsque le retour à l’équilibre effectif
de la sécurité sociale aura été atteint,
il est indispensable d’éviter de relan-
cer une spirale de dette sociale par
une accumulation de déficits à carac-
tère structurel.
Afin de prévenir la reconstitution de
déficits récurrents de la sécurité
sociale, la Cour recommande d’inter-
dire en régime de croisière les reprises
de déficit à caractère structurel par
une caisse d’amortissement.
Des méthodes éclatées de prévision
à harmoniser et rendre plus robustes
Pour l’élaboration de ses prévisions,
l’administration centralise les don-
nées en provenance des différents
régimes de sécurité sociale, qui affec-
tent des moyens variables à cette
tâche, et s’appuie le cas échéant sur
des expertises émanant du ministère
de l’économie et des finances.
La Cour recommande que soit votée
une véritable « loi de résultat »
conjointement à la loi de règlement
votée annuellement pour le budget de
l’État, mais aussi que soit instaurée
une discussion unifiée des volets «
recettes » des lois de finances et des
LFSS.
Les lois de financement de la sécurité
sociale, une ambition à élargir
27
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
16. transformer la loi de finance-
ment de la sécurité sociale en une loi
de la protection sociale obligatoire
élargie aux régimes sociaux conven-
tionnels pour couvrir l’ensemble du
champ des administrations de sécu-
rité sociale (ASSO) ;
17. distinguer une « loi de résultat »
de la sécurité sociale, présentée dans
un calendrier convergeant avec celui
de la loi de règlement, et une loi de
financement à l’automne portant sur
l’exercice en cours et à venir ;
18. articuler plus étroitement l’exa-
men par le Parlement des lois finan-
cières, notamment en organisant un
volet commun de discussion des
volets recettes du projet de loi de
finances et du projet de loi de finan-
cement de la sécurité sociale (recom-
mandation réitérée) ;
19. supprimer la possibilité de faire
reprendre les déficits structurels de
la sécurité sociale par un organisme
comme la CADES, une fois les
comptes sociaux revenus à l’équili-
bre ;
20. décliner l’ONDAM pluriannuel en
sous-objectifs assortis des mesures
nécessaires à leur respect ;
21. mettre en œuvre un pilotage
infra-annuel
de
l’objectif
de
dépenses de la branche famille ;
22. présenter dans la loi de finance-
ment de la sécurité sociale des pro-
jections pluriannuelles en termes de
soldes et d’efforts structurels pour
les régimes obligatoires de base.
29
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les prévisions financières intégrées
aux lois de financement de la sécurité
sociale : une fiabilité à renforcer, un
suivi à mieux assurer
La fiabilité, l’exactitude et la sincérité
des prévisions financières sont déter-
minantes pour le respect de la trajec-
toire des comptes sociaux.
Des méthodes de prévision à harmo-
niser et à rendre plus robustes
Pour l’élaboration de ses prévisions,
l’administration centralise les don-
nées en provenance des différents
régimes de sécurité sociale, qui affec-
tent des moyens variables à cette
tâche, et s’appuie le cas échéant sur
des expertises émanant du ministère
de l’économie et des finances.
Les modèles de prévision utilisés dans
les caisses n’ont pas atteint un même
degré de maturité. Certains dispositifs
avec des impacts inter-régimes forts
(par exemple le minimum contributif
de retraite) s’avèrent difficiles à simu-
ler, tout comme certaines mesures
nouvelles (comme les mécanismes de
décote et surcote).
En raison du caractère modulaire et
décentralisé des processus de projec-
tions et de suivi, il importe d’améliorer
la coordination des méthodes et des
outils, notamment en documentant
mieux les méthodes développées par
les caisses et en achevant rapidement
la mise en place d’outils inter-régimes.
Des écarts variables à la prévision
qui ne sont pas analysés
L’écart en moyenne constaté en
valeur absolue sur la période 2006-
2013 entre les prévisions de LFSS et
les réalisations s’élève à 2,3 % sur les
recettes, en partie due aux variations
conjoncturelles. Celui sur les dépenses
est plus limité, 0,8 % pour la branche
vieillesse, 1,1 % sur la branche famille,
1,1 % sur la maladie (depuis 2010). La
combinaison
de
résultats
assez
proches sur les dépenses et d’écarts
plus significatifs sur les recettes
conduit à un écart moyen sur le solde
de 3,5 Md€ en moyenne sur la période
2006-2013, soit près de 0,2 point de
PIB.
Cependant, aucune analyse des écarts
entre prévisions et réalisations n’est
réalisée par l’administration, qui per-
mettrait d’améliorer la qualité de la loi
de financement de l’année suivante.
Ces analyses rétrospectives devraient
isoler les sources principales des
écarts : conjoncture, démographie,
montée en charge des mesures nou-
velles notamment.
Les prévisions financières intégrées aux lois de
financement de la sécurité sociale : une fiabilité
à renforcer, un suivi à mieux assurer
30
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Un suivi infra-annuel insuffisant des
écarts à la trajectoire
Pour que la maîtrise des dépenses
sociales soit efficace, il importe que
les administrations puissent élaborer,
sur la base des données dont elles dis-
posent, des correctifs en cours d’an-
née, par des mesures de gestion ou
par une loi de financement rectifica-
tive.
Or à l’heure actuelle, en-dehors de
l’ONDAM (90 % des dépenses de la
branche maladie), l’administration
n’est pas en mesure de calculer à par-
tir des données de gestion les charges
et les produits en cours d’année, prin-
cipalement parce que les régimes pro-
duisent tardivement des données en
droits constatés (régime général), ou
même ne les fournissent pas (RSI,
MSA).
Recommandations
23. publier, comme pour le budget
de l’État et au moins trimestrielle-
ment, des données relatives à l’exé-
cution des recettes et des dépenses
de la sécurité sociale et développer
des indicateurs avancés permettant
de prendre en temps utile d’éven-
tuelles mesures correctrices pour
respecter les objectifs des lois de
financement ;
24. systématiser et formaliser l’exa-
men a posteriori des prévisions, y
compris
celles
portant
sur
les
mesures nouvelles, en les confron-
tant avec la réalité observée et en
analysant les origines des écarts afin
d’améliorer le processus de prévision
et en en reprenant les résultats dans
une annexe de la loi de financement
de la sécurité sociale ;
25. procéder à l’audit des modèles
de prévision et de simulation des
organismes de sécurité sociale et
introduire systématiquement dans
les conventions d’objectifs et de ges-
tion conclues avec eux des objectifs
spécifiques d’amélioration à cet
égard ;
26. préciser, dans un document de
référence rendu public, le rôle et les
obligations de chacun des interve-
nants dans le processus de prévision
et de suivi et tenir à jour un réper-
toire des méthodes employées.
31
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
L’ONDAM pour les soins de ville :
une surestimation des économies, un
outil à réajuster
Le sous-objectif de l’ONDAM « soins
de ville » a représenté en 2013
79,4 Md€, soit le premier poste de
l’ONDAM (46 %) devant le sous-objec-
tif relatif aux établissements de santé
(44 %), étudié par la Cour dans le
RALFSS de 2013.
Il est principalement constitué des
consultations remboursées de méde-
cins, généralistes et spécialistes, et
d’autres professionnels de santé en
ville, mais comprend également, entre
autres, les dépenses de médicament,
de dispositifs médicaux (examinés par
ailleurs), les indemnités journalières
ou encore les frais de transports sani-
taires.
Une construction insuffisamment
rigoureuse
L’ONDAM « soins de ville » a été voté
en loi de financement de la sécurité
sociale (LFSS) pour 2013 en progres-
sion de +2,6 % contre +2,1 % en 2012.
Or plusieurs éléments auraient pu
conduire à retenir un rythme de pro-
gression plus faible.
Il existe tout d’abord un important
« effet de base » tenant à la suresti-
mation de la base de dépenses rete-
nue en 2012 au moment du vote de la
LFSS. À partir de cette base, l’évolu-
tion tendancielle de la dépense rete-
nue, qui repose sur une prolongation
de tendances historiques, (+4,1 %) est
relativement élevée. Elle sous-estime
notamment
l’impact
de
certains
ralentissements récents (notamment
sur les indemnités journalières) et l’in-
cidence de nouveaux facteurs de
ralentissement de la dépense (« effet
crise », notamment).
Les économies affichées, appliquées à
cette dépense en évolution tendan-
cielle, reposent également sur des
conventions. Elles recouvrent peu de
réelles mesures discrétionnaires de
réduction de la dépense, mais plutôt
des prolongements de tendance,
comme la « maîtrise médicalisée de la
dépense ».
Une absence de ralentissement de la
dépense de soins de ville
Le niveau d’exécution de l’ONDAM
« soins de ville » en 2013 se fixe provi-
soirement à 79,4 Md€, soit un écart
négatif de -1,1 Md€ par rapport au
montant voté en LFSS pour 2013, le
plus important constaté depuis cinq
années.
L’ONDAM pour les soins de ville : une sures-
timation des économies, un outil à réajuster
32
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Ce constat a été largement facilité par
l’effet cumulé d’un effet de base
important, et d’un tendanciel volonta-
riste, et par la fixation d’un objectif
d’économies plus faibles en montant
qu’en 2012, sans ralentissement réel
de la dépense. Celle-ci progresse de
+1,9 % en 2013 contre +1,7 % en
2012.
Une perte du rôle de régulation de
l’ONDAM
L’accumulation de ces marges de pré-
caution successives et qui se supper-
posent aboutit en définitive à affaiblir
le rôle de régulation de l’ONDAM.
Face aux déficits persistants de l’assu-
rance
maladie,
une
plus
grande
rigueur est nécessaire.
Un enjeu de sincérité pour les LFSS
L’ensemble
de
ces
défauts
de
construction rendent le respect de
l’ONDAM plus aisé. Doivent ainsi être
révisées les méthodes de calcul de la
base et du tendanciel des dépenses de
soins de ville pour permettre une maî-
trise plus effective et plus ambitieuse
de la dépense.
Recommandations
27. prendre en considération les
informations les plus récentes sur
l’exécution en cours des soins de
ville au moment de la fixation de la
nouvelle base ;
28. éliminer les biais de construc-
tion pouvant conduire à une suréva-
luation du tendanciel, et vérifier la
crédibilité de la prévision au regard
des ruptures de tendance observa-
bles, notamment dans les domaines
du médicament et des indemnités
journalières, à cette fin, utiliser des
données exogènes ;
29. réserver
l’appellation
de
«
mesures
d’économies
»
aux
mesures discrétionnaires décidées
par lespouvoirs publics pour la maî-
trise de la dépense et ne pas l’appli-
quer aux écarts constatés par rap-
port à une croissance tendancielle
de la dépense au caractère large-
ment conventionnel, en l’absence
d’une évaluation précise de l’effet
des mesures prises ;
30. documenter à destination des
parlementaires les méthodes, les
hypothèses et les conventions qui
président à la fixation du tendanciel,
à l’évaluation de l’effet de report des
mesures antérieures, et à celle des
mesures d’économies nouvelles ;
indiquer également la sensibilité des
projections à ces hypothèses.
33
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les conventions avec les professions
libérales de santé : répondre aux
besoins des patients, mieux assurer
l’efficience de la dépense
Le cadre des négociations convention-
nelles entre l’assurance maladie et les
professions
de
santé
a
été
profondément réformé par la loi du
13 août 2004 relative à l’assurance
maladie.
Dix ans après cette réforme, la Cour a
analysé ces politiques convention-
nelles, au travers de cinq professions
qui
représentent
l’essentiel
des
dépenses de soins de ville
1
, et leur
impact sur les conditions d’accès aux
soins des assurés.
Des résultats insatisfaisants pour les
patients
Une accessibilité financière compro-
mise
Le fondement originel du système
conventionnel reposait sur la création
de tarifs opposables
2
. Il a été mis à
mal par la hausse ininterrompue des
dépassements d’honoraires pratiqués
par certaines professions, contre les-
quels aucune mesure efficace n’a été
mise en œuvre.
Les dépassements d’honoraires des
médecins représentent annuellement
environ 2,4 Md€, dont 2,15 Md€ pour
les spécialistes. Les dépassements ont
été jusqu’alors peu contrôlés et les
outils conventionnels ont échoué à les
endiguer. Ainsi le nouveau dispositif
de contrat d’accès aux soins (CAS),
instauré en 2012, est peu contrai-
gnant pour les médecins de secteur 2
qui y adhèrent. Il contribue à vider le
secteur 1 des spécialistes qui y res-
taient encore. La procédure de sanc-
tion des dépassements jugés exces-
sifs, également instituée en 2012, est
lourde et son efficacité non démon-
trée.
La couverture des soins dentaires ne
cesse de se dégrader en raison des
dépassements d’honoraires permis
sur les soins prothétiques. La part des
dépassements dans le total des hono-
raires des chirurgiens-dentistes a
continuellement progressé et s’éta-
blissait à 53 % en 2012, soit 4,7 Md€.
Les conventions dentaires successives
ont laissé se développer le déséquili-
bre entre soins conservateurs et soins
prothétiques et ses effets pervers
______________________
1
Médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes. Les dépenses de soins de ville qui
représentent un montant annuel de près de 80 Md€ couvrent à la fois des dépenses liées aux professionnels de santé,
comme leurs honoraires, et des dépenses sur lesquelles ils exercent une influence directe, comme les médicaments.
2
Tarifs conventionnels, reconnus par l’assurance maladie obligatoire, sur la base desquels s’effectuent les rembourse-
ments aux assurés.
Les conventions avec les professions libérales
de santé : répondre aux besoins des patients,
mieux assurer l’efficience de la dépense
34
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
sans y remédier. Malgré quelques
timides mesures récentes, ce secteur a
été de fait laissé en déshérence.
Une action tardive et limitée sur la
répartition géographique des profes-
sionnels libéraux
Les négociations conventionnelles
n’ont que récemment intégré la
dimension géographique de l’accès
aux soins. Des avancées ont eu lieu
pour quelques catégories de profes-
sionnels (les infirmiers, les masseurs-
kinésithérapeutes
et
les
sages-
femmes) en combinant des incitations
financières en zones sous-denses et
des restrictions d’accès en zones sur-
denses mais les résultats en sont limi-
tés.
Pour les médecins, les mesures sont
restées purement incitatives, malgré
l’importance des déséquilibres démo-
graphiques régionaux.
L’assurance maladie apporte aux pro-
fessionnels une très large part de leur
revenu et est donc légitime à orienter
les installations et les rembourse-
ments là où des besoins sont consta-
tés. Le conventionnement ne devrait
pas être considéré comme un droit
automatique et devrait être rendu
conditionnel pour toutes les profes-
sions, y compris les médecins, dans les
zones en surdensité.
Une multiplication des modes de
rémunération à l’impact réduit sur
les pratiques des professionnels
Différents types de rémunération se
sont ajoutés au paiement à l’acte dans
le but de mieux suivre les patients ou
d’intégrer des objectifs de santé
publique. Ils n’ont que modérément
infléchi les pratiques des profession-
nels concernés.
S’agissant des médecins, des progrès
sont certes observés sur les indica-
teurs de suivi des pathologies chro-
niques, mais les résultats sont moins
satisfaisants en matière de préven-
tion. Aucune conséquence négative
n’est en tout état de cause attachée
au non-respect des objectifs : un cal-
cul de la rémunération par solde entre
les résultats positifs et négatifs ren-
forcerait le caractère incitatif du dis-
positif.
À compter de 2012, des rémunéra-
tions forfaitaires ont également été
instaurées au bénéfice des pharma-
ciens, tel l’honoraire de dispensation
des médicaments. Il reste cependant
trop corrélé au nombre de boîtes ven-
dues et donc au volume de vente et
n’est pas assez centré sur les patients.
Une réorientation indispensable
Favoriser les approches interprofes-
sionnelles
Des négociations conventionnelles
trop éclatées et trop diffuses, et un
traitement très séquencé ont fait obs-
Les conventions avec les professions libérales
de santé : répondre aux besoins des patients,
mieux assurer l’efficience de la dépense
35
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
tacle à une meilleure organisation des
soins de proximité et n’ont pas permis
de répondre à l’évolution des besoins
des patients.
Il est souhaitable de renverser la pra-
tique
actuelle
en
faisant
des
approches interprofessionnelles le
cadre premier des négociations. Leurs
résultats formeraient ensuite l’arma-
ture
commune
des
différentes
conventions
par
profession
de
manière à permettre une approche
plus coordonnée des soins de ville.
Recentrer les négociations sur les
besoins des patients
L’activité conventionnelle devrait être
recentrée sur les enjeux essentiels de
rémunération, d’accès aux soins et de
maîtrise médicalisée des dépenses.
Des négociations moins nombreuses
permettraient une plus grande stabi-
lité des dispositifs et en faciliteraient
le suivi ainsi qu’une évaluation systé-
matique de l’impact des mesures
prises.
Les
rémunérations
et
avantages
annexes accordés aux professionnels
de santé doivent être assortis de
contreparties plus tangibles au béné-
fice des patients.
Renforcer la coordination et le pilotage
Un pilotage plus intégré et une meil-
leure articulation entre les acteurs
permettraient d’optimiser l’allocation
des ressources.
Il revient à l’État de définir précisé-
ment les objectifs de la politique
conventionnelle dans le contrat plu-
riannuel qu’il passe avec l’assurance
maladie sur la gestion du risque.
Les
organismes
complémentaires
d’assurance maladie doivent égale-
ment être associés de façon plus
étroite aux négociations, au regard de
la place grandissante qu’ils tiennent
dans la couverture des dépenses de
soins des ménages.
L’élaboration en cours de la stratégie
nationale de santé et d’une nouvelle
loi de santé publique offre l’occasion
de repenser le cadre de la régulation
globale du système de soins ainsi que
la place, dans celle-ci, des politiques
conventionnelles.
36
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
Les conventions avec les professions libérales
de santé : répondre aux besoins des patients,
mieux assurer l’efficience de la dépense
31. mettre en place un pilotage
national plus intégré, permettant à
l’État de cadrer les orientations stra-
tégiques des politiques convention-
nelles, d’en suivre l’exécution, et de
mieux articuler les actions des diffé-
rents acteurs ;
32. développer de façon prioritaire
les approches interprofessionnelles
pour une plus grande efficience des
soins de premier recours ;
33. recentrer les politiques conven-
tionnelles sur les enjeux essentiels
(rémunérations, accès aux soins, maî-
trise médicalisée des dépenses) dans
le cadre de négociations moins nom-
breuses et moins éclatées ;
34. étendre, dans les zones de sur-
densité, le conventionnement condi-
tionnel à toutes les professions, y
compris aux médecins, pour mieux
équilibrer la répartition des profes-
sionnels sur le territoire ;
35. lier plus étroitement l’ensemble
des modes de rémunération, hors
rémunération
à
l’acte,
(forfaits,
rémunération à la performance,
avantages sociaux) à une meilleure
organisation des soins de ville en les
modulant en fonction des résultats
atteints ;
36. en particulier, moduler la prise en
charge des cotisations sociales par
l’assurance maladie en fonction de la
densité des professionnels de santé
sur un territoire donné (recomman-
dation réitérée) ;
37. évaluer systématiquement les
conditions de mise en œuvre des
actions conventionnelles et les résul-
tats obtenus au regard des objectifs.
37
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
La diffusion des médicaments géné-
riques : des résultats trop modestes,
des coûts élevés
Malgré leurs prix inférieurs à ceux des
médicaments princeps dont ils sont
les équivalents, les médicaments
génériques
ne
représentent
que
21,5 % (4,3 Md€) des rembourse-
ments de médicaments vendus en
ville et leur consommation à l’hôpital
est faible. C’est une particularité fran-
çaise : en Allemagne et au Royaume
Uni, trois boîtes de médicaments rem-
boursables sur quatre sont géné-
riques alors que la proportion n’est
que de une sur trois en France. Ce
retard est coûteux pour la sécurité
sociale et il n’est pas en cours de rat-
trapage. Il est notamment dû à une
politique de diffusion qui a globale-
ment manqué d’ambition et a très iné-
galement mobilisé les acteurs car elle
repose essentiellement, depuis 1999,
sur la substitution en officine. Encore
des limites peu justifiées sont-elles
mises à cette substitution.
Une définition restrictive
Le dispositif actuel de diffusion des
génériques repose sur une définition
étroite des équivalences avec les prin-
ceps et une limitation des substitu-
tions possibles, qui doivent s’effectuer
à partir d’un « répertoire des groupes
génériques ». Ce répertoire laisse en-
dehors de son champ 47 % (en
volumes vendus) des médicaments. Il
n’est pas mis à jour suffisamment
régulièrement.
Le rôle central et coûteux des phar-
maciens
Depuis 2000, cinq types d’incitations
financières ont été accordés aux phar-
maciens, au premier rang desquels la
garantie de l’égalité des marges en
valeur absolue avec les princeps et la
possibilité d’octroi de remises com-
merciales importantes par les fabri-
cants. Une rémunération spécifique
sur
objectifs
de
santé
publique
(ROSP) s’y est ajoutée en 2012.
Entre 2007 et 2012, ces incitations ont
eu un coût collectif de 5,9 Md€. Grâce
à elles, le taux de substitution au sein
du répertoire a certes progressé de 35
à 82 % entre 1992 et 2012. Cependant
leur coût vient fortement grever les
économies (12 Md€ entre 2002 et
2012 selon la CNAMTS) générées par
cette progression. Cette politique
atteint désormais ses limites car elle
n’est pas parvenue à enclencher un
développement auto-entretenu des
génériques, malgré son coût élevé.
La diffusion des médicaments génériques :
des résultats trop modestes, des coûts élevés
Des médecins insuffisamment mobi-
lisés et des patients peu informés
C’est par l’évolution des comporte-
ments de prescription des médecins
que devrait passer le développement
des génériques. Jusqu’ici les mesures
incitatives adoptées dans le cadre
conventionnel ont produit peu d’ef-
fets. Les médecins ont encore trop
souvent une préférence pour la pres-
cription de spécialités non-substitua-
bles. Alors que la prescription en
dénomination commune internatio-
nale
3
est une obligation, l’absence de
sanction rend son application ineffec-
tive.
Les patients sont insuffisamment
informés sur la qualité et la sécurité
des médicaments génériques et sur
les objectifs de la démarche de substi-
tution.
Une politique des prix insuffisam-
ment active
Faute de cohérence et de détermina-
tion, la politique des prix du médica-
ment empêche que le déploiement
des génériques produise tous les
effets d’économies qu’il pourrait avoir.
Le mode de fixation quasi-automa-
tique du prix des génériques par voie
de décote appliquée sur les prix des
princeps
n’a pas de lien avec les coûts
de production. Le coût moyen d’une
unité standard est plus élevé de près
de 90 % en France qu’au Royaume
Uni.
L’accroissement récent du taux de ces
décotes n’a été appliqué qu’aux nou-
veaux génériques, négligeant ainsi les
économies beaucoup plus substan-
tielles qui résulteraient de son appli-
cation aux génériques existants.
Les baisses de prix qui peuvent être
décidées sur des
princeps
fortement
« génériqués » ne sont pas suivies de
baisses équivalentes sur les médica-
ments dont les prix avaient été alignés
sur eux lors de leur mise sur le marché
parce qu’ils n’apportaient pas d’amé-
lioration du service médical rendu.
Une forte progression de la prescrip-
tion des médicaments substituables
combinée à un élargissement de leur
champ et à une augmentation du taux
de substitution pourraient générer
selon les estimations de la Cour envi-
ron 2 Md€ d’économies en année
pleine.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
38
___________________
3
Ou DCI c’est-à-dire la désignation du médicament sur l’ordonnance par le nom pharmacologique de la molécule (par
exemple paracétamol plutôt que doliprane®).
La diffusion des médicaments génériques :
des résultats trop modestes, des coûts élevés
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
39
Recommandations
38. responsabiliser les médecins en
les informant sur le volume et le coût
de leur prescription en fonction des
caractéristiques de leur patientèle et
sur les économies rendues possibles
par
une
évolution
de
leurs
comportements de prescription ;
39. élargir les objectifs de prescrip-
tions en génériques liées à la rému-
nération sur objectifs de perfor-
mance, les compléter par des objec-
tifs de taux de prescription en déno-
mination commune internationale et
moduler à la baisse le montant de
cette rémunération en cas de non-
atteinte de ces objectifs ;
40. supprimer à terme le répertoire
des médicaments génériques ;
41. redéfinir les modalités de rému-
nération des pharmaciens en révi-
sant progressivement à la baisse
lesincitations en faveur des géné-
riques et en allant vers une rémuné-
ration davantage forfaitaire et moins
dépendante du volume des ventes ;
dans ce cadre, réformer notamment
la rémunération sur objectifs de
santé publique liée aux génériques ;
42. conclure
des
accords
prix-
volume avec les producteurs de
génériques dans le cadre d’un plan
de
développement
de
ces
médicaments ;
43. mettre en œuvre des baisses des
prix ciblées sur les classes thérapeu-
tiques les plus coûteuses pour l’assu-
rance maladie et un alignement
automatique de prix pour les médi-
caments
sans
amélioration
du
service médical rendu ;
44. développer
des
campagnes
régulières d’information des assurés
sociaux sur les médicaments géné-
riques.
Les dispositifs médicaux : une dépense
non maîtrisée
41
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les dispositifs médicaux recouvrent
un ensemble très divers de produits
de santé qui vont des pansements aux
fauteuils pour personnes handicapées
et aux défibrillateurs cardiaques.
Leur coût total d’acquisition ou de
location était proche de 13 Md€ en
2012 dont un peu plus de la moitié est
pris en charge par l’assurance maladie
(6,6 Md€). Pourtant, si certains dispo-
sitifs ont fait l’objet d’une évaluation,
comme l’optique et les audiopro-
thèses, dont la Cour avait souligné les
modalités insatisfaisantes de prise en
charge, il s’agit d’une dépense encore
mal connue et pilotée de manière peu
efficace, alors même qu’il s’agit d’un
poste à forte croissance.
Une dynamique très forte de la
dépense
Le coût pour l’assurance maladie n’est
connu directement que pour les
dépenses de soins de ville (5 Md€ en
2012), qui ont doublé en euros
constants entre 2000 et 2012 et ont
suivi un rythme trois fois plus rapide
que l’ONDAM. À l’hôpital, seule la
dépense des dispositifs médicaux
implantables figurant sur la liste des
produits et prestations remboursa-
bles et sur la « liste en sus » est appré-
hendée (1,5 Md€, +76 % en euros
constants entre 2000 et 2012). La
consommation à l’hôpital des disposi-
tifs médicaux facturés à l’assurance
maladie dans le cadre de la tarifica-
tion à l’activité (T2A) est estimée à
environ 1,65 Md€ en 2006.
Le vieillissement de la population et
l’innovation technologique n’expli-
quent qu’une partie de cette progres-
sion qui est particulièrement forte
pour certaines catégories de disposi-
tifs : produits et prestations liés à l’in-
suffisance respiratoire (+151 % en
12 ans) et au diabète (+146 %).
Une régulation tardive et trop par-
tielle
La dépense en faveur des dispositifs
médicaux apparaît peu efficiente pour
de nombreuses catégories, notam-
ment celles pour lesquelles les tarifs
de remboursement semblent, selon
certaines études, aux résultats toute-
fois discutés, plus élevés en France
que dans les pays comparables (exem-
ples : les produits et prestations liés à
l’orthopédie, à l’assistance respiratoire
ou au diabète).
La régulation de la dépense consiste
dans les baisses de tarif et les modifi-
cations de conditions de prise en
charge décidées par le comité écono-
mique des produits de santé (CEPS),
ainsi que par des révisions des lignes
génériques. Les unes et les autres sont
réduites et cette faiblesse dans la
Les dispositifs médicaux : une dépense non
maîtrisée
régulation tend à favoriser les situa-
tions acquises et limite fortement les
économies ainsi que l’adaptation des
règles techniques aux pathologies.
En outre, il est malaisé au CEPS de
négocier les baisses, faute de connais-
sance des prix réels et de données
d’expertise propre.
Plus globalement les pouvoirs publics
n’ont pas défini de stratégie de baisse
des tarifs des dispositifs médicaux.
C’est pourquoi, sur la période 2004-
2012, les économies résultant de
baisses de tarif n’auraient atteint en
cumulé, selon le CEPS, que 360 M€,
soit moins de 1 % de la dépense totale
d’assurance maladie des dispositifs
médicaux.
De surcroît, les établissements de
santé, qui ont la liberté de négocier les
prix d’acquisition de nombreux dispo-
sitifs médicaux avec les fabricants, ne
répercutent pas nécessairement les
baisses de prix sur l’assurance maladie
– et ce en dépit de l’existence de méca-
nismes spécifiques censés favoriser
cette transparence (pour les produits
liés au diabète, par exemple).
Une implication des pouvoirs publics
à renforcer
L’investissement des acteurs publics
dans la régulation est insuffisant et
trop peu coordonné (CEPS, ANSM,
CNAMTS). Le cadre d’action publique
dans le domaine des dispositifs médi-
caux doit donc être redéfini, de sorte
que le CEPS dispose d’une légitimité
et de moyens accrus, lui permettant
de négocier dans une position plus
favorable vis-à-vis des fabricants.
Une ferme maîtrise de la dépense à
mettre en oeuvre
Afin d’assurer l’efficacité de la maî-
trise de la dépense de ce secteur en
expansion, des baisses de prix plus
ambitieuses doivent être recherchées.
La gestion du risque par l’assurance
maladie peut être affermie par des
moyens tels que la mise sous entente
préalable et la surveillance accrue des
établissements. Enfin, à l’image des
médicaments, la substitution de dis-
positifs médicaux « génériques »
mériterait d’être expérimentée.
L’enjeu financier est d’importance
puisque la baisse annuelle d’un point,
à partir de 2015, du rythme de crois-
sance actuel génèrerait pour la seule
année 2017 environ 250 M€ d’écono-
mies.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
42
Les dispositifs médicaux : une dépense non
maîtrisée
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
43
Recommandations
45. déterminer sur la période 2015-
2017 un objectif de régulation de la
dépense de dispositifs médicaux ;
46. renforcer la légitimité et les
moyens du comité économique des
produits de santé sur ce champ pour
lui permettre d’assurer la mise en
cohérence des acteurs publics et une
régulation
rigoureuse
de
la
dépense ;
47. réduire significativement la liste
en sus et rétablir la fixation d’un taux
prévisionnel
d’évolution
de
la
dépense résultant de celle-ci ;
48. ouvrir certains marchés (disposi-
tifs standardisés à fort volume) à
une concurrence accrue en expéri-
mentant des procédures nationales
d’appel d’offres ;
49. mettre en œuvre une procédure
allégée
de
révision
des
lignes
génériques ;
50. procéder dans un délai rappro-
ché à des baisses de prix significa-
tives de certaines catégories de
dispositifs médicaux ;
51. mettre sous entente préalable
les dispositifs médicaux à forts
enjeux et sous accord préalable les
gros prescripteurs ;
52. expérimenter une démarche de
définition de produits génériques sur
quelques dispositifs simples et aisé-
ment substituables.
45
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les projets régionaux de santé :
un cadre peu opérationnel
Initiés en 2010, les projets régionaux
de santé (PRS) déclinent au niveau
régional la politique de santé publique
dans les domaines de la prévention,
des soins hospitaliers et ambulatoires
et de l’action médico-sociale.
Des documents volumineux sans
priorités clairement affichées
Adoptés après trois années d’une très
large concertation régionale, les PRS
dépassent fréquemment les 1 000
pages et contiennent des objectifs
trop nombreux et insuffisamment hié-
rarchisés.
Faute d’une réelle visibilité sur leurs
ressources est sur la durée du projet,
les agences régionales de santé (ARS)
ont, en outre, trop peu souvent chiffré
le coût des actions retenues.
Un risque d’essoufflement des ins-
tances de concertation régionale
(conférence régionale de la santé et
de l’autonomie et conférences de ter-
ritoire) est désormais perceptible.
Faute d’un positionnement et d’un
rôle clairement définis, l’apport des
conférences de territoire n’est en par-
ticulier pas avéré.
Une approche intégrée inaboutie
L’approche globale et coordonnée des
questions de santé passe par l’organi-
sation d’une continuité de prise en
charge entre la prévention, le dépis-
tage, les soins et le suivi médico-
social, dans un contexte où les inégali-
tés sociales et territoriales entre
régions restent très marquées.
La construction de filières de soins se
heurte toujours à de nombreuses dif-
ficultés comme le montre les exem-
ples de l’obésité (offre de soins insuffi-
sante ou mal connue alors même que
le dépistage a été réalisé) et de la prise
en charge des accidents vasculaires
cérébraux (problèmes récurrents de
démographie médicale empêchant
l’ouverture d’unités spécialisées).
Des capacités d’action limitées
Des objectifs nationaux mal définis
La
politique
nationale
de
santé
publique, toujours en cours de redéfi-
nition, souffre d’une accumulation de
plans nationaux de santé publique
4
et
d’objectifs trop généraux. Ce foison-
nement préjudiciable ne permet pas
aux ARS de recentrer leur action sur
des priorités réalistes, lisibles et opé-
__________________
4
30 plans étaient recensés en 2011 ; sur la période 2010-2012, 5 plans abordent les questions de l’obésité et de la nutri-
tion.
Les projets régionaux de santé : un cadre
peu opérationnel
rationnelles et de dépasser le poids
des approches sectorielles.
Une collaboration insatisfaisante avec
l’assurance maladie
L’assurance maladie continue de déve-
lopper en toute autonomie ses pro-
pres
programmes
de
prévention
(Santé active) et n’adapte que margi-
nalement les programmes de gestion
du risque régionaux aux besoins
recensés par les ARS.
Elle dispose pour financer ses actions
(dépistages organisés des cancers,
financement des centres d’examen de
santé,
prévention
bucco-dentaire,
actions locales des caisses...) de la
majorité des ressources financières
disponibles en région.
L’accès aux données de l’assurance
maladie (SNIIRAM) demeure restreint
pour les ARS, limitant leur capacité
d’analyse et d’approfondissement des
situations infra-régionales.
Les compétences et les responsabili-
tés doivent ainsi être clarifiées. Les
ARS doivent être confortées dans leur
rôle de pilote régional de la politique
de santé et se voir attribuer un pou-
voir décisionnel sur les actions de
santé publique menées par les orga-
nismes locaux d’assurance maladie.
Des moyens financiers trop peu redé-
ployés
Les dépenses régionales de santé
publique ont représenté en 2012 un
total de 563 M€, soit en moyenne
8,64 € / habitant. Il s’agit d’une part
très faible (0,32 %) des dépenses sani-
taires et médico-sociales globales
engagées dans les régions.
Ce montant recouvre en outre d’im-
portantes disparités régionales, résul-
tant avant tout du poids de l’histoire
et sans corrélation avec les inégalités
de situation sanitaire ou socio-écono-
mique. Les modulations des alloca-
tions régionales par l’administration
centrale dans un contexte de diminu-
tion générale des crédits sont restées
limitées.
Le Fonds d’intervention régional (FIR)
qui rassemble une part croissante des
crédits à la disposition des ARS offre
des possibilités nouvelles de redé-
ploiement entre les enveloppes. Elles
sont
encore
sous-utilisées
mais
devraient croître à l’avenir.
Un impératif de simplification et de
recentrage
Il importe que la procédure soit subs-
tantiellement allégée à l’occasion du
renouvellement des PRS en 2016.
Pour être opérationnels, les prochains
projets devront se centrer sur un nom-
bre limité de priorités et d’objectifs et
accentuer l’approche transversale des
questions de santé.
Pour y parvenir les ARS doivent pou-
voir s’appuyer sur une observation
régionale en santé solide et restructu-
rée, concentrant la production des
données et mutualisant les ressources
expertes indispensables.
46
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les projets régionaux de santé : un cadre
peu opérationnel
47
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
53. simplifier les conditions d’élabo-
ration des projets régionaux de santé
autour
d’un
nombre
limité
de
priorités ;
54. assortir obligatoirement ces der-
nières d’un chiffrage financier des
actions inscrites au projet, compati-
ble
avec
les
contraintes
de
l’ONDAM ;
55. faire de l’observatoire régional
de santé (ORS) l’opérateur de réfé-
rence chargé de réaliser une observa-
tion globale et continue, ouverte à
l’ensemble des acteurs en santé
publique ;
56. supprimer les conférences de
territoire ;
57. subordonner l’engagement d’ac-
tions de santé publique par les orga-
nismes locaux d’assurance maladie à
l’accord des ARS ;
58. permettre un accès complet des
ARS aux données du SNIIRAM.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
49
Les urgences hospitalières : une fré-
quentation croissante, une articulation
avec la médecine de ville à repenser
18 millions de passages
5
dans les ser-
vices d’urgence ont été dénombrés en
2012, soit un coût pour l’assurance
maladie au titre des seuls établisse-
ments publics de santé et des établis-
sements de santé d’intérêt collectif
(81 % des passages) de plus de
2,5 Md€.
La hausse continue de cette activité
(+30 % en dix ans et plus encore pour
les passages non suivis d’hospitalisa-
tion) met sous tension des organisa-
tions et des équipes qui jouent un rôle
essentiel dans la prise en charge de
soins non programmés, à laquelle la
médecine de ville n’apporte pas de
réponse suffisante.
Des motifs de fréquentation des
urgences mal connus
Les motifs de recours aux urgences
sont encore peu analysés. La crois-
sance démographique ou le vieillisse-
ment de la population ne suffisent pas
à expliquer l’augmentation de la fré-
quentation.
Dans l’enquête « un jour donné » réa-
lisée en juin 2013 par la DREES sur
52 000 passages, les motivations des
patients sont multiples. Deux patients
sur dix évoquent l’impossibilité de
faire appel à leur recours habituel
(absence du médecin traitant ou
impossibilité d’un rendez-vous rapide
pour des examens complémentaires).
Dans six cas sur dix, l’accessibilité
offerte par les services d’urgence est
mise en avant (besoin que le pro-
blème de santé soit réglé rapidement,
possibilité de réaliser des examens
complémentaires ou de consulter un
spécialiste).
D’un point de vue médical, les raisons
du recours aux urgences varient en
fonction de l’âge des patients : patho-
logies de la sphère ORL-respiratoire et
gastro-entérologiques pour les très
jeunes enfants, traumatologie ensuite
jusqu’à 15 ans, puis de nouveau à par-
tir de 65 ans et plus encore après
75 ans.
Pour une partie des patients, âgés
notamment, le motif de recours est lié
à l’aggravation rapide d’une patholo-
gie connue qui aurait pu être prise en
charge plus tôt.
Des situations de tension persis-
tantes dans les hôpitaux.
À l’automne 2013, une centaine d’éta-
blissements, sur les 650 structures
autorisées, ont été identifiés comme
_________________________
5
Représentant 10,6 millions de patients dont 4 millions ont été hospitalisés à la suite de leur passage aux urgences.
Les urgences hospitalières : une fréquentation
croissante, une articulation avec la médecine de
ville à repenser
étant en tension ou en risque de ten-
sion, même si cela recouvre des situa-
tions hétérogènes : afflux inhabituel
de patients, pénurie de lits, absence
de certains agents…
Le manque de fluidité dans le par-
cours des patients est l’une des princi-
pales difficultés rencontrées. Même si
80 % des patients passent moins de
quatre heures aux urgences, les diffi-
cultés d’accès aux plateaux tech-
niques et de réalisation d’examens
complémentaires peuvent allonger de
façon importante cette durée.
Lorsqu’une hospitalisation est néces-
saire, notamment pour les patients
âgés, la difficulté à trouver un lit est la
principale cause d’engorgement des
structures.
L’inadaptation des locaux, dont la
modernisation n’est pas totalement
achevée ainsi que les problèmes de
recrutement de personnel spécialisé
expliquent également une part de ces
situations.
Des prises en charge progressive-
ment adaptées
Les établissements cherchent à adap-
ter leurs organisations à ces hausses
de fréquentation, en créant des postes
d’infirmières ou de médecins d’orien-
tation et d’accueil ou en développant
des circuits courts de prise en charge
rapide des patients valides.
Le problème récurrent de l’orientation
vers des lits d’aval peut être amélioré
par la mise en place de gestionnaires
de lits, qui organisent et program-
ment, de façon centralisée, les admis-
sions sur l’ensemble des lits de l’éta-
blissement, réservent les salles d’opé-
ration et planifient les actes médico-
techniques.
Un cadre financier à rénover
Le cadre financier actuel, reposant sur
un
dispositif
tarifaire
complexe
(mixant une dotation fixe, une rému-
nération au passage et des recettes
complémentaires), apparaît à la fois
inciter à l’activité et être défavorable
aux
coopérations
inter-établisse-
ments.
La rénovation de ce cadre tarifaire a
été entreprise de façon tardive malgré
l’ancienneté du constat de ses limites.
Elle suppose d’améliorer très sensible-
ment la connaissance du coût de ces
services, alors qu’aucune vision conso-
lidée des montants que l’assurance
maladie affecte à leur financement
n’est disponible.
Mieux articuler l’hôpital et la méde-
cine de ville
La mobilisation de moyens supplé-
mentaires ne peut suffire à résoudre
les difficultés d’un dispositif resté trop
centré sur l’hôpital. Un passage sur
cinq n’a pas, en effet, nécessité d’autre
acte qu’une consultation, ce qui repré-
sente plus de 3,5 millions de « pas-
sages évitables ». Ce flux doit pouvoir
être réorienté vers la médecine ambu-
latoire.
La réorientation vers les soins de ville
de ces cas le plus souvent sans gravité
pourrait être une source de moindre
50
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les urgences hospitalières : une fréquentation
croissante, une articulation avec la médecine
de ville à repenser
dépense pour l’assurance maladie,
estimée
à
500
M€
d’économies
annuelles.
Cela suppose qu’il soit remédié aux
multiples fragilités du dispositif de
permanence des soins et qu’une meil-
leure articulation soit trouvée entre
les deux types d’intervention.
À cet égard, le rôle des maisons pluri-
professionnelles de santé mériterait
d’être conforté par l’adossement des
plus importantes à un petit plateau
technique ; la place des maisons médi-
cales de garde comme alternative aux
urgences pendant les heures de la
permanence des soins devrait égale-
ment être consolidée.
51
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
59. généraliser les nouveaux modes
d’organisation interne des urgences
qui ont fait preuve de leur efficacité
(notamment circuits courts, mise en
place de gestionnaires de lits, admis-
sions directes en gériatrie) ;
60. faire évoluer la tarification en
vue
d’améliorer
l’efficience
des
urgences, sur la base, notamment, de
comparaisons des coûts de prise en
charge à l’hôpital et en ville des
patients nécessitant une simple
consultation
(recommandation
réitérée) ;
61. mesurer et analyser les « pas-
sages évitables » aux urgences de
patients dont la prise en charge
aurait pu être assurée en ville ;
62. renforcer la permanence des
soins ambulatoires par le développe-
ment des maisons médicales de
garde ;
63.
développer la prise en charge en
ville des soins non programmés, dans
le cadre notamment de maisons de
santé pluri-professionnelles dotées
d’un plateau technique léger.
L’assurance maternité, une place à
clarifier
L’assurance maternité octroie à ses
bénéficiaires une protection étendue.
Mais il s’agit d’un dispositif de prise en
charge à la fois mal cerné et non
piloté.
Les dépenses qu’elle génère progres-
sent à un rythme soutenu, sans lien
avec la démographie, pour des résul-
tats de santé publique qui ne sont pas
à la hauteur de l’effort financier
consenti (7,3 Md€ en 2013).
Tenir compte de la nature particulière
de la maternité et de la protection
nécessaire de la grossesse et de l’en-
fant à naître n’interdit pas de recher-
cher une plus grande efficience du dis-
positif.
Une protection étendue pendant
toute la grossesse
L’assurance maternité assure la prise
en charge à 100 % de l’ensemble des
soins médicaux pendant la majeure
partie de la grossesse, l’accouche-
ment et ses suites. Cette prise en
charge des futures mères s’applique
aux examens obligatoires durant
toute la grossesse et à l’ensemble des
soins reçus par les futures mères,
qu’ils soient liés ou non à leur état,
quelle qu’en soit la cause, du sixième
mois de leur grossesse au 12ème jour
qui suit l’accouchement.
Elle compense aussi, totalement ou
partiellement, la perte de revenus
induite par le congé maternité, sous la
forme de prestations en espèces qui
ont été progressivement étendues à
d’autres catégories que les seules
salariées du régime général.
L’assurance maternité apporte ainsi la
protection la plus complète au sein du
système de santé français. Par rapport
à une prise en charge au titre de l’as-
surance maladie, l’amélioration de la
couverture procurée par l’assurance
maternité représente une dépense
supplémentaire, tous régimes confon-
dus, qui peut être évaluée à 1,5 Md€.
Une dépense dynamique mais une
stagnation des indicateurs de santé
publique
La dépense d’assurance maternité a
été multipliée par 2,5 depuis 1990. La
natalité, dont la progression est beau-
coup plus faible, n’explique pas cette
augmentation sur le moyen terme.
Elle résulte de la hausse des indemni-
tés journalières, qui ne sont pas régu-
lées au sein de l’ONDAM, et qui
connaissent une progression plus
dynamique que celles versées au titre
de l’assurance maladie.
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
53
L’assurance maternité, une place à clarifier
Cette augmentation provient aussi en
partie
du
poids
croissant
des
dépenses de soins de ville et notam-
ment des honoraires des professions
de santé. Les remboursements au titre
des honoraires des médecins spécia-
listes
6
connaissent une légère décrue
mais ce n’est pas le cas de ceux des
sages-femmes, passés de 75 M€ en
2005 à 176 M€ en 2013 en raison
d’une
multiplication
du
nombre
d’actes remboursés, d’une revalorisa-
tion tarifaire et d’une augmentation
rapide des effectifs des sages-femmes
installées en libéral.
Malgré la hausse importante des
dépenses de maternité depuis 15 ans
l’état de santé des mères et de leurs
enfants ne s’est pas amélioré signifi-
cativement et les résultats de la
France en matière de périnatalité sont
restés moins bons que dans d’autres
pays.
Une durée moyenne de séjour aty-
pique
La durée moyenne de séjour (DMS)
pour un accouchement normal reste
en
France
supérieure
d’un
tiers
(4,2 jours) à celle des autres pays de
l’OCDE (3 jours).
L’assurance maladie ne tire aucun
bénéfice des éventuelles réductions
de DMS puisque la tarification d’un
séjour est identique qu’il ait duré deux
jours ou sept jours.
La CNAMTS a néanmoins développé
un programme d’accompagnement
du retour au domicile (PRADO) qui a
concerné 130 000 femmes en 2013.
En contrepartie d’une sortie anticipée
de la maternité, la mère et l’enfant
sont visités à domicile. La première
visite a normalement lieu dans les 48h
suivant la sortie de maternité (et au
plus tard dans la semaine) et la
deuxième visite est recommandée et
planifiée selon l’appréciation de la
sage-femme assurant le suivi.
Ce dispositif, récent, n’a pour l’instant
eu que peu d’effet sur la diminution
de la durée du séjour. 95 % des bénéfi-
ciaires sont en effet rentrées chez
elles
le
jour
initialement
prévu.
L’économie que pourrait générer le
PRADO est en outre, à ce stade, vir-
tuelle. Seule une plus grande dégressi-
vité du financement du séjour pour
accouchement pourrait compenser
les coûts engagés dans le dispositif.
Des clarifications indispensables
Le périmètre des prestations d’assu-
rance maternité n’est pas d’une com-
plète cohérence : ainsi, si l’hospitalisa-
tion de la mère est prise en charge par
la maternité, le séjour du nouveau-né
est pris en charge par la maladie. Le
congé paternité relève de la branche
famille. L’ONDAM, n’inclut finalement
que la moitié des dépenses de mater-
nité.
54
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
______________________
6 Gynécologues-obstétriciens et anesthésistes dont les dépassements d’honoraires, fréquents et importants,
continuent de peser sur les patientes et non sur l’assurance maternité.
L’assurance maternité, une place à clarifier
55
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les conditions d’organisation des
soins et la pertinence de l’allocation
actuelle des ressources de l’assurance
maternité sont trop peu interrogées.
Certaines prises en charge au long de
la grossesse doivent en particulier
être évaluées, comme les séances de
préparation à l’accouchement, dont
l’utilité n’est pas démontrée selon la
Haute autorité de santé.
Pour améliorer le suivi des femmes et
des nouveau-nés tout en maîtrisant
les coûts, l’équilibre global entre le
dispositif de préparation prénatal et le
renforcement du suivi post-natal
mérite ainsi d’être réexaminé. Dans
cette perspective l’activité des sages-
femmes pourrait être réorientée vers
ce suivi post-natal.
Plus généralement, aucune étude ne
permet d’apprécier l’évolution de l’ef-
ficience du dispositif de soins alors
même que le secteur des maternités a
connu une restructuration massive
sur la dernière décennie.
Le maintien des garanties que procure
l’assurance maladie n’est pas incom-
patible avec un véritable pilotage de
la dépense afin de mieux cibler le suivi
des futures mères et de réaliser les
gains d’efficience
Recommandations
64. intégrer les indemnités journa-
lières maternité dans l’ONDAM ;
65.
redéfinir la place et le périmètre
de l’assurance maternité, soit par
intégration à garanties inchangées
au sein du risque maladie, soit par
constitution à côté de l’assurance
maladie d’une assurance maternité
plus cohérente, plus complète et plus
fermement pilotée ;
66. dans
les
établissements
de
santé, accélérer la diminution de la
durée moyenne de séjour pour la
faire converger avec celle constatée
à l’étranger et redéfinir en consé-
quence les modalités de tarification
de l’accouchement et de la naissance
pour faire bénéficier l’assurance
maladie des économies en résultant ;
67. conditionner
à
cette
fin
le
déploiement du programme PRADO
à l’identification précise des écono-
mies qui pourront être dégagées ;
68. modifier la nomenclature des
actes
professionnels
des
sages-
femmes libérales pour réorienter, à
enveloppe constante, leur activité
vers des actes à plus forte responsa-
bilité, notamment le suivi post-natal
(recommandation réitérée).
Les dépenses de personnel médical et
non-médical des hôpitaux :
une maîtrise précaire
Employant plus d’un million de per-
sonnes dont 100 000 médecins, le sec-
teur hospitalier public représente
17 % de l’emploi public en France. Les
dépenses de personnel qui s’élèvent
en 2012 à 41,7 Md€ sont la première
charge des établissements publics de
santé (57 % des dépenses de l’assu-
rance maladie pour les établisse-
ments).
Un ralentissement fragile de la
dépense de personnel
La dépense de personnel des hôpitaux
publics, sur la période 2007-2012, a
progressé en euros constants de
+0,6 % par an soit +2,3 % en euros
courants.
Ces
dépenses
de
personnel,
qui
constituent 64 % de la dépense des
établissements, ont progressé moins
rapidement que les autres charges de
gestion, ce qui a contribué au respect
de l’ONDAM.
Un contexte favorable
Des éléments conjoncturels expli-
quent cette situation, tels que le gel
du point d’indice de la fonction
publique ou les départs à la retraite
d’agents mieux rémunérés que les
nouveaux recrutés (GVT négatif). Mais
les parts respectives de ces différents
facteurs sont mal connues.
Sur la période 2007-2012, la hausse a
été plus soutenue pour le personnel
médical (+2 % en euros constants)
que non-médical (+0,1 %) et dans les
centres
hospitaliers
universitaires
(CHU) que dans les centres hospita-
liers. Elle est également plus impor-
tante pour les dépenses liées au per-
sonnel
contractuel
non
médical
(+4,8 %) et médical (+3,4 %).
L’année 2013 a connu une nouvelle
accélération de la dépense (+2,8 % en
euros courants) liée à un apurement
partiel des heures comptabilisées au
titre des comptes épargne-temps des
personnels, dont le montant total
n’est pas connu avec précision, mais
qui dépasse sensiblement les 3,6 mil-
lions de jours dénombrés en 2007,
malgré le plan d’apurement alors
intervenu, sans qu’il soit assuré que
les provisions constituées à hauteur
d’1 Md€ en 2012 soient suffisantes. À
joué par ailleurs l’augmentation des
cotisations retraite employeurs.
Des effectifs en croissance
Les effectifs se sont globalement
accrus entre 2007 et 2012 (+3,1 % par
an en moyenne) sous l’effet de la
hausse du nombre des personnels
médicaux (+3,2 %), alors que celle des
personnels non-médicaux, très majo-
ritaires, s’est ralentie (+1,0 %).
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
57
Les dépenses de personnel médical et non-
médical des hôpitaux : une maîtrise précaire
Cette progression des effectifs a été
soutenue par la hausse de l’activité,
notamment en médecine-chirurgie-
obstétrique (+2,7 %).
La productivité globale des person-
nels médicaux hospitaliers apparaît
stable, y compris si l’on prend en
considération l’alourdissement des
cas traités. Des gains de productivité
sont dégagés par les personnels non-
médicaux. Une externalisation des
fonctions logistiques moins dévelop-
pée que dans le secteur lucratif sug-
gère des marges de progression
potentiellement importantes.
Des facteurs de dépenses persistants
Les mesures statutaires, comme le
reclassement des infirmiers en caté-
gorie A, ou nationales, telle la récente
revalorisation des agents de catégo-
ries
C
s’imposent
aux
hôpitaux
publics.
Les rémunérations plus attractives du
secteur lucratif ou les conditions
d’exercice réputées plus exigeantes
dans le secteur public peuvent nourrir
localement une concurrence entre
établissements.
Même si le nombre et la nature des
vacances de poste ou l’évolution de la
démographie médicale souffrent d’un
déficit de suivi, des tensions existent
sur le recrutement de certains person-
nels (en particulier, les anesthésistes
et les radiologues).
Les chambres régionales des comptes
ont relevé des pratiques qui contri-
buent à faire progresser la masse sala-
riale des hôpitaux : majorations irré-
gulières, pratiques généreuses de
l’avancement, durées effectives de
travail inférieures à la durée légale.
Enfin, les réorganisations hospita-
lières, restées trop timides, notam-
ment en chirurgie, contribuent au
maintien d’établissements ou de ser-
vices à faible activité et peu attractifs,
conduisant à mettre en place des
solutions coûteuses (intérim), en rai-
son de difficultés de recrutement.
Les leviers pour une maîtrise accrue
de la dépense
Un pilotage plus ferme
Le pilotage de la masse salariale hos-
pitalière par les pouvoirs publics est
assuré de manière indirecte par le seul
cadrage des recettes, à travers le vote
global de l’ONDAM. La régulation des
dépenses et des effectifs relève des
hôpitaux eux-mêmes.
Au niveau national, les tutelles cer-
nent mal les déterminants de la
masse salariale (départs en retraite et
GVT négatif) et ne peuvent anticiper
son évolution.
Au niveau régional, les agences régio-
nales de santé (ARS) disposent de
compétences budgétaires limitées
pour réguler les dépenses de person-
nel. En revanche, leur large champ
d’intervention
sur
les
ressources
médicales des hôpitaux leur donne
davantage de moyens de régulation.
Une action plus énergique de recom-
58
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les dépenses de personnel médical et non-
médical des hôpitaux : une maîtrise précaire
position de l’offre de soins constitue le
complément, indispensable à l’optimi-
sation de la gestion des ressources
humaines hospitalières.
Des établissements plus efficients
Les établissements de santé doivent
accroître l’efficience de leurs organi-
sations internes pour maîtriser la
masse salariale et améliorer le service
rendu aux patients. À titre d’exemple,
la synchronisation des temps de tra-
vail, la diffusion de la gestion prévi-
sionnelle des emplois et des compé-
tences ou la lutte contre l’absen-
téisme, notamment pour les métiers à
forte
pénibilité,
constituent
des
marges de manœuvres à mobiliser.
Enfin, afin de rendre la carrière hospi-
talière plus attractive pour les prati-
ciens impliqués pleinement dans l’ac-
tivité de leur établissement et résor-
ber progressivement certains écarts
de productivité, la part modulable et
non supplémentaire de rémunération
à la performance des médecins est à
développer. Elle pourrait concerner
jusqu’à 30 % de la rémunération glo-
bale.
Recommandations
69.
se doter des outils nécessaires à
un suivi précis et régulier de l’évolu-
tion de la masse salariale et de ses
déterminants et en particulier des
effectifs médicaux et non médicaux,
appuyé sur une connaissance précise
des
données
et
projections
démographiques ;
70.
identifier en annexe au projet de
loi de financement de la sécurité
sociale les conséquences sur l’objec-
tif de maîtrise des dépenses d’assu-
rance maladie de toute décision
impactant les dépenses de personnel
des hôpitaux publics ;
71.
élaborer un programme national
d’efficience destiné à optimiser l’or-
ganisation et la gestion des effectifs
et des temps de travail, incluant un
objectif pluriannuel d’économies et
s’appuyant sur un dispositif d’accom-
pagnement des établissements ;
72. inciter les hôpitaux à la renégo-
ciation des accords locaux sur le
temps de travail pour mettre en
conformité la durée effective du
temps de travail avec la durée
légale ;
73. donner instruction aux agences
régionales de santé d’exercer un rôle
beaucoup plus actif en matière de
suivi et de régulation des dépenses
de personnel des hôpitaux de leur
ressort, en utilisant à cette fin l’en-
semble des leviers juridiques et
financiers dont elles disposent et en
intensifiant les restructurations por-
teuses
de
réels
gains
de
productivité ;
74. mettre en œuvre une modula-
tion, neutre sur le plan budgétaire,
des rémunérations des médecins en
fonction de la performance.
59
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
61
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les dépenses de personnel des
cliniques privées : une charge pour
l’assurance maladie à mieux connaître
Les modes de gestion des personnels
en cliniques sont très divers, ce qui
rend la connaissance et le suivi de
cette dépense difficile. Aucune ana-
lyse n’est aujourd’hui faite de manière
complète sur les facteurs d’évolution
de cette dépense. Les compétences de
la Cour sur ces établissements sont
actuellement limitées.
Une dépense connue de manière
insuffisamment précise
Les statistiques nationales dénom-
brent 200 000 personnes environ tra-
vaillant en cliniques, dont 160 000
salariées et 40 000 médecins libéraux
pour 2012. Cependant ce décompte
ne permet qu’une approche partielle
des effectifs, du fait notamment de
l’organisation juridique des cliniques,
qui juxtaposent des entités diverses,
et de la pluralité des statuts des per-
sonnes qui, dans leur enceinte, sont au
contact des patients.
Les personnels salariés des cliniques
sont très majoritairement non médi-
caux et représentent une masse sala-
riale de 6 Md€. 77 % d’entre eux sont
des personnels soignants, dont une
moitié d’infirmiers. Le recours de la
plupart des cliniques à la sous-trai-
tance pour assurer les fonctions logis-
tiques diminue les effectifs directe-
ment salariés par les établissements.
Selon une étude spécifique réalisée
par la CNAMTS à la demande de la
Cour, l’assurance maladie a pris en
charge sous forme d’honoraires un
montant estimé pour 2012 à 3,9 Md€
au titre de la rémunération des méde-
cins libéraux pour leur activité en cli-
niques. Ces derniers ont facturé par
ailleurs des dépassements d’hono-
raires estimés à 800 M€.
Des comparaisons délicates avec le
secteur public hospitalier
La masse salariale des cliniques pri-
vées apparaît en progression plus
rapide entre 2007 et 2012 (+1,9 % par
an en moyenne en euros constants)
que dans le secteur hospitalier public
(+0,6 %), malgré l’évolution modérée
sur cette période de la valeur du point
de la convention collective.
Aucune étude nationale récente n’a
procédé à une analyse de l’évolution
du coût global du travail et de ses
composantes (salaires, charges et
structure d’emplois) dans le secteur
lucratif, ni n’a actualisé les comparai-
sons avec le secteur public. Les don-
nées de terrain font également défaut
car l’obligation législative de trans-
mission des comptes des cliniques aux
agences régionales de santé (ARS)
n’est pas appliquée.
Les dépenses de personnel des cliniques
privées : une charge pour l’assurance
maladie à mieux connaître
62
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
La comparaison intersectorielle est
certes délicate et elle devrait au
moins, pour être pertinente, prendre
en compte l’organisation des cliniques
en différentes entités et la prédomi-
nance de l’exercice libéral. Elle présen-
terait pourtant de l’intérêt, notam-
ment sur la mobilité intersectorielle
des personnels.
Une dépense à mieux isoler au sein
de l’ONDAM
Les dépenses de personnel des cli-
niques privées prises en charge par
l’assurance maladie peuvent être esti-
mées à 10 Md€. Il n’y en a pas d’appré-
hension globale ni de suivi de leurs
composantes de la part des pouvoirs
publics. Elles sont actuellement écla-
tées entre plusieurs sous-objectifs de
l’ONDAM, selon qu’il s’agit de person-
nel salarié ou d’exercice libéral.
Cet éclatement empêche le traite-
ment adapté d’un fort enjeu financier.
Il
reflète
une
conception
selon
laquelle les charges des cliniques sont
une affaire de gestion purement
interne, en contradiction avec l’impor-
tance des montants en jeu pour l’assu-
rance maladie.
Recommandations
75. accompagner la création d’un
seul sous-objectif « ONDAM hospi-
talier » au sein de l’objectif national
de dépenses d’assurance maladie
d’une information plus complète et
plus détaillée en annexe au projet de
loi de financement de la sécurité
sociale sur les différentes compo-
santes de la dépense de personnel
des cliniques privées, y compris les
honoraires (à tarifs opposables et
dépassements) perçus par les pro-
fessionnels libéraux pour leur acti-
vité en cliniques ;
76. adapter en conséquence les dis-
positifs de suivi et d’analyse de ces
dépenses ;
77. développer sur des champs perti-
nents et selon une méthodologie
rigoureuse les comparaisons entre
hospitalisation publique et hospitali-
sation privée à but lucratif ;
78. publier le décret d’application de
l’article L. 6111-3 du code de la
santé publique pour rendre effective
l’obligation de transmission par les
cliniques de leurs comptes aux
agences régionales de santé.
63
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Relevant du régime social des indé-
pendants (RSI), les retraites des arti-
sans et des commerçants (2,1 millions
de cotisants et 2 millions de pension-
nés) représentent 6,4 Md€ de cotisa-
tions et 8,8 Md€ de prestations en
2013. Alors que les régimes complé-
mentaires des artisans et commer-
çants sont unifiés depuis 2013, deux
régimes de base distincts subsistent.
Les régimes de base : des perspec-
tives financières très dégradées
Les régimes de retraites des artisans
et des commerçants connaîtront à
moyen et long terme une dégradation
continue de leur ratio démogra-
phique, c’est-à-dire du nombre de
retraités rapporté au nombre de coti-
sants. De ce fait, le déficit structurel
des régimes devrait fortement se
creuser. Il pourrait s’élever d’environ
-3 Md€ actuellement à -4 Md€ en
2030 puis à -7,6 Md€ en 2060.
Actuellement, ce déficit est « mas-
qué » par la structure de financement
de la branche vieillesse du RSI, qui fait
une large part (45 %) aux ressources
non-contributives
La suppression de la contribution
sociale de solidarité (C3S), qui consti-
tue la ressource actuelle d’équilibrage
du RSI, et le principe de l’intégration
financière au régime général, actés
dans la loi de financement rectifica-
tive pour 2014, comportent le risque
de voir se reporter l’effort d’équili-
brage nécessaire sur les affiliés au
régime général ou sur la dette sociale.
Un effort contributif à aligner sur
celui des travailleurs salariés
Depuis l’alignement avec le régime
général amorcé en 1993, les droits des
affiliés du RSI ont progressivement
convergé avec ceux des salariés du
privé, laissant subsister peu de diffé-
rences dans les conditions d’âge et de
calcul des droits.
À droits équivalents, l’effort contribu-
tif des indépendants demeure cepen-
dant inférieur à celui des travailleurs
salariés. Si les taux de cotisations
cumulés sont proches entre les deux
régimes, les taux imposés à l’assiette
déplafonnée (au-delà du plafond de la
sécurité sociale) pour les indépen-
dants reste très inférieurs à ceux du
régime général.
Les cotisations sont en outre assises
sur des revenus plus fréquemment
sous-déclarés que pour les travailleurs
Les retraites des artisans et des com-
merçants : une soutenabilité menacée,
un poids croissant pour la collectivité
nationale
Les retraites des artisans et des commerçants :
une soutenabilité menacée, un poids
croissant pour la collectivité nationale
64
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
salariés. Le nécessaire renforcement
de l’effort contributif des artisans et
commerçants est donc indissociable
d’une véritable politique de lutte
contre la fraude aujourd’hui quasi-
inexistante au RSI.
Un régime complémentaire aux pers-
pectives plus favorables
La fusion des régimes complémen-
taires au sein du régime complémen-
taire des indépendants (RCI) apparaît
comme un succès. Celui-ci a permis
d’améliorer l’équité entre artisans et
commerçants tout en maintenant des
perspectives financières favorables.
Ce régime provisionné, c’est-à-dire qui
constitue des réserves pour le finan-
cement
des
prestations
futures,
devrait rester excédentaire jusqu’en
2031. Un audit externe de la gestion
de ces réserves financières serait utile.
La gestion technique : d’importantes
marges de progrès
Le RSI a connu de graves difficultés de
gestion avec la mise en place de l’in-
terlocuteur social unique (ISU), c’est-
à-dire le guichet unique confié aux
URSSAF pour le recouvrement des
cotisations. Le RSI a depuis procédé à
des opérations de rattrapage pour
s’assurer que l’ensemble des droits
liés à la carrière des assurés étaient
bien reconnus en contrepartie de l’en-
semble des cotisations perçues.
Toutefois, le respect des délais de
paiement réglementaires s’est effon-
dré à près de 50 % pour les pensions
directes avec la mise en place d’une
application unique de liquidation. La
mise en place de la liquidation unique
avec d’autres régimes, prévue en
2017, devra faire l’objet d’une vigi-
lance attentive avec l’appui des
tutelles.
Les retraites des artisans et des commerçants :
une soutenabilité menacée, un poids
croissant pour la collectivité nationale
65
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
79. renforcer l’effort contributif des
cotisants, notamment par l’aligne-
ment progressif du taux de la cotisa-
tion déplafonnée sur celui des sala-
riés ;
80. éviter le risque d’un sous-finan-
cement chronique de la dotation
d’équilibre
de
la
CNAVTS
aux
régimes de retraite des commer-
çants et artisans dans le contexte de
la suppression de la C3S en compen-
sant cette charge par des recettes à
même de répondre à l’accroisse-
ment tendanciel de leur déficit ;
81.
anticiper
suffisamment
les
modalités de mise en œuvre de la
liquidation unique pour éviter toute
difficulté à l’échéance fixée du
1
er
janvier 2017 et, en cas de risque,
décaler cette dernière ;
82 procéder à cette occasion à la
fusion des régimes de retraite de
base des commerçants et des arti-
sans ;
83. faire procéder, dans le cadre de la
préparation de la prochaine conven-
tion d’objectifs et de gestion, à un
audit externe des modalités de ges-
tion des réserves financières du
régime complémentaire.
67
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Créé en 2006, le régime social des
indépendants (RSI) regroupe les trois
réseaux qui jusque-là géraient la pro-
tection sociale des indépendants
(AVA, CANAM et ORGANIC).
Il emploie 6 000 agents et a versé, en
2013, 18 Md€ de prestations à 6 mil-
lions de bénéficiaires
Après avoir examiné en 2012 la très
difficile réforme du recouvrement des
cotisations des indépendants avec
l’instauration en 2008 d’un interlocu-
teur social unique (ISU), la Cour a exa-
miné, avec le concours de la mission
nationale de contrôle et d’audit des
organismes de sécurité sociale ratta-
chée à la direction de la sécurité
sociale, la fusion des trois réseaux pré-
cédents et les gains d’efficience obte-
nus.
Une fusion sans dynamique de
réduction des coûts
La réorganisation administrative du
réseau s’est faite dès le 1er juillet
2006 avec la mise en place d’une
caisse nationale et une diminution des
deux tiers du nombre des caisses
locales : 30 contre 92 précédemment
Pour autant la taille des nouvelles
caisses demeure peu importante.
L’effectif moyen est inférieur à 120
ETP et le nombre de cotisants infé-
rieur à 100 000 assurés. La caisse la
plus importante du RSI liquide moins
de 4 800 pensions de retraite par an,
soit quatre fois moins que la plus
petite caisse du régime général.
La plupart des caisses n’atteignent
pas une taille critique qui permettrait
d’assurer leurs missions dans de
bonnes conditions et d’optimiser leurs
fonctions support qui n’ont pas décru
comme prévu.
Un grand nombre des implantations
départementales a été maintenu en
raison notamment du choix initial de
ne pas imposer de mobilités géogra-
phiques aux agents. Le tiers des
caisses comprend ainsi des implanta-
tions infrarégionales de moins de 10
salariés.
À ce jour, les mutualisations sont peu
nombreuses bien qu’elles aient été
annoncées comme un enjeu de la
convention d’objectifs et de gestion
(COG) 2012-2015. En particulier, l’ac-
cueil téléphonique a bien été réorga-
nisé au sein de six groupements
mutualisés. Toutefois, ni le délai d’at-
tente, ni la qualité de réponse ne sont
encore mesurés.
Le réseau du régime social des
indépendants : une réorganisation
à achever
Le réseau du régime social des
indépendants : une réorganisation à achever
68
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Des gains d’efficience en décalage
avec les autres régimes
La 1ère COG du RSI sur la période
2007-2011
avait
prévu
que
les
dépenses de gestion administrative
devaient baisser de 12,5 % en 5 ans
par rapport à la situation avant la
fusion. Mais la crise de l’ISU et la pru-
dence de la COG 2012-2015 ont signi-
ficativement réduit les ambitions ini-
tiales.
Les effectifs du RSI sont restés stables
de 2006 à 2013, en décalage avec les
autres régimes. Les dépenses de per-
sonnel ont progressé de plus de 18 %,
en particulier sous l’effet de mesures
catégorielles décidées dans le cadre
de la fusion (30 M€). Les coûts immo-
biliers restent à ce stade importants
et les restructurations immobilières
ne sont pas encore achevées.
Au total, les dépenses de gestion
administrative ont progressé de près
de 10 % de 2006 à 2013 et de 17,3 %
hors remise de gestion aux orga-
nismes conventionnés, malgré une
stabilisation en 2013. En consé-
quence, le coût de gestion par agent
est significativement plus élevé dans
le RSI que dans les autres régimes de
sécurité sociale.
La nécessité d’une impulsion nou-
velle dans la prochaine COG
Sept ans après la mise en œuvre très
difficile de l’ISU et les premiers résul-
tats obtenus dans l’amélioration de la
qualité du recouvrement, la prochaine
COG de 2016 constitue un enjeu
majeur pour restaurer complètement
la qualité de service, diminuer signifi-
cativement les coûts de gestion et
préparer les réformes qui vont avoir
des répercussions profondes sur le
régime des indépendants, comme la
liquidation unique des pensions de
retraite et la suppression de la C3S en
trois ans.
Ces évolutions doivent être replacées
dans une recherche de gains de pro-
ductivité, notamment en renforçant la
gestion centralisée des affiliations, en
confortant une gestion mutualisée du
contentieux et en réexaminant à
terme le mode de gestion des profes-
sions libérales.
La démarche de reconfiguration du
réseau engagée à l’initiative de la
caisse nationale fin 2013 devrait être
amplifiée pour relever la taille mini-
male des caisses et fixer des objectifs
chiffrés de gains d’efficience, en facili-
tant la mobilité des agents.
Le réseau du régime social des
indépendants : une réorganisation à achever
69
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
84. développer les mutualisations
entre caisses par la centralisation
accrue de l’affiliation, le maintien de
services contentieux partagés et la
reconsidération du mode de ratta-
chement des professions libérales ;
85. réorganiser significativement le
réseau des caisses pour renforcer
sensiblement la qualité du service
aux assurés et diminuer les coûts de
gestion ;
86. accompagner les regroupements
à venir en facilitant la mobilité des
personnels.
70
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
71
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
En 2013, 1 Md€ de cotisations sociales
ont été recouvrées en Corse, par
l’URSSAF de Corse, la caisse de la
Mutualité sociale agricole (MSA) et
celle du régime social des indépen-
dants (RSI).
Un recouvrement des cotisations
très dégradé
Le stock de cotisations restant à
recouvrer atteignait 266 M€ en fin
d’année 2013. Il représente 15,6 mois
pour la MSA (82 M€), 9,2 mois pour le
RSI (77 M€) et 1,6 mois de cotisations
appelées pour l’URSSAF (108 M€).
Les paiements spontanés demeurent
plus faible en Corse qu’en France
métropolitaine, en particulier pour les
indépendants (-7,8 %) et le secteur
agricole (-16,9 %). Au RSI et à la MSA,
les déclarations de revenus s’avèrent
tardives, ce qui perturbe le recouvre-
ment.
Il s’ensuit des taux de restes-à-recou-
vrer à 15 mois importants. En 2013,
ceux-ci s’élèvent à 28 M€ pour le
régime général (3,4 % contre 0,9 % en
France métropolitaine) et 27 M€ pour
le RSI (26,9 % contre 22,8 %). Les taux
de recouvrement sont systématique-
ment plus bas que ceux des cinq orga-
nismes les moins performants au sein
des réseaux (régime général, régime
agricole, régime des indépendants).
Enfin, les stocks de créances sont plus
élevés en Corse que sur le continent,
en dépit de plans réguliers d’admis-
sion en non-valeur ou d’apurement
(MSA).
Les différences constatées ne peuvent
s’expliquer
entièrement
par
le
contexte économique ou la structure
des entreprises corses. Elles tradui-
sent une forme d’érosion du consente-
ment à payer à laquelle malgré cer-
tains progrès récents les organismes
chargés du recouvrement peinent à
répondre.
Une organisation inefficiente
Joue à cet égard la faible dimension
des organismes chargés du recouvre-
ment, qui sont les plus petits orga-
nismes de leur réseau respectif (125
agents pour la caisse de MSA, 77 pour
l’URSSAF et 46 pour la caisse du RSI).
Cette taille réduite rend complexe
l’acquisition de compétences expertes
ou spécialisées. Pour y faire face, ces
caisses n’ont d’autres choix que de
renforcer substantiellement (URS-
SAF) ou développer (MSI ou RSA)
toutes les formes de coopérations
Le recouvrement des cotisations
sociales en Corse : une crédibilité à
établir
Le recouvrement des cotisations sociales en
Corse : une crédibilité à établir
72
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
(mutualisations, unions de moyens,
spécialisations croisées…).
Des actions de recouvrement insuffi-
santes
S’agissant du recouvrement amiable,
l’URSSAF de Corse privilégie les pro-
cédures d’accompagnement des débi-
teurs, avec une efficacité supérieure à
la
moyenne
nationale
quoiqu’en
inflexion récente. En revanche, la
caisse locale du RSI sous-utilise les
procédures de recouvrement amiable,
tandis que la MSA n’applique pas les
directives nationales, ce qui contribue
à la faiblesse des résultats de recou-
vrement.
En matière de recouvrement conten-
tieux, l’ensemble des procédures dis-
ponibles reste sous-utilisé. Au RSI et à
la MSA notamment, les saisies-attri-
butions ont connu un récent regain,
accéléré par le passage à la prescrip-
tion quinquennale, mais le recours à
cette pratique pourtant légitime pour
rétablir l’efficacité du recouvrement
reste en-deçà de leur obligation de
moyens.
Au vu des résultats obtenus pour la
fonction contentieuse, il paraît oppor-
tun de s’interroger sur de plus
grandes mutualisations avec les orga-
nismes du continent, qui peuvent
prendre la forme de délégations croi-
sées.
La dette sociale agricole : un retour
nécessaire au droit commun
La dette sociale de la MSA en Corse a
connu trois plans d’apurement suc-
cessifs en 2001, en 2002-2003 et en
2005.
Ces plans d’apurement répétés consti-
tuent un signal négatif à l’égard des
redevables. Outre qu’ils ont constitué
un effet d’aubaine
pour certains mauvais payeurs, ils ont
été inefficaces : 76,3 % de cette dette
sociale reste à recouvrer à ce jour
auprès de débiteurs qui n’ont bénéfi-
cié d’aucune mesure d’apurement. Par
ailleurs, les créances des plus gros
débiteurs continuent à constituer le
stock le plus important de cette dette.
La crédibilité du recouvrement social
en Corse nécessite non seulement la
mise en œuvre rigoureuse des procé-
dures par les organismes collecteurs,
mais aussi un engagement ferme et
constant des pouvoirs publics pour
soutenir ces démarches, notamment
contentieuses.
Le recouvrement des cotisations sociales en
Corse : une crédibilité à établir
73
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Recommandations
87. systématiser les coopérations
entre les caisses insulaires et les
organismes
continentaux
pour
mieux professionnaliser les activités
de recouvrement des cotisations ;
88. restaurer le droit commun des
cotisations sociales en Corse en met-
tant en œuvre avec détermination
l’ensemble des voies de recouvre-
ment forcé et en évitant tout nou-
veau plan de « désendettement
social ».
75
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
Les 2 324 agents de direction (ADD)
en fonction en 2013 dans les orga-
nismes de sécurité sociale sont des
salariés de droit privé bien que leur
recrutement et leur carrière soient
régis par le code de la sécurité sociale.
Alors que leur rôle doit être majeur
dans la modernisation et l’efficience
des organismes de sécurité sociale, les
modalités de leur propre gestion ont
peu évolué et n’apparaissent pas tou-
jours adaptées à ces exigences.
Des effectifs ajustés de façon tardive
et limitée aux évolutions des réseaux
Les effectifs d’agents de direction ont
augmenté de façon continue jusqu’en
2006, alors même que le nombre de
caisses diminuait depuis le début des
années 2000 sous l’effet des restruc-
turations des réseaux. La diminution
des effectifs a été plus nette au niveau
local que national, même si elle a été
encadrée par des accords convention-
nels protecteurs interdisant notam-
ment toute mobilité géographique ou
fonctionnelle imposée. Elle a été
moins significative dans le régime
général que dans les autres et a été
surtout réalisée grâce aux départs en
retraite. Les ratios d’encadrement
sont inégaux entre réseaux et entre
organismes d’un même réseau. Des
conséquences devront en être tirées
dans les flux de recrutements à fixer
pour l’avenir.
Une
gestion
des
parcours
à
construire
La définition d’une politique d’ensem-
ble de recrutement, de formation et
de définition des parcours profession-
nels, adaptée aux contraintes et aux
choix stratégiques des organismes,
demeure encore très largement à
construire.
Les mobilités, entre branches et sur-
tout entre régimes et à l’extérieur de
la sécurité sociale, sont rares et peu
valorisées pour ceux qui les entre-
prennent. Les carrières des ADD conti-
nuent d’être insuffisamment transver-
sales, faute notamment d’un centre
de gestion des ressources dirigeantes.
Une fonction d’employeur éclatée
En dépit d’un renforcement de l’auto-
rité des caisses nationales, les pou-
voirs relatifs à l’individualisation des
rémunérations, à la nomination des
La gestion des personnels de direction
des organismes de sécurité sociale :
une stratégie à construire
La gestion des personnels de
direction des organismes de sécurité sociale :
une stratégie à construire
76
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
cadres dirigeants
(8)
et à la cessation
de leurs fonctions restent encore dis-
persés entre différentes autorités,
affaiblissant l’effectivité de leur ges-
tion.
L’attribution des éléments la rémuné-
ration relatifs à la compétence et à la
performance est peu transparente et
les caisses nationales n’en ont qu’une
visibilité limitée. La Cour a du reste
relevé des irrégularités ou des non
conformités à la convention collec-
tive.
Si la nomination des cadres dirigeants
échoit en principe aux directeurs des
caisses nationales, les conseils d’admi-
nistration des caisses locales peuvent
s’y opposer. À l’inverse aucune caisse
nationale ne dispose du pouvoir de
licencier ou de sanctionner disciplinai-
rement les cadres dirigeants de son
réseau, qui sont liés par contrat à une
caisse locale et non à la caisse natio-
nale. Elles ne peuvent pas non plus
mettre fin aux fonctions d’un cadre
dirigeant qui, sans avoir commis de
faute professionnelle caractérisée, ne
donne pas satisfaction.
Ces dispositions induisent une quasi-
inamovibilité des agents de direction,
dès lors que ceux-ci ne sont par ail-
leurs soumis à aucune obligation de
mobilité, ni aucune durée maximale
de fonction.
Ce cadre juridique de gestion devrait
être clarifié par l’instauration d’un lien
contractuel entre les cadres diri-
geants des organismes locaux et la
caisse nationale.
________________
8
C’est-à-dire les directeurs et agents comptables des organismes de sécurité sociale.
77
Synthèse du rapport sécurité sociale 2014
La gestion des personnels de
direction des organismes de sécurité sociale :
une stratégie à construire
Recommandations
89. moduler plus rigoureusement la
rémunération des agents de direc-
tion en fonction de l’atteinte des
objectifs qui leur sont fixés ;
90. déterminer au niveau national un
taux-cible d’encadrement supérieur
pour les différentes branches et
régimes en fonction de leurs spécifi-
cités organisationnelles et dimen-
sionner en conséquence les flux de
recrutement d'ADD, en y intégrant,
comme déjà recommandé par la
Cour, les caisses de retraite des pro-
fessions libérales ;
91. donner aux directeurs des caisses
nationales la pleine responsabilité
d’employeur des cadres dirigeants
de leur réseau, en modifiant, par la
loi, les modalités de leur nomination
et de cessation de fonction et en ins-
tituant une relation contractuelle de
salariat entre ces personnels et la
caisse nationale ;
92. favoriser une gestion plus trans-
versale des ADD :
- en créant un centre de ressources
dirigeantes inter-régimes ;
- en ouvrant les perspectives profes-
sionnelles des ADD par l’institution
d’une mobilité obligatoire pour accé-
der à des postes de direction de
classe 2 et par le développement de
passerelles vers les trois fonctions
publiques ;
- en construisant une politique de
formation continue, d’évaluation et
de définition de parcours profession-
nels permettant de garantir l’adé-
quation des compétences et des
qualifications
aux
besoins
des
régimes et d’envisager à terme rap-
proché la suppression de la liste
d’aptitude.