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Chapitre XVIII
Le recouvrement des cotisations sociales
en Corse
: une crédibilité à établir
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L
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C
ORSE
:
UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
519
_____________________
PRÉSENTATION
_______________________
Dans le cadre de ses contrôles d’organismes de base de la sécurité
sociale sélectionnés en fonction de différents indicateurs d’alerte, la Cour
a examiné la gestion des trois caisses qui collectent des cotisations sociales
en Corse
: l’union pour le recouvrement des cotisations sociales et
d’allocations familiales (URSSAF) pour le régime général et le régime
social des indépendants par délégation partielle de ce dernier, la caisse
régionale du régime social des indépendants (RSI) qui conserve certaines
attributions en la matière
651
, la caisse régionale de la Mutualité sociale
agricole (MSA) pour les exploitants et les employeurs de salariés du monde
de l’agricult
ure. Leurs performances sont de fait très en retrait chaque
année par rapport à la moyenne de leurs réseaux respectifs.
Ces trois organismes ont appelé 1
Md€ en 2013 auprès de 45
000
cotisants. L’URSSAF de Corse a mis en recouvrement, pour le régime
général, 830
M€ auprès de 15
000 cotisants et 100
M€ pour le compte du
RSI auprès de 20 000 cotisants. La MSA de Corse a émis 63
M€ de
cotisations auprès de 10 000 cotisants
.
Les caisses consacrent à cette
fonction, 77 agents à l’URSSAF, 2 au RSI et 22 à la MSA.
L’écart entre les montants à recouvrer et ceux effectivement perçus
est chaque année significativement plus élevé en Corse que dans le reste de
la France métropolitaine. Il en résultait fin 2013 un montant total de restes
à recouvrer de 266
M€.
Malgré de
s différences de résultats entre le régime général d’une
part, le RSI et le régime agricole d’autre part, le recouvrement des
cotisations sociales en Corse est caractérisé par de faibles paiements
spontanés et des taux de restes à recouvrer élevés aboutissant à un lourd
stock de créances (I). Cette situation préoccupante s’explique
, dans un
contexte marqué par une forme d’opposition au prélèvement social,
par la
taille insuffisante des organismes et des dysfonctionnements multiples dans
le processus de recouvrement qui appellent des mesures de redressement
fortes (II). La restauration de la crédibilité du recouvrement en Corse
passe en particulier par une normalisation du traitement de la dette sociale
agricole (III).
651.
Depuis la mise en place de l’interlocuteur social unique le 1er janvier 2008, le
RSI délègue aux URSSAF, qui agissent pour son compte et sous son appellation, le
recouvrement amiable des cotisations et contributions sociales, jusqu’au trentième
jour suivant la date d’échéance ou la date limite de paiement lorsqu’elle est distincte.
Le RSI assure la poursuite du recouvrement au-delà du trentième jour.
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520
I
-
Un recouvrement des cotisations très dégradé
Qu’il s’agisse de la faiblesse persistante des paiements spontanés
ou de l’importance des restes à recouvrer, conduisant à un stock de
créances très élevé, la problématique du recouvrement en Corse apparaît
atypique.
A - Une faiblesse persistante du taux de paiement
spontané malgré des progrès récents
Le recouvrement des cotisations sociales est effectué à échéances
fixes. Pour le régime général, la déclaration et le paiement sont réalisés en
une étape. Pour le régime des indépendants et la mutualité sociale
agricole, le paiement est précédé d’une phase de déclaration des revenus
par les assujettis et de calcul des cotisations par la caisse, qui aboutit à un
appel de cotisation, suivi le cas échéant d’une régularisation.
1 -
Un net décalage par rapport aux autres organismes collecteurs
Le taux de paiement spontané, qui mesure la proportion de
paiements effectués à échéance, est plus faible en Corse, quel que soit le
régime considéré, que dans l’ensemble de la France métropolitaine.
Le mouvement de réduction
de l’écart à la moyenne de l’URSSAF
de Corse que fait apparaître le tableau ci-après est plus dû à une érosion
de la moyenne nationale qu’à une réelle amélioration de sa situation
:
l’URSSAF de Corse a perdu près d’un point quand la France
métropolitaine en perdait près de trois. Pour le régime des indépendants,
l’écart entre la caisse de Corse et la moyenne nationale se réduit
sensiblement mais reste important, à près de 8 points.
Tableau n° 95 :
paiement spontané des cotisations recouvrées par
l’URSSAF de Corse (2010
-2013)
En % et en points
2010
2011
2012
2013
Régime
général
RSI
Régime
général
RSI
Régime
général
RSI
Régime
général
RSI
Corse
88,7 %
55,7 %
89,4 %
61,4 %
88,7 %
59,7 %
87,8 %
64,0 %
France
métropolitaine
90,8 %
69,9 %
91,3 %
71,3 %
90,2 %
69,8 %
88,0 %
71,8 %
Écart Corse -
France
métropolitaine
- 2,1
- 14,2
- 1,9
- 9,9
- 1,5
- 10,1
- 0,2
- 7,8
Source :
URSSAF de Corse et ACOSS, pour le régime général.
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À la MSA, le recouvrement spontané est mesuré en distinguant
entre les cotisations versées par les non-salariés et les cotisations versées
par les employeurs
qui ne sont pas tous des exploitants agricoles
652
.
L’écart entre la Corse et la moyenne nationale demeure très important.
Pour les salariés, il s’est cependant nettement réduit à partir de 2012 tout
en restant à un niveau élevé (près de 10 points en 2013). Pour les non-
salariés il s’établit à près de 17 points en 2013, malgré une réduction par
rapport à 2012.
Tableau n° 96 :
taux de paiements à échéance de la MSA de Corse
(2010 - 2013)
En % et en points
2010
2011
2012
2013
Employeurs
Non-
salariés
Employeurs
Non-
salariés
Employeurs
Non-
salariés
Employeurs
Non-
salariés
Corse
70,2 %
72,2 %
70,8 %
74,2 %
75,9 %
67,2 %
77,7 %
69,7 %
France
métropolitaine
88,6 %
88,1 %
88,9 %
88,3 %
88,7 %
87,8 %
87,2 %
86,6 %
Écart Corse -
France
métropolitaine
- 18,4
- 15,9
- 18,1
- 14,1
- 12,8
- 20,6 %
- 9,5
- 16,9
Source :
Caisse MSA de Corse et CCMSA
L’URSSAF pour ce qui concerne le recouvrement des cotisations
des travailleurs indépendants et la caisse de MSA de Corse se trouvent en
dernière position au classement national de leur réseau respectif. Pour ce
qui est de celui des cotisations du régime général, l’URSSAF se situe en
16
e
position sur 22 organismes.
Sur un montant total de 993
M€ de cotisations appelées, le
recouvrement spontané
s’établit à 848
M€, soit 85
%. La proportion de
restes à recouvrer à l’échéance observée en Corse atteint ainsi près de
15 %.
652 . Les organisations professionnelles agricoles, les chambres consulaires, mais
aussi le Crédit agricole ou Groupama, versent notamment leurs cotisations à la MSA.
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522
Tableau n° 97 :
montant des restes à recouvrer une semaine après
l’échéance (année 2013)
En
M€ et
%
URSSAF
RSI
MSA
Total
Appels de cotisations
830
100
63
993
Restes à recouvrer à l’échéance
101
36
16
153
Part des restes à recouvrer dans
les cotisations appelées
12,2 %
36 %
26,3 %
15,4 %
Source :
Caisses nationales. Retraitement Cour des comptes.
2 -
Des déclarations de revenus tardives au RSI et à la MSA
À la MSA et au RSI, l’insuffisance des paiements à l’échéance
trouve notamment sa source dans le retard mis par les assujettis à déclarer
leurs revenus, ce qui empêche de procéder à bonne date au calcul des
cotisations et perturbe gravement le processus de recouvrement.
Au RSI, en 2013, sur quelque 9 591 « déclarations sociales des
indépendants » (DSI) adressées fin mai par la caisse nationale à remplir et
retourner pour le 28 juin à la caisse régionale, 3 000 environ étaient
revenues par la poste à la date indiquée (dont plus de 200 en retour à
l’envoyeur, la poste n’ayant pu distribuer le pli) et près de 4
100 avaient
fait l’objet d’une déclaration dématérialisée par Net
-Entreprise. À fin
septembre, après un envoi complémentaire de 273 DSI fin juillet, on ne
comptait encore que 3
815 retours papier (dont 245 retours à l’envoyeur)
et 4 263 télé-déclarations, soit 7
833 retours sur un total d’envois de 9
864
DSI (79 %).
Le même phénomène s’observe à la MSA. En 2013, les
formulaires ont été envoyés aux cotisants le 14 mai. Les 2 241 exploitants
au forfait disposaient de 15 jours pour renvoyer leur déclaration
délai
suffisant compte tenu de la simplicité des informations demandées. À la
date du 21 juin, 56
% d’entre eux, soit 1
266, n’avaient pas fait parveni
r
leur réponse. Après relance, il manquait encore début octobre 2013 129
déclarations. Sur les 890 cotisants au réel qui avaient pour leur part
jusqu’au 31 juillet pour retourner leur formulaire, 330, soit 37
%,
n’avaient pas souscrit à leurs obligations à
cette date.
Les employeurs cotisant à la MSA font à peine mieux. Par
exemple, le 25 mars 2013, la caisse avait envoyé à ses 936 cotisants une
déclaration trimestrielle de salaires à retourner avant le 11 avril. À cette
date, elle en avait reçu 564 (60 %), dont 183 télé-déclarations. Le
25
avril, jour d’envoi des appels de cotisations, la caisse ne disposait que
de 757 déclarations (81 %), puis le 21 mai en avait reçu 873 (93 %)
ce
qui avait contraint à l’émission d’un appel de cotisations complémentaire
.
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Cet attentisme qui traduit une forme d’opposition au prélèvement
social perturbe
ab initio
le processus de recouvrement et en dégrade les
résultats d’autant plus fortement qu’il se prolonge.
B - Des taux de restes à recouvrer élevés
Le montant des restes à r
ecouvrer à 15 mois s’établissait en Corse,
en 2013, à 28
M€ pour le régime général et 27
M€ pour le RSI.
Tableau n° 98 :
taux de restes à recouvrer
653
à 15 mois de l’URSSAF et
du RSI de Corse (2013)
En % et en points
France
métropolitaine
Corse
Écart Corse-France
métropolitaine
Régime général
0,9 %
3,4 %
+ 2,5
RSI
22,8 %
26,9 %
+ 4,1
Source :
ACOSS, CNRSI
Même en tenant compte du fait que l’économie corse comprend
une proportion élevée de très petites entreprises
654
, les performances de
recouvrement de l’URSSAF de Corse restent
pour le régime général très
inférieures à celles du reste de l’ensemble du réseau. Le taux de restes à
recouvrer à 15 mois concernant les entreprises de moins de dix salariés
est de 6,6 % en Corse contre 3,8 % en moyenne nationale, ce qui la met
en dernière position de son réseau. Il en va de même pour le
recouvrement des cotisations du régime social des indépendants, avec un
taux de restes à recouvrer à 15 mois proche de 27 %, également en
dernière position au plan national.
653.
Y compris les taxations d'office. Les taxations d’office sont
des sommes de
cotisations forfaitaires calculées par l’organisme de recouvrement en l’absence de
déclaration de revenus -
et d’assiette pour le régime général
- du cotisant.
654. La Corse présente le plus fort taux de cotisations liquidées du secteur privé des
entreprises de moins de dix salariés avec, en 2012, près de 34 %.
L’URSSAF de
Corse ne compte aucune grande entreprise, aucune très grande entreprise ni aucune
entreprise versant ses cotisations en lieu unique.
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524
Des re
stes à recouvrer également plus élevés qu’en moyenne en
matière fiscale
Des écarts importants peuvent aussi au demeurant être observés
dans le recouvrement des impôts par l’administration fiscale entre la
Corse et l’ensemble des départements
métropolitains. Sans que puissent
être comparés les taux moyens de recouvrement des URSSAF et des
services de la direction générale des finances publiques (DGFIP), en
raison notamment des différences de nature des prélèvements
considérés, la Cour a constaté dans une enquête récente655 que les taux
de restes à recouvrer auprès des entreprises sont nettement plus élevés
en Corse que dans l’ensemble de la France métropolitaine tant en
matière fiscale que sociale.
Tableau n° 99 :
taux de restes à recouvrer moyens auprès des
entreprises (2006-2001)
En %
ACOSS
DGFIP
Corse du Sud
2,6
8,9
Haute Corse
2,0
6,7
Autres départements (moyenne des taux)
0,9
2,4
Source :
Cour des comptes d’après ACOSS et DGFIP
Pour le régime agricole, le montant des restes à recouvrer en Corse
à 12 mois (employeurs) ou à 15 mois (non-
salariés) s’établit pour 2013 à
11
M€.
Tableau n° 100 :
taux de restes à recouvrer
656
à 12 ou 15 mois de la
MSA (2013)
En % et en points
France
métropolitaine
Corse
Écart Corse-France
métropolitaine
Employeurs
1,5 %
10,5 %
+ 9,0
Non-salariés
3,9 %
27,4 %
+ 23,6
Source :
CCMSA
655. Dans cette enquête, le taux de restes
à recouvrer de l’ACOSS correspond aux
entreprises du secteur privé au 31 mars de l’année n+1 (taux de restes à recouvrer à 15
mois). Celui de la DGFIP
est calculé sur l’
impôt sur les sociétés et la TVA en
rapportant le montant total des paiements à l’échéance au montant total des prises en
charge de droits de l’année
.
656. La MSA utilise des pénalités de retard déclaratif qui jouent le même rôle que les
taxations d'office du régime général et du régime social des indépendants.
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525
Les
caractéristiques
de
l’agriculture
corse,
composée
essentiellement d’exploitations de faible taille
657
, ne peuvent à elles
seules expliquer les écarts de performance de la caisse de Corse,
respectivement de 9 et près de 24 points en 2013 en deçà de la moyenne
nationale pour les cotisations versées par les employeurs et par les non-
salariés agricoles.
Pour les trois réseaux, les taux de restes à recouvrer en Corse sont
plus élevés que la moyenne des cinq organismes de France métropolitaine
les moins bien classés.
Tableau n° 101 :
taux de restes à recouvrer
658
observés en 2013 en Corse
et dans les réseaux (France métropolitaine)
En %
Corse
Cinq organismes les
moins bien classés du
réseau (moyenne)
659
Cinq organismes les
mieux classés du réseau
(moyenne)
660
URSSAF
3,4
1,6
0,8
RSI
26,9
23,7
14,3
MSA
10,5
8,4
2,65
Source :
Caisses nationales ; retraitement Cour des comptes
C - Un stock de créances important
Les taux d’impayés élevés et les restes à recouvrer qui en résultent
contribuent à entretenir un stock de créances élevé, tous exercices
confondus, en dépit d’admissions régulières en non
-valeur et, pour la
MSA, des nombreux plans d’apurement qui se sont s
uccédé (voir
infra)
.
657 . Sur 2 810 exploitations actives en 2010, 38 % comprenaient moins de 20
hectares et 4,5 % seulement 200 hectares ou plus. Sur les quelque 3 700 cotisants non-
salariés de la MSA, plus de 2 000 sont déclarés au forfait, leurs recettes agricoles
brutes annuelles étant inférieures à 76 300
€.
658.
Y compris les taxations d’office.
659. Organismes les moins bien classés (hors Corse) au sein des trois réseaux :
URSSAF de Melun, de Languedoc-Roussillon, de Lorraine, de Champagne-Ardenne
et de Haute-Normandie. Caisses du RSI : Île-de-France-centre, Île-de-France-ouest,
Languedoc-Roussillon, Nord-Pas-de-Calais, Île-de-France-est. Caisses de MSA :
Languedoc,
Midi-Pyrénées-Nord,
Provence-Azur,
Dordogne-Lot-et-Garonne,
Ardèche-Drôme-Loire.
660. Organismes les mieux classés (hors Corse) au sein des trois réseaux : URSSAF
de Rhône-Alpes, du Nord-Pas-de-Calais, des Pays-de-la-Loire, de Paris et de Midi-
Pyrénées. Caisses du RSI : Bourgogne, Basse-Normandie, Pays de Loire, Auvergne,
Bretagne. Caisses de MSA :
Auvergne, Beauce cœur de Loire
, Sud-Champagne,
Marne-Ardennes-Meuse, Franche-Comté.
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Tableau n° 102 :
stock de créances tous exercices confondus
au 31 décembre 2013
661
En M€
URSSAF
RSI
MSA
TOTAL
Stock de créances
108
77
82
266
Cotisations 2013 appelées
830
100
63
993
Créances en mois de
cotisations appelées 2013
1,6 mois
9,2 mois
15,6 mois
3,2 mois
Source :
caisses nationales
L’importance des créances par rapport au montant des cotisations
appelées annuellement varie sensiblement d’un régime à l’autre. Elle
représente plus d’un an de cotisations à la MSA et un peu plus de 9 mois
pour le RSI.
Le recouvrement des cotisations sociales en Corse apparaît ainsi
très fortement perturbé dès le début du processus par un défaut de respect
nettement plus marqué qu’ailleurs des échéances règlementaires, même si
d’un régime à l’autre des différences apparaissent. Malgré une certaine
amélioration plus ou moins marquée dans la période récente selon les
réseaux, la performance du recouvrement en Corse reste très insuffisante,
en particulier pour la MSA, suivie du RSI.
II
-
Une organisation inefficiente
Au-delà du comportement individuel des assujettis, la qualité du
recouvrement des cotisations sociales en Corse est affectée par la faible
dimension des organismes qui en ont la charge. Soumis périodiquement à
de fortes pressions collectives, ces derniers ont parfois répugné à engager
des recouvrements contentieux.
A - Des organismes dépourvus de la taille critique
nécessaire
Les trois organismes qui participent au recouvrement des
cotisations sociales en Corse ont pour caractéristique commune d’avoir la
plus faible taille au sein de leur réseau
662
. Un seul est spécialisé,
l’URSSAF, les deux autres étant généralistes, à la fois collecteurs de
661. Cotisants actifs.
662. Au total, 125 agents pour la caisse de MSA (dont 9 en CDD), 77
pour l’URSSAF
et 46 pour la caisse du RSI au 31 décembre 2013.
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cotisations et caisses prestataires et consacrant des effectifs très limités au
recouvrement.
1 -
La caisse de MSA : un organisme aux difficultés nombreuses
Les agents de
la caisse régionale de MSA, à l’instar des autres
organismes du régime agricole, assurent la gestion du recouvrement, de
l’assurance maladie, de l’assurance vieillesse, des allocations familiales
(et prestations assimilées) ainsi que de la santé au travail, tant pour les
exploitants que pour les salariés du monde agricole
663
. De ce fait, les
services techniques ont des effectifs réduits : 22 pour le recouvrement, 5
pour les allocations familiales, autant pour la retraite et 18 agents pour la
maladie, service médical compris.
Des dysfonctionnements multiples en cours de redressement
La caisse de MSA connaît depuis longtemps des difficultés
particulièrement marquées en matière de gestion du temps de travail et
d’absentéisme, notamment de de longue durée, qui ne
se retrouvent pas à
l’URSSAF ni au RSI. La durée de travail hebdomadaire n’a été remontée
de 31 h
30 à 35 heures que depuis le 1er janvier 2014, au terme d’un
rattrapage progressif.
La gestion technique des prestations a longtemps été caractérisée
par un
grand manque de rigueur. À titre d’exemple, sur les huit plus
importants dossiers de retraites indûment versées qui représentent depuis
2008 un reste à recouvrer de 299 264
€, cinq concernent des personnes
plus que centenaires, sans que la caisse ait alors mis en place comme
ordinairement un dispositif de blocage des paiements des pensions à un
certain âge pour vérifier la situation des intéressés
L’arrivée récente d’une nouvelle équipe de direction, solide et
expérimentée, a permis d’engager activement un
redressement qui n’avait
que trop tardé. Malgré de réels progrès, les résultats ne sont pas encore
toujours à la hauteur des attentes : ainsi le traitement des minima sociaux
est effectué dans un délai de deux mois et demi à la MSA de Corse alors
qu’il l’
est en dix jours pour plus de 95 % des dossiers dans les deux
caisses d’allocations familiales de Corse.
Ces effectifs réduits, très sensibles à la moindre absence, dans un
organisme où les référents spécialisés sont nécessairement rares,
expliquent pour partie les mauvaises performances de la caisse en matière
de recouvrement. Des unions de moyens ou des mutualisations avec des
caisses du continent paraissent indispensables dans ce domaine comme
dans les autres pour pallier ces difficultés et améliorer la qualité de
663. Ils comprennent des salariés relevant du secteur des services, notamment de la
mutualité sociale agricole, du Crédit agricole et des organismes professionnels.
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service, démarche à laquelle s’est toutefois refusé jusqu’ici son conseil
d’administration.
2 -
La caisse du RSI : une création à contre-courant
Résultant de la fusion nationale de plusieurs caisses
664
, le RSI a
mis en place à compter du 1
er
juillet 2006 en métropole un réseau de 26
caisses de base (hors professions libérales et hors DOM).
La mise en place de ces dernières s’est faite dans la plupart des cas
dans
une
optique
de
rationalisation
par
regroupement
d’entités
préexistantes, sauf en Corse où une nouvelle caisse a été créée à partir
d’un seul organisme, de très faible taille. Si en effet, en Corse, l’assurance
maladie des travailleurs indépendants était déjà gérée par une caisse
régionale de 18 agents, les assurances retraite des artisans et des
industriels et commerçants étaient traitées à Nice, avec de simples
guichets - représentant quatre agents -
dans l’île. La création d’une caisse
régionale de plein exercice s’est traduite par un doublement des effectifs
en Corse, passés de 22 à 46 agents.
Une absence très préjudiciable de maîtrise
dans la liquidation des pensions
Le service des retraites compte cinq agents dont un superviseur. En
2013 et
en dépit d’un dispositif de contrôle interne impliquant un agent à
temps plein, le taux d’erreurs
de liquidation des prestations était de 18 %.
Les délais de paiement des prestations sont très médiocres : seuls 37 % des
dossiers sont payés en moins de deux mois. L’agent comptable de la caisse
nationale a refusé de valider les comptes 2013 de la caisse régionale en
raison d’une incertitude et d’anomalies significatives dans le processus de
liquidation des pensions de retraite.
Le processus de recouvrement des indépendants étant assuré par
l’URSSAF pendant les trente premiers jours dans le cadre de
l’in
terlocuteur social unique et le recouvrement forcé étant pris en charge
par une structure inter-régionale du RSI
665
, la caisse consacre deux
agents à superviser les activités de recouvrement amiable.
664. Principalement la CANAM
s’agissant de l’assurance maladie, l’ORGANIC pour
les retraites des commerçants et des industriels et la CANCAVA pour les retraites des
artisans.
665. Le traitement de ses dossiers contentieux est confié à un service inter-caisses
situé à Clermont-Ferrand. Il gère le recouvrement forcé pour les caisses régionales
Alpes, Auve
rgne, Corse, Côte d’Azur, Languedoc
-Roussillon, Provence-Alpes et
Rhône.
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529
3 -
L’URSSAF
: des mutualisations qui ont partiellement
compensé les handicaps de taille
L’URSSAF de Corse emploie 77 salariés. Quoiqu’ayant le statut
d’organisme régional à part entière, elle mutualise à des degrés divers
jusqu’à 22 fonctions avec ses homologues du continent, notamment de la
région Provence-Alpes-
Côte d’Azur. Une convention d
e coopération
interrégionale a visé en janvier 2012 à renforcer les modalités
d’association des deux régions.
Ces mutualisations permettent d’importantes économies d’échelle,
équivalentes à 10 emplois pour la caisse de Corse et
mettent l’organisme
en mesu
re de bénéficier d’une expertise renforcée qui explique en
particulier qu’il puisse afficher des performances comparables, dans de
nombreux domaines, à celles des URSSAF du continent.
B - Une activité de recouvrement sous pression
À des degrés variables, les organismes corses sont confrontés à des
manifestations
d’hostilité
susceptibles
d’entraver,
directement
ou
indirectement par le climat ainsi créé, la fermeté de leurs actions en
recouvrement.
1 -
Une URSSAF confrontée à un climat de tension larvée
Bien que déj
à lointain et sans répétition depuis lors d’événements
aussi graves, l’attentat à la voiture piégée en novembre 1999 qui fit trois
blessés parmi les salariés de l’organisme et endommagea son bâtiment,
continue à peser sur l’atmosphère générale de ses relat
ions avec ses
cotisants.
Périodiquement, des menaces de grève du versement des
cotisations sociales sont exprimées par des acteurs économiques. Ainsi en
2013, de certains représentants du secteur hôtelier, nécessitant une
réunion d’urgence à la préfecture en présence du directeur de l’URSSAF.
L’organisme et ses salariés, dont le métier est de vérifier sur pièces
et sur place les assiettes des cotisations et la réalité économique de
l’entreprise contrôlée, évoluent ainsi dans un environnement qui leur
impos
e de redoubler d’efforts et parfois de prudence.
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OUR DES COMPTES
530
2 -
Des pressions fortes et récurrentes sur la MSA
Compte tenu du délai de prescription, alors trentenaire
666
, le
recouvrement contentieux ne constituait pas, pour la caisse de MSA, une
priorité.
Le
passage
à
la
prescription
quinquennale
a
modifié
profondément sa politique de recouvrement. Pour éviter la prescription de
ses droits, la caisse a dû, avant le 19 juin 2013
667
constituer des garanties
ou émettre, quelquefois non sans erreur
668
, des commandements de
payer.
La direction de la caisse a été alors prise publiquement à partie, des
manifestations ont eu lieu devant l’organisme, ses bureaux ont été
envahis. Ces réactions ont conduit pendant plusieurs semaines à la
suspension des opérations. Leur reprise n’a eu lieu qu’avec l’assurance
que les prises de garanties ne se concrétiseraient d’aucune façon.
Ce dernier épisode n’est que le plus récent d’une longue série de
mises en cause de l’action de la caisse dans une ambiance de violence
plus ou moins diffuse qui fait obstacle au recouvrement des créances,
même quand il s’agit de débiteurs qui ne sont pas exploitants agricoles.
La caisse du RSI n’est pas pour sa part soumise à ce stade à des
difficultés de ce type. Les graves dysfonctionnements de la mise en place
de l’i
nterlocuteur social unique au plan national se sont traduits de fait par
la suspension de toute action en recouvrement avant que ne s’opère
progressivement à compter seulement de fin 2012-début 2013 une relance
du recouvrement amiable. Le recouvrement forc
é n’a quant à lui
commencé à reprendre que très récemment.
C - Des actions de recouvrement précautionneuses
1 -
Un recouvrement amiable accommodant
L’URSSAF privilégie, plus encore qu’ailleurs, le recouvrement
amiable, en particulier par recours à la relance téléphonique auprès des
cotisants
669
. Elle accorde en revanche des délais de paiement dans des
666. La loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière
civile a réduit de trente à cinq ans le délai de prescription de droit commun.
667. Cinquième anniversaire du passage à la prescription quinquennale.
668.
Pour cause d’insuffisance du système informatique, certains commandements ont
été adressés par erreur à des débiteurs pour des montants comprenant des sommes qui,
par ailleurs, avaient fait l’objet d’un plan de désendettement en cours d’exécution.
669. La part du téléphone dans la relance amiable est de 61 % en Corse et de 47 % en
France métropolitaine.
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L
E RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES EN
C
ORSE
:
UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
531
proportions significativement plus importantes que le reste du réseau et
pour des durées supérieures à la moyenne nationale
670
. Malgré cette
attitude souple qui cherche à accompagner un retour à meilleure fortune
du cotisant, l’efficacité de la politique de recouvrement amiable, mesurée
par le nombre de paiements déclenchés, tend à décliner, même si elle
demeurait fin 2013 légèrement supérieure à la moyenne nationale
671
.
La caisse du RSI a confié les relances téléphoniques à ses agents,
en dépit de l’instruction nationale qui prévoit une répartition des tâches à
égalité entre le RSI et les URSSAF, car elle estime mieux maîtriser cette
activité alors même que l’URSSAF de Cors
e a une expérience reconnue
en ce domaine. Pour autant, le classement du RSI reste très en dessous de
la moyenne nationale en ce qui concerne la part des relances
téléphoniques (32 %) dans le traitement amiable du recouvrement
672
. Le
nombre et l’importance des délais de paiement accordés, élevés jusqu’en
2011, ont tendu toutefois à diminuer dans la période récente à la suite de
la mise en œuvre tardive d’une action mieux structurée visant à encadrer
leur octroi et à faire baisser leur durée. La caisse accorde désormais
moins de délais de paiement à ses ressortissants et leur échéance est plus
courte que le reste du réseau : l'écart était de presque trois mois en
2013
673
.
Contrairement aux autres organismes, la caisse de MSA n’a pas
défini une politique de recou
vrement amiable. Elle ne met pas en œuvre
les modalités de relance prévues par la convention d’objectifs et de
gestion entre l’État et la caisse centrale de la mutualité sociale agricole
(lettres de rappel en recommandé, puis rappels téléphoniques et le cas
échéant proposition de rendez-
vous). Elle privilégie l’envoi postal et
n’assure aucune relance téléphonique, alors même que l’efficacité globale
du recouvrement est généralement améliorée par la rapidité d’un contact
direct. Cette timidité, significative
d’une ambiance générale de défiance,
contribue à la dégradation du taux de recouvrement de l’organisme. Les
délais de paiement accordés sont en revanche dans la moyenne du
réseau
674
.
670. Le délai médian était en 2012 de quatre mois pour la Corse et de moins de trois
mois en moyenne dans le réseau des URSSAF.
671.
L’indicateur d’efficacité était au 31 octobre 2013 de 55,4 % en Corse contre
54,5
% en moyenne nationale. Il s’élevait en 2010 à 60,4
%.
672. La caisse du RSI de Corse se situe à cet égard en 22
e
position nationale sur 26
(hors professions libérales et hors DOM).
673. Trois mois pour la Corse, six mois pour la moyenne du réseau RSI.
674. 0,3 % en nombre et 0,5 % en montant, les émissions totales de cotisations de la
MSA de Corse représentant 0,4 % du total national.
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532
2 -
Un recouvrement contentieux manquant le plus souvent de
détermination
L’URSSAF n’utilise qu’une partie de l’éventail de procédures
proposées par la réglementation pour le recouvrement contentieux. Les
commandements de payer - ou contraintes -
qu’elle émet sont très
rarement assortis de saisies-attributions
675
. Elle recourt en revanche de
façon très appuyée, en cas d’échec de cette procédure, aux assignations en
redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce
676
.
Depuis la remise en œuvre du recouvrement forcé par la caisse
nationale, la caisse de RSI de Corse associe des saisies attributions à ses
contraintes dans des proportions supérieures à la moyenne de l’inter
-
région à laquelle elle est rattachée
677
mais elle ne recourt pratiquement
pas aux saisies-ventes mobilières et les prises de garantie sont
exceptionnelles
678
.
Le recours aux assignations devant le tribunal de
commerce reste très limité (25 en 2013). Le recouvrement contentieux est
ainsi encore dans une phase de montée en charge très progressive.
La MSA de Corse a eu jusqu’à très récemment une attitude
particulièrement
en
retrait
en
ce
qui
concerne les
actions
de
recouvrement. Aucune convention avec les huissiers n’avait été conclue.
Leur activité n’était pas suivie. Ainsi, de nombreux commandements de
payer qui n’ont pas été signifiés aux débiteurs sont restés sans effet,
les
titres étant susceptibles de prescription dans une proportion encore
inconnue.
Une nouvelle direction a cependant relancé les actions en
recouvrement avec plus de fermeté. Depuis 2011, le nombre de
contraintes signifiées par huissier a plus que doublé. Ces dernières sont
cependant émises avec un délai très largement supérieur à celui demandé
par la caisse centrale de la MSA
: alors qu’elles devraient être notifiées
dans le mois qui suit la date limite de paiement figurant sur la mise en
demeure, les délais observés sont de 4,5 à 6 mois. Le nombre de saisies-
attributions émises par la caisse représente désormais 8
% de l’ensemble
des saisies-attributions émises au plan national et 20 % des montants.
675. La saisie-
attribution est un acte d’huissier adressé à la banque d’un débiteur, sans
l’en informer, qui permet d’attribuer, à concurrence des sommes pour lesquelles la
saisie est pratiquée, le montant saisi au profit du saisissant.
676. La moyenne des assignations près le tribunal de commerce est, en 2012, de 60 %
en Corse et de 26 % en France métropolitaine.
677. 25 % en Corse, 10
% dans l’inter
-région PACA Auvergne.
678. Quatre en 2013.
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E RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES EN
C
ORSE
:
UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
533
Tableau n° 103 :
contraintes et saisies attributions de la MSA
(2011-2013)
2011
2012
2013
Contraintes en nombre
32
39
105
Contraintes en montant (en €)
97 354
142 622
326 876
Saisies-attribution en nombre
0
0
115
Saisies-attribution en montant
émis (en €)
0
0
735 270
Source :
CCMSA
La reprise tardive des poursuites dans le contexte du passage de 30
à cinq ans du délai de prescription des créances fait suite à une suspension
générale prolongée qui n’a pu que réduire progressivement le
consentement à payer et encourager un attentisme anormal dans le respect
des obligations sociales. Elle explique le climat de vives tensions et de
contestation houleuse qui s’exerce à l’encontre de la caisse et de ses
responsables (cf.
supra
).
Des actions de contrôle à la portée inégale
À l’URSSAF, se co
nstatent des résultats en demi-teinte du fait
notamment d’un taux de couverture du fichier global des cotisants qui a
tendu à se dégrader nettement. Pour autant, le taux de redressement des
cotisations appelées est en amélioration, en particulier s’agissan
t des PME
où les objectifs sont systématiquement dépassés. À la caisse du RSI,
comme dans tout le réseau, les difficultés de la mise en place de
l’interlocuteur social unique ont suspendu tout contrôle comptable
d’assiette depuis 2008. À la caisse de MSA, l’accent est mis sur les
contrôles d’affiliation et d’assiette au détriment de ceux dans le domaine
du recouvrement. De 2011 à 2013, le nombre total de contrôles s’est
réduit
679
mais le montant des redressements a nettement progressé
(550 771
€ en 2011, 330
660
€ en 2012 et 976
000
€ en 2013).
S’agissant des résultats de la lutte contre la fraude au travail
dissimulé, ils apparaissent tout autant contrastés. En 2013, l’URSSAF a
notifié à ce titre 3,1
M€ de redressement
680
, le RSI de l’ordre seulement
de 40 000
681
et la MSA plus de 633 000
682
.
679. 422 contrôles en 2011, 374 en 2012 et 376 en 2013.
680. Cet objectif était fixé à 900 000
€. En 2012, avec 1,2
M€, elle avait également
dépassé cet objectif fixé dans son contrat pluriannuel de gestion. Les années
précédentes n’étaient pas marquées par des résultats aussi élevés, la caisse de Corse se
situant dans la moyenne des organismes.
681.
Le RSI n’a pas d’objectif de lutte contre le travail illégal dans son contrat
pluriannuel de gestion.
682.
L’objectif de la caisse centrale des MSA était fixé à 49
200
€.
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534
Les multiples difficultés rencontrées par les organismes collecteurs
en Corse, particulièrement accentuées pour la caisse de MSA et celle du
RSI, mais dont l’URSSAF est loin d’être exempte, interrogent sur leur
positionnement. Seule une mutualisation beaucoup plus poussée avec
d’autres caisses du continent paraît de nature à garantir dans la durée le
degré particulièrement exigeant d’expertise et de professionnalisme
qu’impose un environnement difficile, tout en permettant
de maintenir
une présence de proximité dans les domaines où elle est nécessaire. Des
délégations croisées devraient être prioritairement étudiées dans le cadre
de la poursuite indispensable de la reconfiguration des différents réseaux
de l’ACOSS, du RSI et
de la MSA.
III
-
Restaurer la crédibilité du recouvrement :
traiter autrement la dette sociale agricole
A -
Trois plans d’apurement exceptionnels depuis 2001
En raison du caractère récurrent du non-paiement des cotisations
du secteur agricole en Corse, les pouvoirs publics ont mis successivement
en œuvre en 2001, 2003 et 2005 des mesures de désendettement social.
Même s’ils n’ont porté ni exactement sur les mêmes catégories de
débiteurs ni sur le même ensemble de cotisations et contributions
sociales, ils se sont t
raduits par la prise en charge d’une partie des arriérés
de cotisations par l’État, par l’attribution d’échéanciers de paiement et par
une remise des pénalités et majorations de retard après paiement du
principal des cotisations laissées à charge.
1 -
Le dispositif dit « BAPSA
683
» de 2001
Ne visant que les cotisations personnelles des exploitants
individuels actifs antérieures à 1999, ce dispositif consistait, sur demande
des intéressés, en une prise en charge d’une partie ou de la totalité des
arriérés de
cotisations sociales par l’État. 400 dossiers ont été déposés,
dont seulement 156 satisfaisant aux conditions préalables pour une
dépense finale de 2,01
M€.
683. Budget annexe des prestations sociales agricoles, supprimé en 2005.
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E RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES EN
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:
UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
535
2 -
Le dispositif dit « des articles 52/103 » de 2002
Créé par l’article 52 de la loi du 22 janvier 200
2 relative à la
Corse
684
, ce dispositif complétait le précédent. Il s’adressait à tous les
agriculteurs individuels actifs
685
redevables de cotisations patronales
pour leurs salariés agricoles antérieures à 2003. Les cotisants devaient
avoir réglé au moins la moitié de la part de cotisations dite « patronale »
ou s’y engager par échéancier. Ils devaient enfin disposer d’une
exploitation dont la viabilité serait constatée par un audit. L’État
s’engageait à payer la moitié du solde des cotisations patronales rest
ant
dues.
Sur 153 dossiers déposés, 123 satisfaisaient aux conditions légales.
Seulement 31 des 123 projets d’accords envoyés aux débiteurs ont été
signés par eux pour un montant de dettes de 1,43
M€ et une charge pour
l’État de 0,45
M€.
3 -
Le dispositif dit «
de l’article 122
» de 2005
Institué par l’article 122 de la loi de finances rectificative pour
2005 du 30 décembre 2005, ce troisième dispositif était caractérisé par
trois éléments.
En premier lieu, il autorisait la caisse de MSA à admettre en non-
vale
ur l’ensemble des créances prescrites antérieures au 1
er
janvier 2005.
En second lieu, l’État prenait en charge la moitié, au maximum, des
cotisations antérieures à 2005 dues par l’ensemble des exploitants
agricoles, qu’il s’agisse des cotisations individu
elles des non-salariés
(CSG et CRDS incluses) ou de la part patronale des cotisations dues par
les employeurs de main d’œuvre agricole
686
. En troisième lieu, les
intéressés n’avaient pas de demande à présenter, la caisse de MSA étant
chargée de proposer un p
lan. Les signataires d’un plan se voyaient
octroyer l’admission en non
-valeur de leurs dettes antérieures à 1996,
prescrites ou non et, au terme de la réalisation du plan, la suppression
pure et simple des pénalités de retard.
684 . Ce dispositif a ensuite été
modifié par l’article 103 de la loi de finances
rectificatives pour 2003 du 30 décembre 2003.
685.
Cette limitation résulte de l’article 103. Elle a eu pour effet d’empêcher les
coopératives et les sociétés
d’accéder au dispositif.
686. La « part ouvrière » des cotisations antérieures à 2005 devait être acquittée, ainsi
que
l’encours des cotisations postérieur à 2004.
L
a notion d’acquittement s’entendait,
pour les créances antérieures à 2005, d’un plan de règle
ment sur sept ans et, pour
l’encours ainsi que la part ouvrière de l’antérieur, d’un plan
de règlement sur trois ans.
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536
Le nombre des dossiers d’apur
ement a été plus important que
précédemment : 465 dossiers ont été acceptés représentant une dette
globale de 21,1
M€, dont 66 pour des retraités, 288 pour des actifs ayant
une dette inférieure à 10 000
€ et 111 pour une dette individuellement
supérieure à 10 000
€. Au 8 janvier 2014, 132 plans étaient encore en
cours, essentiellement pour des débiteurs de plus de 10 000
€. Au terme
des opérations
qui n’interviendra qu’en 2019
et en supposant que tous
les plans soient honorés, le montant de la prise en charge des cotisations
sociales agricoles en application de ce dernier plan aura été de 3,7
M€.
La charge totale de ces trois plans pour l’État aura été de 6,16
M€.
B - Revenir au droit commun
1 -
L’inadaptation des mesures à caractère général
Ces différents plans ont permis
avec le complément d’une série
d’admissions en non
-valeur de créances devenues irrécouvrables
de
réduire le montant global des créances de la MSA de Corse sur ses
cotisants à 81,6
M€ fin 2013. Pour autant, leur impact a été limité
: la
majeure partie de la dette sociale - 76,3 % - est portée par des débiteurs
qui n’ont bénéficié d’aucune mesure d’apurement.
Plus généralement, les dispositifs de soutien en désendettement
mis en place souffrent de plusieurs défauts.
Ces mesures à caractère général ont eu un clair caractère
contre-incitatif au paiement régulier et à échéance des cotisations, du fait
de l’effet d’aubaine que constitue l’apurement régulier d’une partie de la
dette par les pouvoirs publics.
Les plans n’ont par ailleurs pas tenu c
ompte de la variété des
situations réelles, résumées par le tableau suivant, qui ne concerne que les
4 314 débiteurs (sur 4
523) n’ayant fait l’objet d’aucun plan de
désendettement.
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E RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES EN
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UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
537
Tableau n° 104 :
classement des débiteurs n’ayant fait l’objet d’aucun
plan par montant individuel de la dette
Situation du débiteur
Effectif
Montant total
de la dette
Montant moyen
de la dette
Liquidation judiciaire
66
8,39
M€
127 000
Doit moins de 5 000
2 966
3,18
M€
1 072
De 5 000 à 9 999
469
3,41
M€
7 270
De 10 000 à 49 999
622
13,43
M€
21 590
De 50 000 à 99 999
189
29,12
M€
154 000
100 000
€ et plus
2
2,49
M€
1 245 000
TOTAL
4 314
60,02
M€
2 682
Source : CMSA de Corse
Les petits débiteurs apparaissent très nombreux, représentant les
deux tiers du total, pour un montant total de créances limité. Leur cas
relève, pour beaucoup et après examen, d’une aide à la résorption de leur
dette au titre de l’action sociale.
En revanche, la situation des plus gros débiteurs nécessite la mise
en œuvre de diligences de recouv
rement plus déterminées.
2 -
Restaurer le recouvrement forcé
Renouveler une opération de soutien au désendettement ne pourrait
que faire progresser à nouveau l’attentisme et gonfler les restes à
recouvrer. Dans un contexte de déficit récurrent du régime de la mutualité
sociale agricole, l’équité entre les cotisants appelle le réenclenchement
d’un cycle vertueux du paiement des cotisations sociales agricoles. Au
-
delà au demeurant du régime agricole, le risque existe aussi d’un effet de
contagion aux redevables du RSI au moment où les actions en
recouvrement reprennent progressivement dans ce régime.
La relance du recouvrement contentieux à la caisse du MSA est
handicapée par l’incertitude de la qualité de certains dossiers, que les
agents doivent examiner un à u
n avant d’initier un recouvrement
contentieux. La priorité doit être ainsi consacrée aux dossiers les plus
significatifs, certes parfois délicats, avec un ferme soutien, indispensable
des pouvoirs publics à l’action de la caisse.
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538
Des débiteurs réfractaires
Deux organismes liés au monde de l’agriculture figurent parmi les
gros débiteurs de la caisse : une fédération syndicale est débitrice depuis
1978
; sa dette à fin avril 2014 s’élevait à 620
000
€. La créance de la
MSA sur une association départementale de gestion de la comptabilité des
exploitants agricoles se montait fin avril 2014 à 1,2
M€.
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
La situation du recouvrement social en Corse est préoccupante. Si le
régime général parvient à assurer, en dépit des obstacles, une collecte des
cotisations
a minima
, le régime social des indépendants et la mutualité
sociale agricole sont dans une situation critique.
Sans méconnaître la fragilité du tissu économique de l’île, cette
situation très dégradée trouve d’abord son origine dans le caractère
insuffisamment efficient des processus de recouvrement eux-mêmes dans un
contexte où le consentement à payer s’e
st fortement érodé.
Cet
environnement
difficile
exige
une
expertise
et
un
professionnalisme renforcés que la trop petite taille des organismes et la
faiblesse des effectifs consacrés au recouvrement ne permettent pas
d’assurer convenablement. Il impose aus
si une vigilance constante des
caisses nationales et un soutien affirmé des pouvoirs publics.
Dans le prolongement de l’orientation suivie par l’URSSAF, elle
-
même à approfondir encore très substantiellement, s’impose en particulier
pour
y
remédier
une
organisation
d’ensemble
des
modes
de
fonctionnement de la caisse du RSI et de la caisse de MSA par la mise en
œuvre déterminée de partage des tâches avec d’autres organismes de leurs
réseaux respectifs, voire entre réseaux s’agissant en particulier du RSI,
quelle
qu’en
soit
la
forme
(unions
de
moyens,
mutualisations,
spécialisations croisées…). À cet égard, le cas corse n’est qu’une
illustration d’une nécessité à laquelle l’ensemble des organismes de
sécurité sociale est confrontée. L’achèvement de la régio
nalisation des
URSSAF, les réflexions en cours sur l’adaptation du réseau du RSI et celles
qui devront s’engager sur ce point à la MSA dans le cadre de la
préparation de sa prochaine convention d’objectifs et de gestion
fournissent
l’opportunité
qui
ne
doit
pas
être
manquée
d’un
repositionnement de fond des missions confiées aux organismes de Corse.
La restauration de la crédibilité du recouvrement en Corse passe
sans attendre ces réorganisations structurelles par des actions en
recouvrement amiable plus exigeantes et surtout par une relance
déterminée du recouvrement contentieux, en particulier au RSI, où cette
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E RECOUVREMENT DES COTISATIONS SOCIALES EN
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ORSE
:
UNE CRÉDIBILITÉ À ÉTABLIR
539
démarche a été suspendue depuis 2008 à la suite des graves difficultés de
l’interlocuteur social unique
et à la MSA, qui doit être soutenue sans
fai
blesse dans la mise en œuvre des voies d’exécution forcées vis
-à-vis de
ses plus gros débiteurs.
Les multiples mesures d’apurement de la dette sociale agricole
prises dans un passé récent par les pouvoirs publics n’ont en effet que
partiellement
résorbé
un
endettement
massif
et,
surtout,
incité
implicitement les débiteurs à ne pas s’acquitter régulièrement et à
échéance de leurs obligations dans l’attente de mesures de clémence. Elles
ne sauraient être renouvelées sans que les mêmes effets pervers se
constatent de nouveau.
La réaffirmation de la crédibilité du recouvrement social en Corse
doit ainsi devenir une priorité non seulement des organismes de sécurité
sociale locaux mais aussi des caisses nationales, des autorités de tutelle et,
plus généralement, des autorités publiques. Sans cette coopération, aucun
résultat effectif et durable ne pourra être ni atteint, ni maintenu. À défaut,
les pouvoirs publics seront dans l’incapacité de garantir une égalité de
traitement des ressortissants des trois régimes au regard de leurs
obligations sociales.
La Cour formule les recommandations suivantes :
87.
systématiser les coopérations entre les caisses insulaires et les
organismes continentaux pour mieux professionnaliser les activités de
recouvrement des cotisations ;
88.
restaurer le droit commun des cotisations sociales en Corse en
mettant en œuvre avec détermination l’ensemble des voies de
recouvrement forcé et en évitant tout nouveau plan de « désendettement
social ».
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
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