Chapitre XIV
Les dépenses de personnel médical et
non médical des hôpitaux
: une maîtrise
précaire
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L
ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
411
_____________________
PRESENTATION
_______________________
Plus d’un million de personnes
481
dont 100 000 médecins et 900 000
agents non médicaux travaillent dans les hôpitaux publics à la prise en
charge de plus de 15 millions de séjours par an
482
. Le secteur hospitalier
public représente 17
% de l’emploi public et 4
% de l’emploi total en
France
483
.
La Cour avait dressé en 2006
484
un bilan sévère des modalités de
gestion des personnels des hôpitaux publics, soulignant la fragilité des
informations disponibles et des mécanismes de régulation de cette dépense,
qui constitue avec un montant de 41,7
Md€
485
en 2012 le premier poste de
charge des établissements publics de santé
486
.
L’enquête menée par la Cour et les chambres régionales des
comptes a mis en lumière un ralentissement fragile des dépenses de
personnel dans le contexte d’une progression des effectifs qui a
accompagné la hausse de l’activité hospitalière (I). Les facteurs
défavorables à leur maîtrise demeurent nombreux (II). La mobilisation de
gisements d’efficience est ainsi indi
spensable (III).
I
-
Un ralentissement fragile de la dépense, des
effectifs en croissance
A - Un ralentissement récent et précaire
Premier poste de dépenses pour l’assurance maladie, les dépenses
de personnel hospitalier représentent 57 % des montants consacrés par
cette dernière aux établissements de santé, atteignant 41,7
Md€ en 2012.
481.
Direction générale de l’administration et de la fonction publique (
DGAFP),
Faits
et chiffres, l’essentiel 2013
. Hôpitaux publics, hors établissements médico-sociaux.
Activités sanitaires et médico-sociales rattachées à des entités sanitaires. Emplois
principaux, hors contrats aidés. Médecins en formation inclus.
482. DREES,
Panorama des établissements de santé
, p. 75 et 79.
483. DGAFP,
Faits et chiffres, l’essentiel 2013
, p. 1.
484
. Cour
des
comptes,
Rapport
public
thématique :
Les
personnels
des
établissements publics de santé
, La Documentation française, mai 2006, 154 p.,
disponible sur
www.ccomptes.fr.
485. DGFIP, titre 1 « charges de personnel », comptes de résultats principaux des
établissements publics de santé.
486
. Cour
des
comptes,
Rapport
public
thématique :
Les
personnels
des
établissements publics de santé
, La Documentation française, mai 2006, 154 p.,
disponible sur
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412
Leur maîtrise est l’une des conditions de celle de l’ONDAM, pour lequel
est désormais prévue par le programme de stabilité 2014-2017 une
évolution de +2 % par an en moyenne sur la période 2015-2017, comme
plus généralement de la soutenabilité des finances publiques. Le
programme de stabilité prévoit ainsi que la masse salariale publique
diminue en volume de 0,3
% par an pour l’ensemble des administrations
publiques.
1 -
Une contribution au ralentissement de la progression de
l’ONDAM hospitalier
Sur la période 2007-2012, la hausse cumulée des dépenses de
personnel explique près de la moitié (47 %) de la progression des
dépenses des hôpitaux publics.
Après une période de fort dynamisme en 2007-2008, la
croissance des dépenses de personnel a progressivement ralenti, leur
progression oscillant autour de 2 % en euros courants depuis 2009.
Augmentant moins rapidement que les autres charges de fonctionnement,
leur poids relatif dans les charges
d’exploitation a diminué depuis 2007
pour se stabiliser à moins de 64 % en 2012 contre 66 % en 2007.
Tableau n° 74 :
taux de croissance comparé des charges de
fonctionnement courant et des charges de personnel depuis 2007
En %
2008
2009
2010
2011
2012
Charges de fonctionnement
5,0
2,6
2,6
3,3
2,2
Charges de personnel
3,4
1,6
2,4
1,8
2,2
Dépenses hospitalières constatées
dans l'ONDAM pour les
établissements publics
487
3,9
4,5
1,7
2,4
1,55
Source :
DGFiP, DREES, ATIH
488
En moyenne annuelle, le taux de progression des dépenses de
personnel (+2,3 % pour la période 2007-2012) est inférieur à celui de
l’ONDAM hospitalier public
489
(+2,6 % pour la même période), dont ces
dépenses constituent une part importante. Les dépenses de personnel ont
487. Hors Fonds de modernisation des établissements de santé publics et privés.
488 . Direction générale des finances publiques (DGFiP) comptes de résultats
principaux des EPS 2007 à 2012
; agence technique de l’information hospitalière
(ATIH) dépenses des établissements publics de santé et les établissements privés à but
non lucratif.
489. Entendu comme les dépenses hospitalières constatées dans l'ONDAM, hors
FMES-PP pour les établissements publics et privés à but non lucratif.
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413
donc contribué au ralentissement d
e la progression de l’ONDAM sur ces
cinq années.
Tableau n° 75 :
évolution des composantes des dépenses de personnel
depuis 2007
En M€
Montant
Évolution 2007-2012
Moyenne annuelle
2007
2012
euros
courants
490
euros
constants
euros
courants
euros
constants
Rémunérations
24 742
27 515
11 %
3 %
2,1 %
0,5 %
Impôts et taxes sur
rémunérations
3 180
3 705
17 %
8 %
3,1 %
1,4 %
Charges sociales
9 056
10 102
11,5 %
3 %
2,2 %
0,5 %
Personnel extérieur
303
395
30 %
22 %
5,5 %
3,8 %
Dépenses de
personnel
37 282
41 717
12 %
3 %
2,3 %
0,6 %
Source :
données DGFIP, calculs Cour des comptes
La prise en compte de l’inflation ramène la progression des
dépenses de personnel à 3 % en euros constants sur la période 2007-2012,
recouvrant une croissance des impôts et taxes sur les rémunérations de
+1,4 % en moyenne annuelle et des rémunérations de +0,5 %.
2 -
Une dynamique de dépense différenciée entre le personnel non
médical et le corps médical
Depuis 2007, les dépenses de personnel non médical augmentent
deux fois moins vite que celles de personnel médical. En euros constants,
les dépenses de personnel non médical sont pratiquement stables (+0,1 %
en moyenne annuelle). En revanche, les dépenses de personnel médical
restent dynamiques, progressant en moyenne annuelle de 2 % en euros
constants.
490. INSEE, indice des prix à la consommation, ensemble hors tabac, base 100 en
2007.
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Tableau n° 76 :
évolution des rémunérations et charges selon les
catégories de personnel depuis 2007
En M€
Montant
Évolution 2007-2012
Moyenne annuelle
2007
2012
euros
courants
491
euros
constants
euros
courants
euros
constants
Charges et
rémunérations, dont
33 798
37 617
11 %
3 %
2,1 %
0,5 %
Personnel non médical
27 066
29 543
9 %
0,5 %
1,8 %
0,1 %
Personnel médical
6 733
8 074
20 %
11 %
3,7 %
2,0 %
Personnel extérieur
492
303
395
30 %
22 %
5,5 %
3,8 %
Source :
données DGFiP, calculs Cour des comptes
Pour le personnel non médical, les dépenses liées aux agents
titulaires (et stagiaires) qui regroupent l’essentiel des charges
diminuent
en moyenne de 0,3 % par an en euros constants. Celles liées aux
personnels contractuels progressent en revanche de plus de 4 % par an
(moyenne en euros constants).
Tableau n° 77 :
évolution des dépenses de personnel non médical par
catégorie depuis 2007
Montant
Évolution 2007-2012
Moyenne annuelle
2007
2012
euros
courants
493
euros
constants
euros
courants
euros
constants
Personnel non médical
27 066
29 543
9 %
0,5 %
1,8 %
0,1 %
Charges sociales
7 512
8 200
9 %
0,5 %
1,8 %
0,1 %
Rémunérations, dont
19 554
21 344
9 %
0,5 %
1,8 %
0,1 %
Personnels titulaires
17 335
18 531
7 %
-2 %
1,3 %
-0,3 %
Personnels contractuels
1 971
2 701
37 %
28 %
6,5 %
4,8 %
Source :
données DGFIP, calculs Cour des comptes
Parmi les dépenses de personnel médical, les hausses les plus
fortes concernent également les contractuels, c’est
-à-dire les personnels
qui ne sont pas couverts par le statut de praticien hospitalier. Bien qu’elle
soit la moins dynamique, la dépense relative aux praticiens hospitaliers
491. INSEE, indice des prix à la consommation, ensemble hors tabac, base 100 en
2007.
492.
Personnel temporaire salarié d’un tiers à l’hôpital, mis provisoirement à la
disposition de ce dernier. Les dépenses de « personnel extérieur » comprennent la
rémunération des personnels et de la structure tierce.
493. INSEE, indice des prix à la consommation, ensemble hors tabac, base 100 en
2007.
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explique près de la moitié de la progression en volume, compte tenu du
poids de ces derniers dans les effectifs des hôpitaux.
Tableau n° 78 :
évolution des dépenses de personnel médical par
catégorie depuis 2007
En M€
Montant
Évolution 2007-2012
Moyenne annuelle
2007
2012
euros
courants
494
euros
constants
euros
courants
euros
constants
Personnel médical
6 733
8 074
20 %
11 %
3,7 %
2,0 %
Charges sociales
1 544
1 902
23 %
14 %
4,2 %
2,6 %
Rémunérations, dont
5 188
6 172
19 %
10 %
3,5 %
1,9 %
Praticiens hospitaliers
2 835
3 280
16 %
7 %
3,0 %
1,3 %
Praticiens contractuels
820
1 049
28 %
19 %
5,0 %
3,4 %
Internes et
étudiants
495
595
871
46 %
38 %
7,9 %
6,2 %
Source :
données DGFIP, calculs Cour des comptes
L’évolution plus
forte des dépenses de personnel médical est
commune à l’ensemble des établissements publics de santé. Elle est
davantage marquée néanmoins dans les centres hospitaliers universitaires
(CHU), qui concentrent 38 % des dépenses de personnel, que dans les
centres hospitaliers (CH
496
).
494. INSEE, indice des prix à la consommation, ensemble hors tabac, base 100 en
2007.
495. Dans le cas des internes, une partie de la progression constatée depuis 2007
pourrait cependant tenir à des changements de nomenclature comptable.
496 . Ne sont pas compris les établissements publics de santé précédemment
dénommés « hôpitaux locaux ».
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évolution des dépenses de personnel médical et non
Graphique n° 27 :
médical par catégorie d’établissements de 2007 à 2012
Source :
DGFiP
3 -
Une relance de la dépense en 2013 qui souligne la fragilité des
évolutions récentes
D’après les données provisoires communiquées par la direction
générale de l’offre de soins (DGOS),
la progression des dépenses de
personnel en euros courants a connu cependant une accélération en
sélevant à + 2,8 % en 2013, soit une progression supérieure de 0,4 % à
l’ONDAM hospitalier prévisionnel pour cet exercice (fixé à 2,4
%). Cette
évolution, qui souligne la fragilité du ralentissement constaté, serait
notamment imputable selon la DGOS à l’augmentation des cotisations
employeurs à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités
locales (CNRACL) et au paiement d’une partie des heures accumulées
par les agents sur les comptes épargne-temps.
De fait, une cause forte de fragilité des tendances observées pour la
dépense tient aux incertitudes entourant la comptabilisation de ces
derniers.
Les comptes épargne-temps du personnel hospitalier
Depuis le passage des établissements publics de santé aux 35
heures hebdomadaires, les personnels peuvent épargner sur un compte
épargne temps (CET) les journées de réduction du temps de travail non
prises pendant l’année. Il n’existe pas de données consol
idées sur le
nombre de jours dont sont crédités les CET dans l’ensemble des
établissements publics de santé, mais il est vraisemblable que les jours
22,0%
9,4%
17,3%
17,6%
8,8%
15,8%
0,0%
5,0%
10,0%
15,0%
20,0%
25,0%
Charges de personnel
médical
Charges de personnel non
médical
Ensemble des charges de
personnel
CHU
CH
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417
cumulés dépassent sensiblement les 3,6 millions de jours constatés en
2007, qui avaient alors donné lieu à
un plan exceptionnel d’apurement
partiel pour un montant de près de 400
M€
497
. Selon des données
rassemblées par l’ATIH sur un champ très partiel (239 hôpitaux ayant
renseigné cet élément dans leur bilan social), complétées par celles
transmises par l’Assis
tance Publique-Hôpitaux de Paris, trois millions de
jours avaient déjà en effet été épargnés sur les comptes épargne temps
(CET)
498
fin 2012 par les établissements de cet échantillon.
Au regard de ce stock, les provisions comptables constituées par les
établissements atteignaient 1
Md€
499
fin 2012, contre 447
M€ fin 2008.
Depuis 2008, les établissements ont annuellement abondé les provisions
pour CET de 150
M€ environ, avec une forte accélération en 2012
(275
M€)
500
. En l’absence de rapprochement obligatoire et
systématique
des jours épargnés et des provisions, globalement et par établissement, il
n’est pas possible d’apprécier le caractère suffisant de ces provisions.
Localement, les chambres régionales des comptes ont constaté des
insuffisances de provisions et parfois des sur-provisionnements. Un
rapprochement systématique entre les jours épargnés et les provisions est
prévu
501
pour les seuls établissements de plus de 300 agents, à compter
du bilan social 2013.
Les incertitudes entourant les comptes épargne temps limitent ainsi
l’analyse des dépenses de personnel des hôpitaux. La certification
progressive à compter de l’exercice 2014 des comptes des établissements
publics de santé conduira cependant à terme désormais rapproché à
fiabiliser les provisions constitu
ées au regard de l’importance du nombre
de jours épargnés.
Le gel du point d’indice de la fonction publique a fortement
contribué à la modération de l’évolution de la masse salariale des
hôpitaux. Après une phase de stabilisation à 0,8 % en glissement annuel
de 2007 à 2009 et une hausse limitée à 0,5 % à la mi 2010, la valeur du
point est en effet gelée depuis 2011. Ce gel a contribué à limiter la
497.
Destinés pour un peu plus d’un tiers aux personnels médicaux et pour deux tiers
aux personnels non médicaux.
498. ATIH,
février 2014, bilans sociaux 2012
, échantillon de 239 établissements, dont
un tiers pour le personnel médical et deux tiers pour le personnel non médical,
complété des données fournies par l’AP
-HP.
499. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, programme qualité
et efficience « maladie », p. 53. Estimation de la dotation 2012 en mai 2013 pour
197,6
M€ (275
M€ en données définitives).
500. Données DGFIP : 171
M€ en 2008,
137
M€ en 2009, 142
M€ en 2010, 156
M€
en 2011.
501. Instruction DGOS/RH3/2013/15 du 2 janvier 2013 relative au bilan social des
EPS.
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progression des dépenses de personnel, le relèvement de 1 % du point
d’indice représentant une dépense supplémentaire de l’ordre de 400
M€
pour les hôpitaux publics. Si comme la Cour l’a déjà souligné sa
poursuite est nécessaire pour atteindre les objectifs que se sont fixés les
pouvoirs publics, son rendement décroît cependant sous l’effet des
mesures compensatoir
es de garantie du pouvoir d’achat comme de celles
en faveur des bas salaires, à l’hôpital comme dans l’ensemble de la
fonction publique
502
.
Les départs en retraite qui ont allégé la masse salariale ont
contribué à limiter sa progression alors que les effectifs continuaient
d’augmenter.
B - Une croissance des effectifs qui a accompagné la
hausse de l’activité
1 -
Une hausse tendancielle de l’activité supérieure à celle des
séjours hospitaliers
L’activité hospitalière mesurée par la somme des séjours et des
séances a progressé à un rythme moyen de +1,6 % sur la période 2007-
2012, cette progression étant plus marquée dans les CHU (+2,2 %) que
dans les centres hospitaliers (+1,3 %).
L’évaluation de l’activité à partir du nombre de séjours et séances
est cependant imparfaite, car elle ne rend pas compte des ressources
mobilisées, plus ou moins importantes selon les pathologies prises en
charge.
Ce défaut peut être pallié pour les activités de médecine, chirurgie,
obstétrique (MCO) par l’exploitation des données issues du
programme
de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), également utilisées
pour la tarification à l’activité. La croissance de l’activité ainsi mesurée
relève cependant pour partie de l’amélioration du codage par les équipes
médicales. En dehors de
l’année 2009, au cours de laquelle a été mis en
œuvre un important changement de classification (passage à la V11)
entraînant une majoration de plus de 2
% de l’activité valorisée, l’impact
du codage n’est cependant pas isolé en tant que tel par l’agence
technique
de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).
Pour autant, faire abstraction des données du PMSI dans l’analyse
de l’activité reviendrait à ignorer la déformation progressive de la
502. Cour des comptes,
La situation et les perspectives des finances publiques 2014,
juin 2014, p. 154, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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structure d’activité des hôpitaux, liée notamment au vieillissem
ent de la
population, qui constitue désormais un phénomène majeur.
L’impact du vieillissement sur l’activité hospitalière en 2012
Selon les données de l’ATIH, la hausse de l’activité liée aux
patients âgés de plus de 80 ans s’est accélérée en 2012, avec
une
augmentation des séjours de +6,1 % et une hausse du « volume
économique »
503
de +6,9
%. Cette tranche d’âge contribue à 47
% de la
croissance du volume économique total.
Avec l’arrivée des premières générations du «
baby-boom » dans
les tranches d’âge d
es plus de 65 ans, les séjours associés à ces classes
d’âge deviennent très dynamiques
: +4,2 % en nombre de séjours et
+5,3 % en volume économique, contribuant ainsi à 75 % de la croissance
du volume économique total
504
.
Sur la période 2007-
2012, l’activit
é de médecine chirurgie
obstétrique valorisée via le PMSI a augmenté à un rythme annuel de
l’ordre de +2,7
%, abstraction faite du changement de classification
intervenu en 2009. La prise en compte de la gravité des cas traités, qui
comporte une part - non mesurée -
d’amélioration du codage, majore
l’évolution de l’activité hospitalière de près de 1
% en moyenne annuelle
par rapport à celle qui ressort de la seule observation des séjours.
Tableau n° 79 :
évolution 2008-
2012 de l’activité MCO valorisée par le
PMSI
En %
2008
2009
2010
2011
2012
Progression
2007-2012
Moyenne
annuelle
Effet séjour
2,6
1,6
1,8
2,5
1,7
10,6
2,0
Effet
structure
505
0,3
-0,1
1,4
0,5
1,3
3,7
0,7
Volume
économique net
2,9
1,5
3,2
3,0
3,0
14,3
2,7
Source :
données ATIH, calculs Cour des comptes
503.
L’évolution du volume économique traduit à la fois l’évolution du volume
physique des séjours (effet séjour) et l’évolution de la structure d’activité de ces
derniers (effet structure). Les évolutions des tarifs (effet prix) sont neutralisées dans
les évolutions en volume.
504
.
ATIH (Analyse de l’activité hospitalière 2012)
.
505.
Effet de structure après neutralisation de l’effet de classification lié au passage à
la V11 en 2009, estimé à 2,2
% par l’ATIH.
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420
2 -
Une productivité médicale globalement stable
L’activité médicale est assurée par 100
000 médecins environ,
principalement des spécialistes salariés des hôpitaux, à l’exception
principalement des médecins libéraux exerçant en hôpital local. Ils
représentent 91
000 ETP en 2012, dont près d’un quart de médecins en
formation.
Sur les cinq dernières années, les effectifs médicaux ont augmenté
de l’ordre de 10
000 ETP
506
.
Tableau n° 80 :
évolution des effectifs médicaux depuis 2007
507
Effectifs en milliers
2007
2012
Moyenne annuelle
Centres hospitaliers universitaires
20,6
26,4
5,1 %
Centres hospitaliers
36,7
40,4
1,9 %
Hôpitaux
57,8
67,2
3,1 %
Source :
données DREES SAE, calculs Cour des comptes
La hausse des effectifs (+3,1 % en moyenne annuelle) bénéficie
notamment
aux
praticiens
hospitaliers,
ainsi
qu’aux
médecins
contractuels. Elle est plus marquée dans les CHU (+4,6 %) que dans les
CH (+2,2
%). Certaines spécialités, telles que l’anesthésie
-réanimation ou
la biologie voient néanmoins leurs effectifs diminuer dans les hôpitaux
publics
508
.
Le nombre des médecins en formation croît pour sa part de 3,6 %
en moyenne par an en raison de l’augmentation du numérus clausus
destiné à pallier les départs en retraite des médecins sur les prochaines
années.
Au total, sur la période 2007-2012, la hausse des effectifs
médicaux est près de deux fois supérieure à celle des séjours (+3,2 %
contre +1,6
%) mais l’écart est sensiblement réduit si on se réfère à
506.
Ces données neutralisent l’impact de la transformation d’unités de soins de
longue durée (USLD) en établissements pour personnes âgées dépendantes. Les CHU
concentrent presque la moitié des médecins pour moins d’un tiers des capacités et des
séjours.
507. Hors internes.
508. DREES SAE, de 2007 à 2011, diminution de 125 ETP dans le secteur public et
hausse de 183 praticiens libéraux dans le secteur lucratif. Les effectifs de biologistes
diminuent dans les EPS de 107 ETP et le secteur lucratif (223 praticiens libéraux), en
cohérence avec l’automatisation des exa
mens réalisés dans les laboratoires.
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
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l’activité telle que valorisée par le PMSI (+2,7
%, amélioration du codage
comprise).
Si la vision d’une productivité médicale décroissante au regard de
la seule prise en compte de l’évolution du nombre de séjours, doit être
relativisée, la productivité globale des personnels médicaux hospitaliers
apparaît tou
tefois au mieux stable si l’on prend en considération
l’alourdissement des cas traités. Ce constat ne laisse pas d’interroger,
dans le contexte de resserrement de la contrainte financière pesant sur les
hôpitaux.
3 -
L’amorce de gains de productivité pour le p
ersonnel non
médical
Les effectifs non médicaux, qui représentent 745 000 ETP,
progressent en moyenne de +1 % par an sur la période 2007-2012. Les
trois quarts des personnels non médicaux sont des personnels de soins, les
effectifs restants se partageant pour moitié entre personnels administratifs
et techniques. Si la croissance des personnels non médicaux bénéficie
principalement aux effectifs soignants, les effectifs administratifs et
techniques augmentent également. À l’inverse de ce qui est observé pour
les personnels médicaux, la hausse des effectifs non médicaux est plus
dynamique dans les centres hospitaliers que dans les CHU.
Tableau n° 81 :
évolution des effectifs non médicaux de 2007 à 2012
En milliers d’ETP
CHU
CH
Effectifs en
milliers
Moyenne
annuelle
Effectifs en
milliers
Moyenne
annuelle
Personnel de soins, dont
Personnels soignants
181
0,6 %
290
0,7 %
Personnels médico-techniques
20
-0,4 %
21
1,1 %
Autres personnels, dont
Personnels administratifs
34
0,5 %
60
1 %
Personnels techniques
36
1,2 %
57
0,4 %
Total personnel non médical
271
0,6 %
458
1,1 %
Source :
DREES SAE données 2012
Les dépenses de sous-traitance logistique, à laquelle les hôpitaux
publics consacrent moins de 2
% de leurs charges d’exploitation, a
progressé pour sa part 2,5 fois plus vite que celles de personnel non
médical, attestant de la persistance d’une dynamique
d’externalisation de
certaines tâches dans une optique de recherche de gains de productivité.
Cette pratique reste néanmoins beaucoup moins développée que dans les
cliniques privées à but lucratif, parmi lesquelles deux établissements sur
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422
trois y recourent pour des fonctions telles que la restauration, la
blanchisserie et le nettoyage, ce qui suggère des marges de progression et
des gains d’efficience potentiellement importants.
Indépendamment de ce phénomène d’externalisation, le fait que les
hausses d’e
ffectifs non médicaux (+1 % en moyenne annuelle) soient
sensiblement inférieures à celle de l’activité hospitalière (+1,6
% en
moyenne annuelle pour les séjours
509
, +2,7
% pour l’activité MCO
valorisée via le PMSI
510
) reflète une amorce d’amélioration tendanci
elle
de la productivité de ces personnels.
II
-
Des facteurs défavorables à la maîtrise des
dépenses
A -
L’impact sur l’hôpital des mesures statutaires et
nationales
La croissance des dépenses de personnels est en partie soutenue
par des décisions nationales dont l
es effets s’imposent aux hôpitaux
publics.
En moyenne annuelle, l’impact des décisions nationales affectant
les rémunérations et les charges afférentes aux personnels des
établissements publics de santé est évalué par la direction générale de
l’offre de s
oins sur la période 2010-2013 à 0,75
% de l’«
ONDAM
hôpital ».
509. En séjours. Données SAE DREES.
510. Effet codage inclus.
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
423
Tableau n° 82 :
évolution du cadre d’emploi des hôpitaux, depuis 2010
En
M€
2010
2011
2012
2013
Moyenne
Mesures salariales
511
générales
291
99
56
431
219
Mesures concernant le
personnel
non médical
512
96
144
220
114
144
Mesures concernant le
personnel
médical
513
68
113
35
75
73
Total
455
356
311
620
436
Poids dans l'ONDAM
0,8 %
0,6 %
0,55 %
1,05 %
0,75 %
Source :
DGOS
514
En 2012 la revalorisation de la catégorie C décide pour l’ensemble
de la fonction publique a
touché près d’un fonctionnaire hospitalier sur
deux. Aux mesures d’application générale, s’ajoutent les mesures
catégorielles propres à la fonction publique hospitalière, telles que le
reclassement de la moitié des infirmiers en catégorie A et la revalorisation
de la catégorie B des corps administratifs, médicotechniques et
techniques.
Les dépenses de personnel des hôpitaux subissent par ailleurs
l’impact de l’augmentation de cotisations vieillesse destinées à la
CNRACL (qui a représenté près de 0,4 % de progression des dépenses
hospitalières en 2013 et pèsera d’un poids équivalent sur les dépenses en
2014)
515
. La poursuite de cette majoration, destinée à rééquilibrer le
régime de retraite des agents de la fonction publique territoriale et de la
fonction publique hospitalière, aura un impact négatif sur les dépenses de
personnel hospitalier.
511.
Mesures générales telles que l’augmentation de la valeur du point d’indice, les
augmentations du SMIC et les mesures bas salaires, la revalorisation de la catégorie
C, la garantie individuelle du pouvoir d’achat (GIPA), le relèvement du taux de
cotisation à la CNRACL, l’assouplissement des conditions de départs en retraite
anticipée…
512.
Par exemple, reclassement d’une partie des corps infirmiers de la catégor
ie B
vers la catégorie A, la revalorisation de la catégorie B des corps administratifs,
médicotechniques et techniques
…
513. Par exemple, la réforme de
l’IRCANTEC, l’augmentation des quotas d’internes,
les indemnités et la formation des chefs de pôles
…
514.
Estimations réalisées dans la phase préparatoire à l’ONDAM, hors GVT qui
procède en partie de décisions locales.
515. Le taux de cotisation employeur à la CNRACL est passé de 27,4 % en 2012 à
28,85 % en 2013, 30,4 % en 2014, puis augmentera à 30,45 % en 2015 et 30,5 % en
2016.
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424
B - Les tensions sur le recrutement de certains
personnels médicaux et non médicaux
Le dynamisme des rémunérations versées aux contractuels (cf.
supra
), qui peuvent bénéficier de traitements plus favorables que ceux
prévus par le statut des praticiens hospitaliers, s’explique par la difficulté
de recruter sur certains postes des spécialistes également attirés par une
pratique en clinique privée. Cependant, cette difficulté ne concerne pas
exclusivement les médecins.
1 -
Les spécialités sous tension et les vacances de poste
L’appréciation des vacances de postes dans les hôpitaux publics
souffre d’une absence de données consolidées et fiables, permettant
d’apprécier les difficultés str
ucturelles des établissements à recruter.
L’information disponible est fragmentaire, qu’il s’agisse des tensions sur
certaines spécialités déclarées par les établissements de santé dans leurs
bilans sociaux ou de la statistique sur les praticiens hospitaliers établie par
leur centre national de gestion (CNG)
516
.
Dans leurs bilans sociaux, les établissements publics de santé sont
nombreux à signaler des tensions ou difficultés de recrutement concernant
les masseurs-kinésithérapeutes (69 % des établissements), les infirmiers
(39 %) ou les aides-soignants (21 %). En ce qui concerne les médecins,
des difficultés sont notamment évoquées pour les anesthésistes-
réanimateurs (55 %), les radiologues (40 %) et les psychiatres (26 %)
517
.
Au-delà de ces éléments déclaratifs, seul est recensé, pour les
praticiens hospitaliers, un taux de vacance plus théorique que réel (23,7 %
en moyenne pour les temps plein
518
), faute d’une actualisation
systématique du fichier national à l’initiative des établissements et d’une
connaissance des postes pourvus par des personnels non statutaires.
Les données transmises par la conférence des directeurs généraux
de CHU pour une spécialité, celle des anesthésistes-réanimateurs,
montrent que pour ce type d’établissements le pourcentage de
postes
réellement vacants et donc pourvu par des intérimaires contractuels, est
plus proche de 13 %.
516. Le CNG établit les statistiques pour les catégories relevant de sa compétence, qui
ne porte pas sur l’ensemble des personnels médicaux des établissements.
517. ATIH, bilans sociaux 2012.
518. CNG, données au 1
er
janvier 2013.
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:
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425
D’après un chiffrage réalisé par le ministère de la santé, plus d’un
poste de praticien hospitalier sur quatre ouvert en hôpital public serait
vacant (27,6 %
519
) en anesthésie-réanimation, la situation devant
s’aggraver avec le départ en retraite de plus de 1
600 praticiens
hospitaliers anesthésistes-
réanimateurs d’ici 2020
520
. La réalité apparaît
plus contrastée au niveau des établissements, ceux-ci palliant une partie
de ces vacances par des emplois contractuels et par une optimisation du
temps travaillé. Ainsi, dans les CHU
521
, sur 2 846 postes rémunérés
d’anesthésistes
-réanimateurs, trois sur quatre (73 %) sont effectivement
occupés par des praticiens statutaires. Seuls 5 % des postes sont
cependant réellement vacants, concentrés notamment dans sept CHU
ayant des taux de vacance supérieurs à 10 %. Le recours aux plages de
temps additionnel
522
permet d’assurer l’équivalent de 4
% des postes
(soit l’équivalent de
128 ETP). En sus des praticiens associés
523
(5 % des
postes), près de 13 % des postes sont en définitive pourvus par des
personnels non statutaires (recours à des personnels intérimaires et
embauche de cliniciens contractuels).
519. Pour les praticiens temps plein, données au 1
er
janvier 2013.
520.
CNG, rapport d‘activité 2012. Estimations à partir de la pyramide des âges des
praticiens hospitaliers anesthésistes réanimateurs de 2013 à 2020, à partir des
estimations réalisées en 2009 pour la période 2009-2020.
521. Conférence des directeurs généraux de CHU, conférence des directeurs des
affaires médicales, anesthésie réanimation, personnel médical. Ensemble des CHU,
sauf deux. Données 2011.
522. Temps de travail médical réalisé au-delà de 48 heures de travail hebdomadaire
lissé sur quatre mois.
523 . Médecins recrutés par contrat par les établissements, exerçant leur activité
médicale à l’hôpital sous forme de demi
-journées
et placés sous la responsabilité d’un
praticien de plein exercice
.
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426
Pour la
radiologie et l’imagerie médicale, une vacance théorique de
poste de 37 % environ est constatée pour les praticiens hospitaliers temps
plein
524
au niveau national, avec des départs en retraites d’ici 2020
estimés à plus de 220
525
. Dans les CHU
526
, 7 % des postes sont
effectivement vacants, concentrés pour moitié dans trois CHU ayant plus
de dix postes vacants. Les praticiens associés occupent 14 % des postes
rémunérés. Le recours aux plages additionnelles et aux recrutements de
médecins sous le statut de « clinicien contractuel »
527
est limité, couvrant
1 % des postes rémunérés.
Dans certains cas, le faible empressement à pourvoir un poste peut
attester de sa faible utilité, la vacance étant dès lors une source
d’économie
pour
l’établissement.
Le
recours
à
des
per
sonnels
contractuels non permanents dans des grands établissements pour couvrir
plus du dixième des besoins dans certaines spécialités médicales est
néanmoins révélateur
des tensions qui pèsent sur l’hôpital public.
524. 48 % pour les praticiens à temps partiel. Au total, 2 664 postes de praticiens
hospitaliers sont budgétés dans les EPS et 1621 sont occupés par des praticiens
statutaires. Données 2012. CNG, rapport d’activité 2012.
525.
CNG, rapport d‘activité 2012. Sur la base
de la pyramide des âges des médecins
radiologues, une projection des départs en retraites a été réalisée sur la période 2009-
2020.
526. Conférence des directeurs généraux de CHU, conférence des directeurs des
affaires médicales, Enseignements de la monographie démographie en imagerie
médicale en CHU 2013, présentation à la conférence des directeurs généraux du
13 février 2014. 25 CHU sur 29. Données 2012.
527. Pour les postes présentant « une difficulté particulière à être pourvus » et sous
réserve de l’inscription de ces postes au
contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens,
les établissements peuvent recruter des « médecins cliniciens contractuels », dont la
rémunération totale ne peut excéder le montant du 13
ème
échelon du statut de praticien
hospitalier majorée de 65 %.
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
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427
La situation de la maternité de Montluçon
Le
centre
hospitalier
de
Montluçon
connaît
d’importantes
difficultés pour pourvoir aux emplois de gynécologues-obstétriciens
nécessaires au fonctionnement de sa maternité classée en type II b.
Le service de gynéco-obstétrique fonctionne actuellement avec
trois praticiens hospitaliers dont seul le plus âgé (59 ans) dispose à la fois
des compétences obstétricales et chirurgicales. Il compte également une
assistante à titre étranger dont le statut et les compétences ne lui
permetten
t pas d’assurer seule les astreintes et les interventions
. Après
avoir complété cet effectif avec des internes le plus souvent en début de
formation et présents pour des périodes de six mois
, l’établissement
prévoit de recruter, à l’automne 2014, une prati
cienne hospitalière
contractuelle et un praticien hospitalier détaché pour un an du CHU de
Clermont-Ferrand.
Cette situation fragilise très gravement le fonctionnement d’une
maternité qui effectue 1 300 accouchements par an et qui a vocation à
prendre en c
harge des grossesses à risque fœtal identifié ou suspecté
L’offre de ville n’offre pas de recours. Deux des trois gynécologues
obstétriciens exerçant en cabinet devraient partir à la retraite à très court
terme. L’ensemble de la gynécologie obstétrique dev
ra alors être assurée
par le centre hospitalier alors même que le nombre des consultations
réalisées par l’hôpital est déjà très élevé et qu’un rendez
-vous avec les
deux praticiens hospitaliers requiert plus de huit mois de délai.
Les sept postes de pédia
tre de l’hôpital sont tous occupés. Deux
praticiens ont 59 et 60 ans. Ils suppléent notamment à l’absence de toute
offre libérale.
Face aux problèmes posés par les vacances de poste, le
développement des coopérations hospitalières peut apporter certaines
réponses : communautés de territoire permettant un exercice médical
partagé (par exemple entre le CHU de Clermont-Ferrand et les CH de
Riom, Issoire, le Mont-Dore et le centre de soins de suites d'Enval) ou
groupements de prestations croisées avec des médecins libéraux (CH de
la Côte Basque), voire mise en place d’équipes médicales territoriales
inter-établissements, par exemple en imagerie entre les établissements de
Fontainebleau, Montereau, Nemours et Melun, expérimenté en 2014.
L’exemple des infirmiers, pour lesquels une obligation d’exercice
minimal en établissement de soins avant l’installation en ville a été
introduite en 1993, montre que des solutions à la pénurie de certains
personnels peuvent être trouvées au niveau national par la modification
du déroulé des carrières.
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428
2 -
L’attractivité du secteur privé
Les rémunérations brutes annuelles des médecins hospitaliers se
situent entre 27 908
€ en moyenne pour un interne, 44
175
€ pour un
praticien assistant et 88 235
€ pour un praticien hospitalier
528
. Selon
l’ancienneté, la participation à la permanence des soins et l’attribution
diverses primes ou indemnités, ces rémunérations peuvent varier de façon
importante. À cela s’ajoute, pour environ 4
500 praticiens hospitaliers
529
,
la pratique d’une activité libérale
à l’hôpital, donnant lieu au versement
d’une redevance à l’établissement
530
.
La comparaison avec les rémunérations perçues par les médecins
libéraux
exerçant
en
clinique
reste
défavorable
aux
carrières
hospitalières : alors que la rémunération brute annuel
le d’un anesthésiste
est en moyenne de 99 002
€ (hors pratique libérale) dans le secteur
public, le revenu net annuel moyen atteint 256 055
€ dans le secteur privé
lucratif. Pour les chirurgiens, la rémunération brute annuelle s’élève en
moyenne à 94 981
€
(hors activité libérale) dans le secteur public et et
186 876
€ en rémunération nette dans le secteur lucratif
531
.
À ces différences, s’ajoutent des conditions d’exercice plus
contraignantes pour les médecins hospitaliers sur lesquels reposent pour
l’essen
tiel la permanence des soins
532
. Cette dernière implique des
sujétions plus lourdes en matière d’horaires, de souplesse d’organisation
et de conditions de travail.
Des rémunérations inférieures pour certaines spécialités à celles
perçues dans le secteur pri
vé lucratif et des conditions d’exercice plus
exigeantes dans le secteur public peuvent nourrir localement une
concurrence entre secteurs et tendre le marché de l’emploi médical.
528 . CNG
Données sociales relatives aux personnels médicaux de la fonction
publique hospitalière
, tous statuts confondus (fin 2011
–
61 % des effectifs). Données
provisoires, février 2014. Données pour les centres hospitaliers. Les rémunérations
dans les CHU sont en moyenne inférieures à celles constatées dans les CH.
529 .
D’après le rapport remis en mars 2013 au ministre de la santé par Mme
Dominique Laurent sur «
l’activité libérale dans les établissements publics de
santé ».
530. En 2011, les hôpitaux ont perçu à ce titre 70
M€ de redevance. Le montant
moyen perçu par praticien s’établit à 22
800
€.
531. Données CNAMTS. Cf. sur ce point Cour des comptes, Communication à la
commission des affaires sociales du Sénat,
Les relations conventionnelles entre
l’assurance
-maladie et les professions libérales de santé
, juin 2014, 193 p., disponible
sur
www.ccomptes.fr
.
532. Certaines cliniques participent également à la permanence des soins, mais cette
dernière repose néanmoins pour l’essentiel sur les établissements publics de santé.
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UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
429
3 -
Des réponses coûteuses
Pour recruter ou fidéliser leurs personnels, des majorations de
rémunérations sont parfois pratiquées. La croissance de la part des
dépenses de personnel portant sur les médecins qui n’ont pas le statut de
praticiens hospitaliers - cliniciens, contractuels intérimaires - atteste de ce
que l’hôpital accepte d
e plus en plus souvent un surcroît de dépense pour
s’assurer le concours de médecins qui préfèrent cette position à celle de
praticien hospitalier. Les surcoûts liés aux vacances de postes médicaux
ont pu être ainsi estimés à 500
M€ par un récent rapport p
arlementaire
533
.
Pour ce qui concerne les médecins remplaçants, les coûts de
remplacement relevés par les juridictions financières varient entre 550
€
la journée et 1 500
€ les vingt
-quatre heures, selon les spécialités et
établissements
.
Le CHU de Poitiers recourt ainsi à des anesthésistes
intérimaires à un coût de 1 300
€ HT les vingt
-quatre heures de garde et
400
€ HT le jour de repos obligatoire, auxquels s’ajoutent les frais de
déplacement, d’hébergement et de repas. Le recours aux agences
d’intérim s’ef
fectue la plupart du temps sans mise en concurrence ou
marché formalisé (CH de Carcassonne, CHU de Poitiers).
La souplesse offerte dans la gestion du temps de travail des
intérimaires peut dans certains cas compenser partiellement le surcoût de
ces formules. Les écarts de rémunérations entre ces personnels et les
personnels statutaires constituent cependant un facteur de dissension au
sein des communautés médicales hospitalières.
Pour les personnels soignants, le recours à l’intérim est concentré
sur quelqu
es professions. Selon une étude de l’ARS de Bretagne auprès
de 21 établissements, 95
% du recours à l’intérim, estimé à 34
000 heures
en 2011, est concentré sur les infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et
aides-
soignants. Les tarifs sont variables d’une région à l’autre, avec des
écarts de 11 % entre le Nord-Pas de Calais et la Lorraine pour les
infirmières et 13 % pour les aides-soignants entre le Nord-Pas de Calais
et la Basse-Normandie
534
. L’estimation d’un poids de 0,3
% des
dépenses d’intérim dans les
charges de personnel des hôpitaux, soit
105
M€
535
, ne reflète que très partiellement le poids des remplacements.
Ceux-ci comportent en effet également des contrats de courte durée qui
ne sont pas comptabilisés en intérim.
533 .
Hôpital recherche médecins coûte que coûte
; rapport d’information de
M.
Olivier Véran, député de l’Isère, décembre 2013.
534. Appel Médical (2013), 630 000 fich
es de paie d’intérimaires
.
535. DGFIP données 2012.
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430
En sus de ces pratiques en matière de remplacements, des
irrégularités sont parfois observées pour recruter ou conserver certains
personnels médicaux ou non médicaux : recrutement de médecins sous
contrat au dernier échelon de la grille des praticiens attachés (CH d’Alès
-
Cévennes), avanceme
nts accélérés (CH de Givors), forfaitisation d’heures
supplémentaires (CH de Mende) ou d’indemnités de temps additionnel,
constituant des compléments de rémunération (CH d’Alès
-Cévennes, CH
de Mende, CHRU de Nîmes
536
) ou encore recrutement de contractuels à
des conditions favorables (CHI Les Hôpitaux du Léman).
Ces pratiques entraînent dans une spirale de surenchère certains
établissements confrontés à des difficultés récurrentes et prolongées de
recrutement.
C - Une gestion insuffisamment efficiente
1 -
Des pratiques peu rigoureuses
Les chambres régionales des comptes ont constaté parfois une
pratique généreuse de l’avancement intermédiaire. La durée maximale
d’avancement, durée de principe prévue par les textes, est fréquemment
remplacée par une durée intermédiaire, appliquée à plus de la moitié des
agents dans certains établissements (CH d’Alès
-Cévennes, de Saint-
Brieuc, de Castres-Mazamet et établissement public de santé mentale de
de Quimper), avec des surcoûts estimés entre 100 000 et 200 000
€ par
établissement. Indépendamment même de leur coût, ces pratiques privent
l’encadrement d’un outil de management et peuvent avoir un effet
démobilisateur pour les personnels arrivés au sommet de grade.
Pratiquement tous les établissements dont la gestion a été
examinée da
ns le cadre de l’enquête des juridictions financières
présentent des durées annuelles de travail inférieures à la durée légale
537
,
avec des écarts variables. Les durées annuelles effectives sont le plus
souvent inférieures de sept heures à la durée annuelle légale pour les
personnels en repos variables. Les écarts les plus importants, qui vont
jusqu’à 25 heures, concernent les personnels en repos fixe ou de nuit (CH
de Saint-Cyr-au-Mont-
d’Or). L’écart est accentué par le décompte en
travail effectif des temps
de pause, d’habillage, déshabillage et de repas
536.
Situation régularisée en imagerie par la création d’un poste de clinicien.
537. La durée du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine (ou 1 607 heures
par an), hors heures supplémentaires, dans les établissements publics hospitaliers. Elle
est réduite à 1 582 heures pour les agents en repos variable qui travaillent au moins
dix dimanches ou jours fériés par an.
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UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
431
(fixé à 30 minutes), pourtant parfois renégocié par certains établissements
(CH Argenteuil…).
Un manque de rigueur assez général ressort des contrôles des
chambres régionales des comptes, illustré par un décompte du temps de
travail déclaratif dans de nombreux établissements en l’absence de
dispositif de badgeage, la non systématisation des tableaux de service des
médecins, le caractère déclaratif des jours portés sur les comptes épargne
temps, le versement d
e primes ou indemnités non justifiées ou l’absence
de contrôle préalable au paiement des compléments de rémunération liés
à la permanence des soins.
La mobilisation de ces marges d’efficience, notamment en termes
d’augmentation de la durée effective du tem
ps de travail qui peut
supposer la renégociation des accords locaux passés au moment de la
mise en place de la réduction du temps de travail, s’impose pour pouvoir
modérer l’évolution des dépenses de personnel dans le contexte de
sensible resserrement de l
’ONDAM au cours des prochaines années.
2 -
Des restructurations trop limitées
Les opérations de modernisation engagées dans le cadre des plans
Hôpital 2017 et Hôpital 2012 comme les regroupements hospitaliers
menés depuis plusieurs années devaient contribuer à
l’amélioration de la
qualité et de la sécurité des soins pour les patients, tout en contribuant à
une
optimisation
des
ressources
médicales
et
soignantes
et
à
l’amélioration de la productivité.
Comme les juridictions financières l’ont relevé à plusieurs
reprises,
ces restructurations n’ont que très partiellement souvent atteins ces
objectifs
538
. Certaines structures restent trop petites et isolées pour
assurer un plan de charge satisfaisant pour leur personnel et leurs
équipements. En obstétrique, la mise e
n place de seuils d’activité et de
conditions techniques de fonctionnement ont conduit cependant de
nombreuses petites maternités de proximité à fermer car elles étaient
sous-dotées en équipements et en personnels au regard des nouvelles
538. Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la
sécurité sociale pour 2008,
chapitre VIII, Les restructurations hospitalières, p. 263-
304 ;
Rapport public annuel 2013,
Les restructurations hospitalières : trois exemples
des difficultés rencontrées, T.I, p. 151-162 ;
Communication à la commission des
finances du Sénat, Le patrimoine immobilier des CHU affecté aux soins
, juillet 2013 ;
Communication à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, La
dette hospitalière
, avril 2014, disponibles sur
www.ccomptes.fr
.
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432
normes
539
. En cancér
ologie, l’ARS d’Île
-de-France a retiré 46
autorisations de traitement du cancer en 2011, les seuils d’activité
réglementaires n’étant pas atteints. En revanche, l’absence de publication
du décret imposant un seuil d’activité pour les autorisations de chiru
rgie
contribue au maintien d’établissements dont les services ont un taux
d’occupation très faibles, sont confrontés à des difficultés récurrentes de
recrutement et dont la productivité est structurellement insuffisante.
Le placement en recherche d’affecta
tion
De manière à donner plus de fluidité à la gestion du corps médical
et faciliter ainsi certaines restructurations, la réforme du statut des
praticiens hospitaliers réalisée en 2006 a rendu possible le placement d’un
médecin en recherche d’affectation
540
. Une fois placé dans cette position,
l’intéressé, rémunéré par le Centre national de gestion sur la base de son
traitement hospitalier, peut bénéficier de prestations d’accompagnement et
de reconversion pendant une durée maximale de deux ans. Cette
possibilité ouverte par la réforme de 2006 est peu utilisée : en 2012, elle
concernait 46 praticiens hospitaliers, soit 0,11 % de leur nombre total.
D’un âge moyen de 55 ans, ces praticiens ont majoritairement cessé leur
activité à l’issue de la période de recherche d’affectation (en 2012, seuls
deux praticiens ont repris une activité en établissement). Si le placement
en recherche d’affectation peut faciliter certaines restructurations, il ne
constitue pas dans son usage actuel un élément de fluidification de la
gestion des ressources médicales permettant d’adapter plus rapidement les
ressources aux besoins et d’accroître la productivité hospitalière.
L’insuffisance des réorganisations conduites contribue au maintien
de tensions fortes dans le recrutement de certaines catégories de
personnels, tout en ne permettant pas de compenser les hausses d’effectifs
constatées dans les zones les plus dynamiques en termes d’activité par des
diminutions dans d’autres.
539. DREES, Panorama des établissements de santé, p. 36.
540 .
Selon l’article R.
6152-50-1 du code de santé publique « La recherche
d’affectation est la situation dans laquelle le praticien hospitalier titulaire en
activité
est placé, compte tenu des nécessités du service, auprès du Centre national de gestion,
soit sur sa demande, soit d’office, en vue de permettre son adaptation ou sa
reconversion professionnelle ou de favoriser la réorganisation ou la restructuration des
structures hospitalières. »
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L
ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
433
III
-
Des marges de manœuvre à mobiliser
A - Améliorer la capacité de pilotage des dépenses de
personnel hospitalier
1 -
Développer les capacités d’analyse et d’anticipation du niveau
national
a)
Améliorer la connaissance des déterminants et des évolutions de la
dépense
Le ministère de la santé n’appréhende que de manière très
rudimentaire les déterminants des évolutions de la masse salariale des
hôpitaux, résultant de la variation des effectifs, du glissement vieillesse
technicité (GVT) négatif et de la rémunération moyenne des personnels
en place (RMPP)
541
.
Le GVT négatif est lié à
l’importance des départs en retraite, les
personnels en fin de carrière étant mieux rémunérés que les agents
nouvellement recrutés. Il explique en grande partie la stabilisation des
dépenses de personnel. Cependant, son évaluation repose encore sur des
analyses désormais anciennes
542
. L’actualisation du GVT, désormais
annoncée pour le second semestre 2014, sera à cet égard un réel progrès
pour un pilotage moins embryonnaire de la dépense de personnel.
La connaissance des variations d’effectifs s’avère compl
exe car les
données démographiques les plus récentes restent communes à
l’ensemble de la fonction publique hospitalière
543
, dont un agent sur dix
exerce non pas dans les hôpitaux mais dans des structures médico-
sociales. Les projections nationales sur les départs en retraite dans les
hôpitaux publics, par catégorie de personnel, spécialités
544
ou professions
541 . Cour des comptes
, Rapport sur la situation et perspectives des finances
publiques 2014,
p. 155, juin 2014, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
542. DGOS, Étude « coûts et carrières 2005-2008 ».
543 . SIASP, INSEE, DGAFP, Rapport annuel sur la fonction publique 2013,
Pyramide des âges dans la FPH, pour 2011. Champ : emplois principaux médicaux et
non médicaux, tous statuts. Hors personnels hospitalo-universitaires et bénéficiaires
de contrats aidés. France entière (hors Com et étranger). Ensemble des EPS et des
établissements médico-sociaux.
544. Projections 2009 à 2020 réalisés par le CNG par spécialités pour les praticiens
hospitaliers.
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434
reposent sur des données déjà anciennes
545
. Les dernières analyses
démographiques publiées en 2013 concernant les personnels non
médicaux et certaines professions soignantes reposent sur des données
datant de 2009
546
. Réalisées avant les modifications des règles de retraite
liées à la réforme de 2010 et le reclassement de la moitié des infirmiers en
catégorie A
547
, ces études ne permettent pas de disposer d’une
anticipation
précise
des
départs
en
retraite,
qui
concerneront
potentiellement de l’ordre de 30
000 personnes par an dans les prochaines
années et qui constituent un paramètre déterminant dans la régulation des
dépenses de personnel.
Pour ce qui concerne les médecins, le ministère anticipait en 2009
un important renouvellement de la population de praticiens hospitaliers
sur les dix années suivantes, sous l’effet des départs à la retraite (10
562
départs en r
etraite prévus jusqu’en 2020, soit 31
% du corps), les autres
motifs de sortie (dont les décès et les démissions) représentant 4 005
départs, soit 12 % du corps. Une actualisation de ces projections, qui
laissaient entrevoir un important renouvellement de praticiens sur la
période 2010-
2020, serait également souhaitable et à étendre à l’ensemble
des personnels médicaux.
En matière de rémunération, l’indicateur le mieux connu, la
rémunération moyenne du personnel en place (RMPP), calculé depuis
2009 dans le
rapport annuel sur la fonction publique, n’est pas disponible
sur une plus longue période. Il doit de plus être amélioré, affiné par
catégorie de personnel ou d’établissements. À l’instar de la fonction
publique d’État, il serait souhaitable de distinguer
entre effets de carrière
et effets de structure dans son évolution à l’hôpital
548
.
545. Projections de départs en retraites réalisées par la DGOS pour la période 2008 à
2017 à partir de données 2004-2007.
546 . DREES, études et résultats n° 846, juillet 2013 « Établissements de santé :
personnel soignant de plus en plus âgé ». Données 2009, France entière.
Établissements publics et privés confondus.
547. En accédant à la catégorie A
, les infirmiers perdent la possibilité d’un départ
anticipé lié à la catégorie active.
548.
L’effet de carrière mesure la contribution à l’évolution du salaire moyen des
avancements et promotions des personnels en place. L’effet de structure mesure
l’effet
de la modification de la répartition entre les différents corps, grades et
échelons. DGAFP, Rapport annuel 2013, définitions p. 148.
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L
ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
435
L’évolution des rémunérations dans les hôpitaux publics
En 2011, la RMPP nette a augmenté de 3,3 % en moyenne, deux
fois plus vite qu’en 2009. Cette dynamique s’explique en
partie par le
reclassement de la moitié des infirmiers en catégorie A et la revalorisation
de la catégorie B des corps administratifs, médicotechniques et techniques.
La RMPP augmente plus rapidement à l’hôpital que dans la fonction
publique d’État (3
%) ou la fonction publique territoriale (2,3 %). Pour
autant, elle diminue légèrement, de 0,4 % en euros constants entre 2009 et
2011
549
.
Pour les hôpitaux, comme du reste pour les collectivités
territoriales
550
, le niveau national n’est pas en mesure d’apprécier
précisément les déterminants de l’évolution des dépenses de personnel.
Leur objectivation à brève échéance est à considérer comme une priorité
afin notamment d’estimer les marges de manœuvres dégagées par les
départs en retraite à venir et assurer un pilotage plus efficace de la
dépense de personnel des hôpitaux.
b)
Porter une attention accrue aux problématiques de maîtrise de la
masse salariale
Le niveau national n’assure pas directement le pilotage de la masse
salariale des établissements. L’ONDAM est un out
il indirect qui
contribue à la maîtrise des charges de personnel des hôpitaux en régulant
leurs recettes. Lors du vote de l’ONDAM, les effectifs et dépenses de
personnels des hôpitaux n’apparaissent qu’à titre informatif, dans le
programme qualité et efficience « maladie », annexé au projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
La régulation des dépenses et des effectifs est ainsi renvoyée au
niveau des établissements.
Pour autant, la construction comme l’exécution de l’ONDAM sont
affectées par certaines décisions nationales qui impactent les dépenses de
personnel des hôpitaux. Leur discipline apparaît alors comme le premier
levier à mobiliser pour contenir la hausse des dépenses hospitalières.
Par ailleurs, certains dossiers à enjeux particulièrement significatifs
remontent désormais au niveau national. Depuis 2013, le comité
interministériel de performance et de la modernisation de l'offre de soins
549.
En euros constants, la RMPP s’élève à 1,6
% en 2009 et 1,2 % en 2011 (écart de
0,4 %).
550. Cour des comptes,
Rapport public thématique,
Les finances publiques locales
,
octobre 2013, p. 209, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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436
(COPERMO)
traite
en
effet
au
niveau
national
les
dossiers
d’investissements importants ou de déficit
élevé, qui l’amènent à
connaître des ressources humaines des établissements. Le COPERMO a
ainsi demandé à l’ARS d’Auvergne de signer un contrat de retour à
l’équilibre
financier
avec
un
centre
hospitalier,
comportant
le
redimensionnement à la baisse des effectifs et des astreintes pour un total
de 2,3
M€, par une optimisation de la gestion des lits, le développement
de l’ambulatoire, la maîtrise de la durée moyenne de séjour, la réduction
de certaines capacités et du nombre de salles de bloc opératoire. Les ARS
sont associées aux travaux du COPERMO en amont de ses décisions et en
aval puisqu’elles contractualisent les plans d’action.
2 -
Une action régionale à renforcer
Aux moyens de pilotage mis en place au niveau national devrait
répondre une intervention des agences régionales de santé visant à rendre
plus fluide la gestion des effectifs hospitaliers au plan territorial. Pour ce
faire, les ARS doivent non seulement s’appuyer sur le dialogue
contractuel engagé avec les établissements, mais également ne pas hésiter
à faire usage des compétences règlementaires qui leur sont conférées en
matière de fermeture et de restructuration d’établissements publics de
santé.
a)
Un recours privilégié des ARS aux outils contractuels
Au niveau régional, les ARS disposent de compétences limitées sur
la régulation des dépenses de personnel. Elles peuvent s’opposer à l’état
prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD)
551
fixant les prévisions
de dépenses de personnel, sous condition de délai et pour des motifs
limitativement fixés
552
. Le tableau prévisionnel des effectifs rémunérés
qui leur est transmis n’a qu’une valeur informative.
Les actions des ARS en matière de dépenses de personnel
s’inscrivent dans une démarche graduée, allant de la prévention des
situations à risques à la co
nclusion de plans de retour à l’équilibre
contractualisés avec les établissements. Ces derniers peuvent comporter
des actions directes sur les dépenses de personnel ou des mesures ayant
551. Le plan global pluriannuel de financement (PGFP) comportant les prévisions de
dépenses de personnel, annexé
annuellement à l’EPRD, est soumis au même régime
de non opposition.
552 . Articles L. 6143-4 et R. 6145-31 du code de santé publique (déséquilibre
financier, non-
respect du contrat d’objectif et de moyens, mesures de redressement
inadaptées).
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
437
sur
elles
une
incidence
indirecte,
(telles
que
par
exemple
le
redimensionnement du pool de remplacement au CH de Roubaix). Les
contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, qui comportent un volet
« ressources humaines », contribuent également à la régulation et
l’optimisation des dépenses de personnel.
Alors qu’il serait
nécessaire pour les agences de disposer au niveau
territorial
d’une
vision
agrégée
des
besoins
en
personnel
des
établissements de santé, leur action régulatrice reste en tout état de cause
limitée par l’absence de volet «
ressources humaines » en appui à la mise
en œuvre du programme régional de santé
553
.
b)
Une compétence de validation des évolutions des effectifs médicaux
Les ARS disposent d’un champ d’intervention large sur les
ressources médicales des hôpitaux. La validation de la liste de postes de
praticien hospitalier pour publication nationale leur ouvre les moyens
d’une régulation des effectifs médicaux.
Un exemple de régulation territoriale
En Pays de la Loire, l’ARS a ainsi refusé de publier un poste
d’urgentiste non conforme à l’organisation territor
iale des urgences
figurant dans le SROS. Deux postes de pédopsychiatres demandés par un
établissement orienté en MCO ont finalement été ouverts dans un
établissement spécialisé en psychiatrie situé à proximité afin d’améliorer
l’attractivité des postes et
mutualiser les ressources. Des demandes de
publication de postes de médecins généralistes ont été refusées, par souci
d’articulation avec la médecine de ville.
Les agences régionales de santé valident également le recrutement
des médecins contractuels embauchés pour plus de trois mois
554
,
décident de l’affectation des médecins en formation et organisent la
permanence des soins. Ces compétences constituent également des outils
pour une meilleure régulation des effectifs médicaux.
Les ARS disposent également d
’une palette d’outils visant à
pourvoir les postes vacants nécessaires à la mise en œuvre des schémas
régionaux de l’offre de soins. Ces dispositifs incitatifs reposent
essentiellement sur le versement d’une prime en contrepartie d’un
engagement à servir sur une certaine durée. Ils se sont enrichis
récemment de nouvelles modalités, tels que le contrat d’engagement de
553. Une mission est cependant en cours à ce sujet.
554. Article R. 6152-411 du code santé publique.
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438
service public
555
destiné aux étudiants en médecine ou le contrat de
clinicien dans le cadre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens
passés avec les établissements. La multiplication de ces dispositifs sans
vision d’ensemble et sans évaluation régulière nuit cependant à leur
efficacité.
c)
La nécessité d’une action plus énergique
La persistance de difficultés de recrutement peut parfois mettre en
cause les conditions techniques de fonctionnement requises pour
l’exercice d’une activité. Il appartient dans ce cas à l’ARS de constater
plus systématiquement la non-conformité du fonctionnement et de
procéder à des restructurations.
Les dispositif
s incitatifs ne peuvent par ailleurs venir qu’en
complément d’une action plus forte et plus large de recomposition de
l’offre hospitalière, indispensable à l’optimisation des ressources, au
dégagement de gains de productivité et à à la maîtrise de la dépense. Si
les efforts consentis ont été importants, ils sont à intensifier pour atteindre
les objectifs ambitieux affichés à cet égard par les pouvoirs publics.
B -
Renforcer l’efficience dans les établissements de
santé
1 -
Repenser les organisations internes
La
performance des organisations est variable d’un établissement à
l’autre, révélant des marges de progression significatives. À titre
d’exemple, la production par salle et chirurgien dans les blocs
opératoires, estimée au moyen d’un indicateur qui pondère le
s
interventions chirurgicales par leur complexité (indice de complexité
relative ou ICR), varie du simple au double selon les établissements.
555. 548 contrats signés pour 1 229 contrats proposés.
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
439
ICR par salle d’opération, chirurgien et établissement
Graphique n° 28 :
En milliers
Source :
ATIH, hospidiag 2011
Les différences de performance peuvent tenir au maintien
d’établissements dans des zones à faible patientèle, ainsi qu’aux
difficultés de recrutement de certains personnels, dont les anesthésistes-
indispensables
au
fonctionnement
des
blocs
opératoires.
Les
performances des centres hospitaliers, moins spécialisés en chirurgie et
plus nombreux à se situer dans des zones isolées, apparaissent de ce fait
moins élevées que celles des centres hospitaliers universitaires. Le fait
que les écarts entre les performances les plus fortes et les plus faibles
soient plus accentués pour les chirurgiens que pour les salles
d’intervention (pour les CHU, l’indice du 8
ème
décile des chirurgiens les
plus productifs est supérieur de 70 % à celui du 2
ème
décile des
chirurgiens les moins productifs, alo
rs que l’écart n’est que de 36
% pour
les salles d’intervention) montre que le facteur personnel joue un rôle
aussi important que les facteurs environnementaux.
Cherchant à aller plus loin dans l’identification des causes de non
performance, l’ARS Languedo
c-Roussillon
556
a réalisé en janvier 2013
une étude mettant en évidence les délais d’attente en amont et en aval des
interventions, les délais entre chaque tâche, un taux d’encadrement en
personnel soignant supérieur à l’activité sur certaines plages horaire
s, des
amplitudes d’ouverture limitées ou des dysfonctionnements de la
programmation. Ces dernières renvoient à l’organisation du travail et à la
mise en cohérence des temps soignants et médicaux.
556.
L’étude a été menée par l’ARS Languedoc
-Roussillon du 1
er
octobre au 28
octobre 2012.
238
125
73
42
324
248
124
102
0
50
100
150
200
250
300
350
CHU
CH
CHU
CH
ICR par salle d'intervention
ICR par chirurgien
2ème décile
8ème décile
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440
2 -
Optimiser le temps travaillé
a)
La mise en cohérence des temps soignants et médicaux
La mise en cohérence des temps soignants et médicaux constitue
une source encore trop peu analysée d’optimisation des ressources des
hôpitaux. Les conséquences concrètes de la désynchronisation des temps
sont nombreuses
: temps d’attente pour les patients, report d’activités ou
plages restreintes d’utilisation des salles de bloc opératoire ou d’imagerie.
Elle est également source de tensions pour les personnels et de coûts pour
les établissements. Elle résulte notamment d’une organis
ation médicale
insuffisamment formalisée au travers de tableaux de services ou de
programmation des activités, rendant parfois difficile la nécessaire
coordination avec les plannings des personnels soignants. Différents
outils nécessaires à l’amélioration
de la concordance des temps médicaux
et soignants ont été élaborés par l’Agence nationale d’appui à la
performance hospitalière. L’absence d’estimation nationale du potentiel
de gain et de repères de positionnement pour les établissements conduit
cependant à négliger ce gisement, pourtant majeur.
Un programme national
d’efficience portant sur l’optimisation de
l’organisation, la gestion des effectifs et du temps de travail à l’hôpital est
ainsi à mettre en œuvre de manière prioritaire.
b)
L’augmentation du temps de présence à l’hôpital
L’analyse des évolutions et les comparaisons en matière
d’absentéisme sont limitées par des questions de méthode, tenant
notamment aux définitions différentes ou au caractère ancien ou partiel
des statistiques. Ainsi, portant s
ur un nombre limité d’établissements ou
de personnels, les études nationales réalisées sur l’impact de la journée de
carence obligatoire instaurée en 2012 puis supprimée en 2013 ne
permettent pas de conclure sur son incidence sur l’absentéisme des
personnels hospitaliers
557
.
557.
Certaines études concluent à une réduction de l’absentéisme de courte durée et
d’autres à la stabilité de l’absentéisme de moins de 6 jours voire une légère
progression de l’absentéisme global. Ces études n’établissent pas clairement en tout
état de cause le lien entre les évolutions constatées et la journée de carence.
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ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
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UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
441
Selon les données issues des bilans sociaux rassemblées par
l’ATIH, les absences
558
atteignent 7 % dans les hôpitaux publics,
essentiellement liées à celles de plus de six jours. Elles sont plus
fréquentes parmi les personnels de soins (8,1 %) et le personnel non
médical (7,4 %) que chez le personnel médical (2,8
%). Au sein d’une
même catégorie d‘établissement, l’absentéisme varie du simple (CHU de
Nîmes) au double (CHU de Poitiers). La diversité des situations souligne
les marges de progrès à mobiliser par une politique active de lutte contre
l’absentéisme. Ces perspectives doivent inciter les établissements à en
analyser les causes et à formaliser un plan d’actions détaillé, visant
notamment, parmi les personnels soignants, les métiers à forte pénibilité,
qui se distinguent aussi par l’importance des absences et surtout en fin de
carrière.
3 -
Développer
la gestion prévisionnelle des ressources humaines
Les incitations à la mise en place d’une gestion prévisionnelle des
métiers et des compét
ences n’ont pas permis sa généralisation.
L’extension de ces démarches doit conduire à des projections
systématiques à moyen terme d’effectifs
-
cible par métiers, qu’il
conviendra de rapprocher des départs en retraite prévus pour déterminer
les recrutements pertinents à opérer. La mise en place de cette gestion
doit faciliter une gestion plus rigoureuse des recrutements, dont la
rationalité économique n’est pas toujours établie. Le centre hospitalier de
Perpignan, par exemple, a renforcé ses effectifs médicaux pour
développer de nouvelles activités, sans étude préalable, alors que la
productivité des personnel en place était faible en médecine, chirurgie et
obstétrique au regard des comparaisons réalisées par l’ARS.
C - Donner plus de souplesse à la gestion du corps
médical
1 -
Mettre en œuvre une véritable modulation des rémunérations
en fonction de l’activité
Alors que la tarification à l’activité (T2A) devait introduire une
nouvelle culture de gestion dans l’hospitalisation en médecine, chirurgie
et obstétrique et
responsabiliser les personnels dans le cadre d’une
558.
ATIH, bilan social 2012. Nombre de jours d’absences pour motif médical et non
médical rapporté aux ETP moyen sur l’année X 365 jours, p.
19 et 20. Base de 239
établissements, soit un effectif de 327 416 personnes, dont 27 006 médecins. Le taux
d’absentéisme comprend les arrêts pour maternité.
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442
organisation par pôles, elle ne peut par elle-
même garantir l’adhésion de
l’ensemble des praticiens au projet médical de leur établissement.
L’intéressement pratiqué dans certaines structures, consistant à
rétrocéder
aux pôles une partie de leur résultat de manière à accroître leurs moyens,
peut renforcer cette adhésion, sans avoir cependant le même effet qu’un
intéressement individuel.
En 2006 a été introduite dans le statut des praticiens hospitaliers
une disposition permettant de moduler les rémunérations en fonction de
l’activité et de la performance
559
. Seuls 2 % des praticiens hospitaliers
exerçant en chirurgie percevaient cette part complémentaire variable en
2011, pour un montant moyen de 8 987
€, Le décret qui l’institue ne porte
au demeurant que sur les seules activités chirurgicales, l’indemnité qui
permet de mettre en œuvre cette modulation ne pouvant dépasser 15
%
des émoluments versés aux praticiens concernés. Dans le même temps se
sont développée
s à l’hôpital des pratiques salariales à l’égard des
contractuels se traduisant par des écarts de rémunération importants avec
les personnels statutaires.
L’appropriation par le corps médical des mécanismes de la
tarification à l’activité, dont le caractèr
e potentiellement inflationniste est
contré par les réajustements tarifaires annuels, pourrait faciliter le passage
à une rémunération en partie assise sur la performance. La part modulable
pourrait représenter jusqu’à 30
% des rémunérations totales, comme cela
avait été suggéré en 2011 par la mission ministérielle sur l’exercice
médical à l’hôpital et accepté en 2012 par plusieurs syndicats de
praticiens hospitaliers. De manière à assurer la neutralité budgétaire de ce
mécanisme, cette part modulable pourr
ait être gérée dans le cadre d’une
enveloppe par pôle ou par établissement.
2 -
Rendre possible une gestion locale plus active de la ressource
médicale
Une plus grande modulation des rémunérations médicales
nécessiterait l’instauration d’un dialogue au plan
local entre la
commission médicale d’établissement et la direction de l’établissement,
permettant de déterminer les critères d’appréciation de la performance.
Une telle évolution renforcerait la gestion locale du corps médical,
qui n’est aujourd’hui que subsidiaire, alors que le pilotage par l’échelon
national montre depuis longtemps ses limites : mauvaise connaissance des
559 . Décret n° 2006-1222 du 5 octobre 2006 relatif aux personnels médicaux,
pharmaceutiques et ontologiques hospitaliers et modifiant le code de la santé publique
(dispositions réglementaires).
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:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
443
vacances de poste
560
, mauvaise anticipation des évolutions et surtout
quasi absence de mobilité. Les établissements gagneraient ainsi un moyen
d’agir sur la ressource médicale, qui détermine en grande partie leur
activité et leurs résultats.
Les directeurs d’établissement devraient par ailleurs exercer
pleinement les attributions qui sont les leurs aux termes de la loi Hôpital,
patients, santé et territoires de juillet 2009. Le placement en recherche
d’affectation de certains médecins auprès du centre national de gestion,
introduit en 2009 dans le statut des praticiens hospitaliers, devrait être
facilité, de manière à sortir de certaines situations de blocage qui nuisent
à la performance hospitalière.
En donnant plus de fluidité à la gestion du corps médical
hospitalier, il serait possible de rendre la carrière hospitalière plus
attractive pour les praticiens désireux de s’impliquer pleinemen
t dans
l’activité de leur établissement et de résorber progressivement certains
écarts de productivité.
560. D
ans le contrat d’objectifs et de performance 2014/2016
du Centre national de
gestion, celui-ci se voit fixer comme objectif de suivre, en lien avec les ARS, les
effectifs de praticiens titulaires et non titulaires (praticiens attachés, praticiens
contractuels, assistants des hôpitaux, praticiens adjoints contractuels,…) et d’identifier
notamment les emplois statutaires pourvus par des praticiens non titulaires ainsi que
les postes durablement vacants.
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C
OUR DES COMPTES
444
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
Les dépenses de personnel hospitalier doivent nécessairement
contribuer à l’effort de maîtrise des dépenses d’assurance maladie, dont
elles constituent le premier poste.
Si dans la période récente la masse salariale des établissements
publics de santé a pu voir son augmentation se ralentir sensiblement
(0,6 % par an en moyenne en euros constants) malgré une progression des
effectifs hospitaliers dans un contexte de croissance et d’alourdissement de
l’activité, grâce en particulier au gel du point d’indice et à l’importance
des départs en retraite, cette situation apparaît fragile et précaire. De
premiers signes de relance de la dépense sont apparues en 2013 et de
nombreux facteurs exercent une pression pour une hausse tendancielle de
celle-
ci, qu’il s’agisse de l’impact sur les comptes hospitaliers des
décisions salariales nationales touchant la fonction publique, des tensions
affectant le recrutement de certains spécialistes et
de l’attrait exercé par le
secteur privé sur certaines catégories de personnels.
Dans le cadre d’un ONDAM plus fortement contraint dans les
années qui viennent, les établissements doivent ainsi accroître très
substantiellement leurs efforts de maîtrise de leur masse salariale.
Dans un contexte, marqué également par l’impact du vieilli
ssement
de la population sur le dynamisme de l’activité, la régulation des dépenses
de personnel doit résulter d’une action nettement plus résolue pour
dégager des gains de productivité contribuant à l’amélioration de la
performance hospitalière globale.
La
responsabilité
d’un
pilotage
plus
ferme
incombe
aux
administrations de tutelle, notamment au regard du développement
indispensable des outils de prévision et d’analyse de la masse salariale et
de ses déterminants, mais plus encore en termes de recomposition plus
active de l’offre hospitalière.
Mais ce sont au premier chef aux communautés hospitalières de
mobiliser les marges de manœuvre nécessaires par une implication accrue
dans
la
recherche
d’une
meilleure
efficience
globale
de
leurs
établissements, qu
’il s’agisse des réorganisations internes, des actions à
conduire en matière de durée et de meilleure organisation du temps de
travail et
de la mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et
des compétences.
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L
ES DÉPENSES DE PERSONNEL MÉDICAL ET NON MÉDICAL DES HÔPITAUX
:
UNE MAÎTRISE PRÉCAIRE
445
La Cour formule les recommandations suivantes :
69.
se doter des outils nécessaires à un suivi précis et régulier de
l’évolution de la masse salariale et de ses déterminants et en particulier
des effectifs médicaux et non médicaux, appuyé sur une connaissance
précise des données et projections démographiques ;
70.
identifier en annexe au projet de loi de financement de la sécurité
sociale les conséquences sur l’objectif de maîtrise des dépenses
d’assurance maladie de toute décision
impactant les dépenses de
personnel des hôpitaux publics ;
71.
élaborer un programme national d’efficience destiné à optimiser
l’organisation et la gestion des effectifs et des temps de travail, incluant
un objectif pluriannuel d’économies et s’appuyant sur un dispositif
d’accompagnement des établisseme
nts ;
72.
inciter les hôpitaux à la renégociation des accords locaux sur le
temps de travail pour mettre en conformité la durée effective du temps de
travail avec la durée légale ;
73.
donner instruction aux agences régionales de santé d’exercer un
rôle beaucoup plus actif en matière de suivi et de régulation des dépenses
de personnel des hôpitaux de leur ressort, en utilisant à cette fin
l’ensemble des leviers juridiques et financiers dont elles disposent et en
intensifiant les restructurations porteuses de réels gains de productivité ;
74.
mettre en œuvre une modulation, neutre sur le plan budgétaire,
des rémunérations des médecins en fonction de la performance.
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