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Chapitre XII
Les urgences hospitalières
: une
fréquentation croissante, une
articulation avec la médecine de ville à
repenser
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ES URGENCES HOSPITALIÈRES
:
UNE FRÉQUENTATION CROISSANTE
,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
351
___________________
PRESENTATION
_____________________
En 2012, pas moins de 10,6 millions de personnes, près d’un
sixième de la population française, sont venues se faire soigner, parfois
à plusieurs reprises dans l’année, dans les services d’urgence
hospitaliers. Ceux-ci ont enregistré ainsi plus de 18 millions de
passages, soit 30 % de plus en dix ans. Pour les seules « structures des
urgences », selon leur dénomination règlementaire, situées dans des
établissements de santé publics et privés à but non lucratif, qui
représentent 81
% du dispositif d’accueil, la charge supportée à ce titre
par l’assurance maladie est de près de 2,5
Md€.
Cette fréquentation en progression continue met sous tensions
persistantes les organisations et les équipes hospitalières en dépit des
mesures de renforcement et de soutien successivement décidées par les
pouvoirs publics, en particulier dans le cadre du plan urgences 2004-
2008 adopté à la suite de la
canicule de l’été 2003.
Au-delà des situations où le pronostic vital est engagé ou qui
nécessitent une intervention rapide compte tenu de leur gravité, les
urgences hospitalières jouent de fait un rôle essentiel dans la prise en
charge de soins non progr
ammés, à laquelle la médecine de ville n’apporte
pas de réponse suffisante.
Dans le prolongement de l’enquête qu’elle a précédemment
consacrée à la permanence des soins ambulatoires, assurée par les
médecins libéraux, où elle avait en particulier souligné le manque
d’efficience des dispositifs de régulation et d’orientation mis en place à
compter de 2002
418
, la Cour a cherché à analyser l’évolution de l’activité
des services d’urgence et de leur fonctionnement, qu’elle avait déjà
examinés en 2007
419
.
Elle a observé que la progression forte de la fréquentation des
urgences n’avait fait l’objet jusqu’à tout récemment que de peu
d’analyses de ses déterminants (I). Les services d’urgences ont cherché
à faire évoluer leurs organisations pour mieux y répondre, dans un
cadre financier inchangé qui contrarie toujours la recherche d’une plus
grande efficience (II). L’amélioration de l’efficacité du dispositif passe
418. Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement
de la
sécurité sociale pour 2013
, chapitre XII : la permanence des soins, La Documentation
française, septembre 2013, p. 579-585, disponible sur
www.ccomptes.fr
419 . Cour des comptes,
Rapport public annuel 2007,
1
ère
partie, les urgences
médicales : constats et évolutions récentes. La Documentation française, février 2007,
p. 313-339, disponible sur
www.ccomptes.fr
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352
cependant avant tout par une articulation plus étroite entre médecine de
ville et hôpital (III).
I
-
Une dynamique de fréquentation à mieux
analyser
A - Une activité en croissance continue
1 -
Un dispositif d’accueil stabilisé
En 2012 étaient recensées 654 structures d’accueil et de traitement
des urgences, soit au total 736 points d’accueil. Le nombre total de
structures autorisées a peu varié dans la dernière période
420
.
Il existe au moins une structure d’accueil des urgences autorisée par
département, certains établissements disposant de plusieurs services. La
grande majorité d’entre elles (85
%) ont une vocation générale et 15 %
sont exclusivement pédiatriques.
Un objectif de couverture territoriale renforcée
Dans le cadre du « pacte territoire-santé » lancé par les pouvoirs
publics en décembre 2012 pour réduire les inégalités territoriales d’accès
aux soins, a été affir
mé l’objectif d’un accès aux soins urgents en moins de
30 minutes pour l’ensemble de la population.
Pour couvrir les 2 millions de personnes qui sont actuellement
éloignées de plus d’une demi
-
heure d’un point d’accueil en urgence, le
nombre de médecins correspondants des SAMU a doublé en 2013 (300
contre 150 en 2012) et devrait passer à 650 en 2014.
Créé en 2007, ce dispositif permet à un médecin formé
spécifiquement à cet effet à l’urgence, libéral le plus souvent, mais pouvant
aussi être hospitalier en fo
nction des situations locales, d’intervenir auprès
d’un patient sur demande de la régulation médicale du SAMU dans
l’attente d’une prise en charge par une équipe du service mobile d’urgence.
Les structures des urgences sont publiques pour 75 % entre elles,
privées à but non lucratif pour 6 % et privées à but lucratif pour 19 %
421
.
420. Sur la décennie 2001-2011 sont intervenues selon la DREES 16 fermetures, 68
ouvertures et 101 réorganisations inter-établissement.
421 .
Sur l’ensemble des établissements de santé, les établissements publics
représentent 62
% des lits, les établissements privés d’intérêt collectif (ESPIC) 14
% et
les établissements privés à but lucratif 24 %.
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,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
353
Si le nombre de ces dernières n’est pas négligeable, la part de patients
qu’elles prennent en charge est faible
: 13,5 % des passages sans
hospitalisation et 7,5 % des passages suiv
is d’hospitalisation en 2012.
Comme le montre la carte ci-
après, l’Île
-de-France et Rhône-Alpes
sont, en lien avec leur population, les régions les plus dotées.
Carte n° 1 :
les structures d’urgence hospitalières par région en 2012
Source :
Cour des comptes, à partir des données DREES et INSEE (2012)
2 -
Une fréquentation en hausse continue inégalement répartie
Après avoir doublé de 1990 à 2001, passant de 7 à 14 millions
de passages, la fréquentation des urgences hospitalières s’est encore
accrue de près de 30 % depuis cette date pour atteindre en 2012 18,4
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354
millions de passages. En 2012, les services d’urgence ont accueilli 10,6
millions de patients dont le quart l’a été plus d’une fois dans
l’année
422
.
évolution du nombre de passages aux urgences (suivis
Graphique n° 17 :
ou non d’hospitalisation)
Source :
DREES, Statistique d’activité des établissements (SAE)
Le taux de recours, en moyenne de 220 passages pour 1 000
habitants, varie selon les régions, de 180 à 260 : ce dernier taux caractérise
en particulier l’Île
-de-France et la région Rhône-Alpes. Les 4 régions
regroupant 42 % de la population (Île-de-France, Rhône-Alpes, Provence-
Alpes-
Côte d’Azur et Nord
-Pas-de-Calais) comptabilisent 46 % des
passages.
Une très forte dispersion du nombre de patients pris en charge
s’observe selon les structures
: moins de 40 passages quotidiens pour 28 %
d’entre elles, de 40 à 80 pour 43
%, de 80 à 120 pour 18 % et pour 11 %
plus de 120.
L’augmentation de la fréquentation des urgences hospitalières sur
la période 2001-2012 est très variable selon les établissements : pour 23 %
d’entre eux, l’augmentation moyenne été inférieure à 1
% par an ; pour
30 %, elle a été comprise entre 1 et 2 % et pour 24 % entre 2,5 et 4 % ;
23 % des établissements dont 17 % des hôpitaux publics et 32 % des
ESPIC ont connu une croissance moyenne annuelle de fréquentation de
plus de 4
%. Au total, la croissance de l’activité s’est concentrée pour
l’essentiel sur la moitié des établissements.
Dans tous les cas, la progression la plus forte porte sur les passages
non suivis d’hospitalisation (14,4 millions en 2012).
422.
Agence technique de l’information sur l’hospitalisation (ATIH).
12 000 000
14 000 000
16 000 000
18 000 000
20 000 000
2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012
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355
En 2012, quatre millions de personnes ont été hospitalisées à la
suite d’un passage aux urgences. Le taux d’hospitalisation des patients
passés par les urgences, globalement de 22 % en 2012 et assez stable
depuis 2009, est en moyenne de 23 % dans le secteur public et atteint
25 % dans les CHU, contre 13 % dans le secteur privé lucratif, en rapport
avec des différences de gravité des situations prises en charge. Les
patients hospitalisés après passages par les urgences constituent ainsi une
part importante du recrutement hospitalier, en particulier pour les
établissements publics.
B - Des évolutions peu analysées
L’augmentation de fréquentation des urgences depuis une
dizaine d’années ne peut être
attribuée ni à la seule croissance
démographique (+ 7 % de 2001 à 2012) ni uniquement au
vieillissement de la population. Les raisons de cette dynamique n’ont
été cependant que très peu étudiées.
1 -
Une obligation de remontée d’informations très tardive
Bien
que la Cour ait souligné en 2007 l’importance prioritaire de
disposer de données fiables et homogènes pour permettre l’analyse de
l’activité des urgences hospitalières, les caractéristiques des patients
venant aux urgences sont restées mal renseignées dans les systèmes
d’information existants
: ces derniers sont hétérogènes, les données
médicales recueillies sont sommaires et leur remontée au niveau national
n’était organisée que pour des établissements volontaires.
Le principal support de recueil d’information est constitué par les
« résumés de passages aux urgences » (RPU), élaborés depuis 2004,
souvent à partir d’outils d’information déjà développés dans certains
services, qui devraient permettre de disposer de plusieurs types de données
importantes
: âge et sexe, motif d’entrée, motif de recours, diagnostic,
soins reçus, mode de sortie.
Actuellement, la consolidation au niveau national des RPU
collectés par les établissements volontaires se fait dans le cadre du réseau
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356
« organisation de la surveillance coordonnée des urgences » (OSCOUR),
sous l’égide de l’Institut de veille sanitaire (InVS)
423
.
Ce dispositif s’est progressivement étendu depuis sa création, mais
l’homogénéisation, la généralisation
et
l’obligation d’u
ne remontée des
RPU vers les agences régionales de santé qui joueront le rôle de
concentrateurs régionaux, puis de ces dernières auprès de l’InVS et
l’ATIH ne sont
effectives que depuis le 1
er
juillet 2014
424
. En tout état de
cause, des études à caractère na
tional ne pourront être faites qu’une fois
que le dispositif de remontée des RPU aura été complètement déployé.
2 -
Des éclairages jusqu’à peu relativement limités
Dans l’attente de cette généralisation, les analyses nationales
demeurent des plus limitées. Les données recueillies dans le cadre du
réseau OSCOUR, qui couvrent 65
% de l’activité totale, mais sont
imparfaitement renseignées, sont exploitées par l’INVS. Elles montrent
que la concentration du recours aux urgences sur les âges extrêmes de la
vie, préc
édemment relevée par la Cour, demeure forte. Plus d’un tiers des
passages sont liés à la pédiatrie (25 %) et aux personnes âgées (13 %).
Les études ciblées sur la pédiatrie font apparaître une gravité
globalement moindre que la moyenne des patients, avec, au-
delà d’un
an, des taux d’hospitalisation plus faibles (de 10
% en moyenne).
Le recours aux urgences par les personnes âgées de plus de 75
ans représente un peu plus de 13 % du total des passages, alors que les
plus de 75 ans représentent 10,4 % de la population; les critères de
gravité et les taux d’hospitalisation, proches de 55
%, sont supérieurs à
ceux de la moyenne de patients, ce que confirment les analyses de
l’ATIH que synthétise le graphique suivant.
423.
Ce réseau a vu le jour à la suite à la canicule de 2003, en juillet 2004 et s’est
développé progressivement passant de 23 établissements à ses débuts à 414 services
d’urgences représentant 65
% des passages aux urgences en France en 2013. Il a pour
principal objectif une surveillance non spécifique permettant de détecter, alerter et
investiguer en cas de situation inhabituelle.
424. Arrêté du 24 juillet 2013 relatif a
u recueil et au traitement des données d’activité
médicale produites par les établissements de santé publics ou privés ayant une activité
de médecine d’urgence
.
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357
nombre d’hospitalisations faisant suite à u
n passage
Graphique n° 18 :
aux urgences par classe d’âge de cinq ans en 2012
Source :
ATIH
C’est au niveau régional que sont réalisées les études les plus
complètes sur les caractéristiques de la population recourant aux
urgences, qu’il s’agisse de la description des patients, d
es motifs de
recours ou des modes de prise en charge. Des analyses détaillées sont
réalisées depuis plusieurs années au niveau régional par les
observatoires régionaux des urgences (ORU)
425
, notamment en région
Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-
Côte d’Azur. Po
ur intéressantes
qu’elles soient, ces études n’offrent cependant pas toute la richesse
d’approche des enquêtes transversales que la DREES peut engager.
3 -
Les résultats de l’enquête «
un jour donné » réalisée en juin
2013 par la DREES
Onze ans après la précédente enquête du même type, effectuée en
janvier 2002, la DREES a réalisé le 11 juin 2013 (jour de semaine hors
période de vacances et d’épidémies saisonnières) une enquête nationale
« un jour donné
» dans l’ensemble des structures d’urgence autorisées.
Les premiers résultats de cette enquête
426
apportent des données
particulièrement intéressantes sur l’activité des urgences hospitalières. Ils
mettent en évidence que près d’une personne sur 1
000 s’est rendue aux
425. Ces observatoires, créés
le plus souvent à l’initiative de pr
ofessionnels, sont les
principaux partenaires du réseau OSCOUR. Les ORU et structures apparentées
existent dans huit régions.
426. Etudes et résultats n° 889 du 30 juillet 2014.
0
50 000
100 000
150 000
200 000
250 000
300 000
350 000
400 000
0
5
10 15 20 25 30 35 40 45 50 55 60 65 70 75 80 85 90 95 100
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358
urgences ce jour-là, pour 80
% d’entre eux dans
un établissement public,
13 % dans un établissement à but lucratif et 6 % dans un ESPIC.
Les motifs de recours apparaissent multifactoriels (liés notamment
à des facteurs culturels et sociétaux, comme le ressenti de la notion
d’urgence face à un évènement
de santé brutal
427
). Dans 30 % des cas, la
situation qui a conduit les patients aux urgences a débuté plusieurs jours
avant leur venue et un tiers des patients ont entrepris des démarches :
appel téléphonique ou consultation d’un médecin, appel au SAMU, aux
pompiers… bien qu’une majorité se rende ensuite aux urgences sans avis
médical (61 %).
Les insuffisances de l’offre de ville se lisent, directement et
indirectement, dans deux catégories de motifs invoqués par les personnes
interrogées : pour deux patients sur dix la motivation tient à
l’impossibilité de faire appel au recours habituel (abse
nce du médecin
traitant ou impossibilité d’un rendez
-vous rapide pour des examens
complémentaires)
; d’autre part, l’accessibilité qu’offrent les services
d’urgence est mise en avant dans six cas sur dix (besoin que le problème
de santé soit réglé rapidement, possibilité de réaliser des examens
complémentaires ou de consulter un spécialiste).
Les taux de recours sont particulièrement importants aux âges
extrêmes de la vie (2
‰ chez les moins de un an, 1,5
‰ chez les plus de
85 ans, contre 0,8
‰ pour l’ense
mble de la population).
Sous un angle médical, les raisons du recours aux urgences varient
fortement en fonction de l’âge des patients
: pathologies de la sphère
ORL-respiratoire et gastro-entérologiques pour les jeunes enfants,
traumatologie ensuite jusqu
’à 15 ans, puis de nouveau à partir de 65 ans et
plus encore après 75 ans puis 85 ans.
427. Parmi les patients venus aux urgences pour un motif médical, 22 % ont pensé
qu’il s’agissait de «
quelque chose de grave » et 10 % se disent « angoissés ».
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taux de recours aux urgences par motif et âge du
Graphique n° 19 :
patient
Source :
DREES Enquête Urgences juin 2013
Pour une partie des patients, le motif de recours est lié à
l’aggravation rapide d’une pathologie connue qui aurait pu être prise en
charge plus tôt.
L’hypothèse, fréquemment avancée, d’un recours accru aux
urgences des personnes fragilisées par une situation de précarité financière
apparaît à relativiser. La proportion de bénéficiaires de la CMU-c parmi
les patients est proche de celle observée en population générale (7 %). Une
minorité de passages concerne les bénéficiaires de l’aide médicale d’État
(1 %) ; 1
% des personnes prises en charge n’ont cependant aucun droit
ouvert à l
’assurance maladie en France.
L’exploitation complète des résultats de cette enquête lourde, qui a
porté au total sur 52 000 passages, sera particulièrement précieuse pour
améliorer le fonctionnement des services d’urgences, qui restent souvent
confrontés à des difficultés malgré les progrès réalisés.
0,0
0,2
0,4
0,6
0,8
1,0
1,2
1,4
1,6
1,8
2,0
Moins de 1
an
5 à 9 ans
15 à 24
ans
35 à 44
ans
55 à 64
ans
75 à 84
ans
pour 1 000
Cardio-vasculaire
ORL_respiratoire
Gastro-entérologie
Pédiatrie< 2 ans
Rhumatologie
Traumatologie
Général & divers
Autres
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360
II
-
Une organisation en progrès mais encore
perfectible, un financement qui n’encourage
toujours pas l’efficience
En 2007, la Cour préconisait d’encourager les hôpitaux à travailler
sur l’organisation interne de
leurs services et la connaissance précise de
leurs coûts. Sur ces points, les établissements ont inégalement évolué.
A - Des risques de tension principalement corrélés à des
difficultés d’organisation
Le
plan
urgences
2004-
2008
s’est
accompagné
d’un
renforcement considérable des moyens consacrés aux structures
d’urgence (SAMU SMUR et services d’accueil), tant en personnel
qu’en création de lits d’aval, pour un total de plus de 500 M€ sur la
période
428
. Les difficultés encore constatées résultent désormais moins
d’un manque de moyens financiers que de la capacité des
établissements à améliorer leur organisation interne.
1 -
La persistance de risques de tension
En novembre 2013, selon une enquête du ministère de la santé
auprès des agences régionales de santé, 100 établissements, pour
l’essentiel des centres hospitaliers mais aussi des CHU, étaient
identifiés par les ARS comme étant « en tension » ou « en risque de
tension », avec de fortes variations régionales.
428.
L’évaluation réalisée à mi
-parcours du plan faisait état de 45 % des crédits
affectés fin 2006 aux structures d’urgences elles
-mêmes (SAMU-SMUR-services
d’urgences) et 55
% aux structures d’aval (
hospitalisation à domicile (HAD), services
de soins de suite et de réadaptation (SSR), hôpitaux locaux et lits de gériatrie). Le plan
s’est accompagné de la création de près de 5
300 emplois, dont 827 ETP médicaux,
335 ETP de personnels paramédicaux, 3 966 ETP non médicaux, le renforcement ou la
création de près de 200 équipes mobiles gériatriques, la création d’environ 3
000 lits
de SSR, 1 400 lits de court séjour gériatrique, 100 lits en hôpital local et 3 000 places
d’HAD autorisées.
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nombre de services d’urgence déclarés «
en tension »
Graphique n° 20 :
ou « en risque de tension » au regard du nombre total de services
novembre 2013
Source :
DGOS
Ces données, purement déclaratives, doivent être considérées
avec beaucoup de précautions car les notions de « tension » et de
« risque de tension
» n’ont pas été autr
ement définies dans le cadre de
cette enquête : sur 24 ARS, sept ne rapportent pas de situation de
tension et pour les autres, cette notion a été interprétée de manière
hétérogène. Mais elles reflètent des difficultés que le dispositif « plan
hôpital en tension »
429
, dont chaque établissement doit se doter depuis
2006 pour permettre une réponse graduée à des situations tendues,
quelle qu’en soit la cause (afflux inhabituel de patients, pénurie de lits,
absence de certains agents…), ne suffit pas toujours à ré
gler. Si dans
16 % des cas les causes des tensions sont conjoncturelles, elles sont
liées à des questions de ressources humaines dans 16 % des situations
et apparaissent multifactorielles dans 30 %.
429. Des indicateurs de tension sont proposés dans « Plan blanc et gestion de crise,
guide à l’élaboration des plans blancs élargis et des plans blancs des établissements de
santé, annexe à la circulaire DHOS/CGR/2006/401 du 14 septembre 2006 »,
notamment sur la base du nombre total de passages aux urgences, du nombre
d’hospitalisations à partir des urgences, du nombre de patients de plus de 75 ans et de
moins de 3 ans, du nombre de patients présents aux urgences en attente d’examen, du
nombre de patients en att
ente de place dans un service d’hospitalisation, des délais de
prise en charge, du taux d’occupation de l’unité d’hospitalisation de courte durée.
3
5
6
6
14
2
5
2
8
6
1
7
1
14
12
4
4
15
30
14
24
2
2
5
1
86
23
8
16
1
16
22
22
17
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
SU non déclarés en tension ou en risque de tension
SU déclarés en tension ou en risque de tension
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362
Les principales difficultés évoquées tiennent à une insuffisante
fluidité dans le déroulement des prises en charge, aux contraintes de
locaux inadaptés et à leur incidence sur les organisations internes et
aux problèmes de personnel.
2 -
Une fluidité des parcours insuffisante dans certains cas
De l’enquête «
un jour donné », la DREES conclut que près de
80
% des patients ont passé moins de quatre heures en service d’urgence,
50 % moins de deux heures, 19
% moins d’une heure.
Pour les autres, l’attente a pu parfois être longue avant le premier
contact médical et se
prolonger ensuite du fait de difficultés d’accès au
plateau technique et aux délais d’obtention
des résultats des examens
complémentaires
: un acte d’imagerie est pratiqué pour 45
% des passages,
une analyse biologique pour 35 % et la moitié des patients ont bénéficié
d’au moins deux types d’actes. Le temps d’attente pour l’imagerie en
particulier peut parfois atteindre six heures
430
du fait de problèmes
d’équipement et de fonctionnement des services d’imagerie médicale, déjà
soulignés par la Cour
431
. Il est éga
lement tributaire d’aspects logistiques
(brancardage, organisation permettant aux patients valides de se rendre
seuls à l’imagerie). Pour la biologie, malgré les automates, il existe un
temps incompressible de prélèvement, traitement, résultats, validation, qui
peut difficilement être inférieur à une heure et demie.
Schéma n° 3 : parcours du patient aux urgences
430 . Ré
duire les temps d’attente et de passage aux urgences,
Mission nationale
d’expertise et d’audit hospital
iers
, mai 2009.
431. Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement
de la
sécurité sociale pour 2010
, chapitre XII : la permanence des soins, La Documentation
française, septembre 2010, p. 296-316, disponible sur
www.ccomptes.fr.
Accueil
triage
Consultation
médecin
Examens
complémentaires
Biologie,
imagerie…
Interprétation médecin et
décision thérapeutique
Avis
spécialiste
Recherche
de lit
Sortie
UHCD
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363
Les travaux récents des observatoires régionaux des urgences
Midi-Pyrénées et Provence-Alpes-
Côte d’Azur mettent en évidence
des facteurs d’allongement des temps de passage aux urgences
: ces
délais sont d’autant plus élevés que le nombre de passages dans
la
structure est important, le cas sévère et le patient âgé.
Pour les patients à hospitaliser, notamment les personnes âgées,
la difficulté à trouver un lit est la principale cause d’engorgement des
structures.
L’enquête
de
la
DREES
relève
que
20
%
des
ho
spitalisations ont nécessité plus d’un appel de l’équipe soignante
pour trouver un lit et que, pour 10
% d’entre elles le délai d’obtention
d’un lit a dépassé 4 heures.
3 -
Des locaux à la modernisation inachevée
L’impact des questions architecturales sur l’o
rganisation des
services d’urgence est majeur. La modernisation des services
d’urgence est une priorité depuis 2002 mais n’est pas encore générale.
Si les textes prévoient au minimum la présence de trois zones
distinctes (accueil, examen et soins dont « déchoquage », surveillance
de courte durée) le fonctionnement a souvent dû s’adapter aux locaux
plutôt que l’inverse. Or, l’architecture des services est un élément
essentiel pour la bonne organisation des flux, la surveillance des
patients, les différentes étapes de la prise en charge et des conditions
d’attente satisfaisantes, tant pour l’accès au premier contact que dans
l’attente des résultats d’examens complémentaires.
Les plans Hôpital 2007 et Hôpital 2012 ont permis d’accélérer
l’effort de modernisati
on mais tous les services ne disposent pas de locaux
adaptés dans un contexte de progression d’activité qui peut obliger parfois
à des réaménagements successifs.
Les opérations de modernisation des services d’urgence financées dans
les plans Hôpital 2007 et 2012
Le plan Hôpital 2007 a permis d’accompagner les investissements
directement liés à la mise en œuvre du plan national sur les urgences 2004
-
2008 : 139 opérations ont été financées dans ce cadre
432
pour un montant
de 639
M€, subventionnés à hauteur de
45
%. Outre l’équipement des
services ou leur système d’information, 100 opérations proprement
immobilières ont été financées, pour les trois quart des rénovations et
extensions.
432. Agence nationale pour la performance des établissements de santé et médico-
sociaux (ANAP).
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364
D’autres opérations relatives aux urgences ont été inscrites dans le
plan Hôpital 2012 : centre hospitalier intercommunal de Cornouaille à
Quimper (11,8
M€), centre hospitalier de Versailles (33,4
M€), centre
hospitalier intercommunal de Créteil (29,7
M€), centre hospitalier de Tulle
(15
M€), polyclinique Inkermann à Niort (1,5
M€)
ainsi que divers projets
d’informatisation des services d’urgences dans les régions Poitou
-
Charentes, Basse-Normandie et Rhône-Alpes (1,8
M€)
4 -
Des difficultés parfois de personnel malgré des renforcements
importants
La direction générale de l’offre de so
ins ne dispose pas de chiffres
consolidés sur l’évolution des effectifs des services d’urgences. La
DREES ne retrace pour sa part l’évolution des effectifs que pour environ
60
% d’entre eux. De 2001 à 2011 (dernière année disponible), ces
derniers ont connu, sur ce champ partiel, une augmentation constante des
effectifs médicaux (qui passent de 2 200 à 3 800), marquée par une
croissance de la part des médecins à temps partiel. Les effectifs équivalent
temps plein infirmiers passent de 6 400 à 10 000 sur la même période.
Les problèmes de personnel, notamment médical, sont pourtant
souvent cités parmi les causes de dysfonctionnement malgré les
renforcements apportés par le plan urgences 2004-2008. La médecine
d’urgence est en effet, avec l’anesthésie et la ra
diologie, une des
spécialités les plus concernées par les difficultés de recrutement et les
vacances de postes : en 2012 selon le centre national de la gestion
hospitalière, les vacances statutaires concernaient dans cette discipline
20,7 % des postes de praticien hospitalier à temps partiel et 43,1 % de
ceux de praticien hospitalier à temps plein. Ces difficultés de
recrutement sont constatées notamment dans des hôpitaux de petite et
moyenne taille, qui sont contraints de recourir à l’intérim médical,
solution à la fois coûteuse et peu satisfaisante sur le plan de la qualité
des soins.
B - Des modes de prise en charge progressivement mieux
adaptés
Pour faire face au recours croissant aux urgences, nombre
d’établissements se sont engagés dans des améliorations
des conditions
de prise en charge des patients.
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ES URGENCES HOSPITALIÈRES
:
UNE FRÉQUENTATION CROISSANTE
,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
365
1 -
Une organisation de l’accueil repensée
a)
Le développement de l’accueil et de l’orientation
La fonction d’accueil et d’orientation a pour objectif repérer les
situations nécessitant une prise en charge immédia
te en cas d’urgence
vitale ou sévère et de décider de l’orientation première dans tous les
autres cas. Son principe, désormais largement intégré dans les services
d’urgence, repose essentiellement sur les infirmières d’orientation et
d’accueil, présentes d
ans 68,4 % des services selon les résultats
préliminaires de l’enquête de la DREES.
Plus récemment se sont mis en place des médecins d’accueil et
d’orientation.
Leur rôle consiste souvent à être l’interlocuteur des
médecins de ville, qui peuvent les joindre sur une ligne téléphonique
directe. Dans certains cas, ils assurent également les contacts avec les
médecins des services hospitaliers ou les spécialistes auxquels un avis
est demandé. Selon l’enquête de la DREES, ils sont présents dans
12 % des services.
b)
Les circuits courts
Le principe du circuit « court » mis en place dans désormais plus
du tiers des services
433
s’inspire des «
fast-tracks
»
434
, apparus aux
États-Unis dans les années 2000. Il consiste à prendre en charge
rapidement des patients valides, ne présentant pas un risque vital
immédiat, pour lesquels la charge de travail médicale est faible et qui
ne nécessitent pas ou peu d'examens en imagerie ou en biologie. Cette
filière s’applique particulièrement à la petite traumatologie et à la
pédiatrie : elle permet une rotation rapide des patients en attente et
améliore également la prise en charge des patients plus sévères orientés
vers le circuit traditionnel.
433. 36,5 % en 2013 selon la DREES.
434. Sanchez M, Smally AJ, Grant RJ, Jacobs LM.
Effects of a fast-track area on
emergency department performance
. J. Emerg Med. 2006 Jul. 31 (1) :117-20.
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366
Les filières courtes à l’Assistance publique
-Hôpitaux de Paris
(AP-HP)
À l’AP
-
HP, fin 2013, sur 16 services d’urgence adultes, 13 sont
dotés d’une filière courte, 2 sont en cours de mise en place
de même que
dans les trois sites d’urgences exclusivement pédiatriques.
À l’hôpital Saint Antoine, la filière courte prend en charge près de
30
% des patients. Ce dispositif améliore le délai d’attente et la satisfaction
tant de ces derniers que des soignants. Une fois le « tri » effectué par
l’infirmière d’accueil et d’orientation, un médecin senior prend en charge
la file active des patients n’ayant
a priori
pas besoin d’examens
complémentaires. Le fait d’avoir un médecin dédié permet de libérer les
autres pour la prise en charge de patients aux pathologies plus sévères et
plus complexes.
2 -
Une orientation facilitée vers l’aval
En 2007, la Cour recommandait la mise en place d’un système
d’information fiable et partagé permettant de connaitre de manière
instantanée les ressources disponibles en lits et en compétences médicales.
Trouver un lit d’aval pour les patients nécessitant une hospitalisation en
court séjour demeure toutefois encore souvent une difficulté récurrente,
soit par manque effectif de lits disponibles soit du fait des rendez-vous
programmés qui peuvent parfois conduire un service à ne pas déclarer leur
disponibilité, surtout si ce dernier est très fortement spécialisé comme en
particulier dans les CHU. Ce constat a incité à aborder l’aval des ur
gences
comme un problème qu’il appartient à l’établissement de santé de régler et
non plus au seul urgentiste.
a)
La création de structures d’hospitalisation spécifiques de courte
durée
Les difficultés à trouver un lit d’aval ont reçu une première
réponse dan
s la création des unités d’hospitalisation de courte durée
(UHCD), obligatoires depuis 2006 dans les structures des urgences, où
les patients peuvent séjourner au plus une journée (0,7 jour en
moyenne en 2012). Les durées moyennes de séjour des patients
hospitalisés en court séjour à partir des urgences sont plus courtes
quand elles sont consécutives à un passage en UHCD (4 jours contre
6,5 jours pour les hospitalisations sans passage par une UHCD
435
).
435. ATIH, données 2012, établissements publics.
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UNE FRÉQUENTATION CROISSANTE
,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
367
Dans certains établissements, le faible nombre de lits en UHCD
ou la prolongation des séjours dans ces unités
436
et la difficulté à
trouver des lits, en particulier pour des patients aux pathologies
complexes, ont plus récemment donné lieu au développement de
services d’hospitalisation du type «
d’aval des urgence
s »
437
. Ces
services sont destinés à recevoir pour une durée limitée (5 jours à l’AP
-
HP) des patients pour lesquels un séjour en UHCD ne permet pas un
bilan complet ou une stabilisation, tout en ne relevant pas
immédiatement d’une prise en charge dans un ser
vice de spécialité.
Les premiers retours d’expérience apparaissent satisfaisants.
b)
La mise en place de gestionnaires de lits
La mise en place de gestionnaires de lits participe de la
démarche visant à décharger le service d’urgence de la recherche d’une
place, en organisant et programmant de façon centralisée les
admissions sur l’ensemble des lits de l’établissement, en réservant des
salles d’opération et en planifiant les actes médico
-techniques. Cette
programmation peut être assurée par un ou plusieurs professionnels
(cadres de santé le plus souvent) ou par une cellule de régulation,
généralement rattachée à la direction de l’établissement.
La cellule de gestion des lits de l’hôpital Saint Joseph à Paris
Au sein de l’hôpital Saint
-Joseph quatre gestionnaires rattachés à la
direction centralisent aussi bien les admissions des urgences que les
admissions programmées, permettant de gérer l’ensemble des flux sur
chaque pôle. Le retour d’expérience a mis en évi
dence une diminution de
moitié des lits vides à minuit, une diminution des temps de passage aux
urgences et des transferts et une amélioration du taux de sortie avant midi
(passé en quatre mois de 40 % à 63 %).
436.
La durée moyenne de séjour en UHCD est à l’AP
-HP en moyenne de 19 heures
pour les adultes et de 12 heures pour les enfants, mais dépasse 24 heures pour 20 %
des adultes et 7
% des enfants, pouvant aller dans quelques cas jusqu’à trois ou quatre
jours.
437.
À l’AP
-
HP il s’agit des «
départements d’aval des urgences
». De tels services se
sont également mis en place ces dernières années dans différents CHU, avec des
appellations différentes, mais avec pour caractéristique commune de permettre une
prise en charge à visée diagnostique et d’orientation un peu plus longue que dans
l’UHCD.
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368
Le travail d’anticipa
tion des risques de pénurie de lits ainsi que le
développement d’hospitalisations dans d’autres pôles que ceux dont dépend
le patient pour sa pathologie ont permis d’éviter des déprogrammations.
Ces améliorations ont pour double effet d’améliorer la prise
en charge des
patients et l’efficience de l’établissement, en minimisant le nombre de lits
vacants.
c)
Le développement de filières gériatriques
Comme l’a déjà souligné la Cour
438
, le développement de
filières gériatriques a fait l’objet d’une attention particulière dans les
établissements de santé, qu’il s’agisse d’accroître le nombre de lits de
court séjour gériatrique ou de développer l’admission directe dans ces
services, sans passage obligé par les urgences. La montée en charge
des équipes mobiles de gériatrie (301 en 2011) s’est poursuivie,
contribuant à améliorer la prise en charge des personnes âgées arrivant
aux urgences.
Malgré ces évolutions positives, seuls 13 % des services
d’urgence déclarent cependant disposer d’une filière spécifique
complète d’accueil et de soins en gériatrie.
C -
Un cadre financier qui ne pousse pas à l’efficience
1 -
Un mode de financement inflationniste resté inchangé
Le dispositif tarifaire des urgences associe une dotation fixe et
une rémunération par passage, à laquelle viennent s’ajouter une
facturation complémentaire des actes médico-techniques et des recettes
d’hospitalisation si le patient est hospitalisé après s
on passage aux
urgences.
438. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2012
T.2, la prise en charge des
personnes âgées dans le système de soins : des progrès trop lents. La Documentation
française, février 2012, p. 179, disponible sur
www.ccomptes.fr.
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369
Un système tarifaire complexe
Les recettes des services des urgences proviennent de plusieurs
sources différentes :
- un forfait « accueil et traitement des urgences » - ATU - de 25,28
dû pour chaque passa
ge aux urgences non programmé et non suivi d’une
hospitalisation dans un service de court séjour ou une UHCD du même
établissement ;
- un « forfait annuel urgences » - FAU - de 471 306
€ pour les 5
000
premiers passages donne lieu à des suppléments par tranche de 2 500
passages au-delà de 5
000. Il est calculé sur la base du nombre d’ATU de
l’année n
-1 ;
-
à ces financements viennent s’ajouter des dotations au titre de
missions d’intérêt général (MIG), le montant des consultations et des actes,
des examens
de biologie et d’imagerie, ainsi que des recettes de séjour en
cas d’hospitalisation.
Ce dispositif tarifaire incite à l’activité au lieu d’encourager les
efforts de régulation. La modulation du « forfait annuel urgences » en
fonction des forfaits « accueil et traitement des urgences » assis sur les
passages encourage en effet à atteindre une tranche supérieure d’activité,
d’autant plus que ce dispositif est défavorable aux petits établissements
:
la facturation par passage et la faible taille des tranches du forfait annuel
(2 500 passages) alors que les normes de personnels varient par tranches
de 10 000 patients aboutissent à des écarts de recettes qui peuvent varier
du simple au double pour une même activité du fait de cet effet d’échelle.
La facturation spécifique des actes complémentaires peut également
pousser à leur multiplication, même si elle dépend largement de
l’exhaustivité et de la qualité, inégale, du recueil et du codage des actes
réalisés pendant le passage.
Le mode de tarification des urgen
ces s’avère en revanche
désincitatif à l’égard des coopérations entre établissements
: la mise en
place d’une structure multi
-sites (une entité juridique) à la place de
plusieurs sites modifie l’attribution des tranches de FAU
439
, un seul
établissement étant rémunéré pour les passages, alors que les deux
supportent des charges fixes.
Les multiples défauts de ce dispositif tarifaire avaient été mis en
relief en 2007 par la Cour qui avait recommandé sa modernisation. Un
travail de réflexion sur les modèles de f
inancement des urgences n’a
439.
En 2012, à titre d’exemple, en Midi
-Pyrénées, 17,1 % des patients sont cotés en
CCMU1, 63,6 % en CCMU2 et 16,8 % en CCMU3.
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370
cependant été engagé que récemment avec pour objectif de définir un
cadre rénové pour la campagne tarifaire 2015.
2 -
Une méconnaissance persistante des coûts
C’est dans cette perspective que l’ATIH a été chargée de piloter
en 2014
une enquête de coûts complets sur les services d’urgence.
En effet, les outils existants ne permettent pas de les évaluer. Le
financement actuel des activités hospitalières n'est pas construit sur une
logique d'évaluation des coûts des services, mais des séjours, ce qui
rend difficile toute tentative de comparaison des charges et des
recettes. De plus, dans les services d’urgence, deux types d’activité
coexistent : une activité donnant lieu à des actes externes et une
activité d’hospitalisation, alors que
les moyens allouées aux deux sont
confondus et souvent même mutualisés avec d’autres.
Dans ces conditions, l’ATIH est à ce stade seulement en mesure
de produire, sur la base des retraitements comptables, une estimation
des charges directes nettes des serv
ices d’urgence d’une part, des
UHCD d’autre part pour le secteur public. En l’état, ces données
tendent à montrer que ces charges seraient supérieures aux recettes,
mais compte tenu des limites méthodologiques précitées, il est difficile
de conclure au car
actère globalement déséquilibré de l’activité
d’urgence pour les établissements publics de santé.
Peu aisées à apprécier dans le secteur public, les dépenses liées à
l’activité d’accueil des urgences dans les établissements à but lucratif
ne font pas l’objet d’une estimation globale. La CNAMTS n’a pas
cherché notamment à évaluer, ne serait-ce que par des études sur des
échantillons d’établissements, la part des actes effectués dans le cadre
d’une activité d’urgence et rémunérés sous forme d’honoraires.
Cet
te méconnaissance empêche de disposer d’une vision consolidée
des montants que l’assurance maladie affecte au financement des services
d’urgence. Les seules recettes directes perçues par les établissements
publics et les ESPIC au titre de l’activité d’accu
eil des urgences
s’élevaient à près de 2,5
Md€ en 2011 (dernière année disponible), mais
les données correspondantes pour le secteur privé à but lucratif ne sont pas
connues.
Sur la base de cette estimation, chacun des 15 480 000 passages
dans un service d
’urgence d’un établissement public ou d’un ESPIC, qui
concentrent selon l’enquête de la DREES 86
% des flux, reviendrait pour
l’assurance maladie en moyenne à 161,50
€.
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,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
371
Une analyse fine et rigoureuse des coûts complets des services
d’urgence n’est pas seulement nécessaire au regard de l’appréciation
de leur équilibre financier et du pilotage de leur efficience. Elle est
aussi indispensable pour pouvoir procéder à des comparaisons avec des
prises en charge en ville pour des situations de même type. De telles
comparaisons sont en effet une condition indispensable pour redéfinir
la juste place des urgences hospitalières dans l’offre de soins non
programmés.
III
-
Mieux articuler l’hôpital et la médecine de
ville
Le principe essentiel de liberté d’accès aux urgences hospitalières
fait reposer l’enjeu d’une meilleure régulation de leur fréquentation sur la
capacité à orienter une part de la demande de soins vers le mode de prise
en charge le mieux adapté et le moins coûteux, comme observé aussi au
demeurant à l’étranger.
Les réflexions en cours au Royaume-Uni
Au Royaume-
Uni, la fréquentation des services d’urgences a
progressé de plus de deux millions depuis dix ans pour atteindre 16
millions de passages en 2012/2013. Une profonde remise à plat de
l’organisation des services d’urgence a été proposée par un rapport officiel
publié en novembre 2013. Parmi les principales orientations figurent le
développement d’un service médical d’urgence en dehors de l’hôpital, axé
s
ur l’accès aux services de santé primaires, la différenciation du dispositif
d’urgences hospitalières en deux niveaux («
major emergency centres » et
« emergency centres »), mais aussi une meilleure information des assurés.
La recherche d’un meilleur équi
libre entre ce qui peut être pris en
charge par la médecine de ville et ce qui doit être traité par l’hôpital
continue à se heurter à de nombreuses difficultés. Y remédier suppose
notamment d’intensifier les efforts.
A - Identifier et analyser les « passages évitables »
La méconnaissance des caractéristiques des patients recourant aux
urgences rend difficile la détermination de la part d’entre eux qui pourrait
être pris en charge en médecine de ville. La mesure et l’analyse des
« passages évitables » constituent pourtant un enjeu majeur au regard de la
bonne orientation des patients, tant sur le plan médical que financier.
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372
Déterminer qu’un patient pourrait relever d’une prise en charge en
ville suppose principalement une évaluation du degré de gravité de son
état. Celle-
ci repose aujourd’hui essentiellement sur la classification
clinique des malades aux urgences (CCMU), référentiel établi par la
société française de médecine d’urgence.
La classification clinique des malades aux urgences
La CCMU comporte 7 classes. Les classes 1 à 5 correspondent à des
situations de gravité croissante (1
: état clinique stable, pas d’acte
complémentaire diagnostique ou thérapeutique ; 2 : état stable, décision
d’acte complémentaire diagnostique
; 3
: état pouvant s’aggraver aux
urgences ; 4 : pronostic vital engagé sans geste de réanimation immédiat
nécessaire ; 5
: pronostic vital engagé, nécessité de manœuvres de
réanimation immédiates. Les deux autres catégories correspondent à la
psychiatrie et au décès.
Malgré plusieurs limi
tes, cette classification présente l’avantage
d’être commune à l’ensemble des services et été retenue pour renseigner
les données devant nécessairement figurer dans les résumés de passages
aux urgences.
Les incertitudes sur la part de patients qui pourraient être pris en
charge en ville portent essentiellement sur ceux relevant des catégories
CCMU1 et 2, qui sont de loin majoritaires
440
.
Selon l’enquête de la DREES, un passage sur cinq n’a pas
comporté d’acte, ce qui recouvre la catégorie CCMU1. Cette donnée
pourrait correspondre sous réserve d’analyses plus approfondies sur le
profil sanitaire des patients en cause et toutes choses égales par ailleurs, à
une réorientation éventuellement possible de l’ordre de 3,6 millions de
passages annuels vers une prise en charge en ville.
Cette donnée souligne tout l’intérêt prioritaire qui s’attache à ce que
des études spécifique documentent précisément les coûts comparés de
prise en charge en ville et à l’hôpital des patients à l’état de santé
considéré comme d’une gra
vité peu élevée. Sur la base du différentiel
entre le coût moyen estimé
supra
de 161,50
€ par passage et du tarif des
consultations en ville, l’ordre de grandeur des économies brutes
susceptibles de résulter de la réorientation vers une prise en charge en ville
de ces patients se présentant aux urgences, compte non tenu notamment
des besoins de renforcement éventuels de la permanence des soins,
440.
En 2012, à titre d’exemple, en Midi Pyrénées,
17,1 % des patients sont cotés en
CCMU1 et 63,6 % en CCMU2.
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,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
373
pourrait être de l’ordre de 500
M€
441
. Ce chiffre mérite d’être considéré
avec précaution et devrait être bien entendu affiné, mais il illustre les
marges d’efficience susceptibles d’être dégagées.
L’analyse précise des soins apportés aux patients en CCMU2
apparaît essentielle par ailleurs au regard de la capacité de la médecine de
ville à leur apporter une réponse satisfaisante en termes notamment de
besoins
complémentaires
d’examens
radiologiques
et
d’analyses
biologiques.
B -
Renforcer l’efficience de la permanence des soins
ambulatoires
La Cour a mis en lumière dans l’enquête qu’elle lui a
spécifiquement consacrée en 2013 les multiples fragilités du dispositif de
la permanence des soins ambulatoires tel que progressivement organisé
pour répondre aux demandes de soins la nuit, le weekend et les jours fériés
à la suite de l’abandon en 2002 de l’obligation déontologique de g
arde des
médecins libéraux.
Si en effet le principe d’une régulation médicale préalable à toute
intervention a constitué une innovation majeure, les modalités de mise en
œuvre de la permanence des soins, par ailleurs particulièrement onéreuses,
n’ont que très inégalement permis de mieux organiser la continuité d’une
présence médicale adaptée sur l’ensemble du territoire.
L’articulation beaucoup plus étroite du dispositif ainsi institué avec
les urgences hospitalières est une condition de sa consolidation. La
difficulté grandissante de mettre effectivement en place aux horaires de
« nuit profonde » les gardes effectuées par les médecins libéraux de moins
en moins nombreux, au risque avéré de voir de nombreux secteurs non
couverts, doit conduire à faire davantage reposer après minuit les prises en
charge sur les urgences hospitalières. En dehors de ces horaires, les
maisons médicales de garde devraient constituer une des principales
alternatives au recours aux services d’urgences aux heures de la
permanence des soins pour assurer une activité de consultation médicale
non programmée en disposant d’un minimum d’équipements. Leur place
reste cependant minoritaire dans le dispositif de prise en charge des
urgences :
peu
nombreuses
encore
(369
en
2013),
inégalement
f
réquentées, parfois mal financées, leur articulation avec l’hôpital est
souvent imprécise.
441.
Ce calcul se base sur l’hypothèse de 3,6 millions de consulta
tions à 23
€ prises en
charge en ville (soit 82,8
M€) à comparer avec leur coût à l’hôpital sur la base d’un
coût moyen par passage de 161,50
€ (581
,4
M€
).
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374
La place variable des maisons médicales de garde
La maison médicale de garde de Roubaix, située en face du centre
hospitalier, créée en 1999, soutenue par l'hôpital et la mairie pour répondre
aux besoins d'une population souvent en difficulté sociale, est considérée
comme un complément indispensable du service des urgences.
À Toulouse en revanche, la maison médicale de garde implantée à
l’hôpital de la Grave à Toulo
use, située dans un établissement faisant partie
du CHU, mais à distance des services d’urgence, attire à l’inverse peu de
patients et
n’a pas empêché l’augmentation des passages aux urgences des
sites de Purpan et Rangueil.
Comme la Cour le soulignait, la poursuite souhaitable du
développement des maisons médicales de garde devrait ainsi s’inscrire
aussi étroitement que possible dans une complémentarité avec les
urgences hospitalières en se situant autant que possible à leur proximité,
voire au sein même des établissements de santé.
C -
Développer de nouveaux modes d’accès à des soins
non programmés en ville
Les données des ORU aussi bien que l’enquête de la DREES
montrent que la majeure partie de l’activité d’accueil des urgences a
lieu en journée (entre 8h00 et 20h00), en dehors des heures de la
permanence des soins. Le besoin d’une prise en charge en dehors des
horaires de travail n’est au demeurant évoqué que par 3
% des patients
selon la DREES.
L’évolution de la pratique libérale se caractérise de fait
par une
tendance à la réduction des plages consacrées aux consultations sans
rendez-
vous au bénéfice des consultations programmées. L’institution
du médecin traitant, auquel chaque assuré doit choisir de se
rattacher
442
, n’a pas, au demeurant, développé le réflexe de s’adresser
à lui en cas de difficulté inopinée de santé : dans 61 % des cas le
recours aux urgences n’a été précédé d’aucun avis médical. L’absence
du médecin traitant n’est citée que par 6
% des patients comme
expliquant leur passage aux urgences.
Les difficultés d'accéder à des consultations non programmées
en dehors des urgences hospitalières conduisent à différentes
442. Cour des comptes,
Rapport public annuel 2013
, chapitre 3: le médecin traitant et
le parcours de soins coordonnés : une réforme inaboutie,
La Documentation française,
février 2013, p. 579-585, disponible sur
www.ccomptes.fr.
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ES URGENCES HOSPITALIÈRES
:
UNE FRÉQUENTATION CROISSANTE
,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
375
expérimentations, souvent à l’initiative d’établissements de santé
soucieux de diminuer la pression sur leurs services.
Un exemple de consultations sans rendez-vous dans la région Centre
Pour lutter contre la désertification médicale et inciter les médecins
libéraux à assurer une activité non programmée en journée, une expérience
a été initiée par le centre hospitalier de Blois avec le soutien financier de
l’ARS. La «
plateforme alternative d’innovation en santé
» (PAI.) favorise
la coopération entre des médecins généralistes volontaires pour qu’ils
assurent des consultations médicales non programmées, en journée, après
un filtrage par un secrétariat commun. Ce dispositif permet une
organisation spécifique de leur temps de travail sous forme d’une journée
consacrée à cette activité dans la semaine. Le bilan dressé fait apparaître
cependant que l’évaluation de l’impact de ce dispositif sur l’activité des
urgences reste à faire.
Le développement de projets de consultations « H24 » sans rendez-
vous en milieu hospitalier, comme l’a envisagé l’AP
-
HP à l’Hôtel Dieu,
met aussi en évidence ce besoin de soins non programmés non couverts
par la médecine de ville. Le risque existe cependant de reconcentrer alors
sur l’hôpital des flux de patients qui devraient être pris en charge
autrement.
De ce point de vue, la question est posée de la diffusion de
nouveaux modes d’exercice des professionnels
libéraux de santé selon une
logique de regroupement de compétences associées dont l’expérimentation
en cours de maisons de santé pluri-professionnelles, implantées dans les
zones en risque de désertification médicale, peut constituer une
préfiguration. Au nombre de 370 début 2014, elles voient pour partie leur
financement conditionné à une organisation permettant chaque jour de
recevoir des patients ayant besoin de soins non programmés.
Ce mode d’organisation pourrait également permettre de remédier
aux difficultés de la médecine de ville pour prendre en charge la
traumatologie, première cause de recours aux urgences (plus de 31 % pour
les adultes et 36 % pour les enfants). Cette dernière demande une pratique
et un environnement (accès rapide à l’imagerie, p
etit matériel chirurgical,
aide infirmière etc.) qui ne correspondent pas aux organisations actuelles.
Serait ainsi à examiner, sur la base d’études de coûts comparatifs
précis en termes d’investissement et de fonctionnement avec les prises en
charge des
mêmes soins au sein de services d’urgences disposant de
circuits courts, l’opportunité pour certaines maisons de santé pluri
-
professionnelles ayant une activité importante de disposer d’un plateau
technique minimum, autorisant à réaliser sur place des actes de soins pour
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C
OUR DES COMPTES
376
petite traumatologie et, dans des délais courts, certains examens
d’imagerie et de biologie.
________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
Face à l’augmentation continue du recours aux urgences
hospitalières, la solution a été recherchée plus dans la mobilisation de
moyens supplémentaires que par la recherche d’une meilleure
efficience, même si les efforts d’organisation conduits par nombre
d’établissements se sont traduits par la diffusion progressive de
nouvelles pratiques améliorant les conditions de prise en charge.
La persistance de certaines situations de tensions atteste
cependant de la fragilité et des limites d’un dispositif demeuré trop
centré sur l’hôpital, qui au
-delà des urgences vitales et graves doit sans
cesse davantage répondre à une demande de soins non programmés qui
pourrait être pour une part sans doute très importante assurée en ville
par d’autres acteurs du système de soins. Un passage sur cinq n’a pas
nécessité d’autre acte qu’une consultation, soit en première analyse de
l’ordre
de 3 600 000 « passages évitables ». Sans préjudice de la
proportion de patients pour lesquels les interventions complémentaires
nécessaires auraient pu être pratiquées en ville, une réorientation de ce
flux vers la médecine ambulatoire pourrait se traduir
e pour l’assurance
maladie, toutes choses égales par ailleurs, par des économies
de l’ordre
de 500 ou 300
M€.
Ces constats amènent à considérer que l’amélioration de
l’efficacité du dispositif dépend moins de l’allocation de nouveaux
financements que d’un
e meilleure définition de la place et du rôle des
services d’urgence dans le système de soins, en termes d’organisation
interne des établissements, d’orientation des patients
et
d’articulation
entre hôpital et médecine de ville.
Il revient aux pouvoirs pub
lics d’en assurer un pilotage plus
efficient. Trois types de mesures doivent y contribuer : améliorer la
connaissance des motifs de recours aux urgences et des caractéristiques
des patients, mieux diffuser les modes d’organisation innovants, faire
évoluer
le mode de financement sur la base d’une meilleure
connaissance des coûts.
Il est indispensable que le ministère chargé de la santé se donne
les moyens d’une meilleure connaissance des patients recourant aux
urgences, notamment ceux qui ne sont pas hospitalisés et entreprenne,
dans le cadre des travaux de révision de la tarification, une étude
comparative sur les coûts respectifs de la prise en charge des patients,
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,
UNE ARTICULATION AVEC LA MÉDECINE DE VILLE À REPENSER
377
de catégorie CCMU 1 et 2 notamment, en milieu hospitalier et en ville.
Une généralisation des pratiques qui ont fait leurs preuves (filières
courtes, gestion des lits, filières gériatriques…) est à promouvoir de
manière plus vigoureuse. Le bon aboutissement de la révision de la
tarification des services d’urgence, dont la Cour a plusieurs fois re
levé
la nécessité, est indispensable pour éviter qu’elle ne contrarie les efforts
de régulation de l’activité et inciter davantage à l’efficience des prises
en charge.
Plus essentiellement, le renforcement de la permanence des soins
ambulatoires, notamment par la poursuite de la création de maisons
médicales
de
garde
étroitement
articulées
avec
les
urgences
hospitalières, est à accompagner du développement de nouveaux modes
d’accès en journée à des soins non programmés en médecine de ville.
L’apport à cet é
gard des maisons pluriprofessionnelles de santé
mériterait d’être conforté par l’examen de la possibilité d’adosser les
plus importantes à un petit plateau technique.
La Cour formule les recommandations suivantes :
59.
généraliser les nouveaux modes d’organis
ation interne des
urgences qui ont fait preuve de leur efficacité (notamment circuits
courts, mise en place de gestionnaires de lits, admissions directes en
gériatrie) ;
60.
faire évoluer la tarification en vue d’améliorer l’efficience des
urgences, sur la base, notamment, de comparaisons des coûts de prise
en charge à l’hôpital et en ville des patients nécessitant une simple
consultation (recommandation réitérée) ;
61.
mesurer et analyser les « passages évitables » aux urgences de
patients dont la prise en charge aurait pu être assurée en ville ;
62.
renforcer la permanence des soins ambulatoires par le
développement des maisons médicales de garde ;
63.
développer la prise en charge en ville des soins non programmés,
dans le cadre notamment de maisons de santé pluri-professionnelles dotées
d’un plateau technique léger.
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