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Chapitre XI
Les projets régionaux de santé
: un
cadre peu opérationnel
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L
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:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
323
_____________________
PRESENTATION
_______________________
La loi du 21 juillet 2009 « Hôpital, Patients, Santé et Territoires »
(dite loi HPST) a entendu inscrire la politique de santé dans la double
perspective d’un parcours assurant un continuum de prise en charge
depuis la prévention jusqu'aux structures médico-socia
les et d’une
territorialisation
de
l’organisation
des
soins,
avec
pour
objectif
d’améliorer l’égalité des chances et la qualité des prises en charge .
À cette fin, les agences régionales de santé (ARS) créées par cette
même loi
381
se sont vu confier, parmi leurs premières missions, celle de
mettre en œuvre au niveau régional la politique de santé publique dont la
loi du 9 août 2004 relative à la santé publique précise qu’elle a notamment
pour objectif «
l
a
réduction des inégalités de santé, par la promotion de la
santé, par le développement de l'accès aux soins et aux diagnostics sur
l'ensemble du territoire »
.
Le cadre de régulation de la politique régionale de santé a été
modifié en conséquence. Le projet régional de santé (PRS) unifie
dorénavant l’ensemble des démarches des différents acteurs
-État et
assurance maladie au premier chef - dans les domaines de la prévention,
des soins hospitaliers et ambulatoires et de l’action médico
-sociale.
À l’issue de la phase d’élaboration de ces derniers et au début de
leur mise en œuvre, la Cour a cherché à analyser comment cet exercice de
programmation avait entendu répondre à ses objectifs : réduire les
inégalités en santé, assurer une meilleure coordination des parcours de
soins et permettre une plus grande efficience des politiques de santé
publique
382
.
Elle a constaté que cette démarche n’est pas parvenue, malgré un
travail et une mobilisation considérables, à rendre opérationnelle une
approche intégrée au niveau r
égional, comme l’illustrent les deux exemples
de la prévention et de la prise en charge de l’obésité et des accidents
vasculaires cérébraux (I). Les capacités d’action des ARS sont entravées
par de nombreuses difficultés, qu’il s’agisse de l’absence de pri
orités
nationales claires, du manque de leviers financiers à la disposition directe
381. Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de financement de la
sécurité sociale pour 2012
, chapitre VIII : la mise en place des agences régionales de
santé, La Documentation française, septembre 2012, p. 231-260, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
382.
L’organisation de la veille sanitaire et la gestion des crises sanitaires qui entrent
dans le champ de la santé publique ne sont pas examinées ici. La mission confiée aux
ARS par l’article L.
1431-2 du code de la santé publique relative à la régulation et
l’organisation de l’offre de soins fera par ailleurs l’objet d’une enquête ultérieure.
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des ARS ou du défaut d’affirmation de leur rôle de pilote face à d’autres
acteurs au niveau local (II). L’élaboration de nouveaux projets régionaux
de santé en 2016 devra n
écessairement s’engager dans un cadre
institutionnel à repenser (III).
I
-
Une démarche très lourde, une approche
intégrée insuffisante
Trop peu opérationnels, les projets régionaux de santé ont peiné à
organiser une articulation en termes de parcours coordonné entre
prévention, soins et prise en charge médico-sociale, comme le montre en
particulier l’examen de la prise en charge de l’obésité et des accidents
vasculaires cérébraux (AVC), qui représentent des enjeux majeurs de
santé publique.
A - Un exercice de programmation peu opérationnel
Le projet régional de santé « définit les objectifs pluriannuels des
actions que mène l'agence régionale de santé dans ses domaines de
compétences, ainsi que les mesures tendant à les atteindre ». Arrêté pour
cinq ans pa
r le directeur général de l’ARS, après une phase de
concertation, il se décompose en un plan stratégique régional de santé
(PSRS), qui fixe les orientations et objectifs pour la région, trois schémas
régionaux de mise en œuvre respectivement en matière de
prévention
(SRP), d’organisation de soins (SROS) et d’organisation médico
-sociale
(SROMS) et des programmes qui en prévoient les modalités d’application
et les financements.
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UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
325
Schéma n°2 : le projet régional de santé
* Légende :
ES
: établissements de santé ;
PRAPS
: programme régional d’accès à la
prévention et aux soins ;
PRIAC
: programme interdépartemental d’accompagnement
des handicaps et de la perte d’autonomie.
** Facultatifs
Source :
secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales
1 -
Des procédures d’élaboration et d’adoption trop lourdes et
complexes
Les PRS, dont l’élaboration a démarré en 2010, devaient être
arrêtés dans toutes les régions fin 2011. Alors que l’échéance avait été
repoussée à la fin 2012, les derniers ont été finalement adoptés début
2013. Les travaux ont donc duré près de trois ans et ont été complexes et
lourds, tant pour les équipes des agences que pour les acteurs régionaux.
Outre le nombre même de documents composant le PRS, la longueur du
processus s’explique par la nécessité de
définir au préalable des territoires
de santé, la difficulté de la mise au point des diagnostics territoriaux, le
souci des nouvelles agences de déployer pleinement la concertation avec
les instances de démocratie sanitaire régionale et les difficultés
d’a
rticulation des schémas sectoriels.
LE PLAN STRATÉGIQUE RÉGIONAL DE SANTÉ
Étape 1
SCHÉMAS RÉGIONAUX
Étape 2
PROGRAMMES
D'ACTIONS
Étape
3
Prévention
Organisation des soins
Médico social
Volet ES*
Volet
ambulatoire
Programmes
territoriaux**
Programme
télémédecine
PRIAC*
PRAPS*
Programme
pluriannuel de
gestion de risque
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Les fragilités de la démocratie sanitaire régionale
383
La loi HPST a réformé les instances de démocratie sanitaire en
instaurant une conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA)
et des conférences de territoir
e, au niveau d’un bassin de vie, qui
concourent par leurs avis à la définition de la politique régionale de santé.
Les CRSA, qui sont obligatoirement consultées sur le PRS et ses
différents volets, ont eu un rôle important dans le processus de
concertation. Elles se sont réunies à un rythme soutenu durant les phases
d’élaboration et de consultation réglementaire. Leur composition large
(usagers, élus locaux, partenaires sociaux, professionnels des secteurs
sanitaires, médico
sociaux ou de préven
tion) en fait un lieu d’expression
de tous les acteurs de santé. Les avis rendus ont ainsi pu peser, parfois
fortement comme en région Nord-Pas-de-Calais, où le schéma régional de
prévention a été réécrit ou, en Alsace, avec la prise en compte d’une
priorité supplémentaire relative à la prévention et la prise en charge des
conduites à risque chez les adolescents.
Toutefois, dans la phase actuelle de mise en œuvre des PRS, un
risque d’essoufflement de ces instances est perceptible. L’apport des
conférences
de
territoire,
dont
les
missions
réglementaires
sont
limitées
384
, n’est pas avéré
; leur fonctionnement est très hétérogène, leurs
réunions irrégulières et leur articulation avec la CRSA souvent faible. Les
CRSA comme les conférences de territoire sont au demeurant encore peu
connues et mal identifiées localement. Elles peuvent pourtant compter
chacune, respectivement, jusqu’à
100 et 50 personnes ce qui entraîne une
lourdeur des travaux en assemblée plénière. Le manque de formation de
certains de leurs membres
rend inégale l’appropriation de dossiers parfois
très techniques. L’absentéisme (en particulier des représentants de
collectivités territoriales) peut être important.
2 -
Des objectifs beaucoup trop nombreux et non priorisés
Les projets régionaux de santé sont de volumineux documents,
dépassant le plus souvent les 1 000 pages. Leur faible lisibilité qui
compromet leur appropriation par les acteurs de santé est accentuée par
l’accumulation de trop nombreux objectifs insuffisamment hiérarchisés.
Le projet d’Auv
ergne comporte ainsi 350 objectifs, celui de Bourgogne
143 objectifs généraux et 434 objectifs spécifiques déclinés dans les
schémas.
383. Ce concept, introduit dans la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé, reconnaît des droits individuels et collectifs à
l’usager, qui devient
un acteur du système de santé dans lequel il est susceptible
d’intervenir directement ou par l’intermédiaire de ses représentants
.
384. Seules deux missions de consultation formelle des conférences de territoire sont
inscrites dans les textes
: l’avis sur les contrats locaux de santé et l’avis sur les
programmes territoriaux de santé.
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Cette absence de hiérarchisation, particulièrement dommageable,
s’explique notamment par la structuration complexe des PR
S (plan
stratégique régional, schémas, programmes), la prise en compte des
nombreux plans et programmes nationaux de santé publique et une
expression large des préoccupations des acteurs de la démocratie sanitaire
régionale. Les ARS n’ont guère tiré les en
seignements des exercices
antérieurs de programmation régionale en santé publique pour lesquels les
mêmes défauts avaient déjà été soulignés
385
.
Ces difficultés au stade de l’élaboration des PRS reportent, de
facto, les arbitrages de priorités à la phase de
mise en œuvre, entraînant
de nouvelles discussions. Enfin, corollaire de cette faible opérationnalité
des PRS, les dispositifs de suivi et d’évaluation des PRS aux niveaux
national et régional peinent à se mettre en place.
3 -
Une absence de chiffrage financier
À l’exception de quelques
-
unes d’entre elles, les ARS n’ont pas
chiffré le coût des actions inscrites dans les PRS. Cette absence de
chiffrage financier s’explique notamment par la faible visibilité des ARS
sur leurs ressources sur la durée du PRS et par la mise à disposition
tardive d’un outil de chiffrage par le ministère, au demeurant peu robuste.
L’étude de faisabilité financière figurant dans le PRS de Midi
-Pyrénées
constitue une exception.
L’étude de faisabilité financière du PRS Midi
-Pyrénées
L’ARS
de Midi-Pyrénées a cherché à évaluer le coût des 500
actions déclinées dans son PRS. Elle estime que la moitié seulement des
actions nécessite un financement
386
, pour un montant évalué à 135
M€ sur
cinq ans, ce qui représente 1,7
% des dépenses d’assurance
maladie en
Midi-Pyrénées ou 6,5
% des enveloppes financières gérées par l’ARS.
Ce chiffrage du coût des actions ne s’accompagne pas pour autant
d’une programmation financière à cinq ans.
385. Cour des comptes,
communication à la Commission des affaires sociales de
l’Assemblée nationale
relative à la « prévention sanitaire », octobre 2011, disponible
sur
www.ccomptes.fr
.
386 . Les autres actions consistent essentiellement en actions de cadrage, de
coordination, de mutualisation ou de communication.
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Plus fondamentalement, le défaut de lien entre les nombreux
objectifs des PRS et les moyens de les financer, comme l’absence
d’articulation entre le PRS et l’évolution de l’ONDAM, sont anormaux. Il
apparaît comme essentiel que soit rendu obligatoire, dans la prochaine
génération de PRS, un chiffrage financier des actions inscrites et vérifiée
sa compatibilité avec les contraintes de l’ONDAM.
B - Une approche intégrée insuffisante : les exemples de
l’obésité et des accidents vascul
aires cérébraux
Les PRS -
même s’il est trop tôt pour juger de leurs résultats
-
n’ont
pas permis d’asseoir une approche plus globale et coordonnée des
questions de santé. Deux exemples de priorités de santé publique, ceux de
la prévention et de la prise en
charge de l’obésité
387
et des accidents
vasculaires cérébraux (AVC)
388
, illustrent notamment la difficulté à
organiser un continuum entre prévention, dépistage, soins et prise en
charge médico-sociale.
1 -
Des inégalités sociales et territoriales marquées
Les PRS
ont été conçus et mis en œuvre alors que les inégalités
sociales et territoriales de santé demeurent fortes, voire s’accroissent
comme dans le cas de l’obésité.
Selon l’étude Obépi de 2012
389
, 32,3 % des Français adultes de 18
ans et plus sont en surpoids et 15 % présentent une obésité (la prévalence
de l’obésité était de 8,5
% en 1997). Il persiste d’importantes différences
de prévalence entre catégories socio-professionnelles et entre régions
(alors qu’elle n’était que de 11,6
% en Midi-Pyrénées en 2012, elle est
passée de 13,5 % en 1997 à 21,3 % en 2012 dans le Nord-Pas-de-Calais).
387. L
obésité est une maladie chronique, facteur de nombreuses maladies graves
(notamment le diabète et les
maladies cardiovasculaires) et raccourcit l’espérance de
vie des personnes atteintes. En 1980, l’INSEE estima
it à 6,1 % le taux de personnes
obèses en France. En 2009, l’enquête Obepi, sur le surpoids et l’obésité situait le
nombre de patients obèses à 14.5 % de la population et le taux de patients en surpoids
à 30 %.
388. En France, environ 150 000 personnes sont attein
tes d’AVC chaque année. Avec
40
000 morts, c’est en France la première cause de handicap non traumatique avec des
patients qui gardent des séquelles lourdes, la deuxième cause de démence, la troisième
cause de mortalité après les cancers et les maladies cardio-vasculaires.
389.
Sixième édition de l’enquête Obépi
-Roche, réalisée de janvier à mars 2012, par
le laboratoire Roche avec l’Inserm, l’hôpital de la Pitié
-Salpêtrière et KantarHealth.
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S’agissant de la mortalité liée aux AVC, les résultats sont
également très contrastés selon les régions
390
. D’une part, les facteurs de
risque (hypertension artérielle, obésité, t
abagisme…), eux
-mêmes souvent
liés aux conditions socio-économiques de la population, sont inégalement
présents d’une région à l’autre
; d’autre part, la qualité des prises en
charge sanitaires varie sensiblement. En effet, une prise en charge
immédiate, une rééducation précoce, puis adaptée dans le temps,
permettent de diminuer la mortalité, le handicap et les récidives. Or les
inégalités demeurent, bien que l’AVC ait été désigné comme une cause
de santé publique prioritaire depuis plusieurs années.
2 -
Des programmes structurés de prévention et de dépistage
Généralement, les ARS ont investi le champ de la prévention de
l’obésité et
/ ou celui de la nutrition-alimentation-activités physiques. Les
cinq régions métropolitaines les plus concernées (Nord-Pas-de-Calais,
Alsace, Picardie, Centre, Lorraine) en ont fait une priorité dans leur PRS.
Le dépistage de l’obésité, en aval, constitue un enjeu essentiel dans
lequel le rôle du médecin traitant est primordial. Seuls 45 % des
généralistes calculent l’IMC (indice
de masse corporelle)
391
pour tous les
enfants et seuls 36
% reportent l’IMC sur leurs courbes de corpulence
alors que le renseignement de ces courbes pour les enfants de moins de
six ans permet le
repérage d’un éventuel rebond d’adiposité précoce
392
.
En matiè
re d’AVC, des campagnes d’information à destination du
grand public, sur la reconnaissance des signes de l’AVC et l’appel au 15,
sont désormais menées et renouvelées tous les ans. Un effort reste
cependant à mener à l’égard des généralistes dont certains m
éconnaissent
les protocoles de prise en charge des AVC. Les ARS sont en revanche
peu nombreuses à présenter des programmes complets et structurés de
prévention des risques, à l’instar du plan d’actions cardio
-neuro-
390. La mortalité est plus élevée dans les DOM, tout particulièrement à la Réunion.
Le taux de mortalité y est de 85 % plus élevé que celui de la métropole où le Nord-
Pas-de-Calais, la Bretagne et le Limousin présentent les résultats les plus dégradés
suivis d’un
deuxième groupe de régions
constitué de l’Alsace, la Hau
te-Normandie, la
Lorraine et la Picardie.
391. Selon les références internationales, le surpoids correspond à un IMC (IMC =
poids en kg/taille² en m)
égal ou supérieur à 25 et l’obésité
à un IMC égal ou
supérieur à 30.
392.
La remontée de la courbe d’IMC qui survient physiologiquement vers l’âge de
6
ans s’appelle le rebond d’adiposité. L'âge de survenue du rebond d'adiposité est
utilisé comme marqueur prédictif du risque d’obésité. Plu
s le rebond est précoce
(avant six ans), plus le risque de devenir obèse est élevé.
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vasculaire d’Auvergne qui prévoit des act
ions plus particulièrement
orientées vers les milieux scolaire, universitaire et du travail.
3 -
Des filières de prises en charge difficiles à organiser
Bien qu’il s’agisse d’une ambition portée par les plans nationaux
obésité et AVC ainsi que par les PRS, la construction de filières de prise
en charge assurant le continuum entre la prévention, le dépistage, les
soins et le médico-social se heurte à des difficultés multiples.
Ainsi, même lorsque l’obésité est dépistée par le médecin traitant,
celui-
ci n’est pas toujours en capacité d’orienter son patient vers une offre
adaptée de prise en charge, soit parce que cette offre est encore
insuffisamment développée sur le territoire régional, soit parce qu’elle
existe mais n’est pas connue. Pour renforcer le chaînage
entre dépistage
et prise en charge, l’ARS de Languedoc
-Roussillon a engagé la rédaction
d’un annuaire des ressources. En Franche
-Comté, un réseau spécialisé
dans l’obésité pédiatrique financé par l’ARS organise une prise en charge
graduée des enfants, en lien avec la médecine de ville, la PMI, la santé
scolaire et les structures hospitalières. La désignation par les ARS de 37
centres spécialisés obésité
393
pour la prise en charge de l’obésité sévère
et l’organisation des filières de soins devrait contribuer à rendre l’offre de
prévention et de soins plus lisible pour les patients comme pour les
professionnels. Leur montée en charge est toutefois subordonnée à la
pérennité de l’activité d’un animateur en charge de la construction du
maillage territorial.
La st
ructuration de la filière AVC autour d’une unité neuro
-
vasculaire (UNV)
394
, se heurte dans plusieurs régions à des difficultés
importantes de démographie médicale. Ainsi, alors qu’en Champagne
-
Ardenne, le SROS III (2006-2011) prévoyait déjà la création de trois
UNV (à Reims, Troyes et Charleville-Mézières), seule celle de Reims a
été créée en 2007 et celle de Troyes ne le sera, au mieux, qu’en fin 2014.
À Charleville, le manque de neurologues rend la création de l’UNV
impossible à court terme. Par conséquent, des interrogations subsistent
sur la capacité de l’ARS à mettre en œuvre ces orientations anciennes,
pourtant réaffirmées dans l’actuel PRS.
393. C
es centres s’appuient le plus souvent sur les CHU.
394.
Une filière AVC est organisée en étoile autour d’une unité neuro
-vasculaire
(UNV) située dans un établissement hospitalier et est constituée d’un réseau
d’urgences en amont permettant l’orientation des patients et de structures d’aval
graduées en fonction de la nature et de la sévérité des séquelles.
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Pour compléter le maillage territorial, plusieurs ARS se sont
engagées dans le développement de la télémédecine (télé-AVC).
La télé-AVC
La télé-AVC permet, en reliant le site de prise en charge du patient
à l’UNV et à ses équipes spécialisées, de mener un examen clinique à
distance, à partir duquel le neurologue prend la décision de traitement
(thrombolyse
395
) qui sera
pratiqué par l’urgentiste de l’établissement où le
patient a été conduit.
Le déploiement de la télé-AVC -encore très lent- suppose le
financement des équipements et des infrastructures mais également un
important travail de concertation, d’organisation de
s gardes, de définition
des protocoles, de diffusion de l’information auprès de l’ensemble des
professionnels intervenant sur un maillon de la chaîne et de formation.
En Nord-Pas-de-Calais, un dispositif très organisé est opérationnel
depuis 2011 sur deux territoires de santé (Hainaut-Cambrésis et Artois-
Douaisis) représentant une population de près de deux millions
d’habitants. Il ressort notamment du premier bilan fait par l’ARS après
18 mois de fonctionnement que :
- 47 % des patients pris en charge par télémédecine ne présentent
pas de séquelles de l’AVC à trois mois de la phase aiguë, résultats
comparables aux patients pris en charge directement sur site ;
- le délai de prise en charge par télémédecine est en moyenne
supérieur de 20 minutes à celui que
l’on constate sur un site capable de
réunir simultanément et sur le même lieu l’accueil aux urgences,
l’expertise neurologique et l’expertise radiologique. En revanche, le délai
de prise en charge est amélioré de plus d’une heure par rapport à
l’organisat
ion qui prévalait avant la mise en place du dispositif de
télémédecine.
Enfin, l’organisation de l’aval (soins de suite et de rééducation,
prise en charge médico-sociale, retour à domicile) demeure un maillon
faible des filières AVC. Leur mise en œuvre est
en effet surtout centrée
sur l’organisation de l’hospitalisation en court séjour. Alors qu’une prise
en charge précoce et spécialisée en soins de suite et de rééducation est
jugée plus adaptée pour prévenir les récidives et limiter les séquelles,
l’offre
est souvent mal positionnée. Ainsi, en région Midi-Pyrénées, 18
services disposent d’une spécialisation pour cette pathologie mais ils sont
très mal répartis géographiquement (11 implantations sont en Haute-
Garonne et en territoire limitrophe).
395. La thrombolyse par voie intraveineuse doit être réalisée dans les 3 heures selon
l’autorisation de mise sur le marché des médicaments autor
isés à cet effet.
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Les PRS ne sont pas encore parvenus à promouvoir suffisamment
une approche intégrée de la santé au niveau régional, comme en
témoignent les limites des politiques de lutte contre l’obésité et les AVC.
Les raisons en sont certes parfois de nature structurelle lorsqu’e
lles
tiennent à la démographie médicale ou à la disparité territoriale de l’offre
de soins. Cependant l’exercice de programmation peut aussi souff
rir trop
souvent de défauts de conception et de l’incapacité des acteurs à s’aligner
sur des objectifs communs.
II
-
Des capacités d’action limitées
Les limites à l’action des ARS proviennent essentiellement des
difficultés de l’État à assumer pleinement sa responsabilité dans la
définition d’une politique nationale de santé publique et au défaut de
convergence des acteurs.
A - Des objectifs nationaux insuffisamment affirmés
La définition d’objectifs nationaux clairement exprimés aurait pu
permettre aux ARS de concentrer leurs travaux sur les spécificités
régionales. Ce cadre national a manqué.
1 -
Une politique nationale de santé publique en cours de
redéfinition
La démarche d’élaboration des PRS a été lancée en 2010 alors que
la politique nationale de santé était en cours de redéfinition
396
. Une
nouvelle stratégie nationale de la santé n’a finalement été présentée qu’en
septembre 2013, une loi devant être adoptée en 2015.
Faute de texte succédant à la loi de santé publique de 2004,
l’élaboration des PRS n’a pu que s’inscrire dans le cadre d’orientations
très générales. Trois priorités nationales transversales ont été précisées
dans le cadre du conseil national de pilotage des ARS
397
: améliorer
l'espérance de vie en bonne santé, promouvoir l'égalité devant la santé,
développer un système de soins et de santé de qualité, accessible et
396. La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique comprenait cent
objectifs pour la période 2004-2008, qui devaient être révisés et évoluer.
397. Ce comité
rassemble, sous l’autorité du ou des ministres concernés, les direc
teurs
des administrations centrales impliquées dans les questions intéressant les ARS et les
directeurs des caisses nationales d’assurance maladie ainsi que de la caisse nationale
de solidarité pour l’autonomie
.
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efficient. Cinq domaines d’action ont également
été identifiés : handicap
et vieillissement, veille et sécurité sanitaire, périnatalité et enfance,
maladies chroniques, santé mentale et addictions. Un objectif transversal
d’efficience du système de santé y a été adjoint. Ces priorités très larges,
sans
objectifs associés, ont contribué à rendre difficile l’exercice de
priorisation au niveau régional.
2 -
La multiplication des plans nationaux de santé
La politique nationale s’inscrit également dans une multiplicité des
plans et programmes dont la Cour a déjà souligné le manque
d’articulation et la faible hiérarchisation des objectifs
398
. La prévention
de l’obésité et du surpoids est à cet égard emblématique des difficultés
que ce foisonnement a entraînées pour les ARS lors de l’élaboration de
leurs priorités régionales. Les cadrages nationaux se sont en effet
multipliés dans ce domaine : outre le plan Obésité 2010-
2013, d’autres
plans et programmes nationaux abordent la prévention selon une
approche nutritionnelle : le programme national nutrition santé (2011-
201
5), le programme national pour l’alimentation élaboré en 2011, le plan
« sport, santé, bien-être » publié en décembre 2012, la politique éducative
en santé
399
.
Cette accumulation de plans, hétérogènes dans leurs démarche et
décalés dans le temps, a induit une préjudiciable perte de lisibilité des
objectifs.
398. Cour des comptes,
communication à la Commission des affaires sociales de
l’Assemblée nationale
relative à la « prévention sanitaire », octobre 2011, disponible
sur
www.ccomptes.fr.
Le livre des plans de santé publique publié en mai 2011 par le
ministère de la santé en recensait plus de 30.
399. Fondée sur la circulaire
de l’éducation nationale
n° 2011-216 du 2 décembre
2011.
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Des objectifs à la conciliation délicate
Le programme national pour l’alimentation (PNA), porté par le
ministère de l’agriculture, cherche à intégrer toutes les problématiques de
l'alimentation et du modèle alimentaire français et regrouper les initiatives
sectorielles
existantes
(agriculture,
pêche,
santé,
consommation,
environnement, tourisme, éducation, culture, aménagement du territoire...).
Le code rural et de la pêche maritime
400
prévoit que les actions
mises en œuvre par le PNA dans les domaines de l'éducation, de
l'information en matière d’équilibre et de diversité alimentaires, ainsi que
de la qualité nutritionnelle de l'offre alimentaire suivent les orientations du
programme national nutrition santé (PNNS) suscité par le ministère de la
santé.
En pratique, cependant, les intérêts sous-jacents à ces deux plans
peuvent être différents
; l’objectif de promotion pour la santé du PNNS
coïncide plus ou moins aisément avec l’objectif
de promotion du
patrimoine alimentaire et culinaire français porté par le PNA et des intérêts
économiques représentés. L’école est ainsi le lieu de rencontre de ces
divers enjeux comme l’illustrent les actions du PNA «
généraliser la
distribution de fruits à l'école en plus de ceux consommés à la cantine » ou
« encourager la mise en place d'ateliers de cuisine et de classes du goût à
l'école et sur le temps périscolaire ».
L’incapacité à définir une approche nationale univoque en matière
de prévention de l
’obésité oblige les ARS à un lourd travail de
coordination institutionnelle en région au détriment de l’opérationnalité.
L’ARS
Nord
-Pas-de-Calais
élabore
ainsi
un
programme
régional
alimentation et activité physique qui tente - non sans quelques difficultés-
de faire la synthèse entre le PNA, le PNNS et le plan obésité et d’organiser
les collaborations entre les services de l’État concernés.
3 -
Le poids des approches sectorielles
Les ARS sont fréquemment organisées en directions spécialisées et
relaient des instructions nationales qui demeurent très segmentées
401
. Ce
cadre a facilité le maintien d’approches insuffisamment transversales,
alors même que l’un des objectifs des PRS était de développer des
coopérations entre des secteurs de prise en charge jusque-là considérés de
400. Dernier alinéa de l'article L. 230-1 du code rural et de la pêche maritime.
401. Cour des comptes,
Rapport sur l’application de la loi de
financement de la
sécurité sociale pour 2012
, chapitre VIII : la mise en place des agences régionales de
santé. La Documentation française, septembre 2012, p. 231-260, disponible sur
www.ccomptes.fr
. La Cour estimait
que chaque direction d’administration centrale
continuait, comme par le passé, de fonctionner en «
tuyaux d’orgues» avec les ARS.
L’unification du pilotage du système de santé au niveau régional n’a en effet pas été
accompagnée d’un décloisonnement au niv
eau national.
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L
ES PROJETS RÉGIONAUX DE SANTÉ
:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
335
manière distincte. En particulier, le travail sur les schémas a été marqué
par la persistance d’une logique cloisonnée.
Quelques ARS ont cependant su, dès la phase d’élaboration,
dépasser l’approche sectorielle induite par les schémas. Ainsi,
le SROS
de la région Ile-de-France comprend deux volets transversaux consacrés
aux personnes âgées et aux personnes handicapées conçus en interaction
avec les autres schémas. En Auvergne, une annexe aux trois schémas
régionaux relative à la lutte contre les addictions conforte une approche
intersectorielle de cette problématique.
B - Un défaut persistant de convergence des acteurs
1 -
L’irrédentisme de l’assurance maladie
Comme la Cour l’a déjà relevé, la création des ARS a été marquée
par une certaine résistance
de la part de la caisse nationale d’assurance
maladie (CNAMTS) soucieuse de préserver ses prérogatives, notamment
en matière de gestion du risque. Cette situation a constitué un frein à
l’exercice des missions des ARS.
Dans leurs travaux, les ARS ont été confrontées à des difficultés en
raison des restrictions d’accès aux données du SNIIRAM (système
national d'information inter régimes de l'assurance maladie), géré par la
CNAMTS. Les dispositions qui régissent l’accès des agences à ces
données ne leur permettent pas de mener avec le degré de précision et
d’approfondissement qui serait souhaitable des études, des évaluations ou
de faire de simples constats à la fois à un niveau géographique infra-
départemental et avec des données temporelles précises sur les soins
prodigués. Cette contrainte est bloquante pour identifier précisément les
filières et parcours de soins ou avoir une approche par âge du patient.
Les agents des ARS ont en effet accès aux données agrégées et à
l'échantillon généraliste des bénéficiaires
402
du SNIIRAM. Seuls les
médecins des ARS ont accès aux données individuelles anonymisées
exhaustives des bénéficiaires et des professionnels de santé (DCIR), dans
leur champ de compétence régionale (DCIR régional).
Dans les ARS participant à l’expérime
ntation de prise en charge
coordonnée des personnes âgées dite PAERPA
403
, les médecins des ARS
et le personnel placé sous leur responsabilité peuvent cependant aussi
402 . EGB : échantillon permanent représentatif de la population protégée par
l'assurance maladie.
403.
Parcours de santé pour les personnes âgées en risque de perte d’autonomie.
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C
OUR DES COMPTES
336
procéder au croisement des variables sensibles strictement nécessaires au
déroulement de l’e
xpérimentation.
Les besoins de traitements statistiques sont cependant plus larges
que ceux actuellement autorisés. Ils peuvent nécessiter l'accès pour
d’autres catégories de personnel (notamment des statisticiens) et porter
sur d’autres thématiques que l
es parcours de soins des personnes
âgées
404
.
Par ailleurs, les contrats signés en 2011 entre les ARS et les
organismes locaux de sécurité sociale
405
afin de formaliser les contribu-
tions réciproques à la mise en œuvre du PRS reprennent généralement les
priorit
és définies au niveau national par l’assurance maladie. Ils ne
détaillent que rarement des initiatives locales complémentaires et ne
prévoient pas de les inscrire dans les orientations des schémas régionaux
de prévention retenus par les ARS. Il s’agit le plus souvent d’actions déjà
menées antérieurement par l’assurance maladie ou guidées d’abord par
des enjeux identifiés par cette dernière. Les ARS n’ont, le plus souvent,
pas été en capacité de peser sur ces choix alors que la médecine de ville
devrait devenir un acteur majeur de la prévention (cf. ci-dessus à propos
de la prévention de l’obésité). Par exception, l’ARS d’Ile
-de-France et les
caisses d’assurance maladie de la région ont cependant construit
ensemble le volet prévention du programme régional de gestion du risque,
dans lequel trois programmes régionaux ont été intégrés sur l’accessibilité
financière aux soins, le renforcement de l’information et de la prévention
et le parcours de santé de la personne âgée.
Enfin, la CNAMTS agit en toute autonomie en ce qui concerne ses
programmes propres de prévention, du type SOPHIA ou Santé active
406
.
Il peut arriver que des ARS découvrent la mise place de dispositifs en
dehors de toute concertation. Ainsi, la CPAM des Yvelines a seule décidé
l’ouverture à Versailles, d’un espace de prévention Santé active. Selon
l’ARS d’Ile
-de-
France, l’implantation choisie et la méthode risquent de
contribuer à l’accroissement des inégalités sociales de santé plutôt qu’à
leur réduction.
404.
Le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle de la sécur
ité sociale
(MECSS) du Sénat de mars 2014 sur les agences régionales de santé recommande à
ce sujet de « faciliter l'accès des ARS aux données de santé, notamment celles de
l'assurance maladie, mais dans un cadre législatif sécurisé et protecteur des libertés
publiques ».
405. S
ur la base d’un contrat type défini nationalement
.
406 . SOPHIA :
programme d’accompagnement des patients diabétiques
; Santé
active :
nouveau service de l’assurance maladie qui propose un coaching en ligne et
des offres locales (par exemple, des ateliers et bilans nutritionnels).
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L
ES PROJETS RÉGIONAUX DE SANTÉ
:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
337
2 -
Des partenariats avec les collectivités et les services
déconcentrés de l’État difficiles à organiser et inégalement
opérationnels
Les ARS et les collectivités territoriales partagent de nombreuses
préoccupations
de
santé
publique
qui
rendent
leur
coopération
indispensable : lutte contre la désert
ification médicale, organisation d’une
offre de proximité, professionnalisation de l’offre en matière de
prévention etc. Cette collaboration se heurte cependant à de nombreux
obstacles, tels que le manque de visibilité des ARS sur l’offre portée ou
les besoins définis par les collectivités territoriales ou le décalage dans les
calendriers d’adoption des différents schémas de la responsabilité des
départements et les travaux d’élaboration des schémas régionaux
d’organisation médico
-sociale. Ce décalage a pu induire un manque de
complémentarité et susciter l’incompréhension des élus, dès lors
notamment que des besoins de médicalisation de structures médico-
sociales étaient appréciés différemment par les services des conseils
généraux et les agences.
A contrario
, la mise en œuvre de contrats locaux de santé, qui tend
à se développer même si la population concernée reste très faible illustre
souvent la qualité des partenariats qui peuvent être organisés avec
certaines collectivités locales.
Le déploiement progressif des contrats locaux de santé
Les contrats locaux de santé (CLS) conclus par les agences avec les
collectivités territoriales et leurs groupements -
souvent à l’initiative de
celles-ci -
permettent d’adapter
les actions du PRS aux besoins locaux. À
partir d’un diagnostic, ils visent à organiser le partenariat local à l’échelle
communale ou intercommunale pour réduire les inégalités sociales et
territoriales de santé et mettre en œuvre des solutions pour une o
ffre de
proximité.
Chaque ARS a toute latitude pour adapter le cadre à sa propre
démarche. En septembre 2013, environ 155 CLS avaient été signés dans
l’ensemble de la France et la quasi
-totalité des agences indiquaient avoir
plusieurs projets de CLS complémentaires à un stade plus ou moins
avancé d’élaboration. Plus du tiers du total des contrats signés en France
l’ont été en Ile
-de-
France ce qui peut s’expliquer par l’antériorité des
démarches dans le champ de la santé dans un certain nombre de
communes fr
anciliennes. Dans d’autres régions, le processus est plus lent
(un premier CLS signé en 2013 en Basse Normandie ; en Rhône-Alpes,
alors qu’un seul CLS avait été signé en 2012, cinq nouveaux contrats ont
été conclus en 2013).
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C
OUR DES COMPTES
338
Le CLS contribue à un décloisonnement des interventions des
différents acteurs locaux. Son opérationnalité dépend, cependant, en
grande partie, de la manière dont sont mobilisés autour de ses objectifs les
moyens humains et financiers consentis par la collectivité territoriale et
l’ARS. Or ceux
-ci sont souvent trop peu explicités, comme dans plusieurs
contrats examinés par la Cour.
En matière de prévention et d’éducation en santé, les ARS doivent
travailler de concert avec les services déconcentrés de l’État qui
détiennent une compétence en ce domaine, fût-elle limitée : rectorat,
direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale,
direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt,
direction de la protection judiciaire de la jeunesse etc., mais les relations
entre les acteurs ne sont pas toujours aisées. La mise en place au sein de
chaque ARS d’une commission de coordination des politiques publiques
dans le domaine de la prévention n’ayant pas suffi à pallier cette
difficulté
407
, les agences se sont engagées dans la signature de
conventions-
cadres avec les services locaux de l’État. Ce partenariat
foisonnant, rarement ciblé sur un objectif précis, peut se révéler
consommateur de temps et de moyens au détriment d’une action p
lus
immédiate et plus concrète.
C - Des financements insuffisamment mis au service de
la réduction des inégalités de santé
Les capacités d’action des ARS pour promouvoir la prévention
sont limitées par des enveloppes réduites par rapport à celles dont
l’assurance maladie dispose. La création du fonds d’intervention régional
(FIR) qui devait introduire davantage de souplesse dans la gestion des
crédits alloués aux ARS n’a pas encore eu l’impact attendu.
407. Cette commission
regroupe, outre le directeur général de l’ARS, le représentant
du Préfet de région, les services déconcentrés de l’
État concernés, des représentants
des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale. Cette commission
joue un rôle très variable d’une région à l’autre, en raison d’une participation et d’un
niveau de représentation hétérogènes
. A minima
, la commission constitue un lieu
d’échanges d’informations. Au mieux, quelq
ues commissions plus dynamiques
parviennent à développer des initiatives de mise en commun des financements
disponibles et d'examen conjoint des demandes de subventions.
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UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
339
1 -
Le faible niveau des crédits de santé publique
L’examen de
s dépenses régionales de santé publique fait apparaître
une double distorsion : entre les montants des fonds gérés par les ARS et
ceux dont disposent les organismes d’assurance maladie, d’une part
et
dans les niveaux de dépenses entre les régions, d’autre
part.
Les dépenses régionales de santé publique ont représenté en 2012
un total de 563
M€
408
. Il s’agit d’une part très faible (0,32
%) des
dépenses sanitaires et médico-sociales engagées dans les régions
(184,5
Md€ dont 78,3
Md€ pour les soins de ville et 7
4,2
Md€ de
dépenses en établissements de santé). On ne peut en attendre un effet
décisif sur la réduction des inégalités régionales.
Tableau n° 69 :
dépenses régionales 2012 par destination
En M€
Dépenses de santé publique
563
Dont dépenses des fonds de prévention de l'assurance maladie (régime
général
345
Dépenses de soins de ville
78 327
Dépenses des établissements de santé
74 232
Versements aux établissements et services médico-sociaux (hors conseils
généraux)
19 653
Autres prestations AT-MP, invalidité, décès
9 995
Autres dépenses sanitaires et médico-sociales
1 750
Total
184 520
Source : états financiers définitifs 2012 des ARS et données DGS
Sur ce montant, 39 % seulement (soit 218
M€
409
) relèvent
directement des ARS. Le solde, soit plus de 60 % des dépenses de santé
publique (345
M€), est constitué par les actions menées en propre par le
régime général maladie à travers ses fonds de prévention et recouvre,
essentiellement, les contributions aux structures de gestion des dépistages
organisés des cancers, le financement des centres d’examen de santé, les
dépenses de prévention bucco-dentaire, le remboursement de tickets
modérateurs de certains vaccins, les dépenses des actions locales des
caisses. Rapportée à la population, la dépense globale (ARS et assurance
maladie) s’est élevée en 2012 à 8,64
/ habitant. Ce montant recouvre
d’importantes disparités régionales, résultant avant tout du poids de
408. États financiers définitifs des ARS et données de la direction générale de la
santé.
409. Ce montant comprend les crédits du programme 204 (171
M€), des crédits de
l’assurance maladie (40
M€) et des reprises sur fonds de roulement (6
M€). Il ne
comprend pas les dépenses de santé recentralisées (64,8
M€).
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C
OUR DES COMPTES
340
l’histoire et sans corrélation avec les iné
galités de situation sanitaire ou
socio-économique.
Parmi les dix régions percevant l’allocation la plus faible par
habitant, certaines sont particulièrement mal classées au regard du taux de
pauvreté monétaire (comme la Corse ou le Languedoc-Roussillon) ou de
l’indice de mortalité prématurée
410
chez les hommes ou les femmes
(Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais, Lorraine).
Tableau n° 70 :
Les dix régions les moins bien dotées
Classement des régions
Dépenses/
hab
(€)
Taux de pauvreté
monétaire 2008
(rang)
Taux de mortalité
prématurée : hommes
(rang)
Taux de mortalité
prématurée : femmes
(rang)
Languedoc-Roussillon
6,67
2
14
11
Haute-Normandie
6,85
14
2
2
Franche-Comté
7,04
15
16
17
Provence-Alpes- Côte
d’Azur
7,06
4
17
14
Rhône-Alpes
7,06
19
22
22
Lorraine
7,40
10
8
4
Ile-de-France
7,67
17
20
16
Nord-Pas-de-Calais
7,87
3
1
1
Alsace
7,88
22
19
15
Corse
8,29
1
18
21
Note de lecture : Classement : 1, région la plus mal classée; 22 région la mieux
classée.
Source :
données DGS, secrétariat général du ministère de la santé, calculs Cour
des comptes
Depuis plusieurs années, la direction générale de la santé module
certes le calcul des allocations régionales « prévention, promotion de la
santé et sécurité sanitaire
» sur la base d’indices de précarité et de
mortalité prématurée évitable. Ce dispositif souffre cependant de deux
limites importantes. Compte tenu de la diminution des crédits de
prévention, il ne peut corriger que marginalement les écarts de dotations
entre régions
411
. D’autre part, ce mécanisme ne porte que sur une fa
ible
part de dépense régionale en santé publique.
410. Taux de décès par mortalité prématurée standardisés par âge : ensemble des
décès survenus avant l’âge de 65 ans pour 100
000 habitants (Inserm-CépiDc,
données 2006).
411.
Les régions les moins dotées bénéficient d’une diminution plus faible de leurs
crédits, ce qui ne peut leur permettre de rattraper leur retard que de façon
excessivement progressive. En 2014, les taux d’évolution des dotations, en métropole,
vont ainsi de -7,25 % à -9,75 %.
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:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
341
La diminution des financements a un impact sur les acteurs
régionaux de la prévention financés, en partie, par les ARS. Sous
l’impulsion de ces dernières, ce secteur est ainsi engagé dans une
dynamique de rationalisation.
La rationalisation des acteurs de la prévention
Dans de nombreuses régions, le secteur de la prévention se
caractérise par un grand nombre d’opérateurs, répartis inégalement sur le
territoire régional : 435 structures étaient ainsi répertoriées en 2002 en
Languedoc-Roussillon, 1 255 en 2011, intervenant sur 37 thèmes
différents. Il existe peu d’acteurs généralistes, les associations étant
souvent axées sur une population ou une thématique.
Le corollaire de cette multiplicité d’acteurs est l
e saupoudrage de
financements régionaux et le difficile pilotage de la politique de
prévention. L’enjeu pour les ARS est d’agir sur l’offre de prévention pour
la professionnaliser et la mettre en adéquation avec les besoins de la
région. Pour cela, elles tendent à mieux cibler les appels à projets et / ou
optent de plus en plus souvent pour une contractualisation pluriannuelle
des financements avec les principaux opérateurs. Dans plusieurs régions,
telle que le Languedoc-Roussillon, les financements se resserrent sur un
nombre plus réduit d’acteurs. Cette mutation ne se fait pas sans difficultés.
Tableau n° 71 :
évolution du financement de la prévention par l’ARS
Languedoc-Roussillon
en €
Actions
Opérateurs
Montant
2010
242
149
3 429 737
2011
179
106
3 243 910
2012
115
78
2 988 957
Source :
ARS Languedoc-Roussillon
Les pôles régionaux de compétence soutenus par l’Institut national
de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) à hauteur de 6,6
M€ en
2013, ont vocation, en lien avec les ARS, à apporter appui et ressources aux
acteurs associatifs locaux. Leur efficience devrait être évaluée, leur action
s’inscrire complètement dans les orientations des schémas régionaux de
prévention et leur apport d’expertise en matière d’évaluation des actions de
prévention plus nettement mobilisé par les équipes des agences qui ont
besoin de monter en compétence sur ce sujet.
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C
OUR DES COMPTES
342
2 -
Une mise en œuvre du FIR encore limitée
La création du fonds d’intervention régional (FIR)
412
en 2012
devait donner aux ARS une plus large capacité d’intervention, pu
isque
l’attribution des crédits est désormais laissée à leur libre appréciation,
sous réserve du respect du principe de fongibilité
413
. Les ARS peuvent
ainsi en principe mobiliser des crédits supplémentaires, en plus de ceux
qui leur ont été alloués au titre de la prévention-santé publique pour
financer des actions dans ce domaine, dans le respect de l’enveloppe
globale allouée.
L’utilisation du FIR s’avère cependant décevante de ce point de
vue. L’importance des crédits fléchés au niveau national, l’absence
de
pluri-
annualité et la complexité des procédures de mise en œuvre de la
fongibilité ont limité jusqu’à présent le recours à cette souplesse de
gestion
414
.
Par ailleurs, la création du FIR ne s’est par ailleurs pas
accompagnée d’une révision des modalités de répartition des crédits qu’il
regroupe entre les régions. La répartition des crédits 2012 et 2013 s’est
inscrite globalement dans la continuité des dotations historiques des ARS,
ce qui revient à pérenniser des situations acquises.
Une refonte des modalités de répartition des dotations du FIR sur
la base de critères objectifs tenant compte des inégalités régionales
apparaît nécessaire, d’autant plus que la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2014 a créé au sein de l’ONDAM un sous
-objectif spécifique
412. Le FIR a été créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 et est
entré en vigueur au 1
er
mars 2012. Le montant du FIR a évolué de 1,3 Md
€ en 2012 à
3,3
Md€ en 2013
, le périmètre du fonds ayant été élargi par le transfert de nouvelles
enveloppes. Son montant est fixé à 3,2
Md€ en 2014
.
413 . Selon le mécanisme de fongibilité asymétrique, les crédits destinés au
financement des actions de prévention ne peuvent être affectés au financement
d’activités de soins ou de prises en charge et d’accompagnement médico
-sociaux. À
l’inverse, les crédits non pro
tégés, peuvent être utilisés au financement de toute action
dans le périmètre du FIR.
414. Selon la CNAMTS, en 2012 les ARS ont sollicité le transfert de près de 5,4
M€
et d’un peu plus de 18
M€ en 2013
.
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L
ES PROJETS RÉGIONAUX DE SANTÉ
:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
343
au titre du FIR pour répondre à la préoccupation de doter les ARS de
marges de manœuvre financières supplémentaires
415
.
III
-
Préparer la prochaine génération de PRS
selon une méthode repensée
A -
Refonder l’observation régionale en santé
La programmation en matière de santé publique doit pouvoir
s’appuyer sur une observation régionale en santé solide et restructurée.
Face à la dispersion actuelle des acteurs et des données, cette observation
doit être davantage pilotée par les ARS et concentrée autour des capacités
des observatoires régionaux de santé.
1 -
La dispersion des données
1
215 structures d’observation en région ont été recensées en 2010,
dans un «
état des lieux de l’observation en santé et de ses déterminants
en région » réalisé à la demande de la direction générale de la santé, soit
une moyenne de 47 par région. Parmi ces nombreux producteurs de
données, les observatoires régionaux de santé (ORS)
416
ont une place
souvent centrale. Dans le cadre de partenariats avec les collectivités
territoriales et les associations des secteurs sanitaire, social et médico-
social, ils collectent de nombreuses données, les traitent et réalisent des
études sur la santé en région et ses déterminants.
Cette
dispersion
des
acteurs
se
traduit
par
un
manque
d’harmonisation des outils d’observation et par une dispersion des
moyens, dans un contexte de fragilité financière de ces structures, en
415. Sont transférées dans le nouveau sous-objectif les dépenses relatives au FIR, qui
étaient jusq
u’alors
incluses dans les sous-objectifs des soins de ville, des
établissements de santé et dans les « autres prises en charge ». De plus, deux dépenses
relevant du FIR qui étaient en dehors du périmètre de l’OND
AM sont intégrées
(81
M€ au titre des dépenses de prévention de
l’assurance maladie et du financement
de la démocratie sanitaire
) [annexe 7 LFSS 2014]. L’article 44 de la LFSS prévoit en
outre une possibilité de transfert réciproque entre le FIR et la dotation régionale
relative à l’ONDAM dans la limite de 1
% de chacune des enveloppes.
416. Pour l'année 2012, le budget de l'ensemble des 26 ORS était de 18
M€
. Au total,
340 salariés y travaillaient (247 ETP)
au sein d’
équipes pluridisciplinaires : médecins
épidémiologistes ou de santé publique (ou internes), statisticiens, gestionnaires de
bases données, démographes, géographes, sociologues, économistes, informaticiens,
documentalistes.
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C
OUR DES COMPTES
344
particulier des ORS. Ainsi, la plupart des acteurs développent des
systèmes d’information sans cohérence entre eux. Certaines ARS ont
recruté du personnel compétent en observation et en statistiques (Ile-de-
France, PACA, Bretagne, Picardie), alors que les ORS disposent
également de personnels qualifiés.
2 -
Une consolidation nécessaire du dispositif d’observation
L’évaluation des actuels projets régionaux et l’élaboration des
prochains devront s’appuyer sur un dispositif d’observation régionale en
santé refondé dont le pilotage doit être assuré par les ARS.
La
concentration de la production des données et la mutualisation des
ressources sont indispe
nsables pour permettre d’atteindre une taille
critique en matière d’expertise.
Dans plusieurs régions, la création de plateformes
d’observation
sanitaire et sociale s’inscrit d’ores et déjà dans cet objectif.
La plateforme d’observation sanitaire et soci
ale de Picardie
La plateforme sanitaire et sociale de Picardie est financée par la
direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale,
l’ARS et le conseil régional de Picardie et animée par l’observatoire
régional de la santé et du social de Picardie. Rassemblant une soixantaine
d’organismes intervenant dans le domaine de la santé et du social, elle
collecte et traite les données pour réaliser une observation de la santé à un
niveau infra régional.
B - Simplifier et recentrer la programmation régionale
Les projets régionaux de santé devront être renouvelés en 2016,
sans qu’il soit ni réaliste ni soutenable pour les équipes des ARS de
réitérer un investissement similaire à celui de la période 2010-2012.
La procédure devrait être ainsi substantiellement allégée, de
manière à aboutir à un document moins volumineux, plus accessible et
lisible, ne contenant qu’un nombre limité de priorités et d’objectifs
opérationnels, de manière à accentuer la transversalité des démarches et à
intégrer davantage une approche en termes de parcours de santé.
Concernant l’architecture même du PRS, les schémas sectoriels
pourraient dans cette perspective être supprimés et remplacés par un court
schéma de l’offre (prévention, soins, médico
-social) comprenant les seuls
éléments opposables de planification, les autres éléments étant renvoyés
au plan stratégique régional de santé (diagnostic, priorités, objectifs). Des
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ES PROJETS RÉGIONAUX DE SANTÉ
:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
345
programmes (sous forme de plans d’actions précis) privilégiant une
approche par parcours de santé (par population ou par thématique) et / ou
par territoire pourraient compléter la démarche, en fonction des priorités
de chaque région.
La simplification de la structure du PRS contribuerait, en outre, à
alléger la procédure de consultation et à rendre plus opérante leur
évaluation.
C -
Intégrer pleinement l’assurance maladie dans la
mise en œuvre régionale des politiques de santé
publique
Pour que la politique en santé publique conduite en région soit
efficace et efficiente, le rôle de pilote des ARS doit être clairement
réaff
irmé. Cela suppose en particulier que l’ensemble des acteurs
inscrivent leurs actions dans le cadre des objectifs définis par les projets
régionaux. Dans cette perspective, compétences et ressources doivent
mieux converger entre assurance maladie et agences régionales.
L’assurance maladie dispose en effet de leviers puissants pour
toucher les professionnels de santé, via par exemple les visites des
délégués de l’assurance maladie
et relayer les actions menées par les
ARS. Il pourrait être même envisagé à terme, dans le cadre de la
rémunération à la performance sur objectifs de santé publique
417
pour les
médecins libéraux et dès lors que serait intervenue la diminution
annoncée du nombr
e des régions, d’instaurer et de mesurer l’atteinte
d’objectifs définis en fonction des priorités de santé régionales.
En tout état de cause, les financements de l’assurance maladie
consacrés aux actions locales de santé publique doivent s’articuler
pleinement avec ceux des ARS, au besoin en conférant à ces dernières un
pouvoir décisionnel sur leur affectation.
La prochaine loi de santé qui do
it être discutée au début de l’année
2015
offre l’opportunité de redéfinir sur ces différents plans la relation de
l’assurance maladie avec les agences régionales de santé. Il est de la
responsabilité du ministère de la santé de faire de cette convergence
indispensable une priorité.
417. Cour des comptes
, Rapport public annuel 2012
« Le médecin traitant et le
parcours de soins coordonnés », p. 203, La Documentation française, septembre 2012,
p. 231-260, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
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C
OUR DES COMPTES
346
__________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
____________
L’architecture extrêmement complexe des projets régiona
ux de santé
telle que définie par le ministère ne pouvait que conduire à une démarche
de préparation et d’adoption d’autant plus lourde qu’elle s’est inscrite
dans un cadre de concertation à plusieurs niveaux.
Leur élaboration a mobilisé prioritairement les équipes des
nouvelles agences régionales de santé depuis leur installation sans que ce
premier
exercice
débouche
sur
une
programmation
réellement
opérationnelle du fait de la multiplication d’objectifs non hiérarchisés ni
sur une approche véritablement intégrée qui réussisse assez à dépasser les
cloisonnements traditionnels entre secteurs et entre acteurs.
L’ambition d’exhaustivité qui avait pour fondement le souci d’une
approche transversale de pratiquement l’ensemble des différents champs
de la santé publique de manière à dessiner un parcours coordonné de soins
pour les patients, de la prévention à la prise en charge médico-sociale, a
été à cet égard un obstacle majeur pour la réussite même de cet objectif.
L’absence de stratégie nationale claire de sa
nté publique au moment
du lancement des travaux, un fonctionnement administratif encore trop
cloisonné, la dualité paralysante entre ARS et organismes d’assurance
maladie, la modestie de leviers financiers encore insuffisamment tournés
vers la réduction des inégalités régionales de santé ont une très lourde part
dans les difficultés rencontrées par les ARS.
À
l’horizon
de
2016,
une
simplification
de
l’exercice
de
programmation régionale apparaît indispensable. Les prochains projets
régionaux ne devront con
tenir qu’un nombre limité de priorités, fondées
sur une observation régionale en santé mieux outillée et plus experte.
Une mise en œuvre plus efficace suppose que le rôle de pilote des
ARS soit clairement affirmé et que les interventions des différents acteurs
s’inscrivent rigoureusement dans le cadre des objectifs définis par les PRS.
De ce point de vue, un pouvoir décisionnel sur les actions de santé
publique des organismes locaux d’assurance maladie devrait être conféré
aux agences.
La future loi de santé offre un cadre pour remédier aux
dysfonctionnements relevés par la Cour dont le ministère de la santé doit
se saisir.
Si des évolutions fortes n’interviennent pas rapidement, le risque est
grand en effet de démobiliser l’ensemble des acteurs régionaux et
de mettre
en question la valeur ajoutée des agences régionales de santé par rapport
aux anciennes institutions qu’elles ont remplacées.
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L
ES PROJETS RÉGIONAUX DE SANTÉ
:
UN CADRE PEU OPÉRATIONNEL
347
La Cour formule les recommandations suivantes :
53.
simplifier les conditions d’élaboration des projets régionaux de
santé
autour d’un nombre limité de priorités
;
54.
assortir obligatoirement ces dernières d’un chiffrage financier
des actions inscrites au projet, compatible avec les contraintes de
l’ONDAM
;
55.
faire de l’observatoire régional de santé (ORS) l’opérateur de
référence chargé de réaliser une observation globale et continue, ouverte
à l’ensemble des acteurs en santé publique
;
56.
supprimer les conférences de territoire ;
57.
subordonner l’engagement d’actions de santé publique par les
organismes locaux d’assurance maladie à l’a
ccord des ARS ;
58.
permettre un accès complet des ARS aux données du SNIIRAM.
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