Sort by *
Chapitre VII
L’objectif national de dépenses
d’assurance maladie pour les soins de
ville
: une surestimation des économies,
un outil à réajuster
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
203
____________________
PRESENTATION
_____________________
Le sous-
objectif de l’ONDAM «
soins de ville »
203
(dans la suite
« ONDAM ville
») est le plus important au sein de l’ONDAM dont il
constitue 46 % (79,4
Md€), devant le sous
-objectif « établissements de
santé » (44 %).
En exécution, les dépenses ont progressé de 1,9 % dans ce périmètre
en 2013, soit +1,5
Md€. Elles se sont situées ainsi à 1,1
Md€ en dessous de
la prévision, poursuivant une tendance à l’œuvre depuis quatre ans.
Le taux de croissance de la dépense exécutée s’inscrit néanmoins en
2013 en légère accélération par rapport à celui constaté entre 2011 et
2012 (1,7 %) et
continue d’excéder celui du PIB en valeur. De même, les
économies telles qu’évaluées par l’administration en 2013 sont en retrait
par rapport à celles de 2012. L’écart observé ne paraît pas apporter ainsi
la preuve d’une rigueur particulière ou d’un effort supplémentaire de
maîtrise de la dépense.
Dans le contexte d’un déficit persistant de l’assurance maladie, la
Cour a souhaité approfondir l’examen des méthodes utilisées pour la
construction de l’ONDAM ville, particulièrement à l
a lumière des résultats
de 2013, de même qu’elle avait examiné plus particulièrement, pour 2012,
la construction de l’ONDAM hospitalier et en particulier de son évolution
spontanée, ou « tendanciel »
204
.
Il ressort des travaux de la Cour que, aux différents stades de
l’établissement de la prévision, certaines conventions de calcul (fixation de
l’assiette, du tendanciel, mais aussi des effets reports et des économies) ont
contribué à une surévaluation de l’ONDAM soins de ville
205
.
Ces différentes étapes de construction devraient donc être revues
par les administrations. Elles devraient également pouvoir être examinées
203. La composition détaillée de ce sous-objectif est rappelée dans le chapitre relatif à
l’ONDAM 2013.
204. Cour des comptes,
Rapport sur l’application des lois de
financement de la
sécurité sociale pour 2013,
chapitre VI, La fixation de l’enveloppe de dépenses des
établissements de santé dans le cadre de l’ONDAM, La Documentation française,
septembre 2013, p. 176-199, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
205. Par construction, une partie de ces constats ont eu un impact sur la construction et
le respect de l’ONDAM global dont l’ONDAM ville est une composante. Certains se
retrouvent donc, dans une forme résumée, dans le chapitre du rapport consacré à
l’ONDAM 201
3. Inversement, certains éléments du présent chapitre (en particulier les
questions liées au provisionnement) ne sont que des cas particuliers de logiques
valables pour l’ONDAM dans son entier
: ils ne sont donc décrits que de manière
succincte dans cette partie, qui renvoie alors au chapitre général.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
204
au cours des travaux parlementaires qui précèdent l’adoption de la loi de
financement. Il ne s’agit pas seulement d’un enjeu technique mais bien de
contribuer à la plus grande sincérité des lois de financement de la sécurité
sociale.
Le présent chapitre examine ainsi successivement les questions de
fiabilité des estimations retenues pour le calcul de la base et de l’effet
report des mesures des années antérieures (I), puis celles soulevées par le
calcul du tendanciel (II). Il montre que ces biais fragilisent le cadrage des
économies à réaliser, ce qui se double de problèmes intrinsèques de
définition et de calcul de ces économies (III).
L’ONDAM soins
de ville comprend notamment les honoraires des
généralistes, des spécialistes, des sages-femmes et des dentistes, les
honoraires paramédicaux, les dépenses en laboratoires, les transports des
malades, les médicaments et dispositifs médicaux, ainsi que les
indemnités journalières et autres diverses dépenses
206
L’ONDAM pour l’année suivante est déterminé à l’automne en
appliquant à une assiette de référence appelée « base », qui est
l’estimation de l’exécution de l’année en cours (alors non encore
totalement
connue), un taux d’évolution, qui correspond à l’évaluation
spontanée des dépenses (appelée « tendanciel ») et
l’effet des mesures
nouvelles qui donnent lieu à des « provisions » (charges supplémentaires)
ou constituent des « économies » (réductions de dépenses).
Ainsi, selon la loi de financement pour 2013, les dépenses de 2012
servant de base aux calculs avaient été estimées à 78,5
Md€. L’évolution
tendancielle des dépenses avait été évaluée à 4,1 %. La prise en compte
des effets de reports et des provisions nouvelles portait ce chiffre à 4,8%.
Des «
mesures d’économies
» évaluées à 456
M€ permettaient de le
ramener à 2,6
%, objectif finalement arrêté pour l’ONDAM de ville.
206
. Composition
exhaustive :
honoraires
médicaux (des
omnipraticiens,
des
spécialistes, des sages-femmes) ; honoraires paramédicaux (des infirmiers, des
masseurs-kinésithérapeutes, des orthophonistes, des orthoptistes, des pédicures) ;
honoraires
des
dentistes ;
médicaments
(dépenses
brutes
et
remises
conventionnelles) ; biologie (dépenses de laboratoires) ; dispositifs médicaux ;
transports (taxis, ambulances…)
; prestations en espèces (indemnités journalières) ;
permanence des soins ; autres honoraires ; contrats et accords ; IVG ; cures ;
cotisations des personnels et assistants médicaux ; aides à la télétransmission.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
205
Tableau n° 55 :
construction de l’ONDAM ville 2013
En Md€
Prévision
ONDAM ville
ONDAM
Base
78,5
Application du tendanciel ONDAM ville en volume
4,1 %
81,7
Après effets de report de mesures déjà prises
4,2 %
81,8
Après provisions nouvelles
4,8 %
82,3
Après «
mesures d’économies
»
2,6 %
80,55
Source :
PLFSS
Cette prévision 2013, en cela relativement cohérente avec les
observations sur les années récentes, consacrait une dichotomie entre un
groupe de dépenses dynamiques (dispositifs médicaux inscrits sur la liste
des produits et prestations
207
, kinésithérapie, soins infirmiers, transports)
et un groupe
de dépenses d’évolution plus modérée. Elle tablait par
ailleurs sur le retour à une croissance un peu plus forte des indemnités
journalières (IJ), des analyses en laboratoire et du médicament qu’en
2012, postulant un retour de ces postes de dépense vers leur tendance de
moyenne période plutôt qu’une poursuite du ralentissement observé en
2012.
En exécution, l’ONDAM ville a été largement respecté puisqu’il
atteint 79,4
Md€, en progression de 1,9
% par rapport à l’exécution 2012.
Les écarts négatifs à l’objec
tif tiennent à 76 % au médicament et aux
indemnités journalières, voire à 92
% si l’on tient compte des remises
conventionnelles consenties par les laboratoires pharmaceutiques à
l’assurance
-maladie, alors que ces deux postes ne représentent que 40 %
de la dépense.
Ce constat d’une exécution en
-deçà de la prévision tend à
s’amplifier d’année en année comme le montre le graphique ci
-dessous.
207. Les dispositifs médicaux (DM) inscrits sur cette liste (LPP) sont définis par le
code de la santé publique comme tout instrument, appareil, produit... destiné à être
utilisé chez l'homme à des fins médicales et dont l'action principale n'est pas obtenue
par des moyens pharmacologiques.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
206
écart en exécution des dépenses de soins de ville
Graphique n° 10 :
(2009-2013)
En
M€
Source :
DSS, Cour des comptes
L’analyse par poste montre que les indemnités journalières et le
médicament sont à l’origine de cet écart croissant, non seulement en
2013, mais au cours des années précédentes : la dépense de médicament
est surévaluée en prévision depuis cinq ans et la tendance à la
surévaluation des indemnités journalières s’observe depuis 2011.
contribution des IJ et du médicament à l’écart
Graphique n° 11 :
d’exécution (2009
-2012)
En M€
Source :
DSS, Cour des comptes
-11
429
668
833
1 103
-200
0
200
400
600
800
1 000
1 200
2009
2010
2011
2012
2013
582
313
287
282
449
-120
-9
156
552
409
-474
125
225
-1
245
-800
-600
-400
-200
0
200
400
600
800
1 000
1 200
2009
2010
2011
2012
2013
Médicaments
IJ
Autres
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
207
Pour autant, le respect de l’ONDAM en 2013 ne résulte pas d’un
effort plus important de régulation sur ces deux postes, mais
principalement d’erreurs de prévision. Certaines tiennent à des biais dans
les conventions et les méthodes de calcul retenues, qui affectent en réalité
chaque année la prévision et peuvent expliquer aussi dans une certaine
mesure la surévaluation des années antérieures. D’autres sont spécifiques
à l’exercice 2013.
Le tableau en annexe présente en détail l’effet des différentes
étapes de construction de l’objectif pour chacun des postes et permet de
juger de
l’effet des conventions retenues. Si cette déclinaison par objectifs
ne présente pas de caractère contraignant par elle-même, ces données de
construction, auxquelles le Parlement n’a pas accès pour l’instant,
paraissent indispensables à une compréhension éclairée des déterminants
de la fixation de l’ONDAM. Elles devraient ainsi lui être communiquées
de manière transparente lors de la discussion du projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
I
-
Une assiette de départ surestimée : effet de
base et effets reports
A - Un effet de base croissant, partiellement corrigé en
2013
La
construction
de
l’ONDAM
tient
d’abord
compte
des
changements de périmètre entre sous-
objectifs de l’ONDAM. Pour 2013,
ces effets ont toutefois joué un rôle négligeable
208
. En revanche, les
effets de base ont eu un impact majeur.
1 -
Un effet de base qui va en s’amplifiant
Toute surévaluation de la base retenue par rapport à l’exécution
réelle crée mécaniquement une surévaluation de l’objectif ou «
effet base
négatif ».
208. Avec un montant négatif de 27
M€,
résultant du transfe
rt d’environ 45
M€
de
l’ONDAM soins de ville vers le sous
-objectif relatif aux « autres prises en charge » au
titre des soins à l’étranger des assurés d’un régime français
et du transfert de 18
M€
des
établissements médico-sociaux pour personnes âgées vers les dépenses de soins de ville
au titre du financement de médicaments
inclus jusqu’alors dans les forfaits de soins de
ces établissements.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
208
Cet « effet de base né
gatif », s’il est identifié au moment du vote
de l’ONDAM pour l’année n (en décembre de l’année n
-1), constitue
ainsi une forme de marge de sécurité pour le respect de l’ONDAM de
l’année n en montant
: l’objectif en montant sera d’autant plus facile à
resp
ecter, qu’il a été surévalué, parce que l’assiette qui a permis de le
calculer était elle-même surestimée. Toutefois, il est possible que les
données connues sur les exécutions précédentes au moment du vote ne
permettent pas d’anticiper l’existence d’un «
effet base » et que celui-ci
se révèle seulement a posteriori, notamment si une rupture de tendance
intervient dans le dernier tiers de l’année.
Les années précédentes, l’ONDAM de ville bénéficiait déjà d’un
certain « effet de base négatif » :
Tableau n° 56 :
effet de base sur les soins de ville, 2009-2011
En M€
Soins de ville
2009
2010
2011
2012
ONDAM (base retenue pour n+1)
73 224,0
75 139,0
77 278,0
78 522
ONDAM exécuté n
73 200,4
74 811,8
76 628,9 77 932,1
écart base n / exécuté n-1 (effet base)
-23,6
-327,2
-649,1
-589,9
Source :
Cour des comptes
2 -
Une rectification partielle de la base en 2013
Au cours du processus de construction et de fixation de l’ONDAM
ville à partir de juin 2012, certaines informations sont devenues
disponibles. Elles concernaient tout d’abord l’exécution 2012 en cours
d’année, en
-deçà de la prévision. Ces informations portant sur une partie
de l’année en cours doivent néanmoins être maniées avec précaution, par
exemple au regard de la survenue d’épidémies à certaines périodes plutôt
qu’à d’autres. L’exécution de 2011 a également été connue avec une
certitude croissante.
Ces informations ont conduit à estimer que pouvait être neutralisé
un effet de base de 350
M€. Ce montant n’a pas varié au cours du
processus. Ainsi, lors de la Commission des comptes de la sécurité
sociale de juin, puis au moment de la tenue du comité d’ale
rte sur
l’ONDAM (le 9 octobre)
et enfin début décembre 2012 pour le vote de la
loi de financement, ce montant est resté inchangé, alors que des données
plus complètes sur l’exécution de 2012
devenaient disponibles : en
octobre, le calcul n’était fondé que
sur les données de janvier à mai, en
décembre, il s’appuyait sur des données de janvier à août.
La cible de dépenses arrêtée en 2011 pour 2012 (78,85
Md€) n’a
donc pas été reprise intégralement comme base pour 2013, mais avec un
abattement de 350
M€. Cett
e décision a conduit à retenir une base de
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
209
78,5
Md€. Cette rectification visait à compenser un effet de base négatif
portant intégralement sur les soins de ville et essentiellement dû aux
indemnités journalières et au médicament.
A contrario
, une contribution à
un effet de base en sens inverse était enregistrée sur les honoraires
médicaux et paramédicaux
209
.
Ce n’est que plus tardivement et très progressivement que la pleine
mesure de l’écart d’exécution sur 2012 a été prise en considération
: le
groupe stat
istique de suivi de l’ONDAM l’a estimé à 100
M€
supplémentaires le 24 janvier 2013, puis le comité de pilotage de
l’ONDAM entre 210 et 295
M€ le 5 février, cette fois sur la base des
données de janvier à octobre. En avril 2013, il était évalué à 550
M€, po
ur
être finalement arrêté à 620
M€ en mars 2014.
Il paraît toutefois très improbable qu’un tel écart, en l’état actuel
des systèmes d’information qui se sont considérablement améliorés, n’ait
pas pu être mieux anticipé. Ceci est d’autant plus vrai que rien n’indique
qu’un changement de tendance significatif soit intervenu dans les derniers
mois de 2013.
L’absence de prise en compte, ou la prise en compte partielle, dans
l’estimation des 350
M€ de rectification de la base, des effets du
dénouement des provisions, a pu jouer un rôle.
La problématique des provisions
En février de l’année n, à l’occasion de l’arrêté des comptes,
l’exécution de l’année n
-
1 n’est pas encore exhaustive, du fait de la
comptabilisation en droits constatés et des délais de demande de
remboursement des soins délivrés en n-1. Sont ainsi arrêtées des
« provisions
» qui estiment les charges encore rattachables à l’année n
-1 et
qui seront dénouées pour une part prépondérante en année n et pour un
reliquat en année n+1. Ainsi, au moment du vote en décembre 2012, les
provisions 2011 ne sont pas encore totalement dénouées (elles le seront
début 2013), mais leur adéquation à la réalité de l’exécution 2011 peut être
appréhendée avec une quasi-c
ertitude, puisque l’aléa ne porte plus que sur
l’infime minorité des dépenses qui n’ont toujours pas été présentées au
remboursement près d’un an après la date de soins.
Comme le montre le tableau ci-dessous, le dénouement des
provisions explique 134
M€ (
soit 22
%) de l’effet base pour 2012.
209. Le détail des effets de base estimés par poste en prévision est donné dans le
tableau récapitulatif en annexe.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
210
Tableau n° 57 :
impact de la prise en compte du dénouement des
provisions sur le calcul de l’effet de base
En M€
Soins de ville
2012
ONDAM (base retenue pour n+1)
78 522,0
ONDAM exécuté n (post-dénouement provision)
77 932,1
ONDAM exécuté n (hors dénouement provision)
78 066,2
écart base n / exécuté n-1 (effet base)
589,9
dont dénouement des provisions
134,1
Source :
Cour des comptes
Dans la mesure où le calcul de l’effet de base n’est pas entièrement
documenté, il n’est pas possible de savoir si la rectification de 350
M€ de
la base a tenu compte de tout ou partie de ce sur-provisionnement. En tout
état de cause, même si le montant en cause est significatif, il ne suffirait
pas à expliquer l’ampleur de l’effet de base constaté.
Au demeurant, pour affiner encore l’estimation de la rectification
de la base à effectuer, d’autres éléments auraient pu être mobilisés, telles
que des informa
tions, même partielles, sur l’exécution de septembre
2012. Dans le domaine du médicament, des bases privées, utilisées par
certaines administrations, permettent de connaître les ventes en J+1 et
ainsi de raccourcir les délais de détection des ruptures de tendance. En
matière d’indemnités journalières, des données sur les liquidations plus
récentes que celles d’août étaient disponibles ou pouvaient l’être. La prise
en compte des éléments réellement disponibles aurait pu ainsi conduire à
recaler la base avec davantage de rigueur
210
.
Par ailleurs, une méthode alternative de détermination de la base
pourrait être fondée sur l’application du taux de l’ONDAM voté en n
-1 à
la base n-2 calculée après dénouement des provisions (cf. chapitre général
sur l’ONDAM 2013).
210 .
Il est à noter qu’une rectification de la base de l’ONDAM
(et donc de sa
composante ville) beaucoup plus approfondie a été effectué en 2014, en deux temps
(PLFSS et loi de financement rectificative).
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
211
B -
L’impact net des décisions antérieures
: une marge
de précaution
Pour la CNAMTS, la prise en compte de l’effet report net des
mesures antérieures (y compris l’incidence du passage en génériques de
certaines molécules
211
) et
de l’augmentation des dépenses dues aux
décisions déjà prises, mais prenant leurs effets à partir de 2013
(« provisions nouvelles » au sens de la loi de financement), devait avoir
un effet net de 0,4
% sur la progression de l’ONDAM
, dont +0,6 %
d’effet report des mesures déjà prises
et -0,2
% d’effet report des arrivées
de génériques survenues en 2012 (soit 190
M€).
Pour autant, la méthode d’estimation de ces effets reports par la
CNAMTS tend à minorer celui des génériques. En effet, elle considère
que « la hausse du taux de pénétration du générique en 2013 des
médicaments dont le brevet est tombé en 2012, n'est pas un effet report
2012 pour l’année 2013, mais plutôt une économie de l’année 2013
».
Elle indique en outre ne pas avoir
estimé d’économies à ce titre (ce qui
revient à considérer que la montée en charge des génériques 2012 était
terminée à la fin de l’année). Or, le plus probable est au contraire que le
taux de pénétration en 2013 des nouveaux génériques apparus en 2012
co
ntinue en réalité de croître, sans que, par ailleurs, il s’agisse d’une
mesure d’économie en tant que telle, mais essentiellement de l’effet du
cycle de vie des médicaments.
Dès lors, l’hypothèse prise par la CNAMTS tend en règle générale
à majorer les économies, au lieu des effets reports. En outre, le fait
qu’aucun report d’économie n’ait été prévu à ce titre pour 2013 tend à
sous-
estimer l’impact de ce facteur
et
peut être une cause d’exécution en
-
deçà de la prévision.
Par ailleurs, la direction de la sécurité sociale (DSS), qui fixe,
notamment sur la base des propositions de la CNAMTS, les montants à
retenir à chaque étape de la construction de l’ONDAM, a arbitré en
faveur d’effets reports nets et de provisions nouvelles accroissant
l’ONDAM de 0,7
% et non de 0,4 %
212
. La différence s’explique pour
211 . Il convient de distinguer deux effets : la tombée du brevet qui permet une
concurrence et
l’inscription au répertoire, étape par laquelle un médicament est reconnu
comme pouvant avoir des génériques, c’est
-à-dire des produits considérés comme
équivalents qui peuvent lui être substitués (cf.
infra
chapitre IX, la diffusion des
médicaments génériques : des résultats trop modestes, des coûts élevés).
212. Montant obtenu par différence entre le tendanciel en volume retenu par la DSS
(4,1 %) et le tendanciel en volume après effets reports nets et provisions nouvelles
(4,8 %).
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
212
l’essentiel par le fait qu’elle a inclus ex
-ante dans son « tendanciel »
l’effet report des génériques.
Mais cet écart s’explique aussi pour partie par des conventions de
calcul différentes adoptées par l
’administration
en ce qui concerne cet
effet report
213
. Ces conventions auraient eu pour effet, selon la
CNAMTS, de majorer en 2013 le tendanciel par rapport à sa propre
méthode, avec un impact de 0,4 % sur le poste « médicament »
214
et de
0,1
% sur l’ONDAM vi
lle. Enfin, les deux méthodes ont sous-évalué la
combinaison de l’effet report des passages antérieurs de certaines
molécules à des formes génériques et de la mesure « tiers payant contre-
générique », laquelle visait à stimuler le recours aux génériques par les
patients.
Le recalage partiel de la base des soins de ville en 2013, s’il doit
être apprécié comme une première étape pour mettre fin à un biais
d’importance croissante, laissait déjà perdurer une première marge de
précaution sur la capacité à respe
cter l’ONDAM. Le calcul des effets
reports des génériques en a ménagé une deuxième.
213.
La DSS retranche au tendanciel 2012 un montant correspondant à l’écart entre les
économies attendues pour 2013 sur le générique et celles attendues pour 2012 et
applique le taux de progression à l’ensemble. La CNAMTS fait une prévision hors effet
générique, puis estime l’effet report de la
« générication »
(c’est
-à-dire des tombées de
brevet et mises sur le marché de génériques)
de l’année précédente. Par
ailleurs, la DSS
indique avoir des échanges avec le CEPS sur les perspectives de baisse dans la dépense
de médicament.
214. Calculé ici avant effet de la « maîtrise médicalisée », cf.
infra
.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
213
II
-
L’appréciation de la tendance spontanée des
dépenses : des limites méthodologiques et des biais
de précaution
A - La prévision de la CNAMTS : un modèle empirique,
des limites multiples
1 -
Une méthode empirique
Comme l’a rappelé la Cour dans son rapport sur l’application des
lois de financement de la sécurité sociale pour 2012
215
, la méthode de
prévision du tendanciel n’est pas uniforme entre les différents sous
-
objectifs, du fait des particularités de chacun. La méthode de prévision du
tendanciel hospitalier repose sur une démarche de type « budgétaire »
consistant à appliquer à une base un taux de croissance résultant d’une
série d’hypothèses, relatives d’une part à l’augmentation de
la masse
salariale (effet du GVT et de la valeur du point), d’autre part à celle des
autres charges (essentiellement corrélées à l’inflation et à l’activité). À
l’inverse, la construction du tendanciel ville repose essentiellement sur
une méthode mathémat
ique de prolongation des courbes d’évolution
constatées dans le passé (depuis 1994). Sur la base des données de la
CNAMTS, les administrations centrales (direction de la sécurité sociale,
direction du budget, direction générale du Trésor) et la caisse nationale
elle-même réalisent des projections qui sont ensuite comparées entre
elles, la prévision définitive étant arrêtée par la direction de la sécurité
sociale.
215. Cour des comptes,
Rappo
rt sur l’application des lois de financement de
la
sécurité sociale pour 2012
, chapitre II
: l’objectif national de dépenses d’assurance
maladie 2011, p. 51-80, La Documentation française, septembre 2012, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
214
Les modèles de prévision des dépenses de santé à court et long terme
La prévision de l’évolution des dépenses de santé peut reposer sur
plusieurs types de modèles. Dans le prolongement de diverses études et du
récent rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances
publiques
216
, on peut distinguer deux grandes catégories de modèles de
prévision pour les dépenses de santé :
- les méthodes historiques ou empiriques appliquent au futur une
tendance constatée sur une période de référence, par exemple sur la base
d’une moyenne. De manière plus sophistiquée, plutôt qu’une simple
moyenne, des méthodes purement mathématiques ou empiriques de lissage
et de prolongation de courbes peuvent aussi être employées.
- les modèles analytiques ou encore « déterministes » estiment sur
le passé le pouvoir explicatif de différentes variables : hypothèses macro-
économiques, progrès technique, démographie de l’offre de soins et des
bénéficiaires, puis font des hypothèses sur le niveau futur de ces variables
pour en déduire celui de la dépense. Ils sont particulièrement utilisés pour
les prévisions de long terme.
Selon la classification ci-dessus, les procédés utilisés par la
CNAMTS et la
DSS appartiennent pour l’essentiel à la catégorie des
méthodes historiques et comportent les étapes suivantes :
1.
estimer, pour chacune des principales lignes qui composent
l’ONDAM de ville, sa progression spontanée en volume par deux
méthodes mathématiques
d’extrapolation. Schématiquement, il s’agit de
prolonger à l’année suivante les courbes de volume exécuté (hors maîtrise
médicalisée) observées dans le passé pour le régime général en
métropole. La seule exception, pour les principales lignes, est l’estim
ation
de l’évolution des indemnités journalières, qui est réalisée sur la base
d’une méthode analytique, c’est
-à-
dire d’une modélisation en fonction
d’un jeu de variables explicatives. Cette opération est conduite sur le
périmètre « France métropolitaine, régime général » ;
2.
effectuer certains retraitements et corrections : prise en compte
de la variation annuelle du nombre de jours ouvrables, extrapolation au
périmètre « France entière tous régimes » ;
3.
intégrer l’évolution tendancielle des prix au cas particulier des
IJ
: dans le cas général, l’évolution possible des prix n’est pas considérée
216. Cour des comptes,
Rapport sur la situation et les perspectives des finances
publiques
, «
Les méthodes d’estimation de la tendance des dépenses
», p. 121-123,
juin 2014, La Documentation française, disponible sur
www.ccomptes.fr
.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
215
comme faisant partie du tendanciel
217
. Les IJ constituent une exception à
ce principe car le niveau des salaires qu
’elles visent à remplacer est
exogène et elles sont corrélées aux salaires. Le tendanciel inclut donc
l’évolution prévisionnelle du prix des IJ.
Ainsi, en 2013, la caisse nationale anticipait un tendanciel en
volume du régime général en métropole, via deux méthodes de
prolongation de tendance (proches dans leur conception), selon le cas de
3,75 % ou de 3,9 % (soit un écart de 120
M€). En ne conservant plus que
la borne haute de ces deux méthodes, en effectuant les corrections et
changements de périmètre indiqués ci-dessus et
en incluant l’effet prix
anticipé des indemnités journalières (revalorisation évaluée à 2,4 %), elle
évaluait le tendanciel avant effets de report et mesures nouvelles à 4,2 %.
Par construction puisqu’il prolonge les tendances passées en
remontant depuis 1994, dans le détail, ce tendanciel distinguait des postes
à faible croissance en volume (spécialistes et plus encore généralistes) et
prévoyait au contraire une hausse beaucoup plus marquée (de l’ordre de
5 %) du volume des autres composantes (laboratoires, transports,
médicament, honoraires paramédicaux, dispositifs médicaux inscrits sur
la liste des produits et prestations). La hausse du poste des indemnités
journalières était évaluée à 2,5 % en volume par la méthode analytique
qui lui
est propre, à quoi devaient s’ajouter 2,4% d’augmentation en prix
calquée sur celle anticipée pour les salaires.
2 -
Des biais de surestimation systématiques ou spécifiques à 2013
a)
La longueur excessive de la période rétrospective retenue
Tout d’abord, le fai
t, pour la CNAMTS, de retenir la borne haute
entre les deux méthodes de prévision contribue mécaniquement à
favoriser une possibilité de surévaluation.
Ensuite, comme évoqué ci-dessus, la méthode de construction
retenue est purement empirique (sauf pour certains postes très spécifiques
dont les IJ). Le choix de ne pas se référer, dans le modèle, à l’évolution
anticipée des déterminants de la consommation médicale, est néanmoins
valide
car il s’agit ici d’une prévision de très court terme (l’année
suivante) et
car cette prévision peut s’appuyer sur des données
d’exécution historiques récentes assez stables pour nombre de postes.
217. En effet, il est considéré que ceux-ci étant administrés, ils résulteront a priori
uniquement de décisions discrétionnaires (mesures d’économies ou au contraire
revalorisations).
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
216
Ainsi, une méthode prédictive analytique serait en réalité moins
adaptée, pour la plupart des postes, à une prévision de court terme.
Elle
cumulerait les difficultés d’estimation des variables macroéconomiques
sur courte période (la conjoncture n’étant généralement pas correctement
anticipée à court terme, il serait dangereux de rendre le modèle trop
dépendant d’hypothèses sur son niv
eau) et la difficulté à relier celles-ci,
sur courte période également, à la dépense de soins de ville.
Toutefois, la période rétrospective retenue dans le calcul est de
toute évidence trop longue. Choisir de remonter jusqu’en 1994 conduit à
inclure de nombreuses années de forte progression et contribue à un effet
de surévaluation
218
.
Par construction, la méthode utilisée est vouée à n’intégrer qu’avec
retard certaines mutations
: ralentissement de l’innovation dans le
domaine des médicaments, « effet crise » (car si les agents peuvent être
insensibles dans leur consommation à un à-coup ponctuel dans la
conjoncture, un régime de croissance faible sur plusieurs années peut
altérer
certains
de
leurs
comportements).
Ces
changements
de
comportement ne sont pris en compte que partiellement par la méthode,
car celle-
ci prolonge la tendance mais atténue ses inflexions par l’effet du
profil antérieur des données.
b)
Les limites du modèle de prévision des indemnités journalières par
la CNAMTS
L’évaluation des IJ est l’
une des seules de nature analytique que
comporte le modèle. Elle est assise sur l’anticipation du niveau de
variables explicatives
: taux d’emploi, taux de chômage, taux d’emploi
des plus de 50 ans, prévalence de l’épidémie de grippe, nombre de
contrôles. Ce modèle a fourni des résultats relativement robustes dans le
passé, avec toutefois des erreurs de prévision significatives pour certaines
années. Tel est précisément le cas en 2013.
En effet, la progression spontanée des IJ en volume avait été
évaluée par la CNAMTS à 2,5
%, ce qui, compte tenu de l’augmentation
218. En outre, la méthode implique de recomposer ex-post une série exécutée en
volume po
ur chaque poste de dépense, ce qui exige un nombre significatif d’hypothèses
pour déflater les effets prix. En particulier, le déflateur appliqué à chaque poste est
global, c’est
-à-di
re qu’il postule la stabilité des
tendances de déformations de structure
qui peuvent, par exemple, se traduire par une tendance à l’augmentation relative de
médicaments dont le prix évolue plus rapidement, alors que celles-ci peuvent
s’infléchir
.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
217
prévisionnelle de leur prix, portait leur évolution tendancielle à 4,9 %
219
.
En exécution, la progression en volume des indemnités journalières est
évaluée par la CNAMTS à -1 %
220
, les effets prix à 1,2 %.
La Cour a demandé à la caisse nationale de simuler de nouveau son
modèle ex-post avec les données réelles de 2013 pour les variables
explicatives
221
. Paradoxalement, il apparaît que le modèle aurait prédit
un tendanciel encore plus élevé pour les indemnités journalières en 2013
(donc encore plus surévalué) si les variables conjoncturelles avaient été
mieux anticipées
222
. L’erreur de prévision en 2013 sur les IJ du modèle
CNAMTS provient donc entièrement de limites du modèle analytique lui-
même
223
.
B - La fixation du tendanciel : les insuffisances de la
contre-expertise
Les prévisions techniques en volume de la CNAMTS et de la DSS
sont ensuite confrontées à d’autres sources.
In fine
, c’est la direction de la
sécurité sociale qui arrête le tendanciel et sa déclinaison détaillée par
postes.
Le tableau ci-dessous montre que la valeur ajoutée des autres
prévisions par rapport à celles de la CNAMTS et de la direction de la
sécurité sociale est faible. Ces prévisions, qui appliquent des méthodes
similaires et donnent des résultats très proches, ne sont donc pas soumises
à une véritable contre-
expertise. Dans l’ensemble, les différentes
prévisions sont soit très voisines, soit au contraire affectées d’écarts qui
219. Comme on le verra, la DSS a arrêté un tendanciel un peu inférieur, à 4,1 % effet
prix inclus.
220. Données métropole qui ne peuvent directement être comparées à la prévision
France entière
; mais l’écart est vraisemblablement négligeable.
221.
En effet l’inflation a été de 0,8
% en 2013 contre 1,8 % attendus dans le PLF et
l’emploi a ré
gressé de 30 000 postes au lieu de progresser de 145 000, de même la
masse salariale n’a pas évolué comme anticipé (1,3
% au lieu 2,3 %).
222. Selon la CNAMTS, un taux de chômage plus fort et un emploi plus faible (qui
tirent à la baisse le nombre d'IJ) a été plus que compensé par la hausse des personnes de
plus de 50 ans dans la population en emploi et par une épidémie de grippe plus
importante (facteurs qui influent à la hausse le nombre d'IJ).
223. En outre, la CNAMTS elle-même reconnaît que son modèle de prévision des
indemnités journalières« suppose la constance de l'effet des variables explicatives sur
la variable expliquée dans le temps. Or, les variables explicatives agissent avec retard
et il est probable que les effets ne sont pas les mêmes en temps de crise qu'en temps
normal ».
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
218
les discréditent, quand elles ne s’expliquent pas par
de simples
différences de périmètre (par exemple sur les dispositifs médicaux ou le
médicament)
224
.
Tableau n° 58 :
différentes prévisions du tendanciel en volume 2013
225
,
(incluant l’effet de la maîtrise médicalisée et de la générication, CJS
-
CVO, régime général
métropole), mai 2012
En %
Volume
CNAMTS
DB
DG Trésor
DSS
Généralistes
-0,4
0
0
-0,3
Spécialistes
2,4
2,7
3,1
2,7
Dentistes
1,1
0,3
1
0,9
Infirmières
5,4
6,7
6,4
5,7
Kinésithérapeutes
4,5
3,1
3,5
3,4
Laboratoires
4,3
4,8
5,0
4,4
Transport
2,7
5,5
4,9
3,0
Médicaments
3,3
3,9
5,3
3,5
LPP
5,5
11
6,6
5,2
Indemnités journalières
0,8
-
1,5
1,0
Source :
DSS
Remis en perspective dans le tableau ci-dessous par rapport à la
moyenne des années récentes, les objectifs retenus par la DSS se
distinguent surtout par une dynamique forte prévue pour le médicament et
les indemnités journalières, mais aussi pour les soins infirmiers, les
dispositifs médicaux, les transports et la kinésithérapie.
224. La direction du budget indique que sa prévision des dispositifs médicaux (LPP) est
assise sur une série longue qui ne permet pas de rendre compte d’une rupture de
tendance survenue en 2009.
225.
Pour certaines prévisions (CNAMTS), les données intègrent l’effet report de la
« générication » 2012 et de la maîtrise médicalisée, concept qui sera analysé
infra
. Pour
la DSS, il s’agit d’une prévision intermédiaire et non de l’arbitrage définitif.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
219
Tableau n° 59 :
prévisions en volume finalement retenue et moyenne
récente (y compris maîtrise médicalisée
226
, mais hors effets reports et
« générication »)
En %
Évolution
retenue DSS
Évolution
moyenne 2006-
2012
Évolution
moyenne 2009-
2012
Évolution
prévue
CNAMTS
Généralistes
-0,3 (-0,3)
-0,5
-0,3
0,1 (0,1)
Spécialistes
2,7 (2,7)
2
2,6
2,8 (2,8)
Infirmiers
5,5 (5,7)
6,5
6,2
6,9 (7,1)
Kinésithérapie
3,3 (4,5)
3,3
2,8
3,0 (4,2)
Biologie
3,9 (4,2)
4,6
4,4
5,0 (5,3)
Médicament
4,2 (5,3)
4,8
4,4
4,1 (5,2)
LPP
4,7 (6)
6,8
5,2
3,8 (5,1)
Transports
4,2 (6)
3,3
3,1
3,1 (4,9)
Indemnités
journalières
3,1 (4)
3,3
1,1
4,0 (4,9)
Total ville
3,4 (4,1)
3,6
3,2
3,5 (4,2)
Source :
Cour des comptes et CNAMTS-DSES
Le choix d’un tendanciel plutôt au
-dessus de la moyenne de
période récente (en ligne avec les extrapolations de la CNAMTS) apparaît
dépourvu de fondement,
alors même que sont à l’œuvre des facteurs
structurants influant à la baisse sur la dépense de soins de ville
(ralentissement de l’innovation, déremboursement de médicaments pour
cause de service rendu insuffisant ou retrait pour cause de iatrogénie,
plafonnement du dosage de certaines vitamines qui avait accéléré la
croissance des frais de laboratoire, démographie médicale
227
), face, il est
vrai, au facteur structurel en sens inverse que constitue le vieillissement
de la population.
Certes, ces prévisions
s’appuient sur des méthodes statistiques
usuelles. Toutefois, les administrations pourraient chercher à en corriger
les biais au vu des tendances récentes dont elles ont pleinement
connaissance
228
.
226. La prévision en volume hors impact prévu pour la maîtrise médicalisée est
fournie entre parenthèses.
227.
À titre d’exemple, la population de médecins généralistes a diminué de 5,5
%
entre 2007 et 2013
228. Par exemple, la DSS participe au comité économique des produits de santé et
peut avoir une vue assez complète des perspectives de tombées de brevet et
d’introduction de nouveaux produits.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
220
III
-
Les économies : un moindre effort en 2013, un
effet d’
affichage
Une fois la base et la tendance arrêtées, le quantum d’économies,
leur nature et l’ONDAM pour l’année suivante qui en découlent sont
fixés conjointement. Par nature, la pertinence de cet exercice est toutefois
affectée par les biais de construction qui pèsent sur la base et sur la
tendance.
Le projet de loi de financement pour 2013 tablait sur environ
1,8
Md€ d’«
économies » sur les soins de ville, principalement du fait de
baisses de prix et autres effets sur le médicament (906
M€) et d’actions
dites de maîtrise médicalisée (550
M€), plus marginalement par la baisse
des tarifs des radiologues et des biologistes (155
M€). Ces mesures
permettaient in fine de fixer l’ONDAM soins de ville à 2,6
%, contre
2,1 % pour 2012.
A -
Un ressaut de l’ONDAM ville tradui
sant un
moindre
effort d’économies
Comme le montre le tableau suivant, les « économies » annoncées
pour 2013 étaient nettement en-deçà de celles prévues pour 2012
(2,15
Md€). Il s’agit même de l’effort le plus faible affiché depuis 2009.
Tableau n° 60 :
comparaison pluriannuelle de la construction de
l’ONDAM ville
En Md€ courants
Soins de ville
2009
2010
2011
2012
2013
Base (après opérations sur périmètre) ,
retenue au moment du vote
71,02
73,22
75,21
77,28
78,5
Évolution tendancielle selon
PLFSS
Taux
5,2 %
5,0 %
4,7 %
4,3 % 4,2 %
Montant
3,68
3,66
3,56
3,35
3,30
Montant (avant provisions et économies)
74,70
76,88
78,77
80,63
81,8
Dépenses
0,44
0,36
0,42
0,41
0,46
Économies
229
-1,95
-1,99
-1,89
-2,15
-1,8
Montant de l'objectif
73,19
75,24
77,30
78,90
80,5
Évolution cible
Taux
3,1 %
2,8 %
2,8 %
2,1 % 2,6 %
Montant
2,17
2,02
2,09
1,62
2,03
Source :
PLFSS
229. On retient ici la nomenclature du PLFSS, voir
infra.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
221
Les « provisions nouvelles » évoquées ci-dessus (456
M€) étaient
elles-mêmes en légère hausse par rapport à celles des années précédentes
(310
M€ en 2010, 420
M€ en 2011, 410
M€ en 2012).
Ainsi, malgré un tendanciel en volume arrêté à un niveau plus
faible que les années précédentes, la hausse des provisions nouvelles et
surtout le choix d’afficher des économies moindres, ont finalement abouti
à fixer un ONDAM ville en net ressaut par rapport à une tendance au
ralentissement affirmée pour 2012. L’effet de
signal donné, mettant fin à
une dynamique pluriannuelle de ralentissement de la dépense, a été en
décalage avec le contexte de déficit persistant de l’assurance maladie.
Ce ressaut en prévision (2,6 % contre 2,1
% en 2012) s’est bien
concrétisé en exécution, quoique de manière atténuée, avec une
progression de 1,9 % en 2013 contre 1,7 % en 2012.
B - Des amalgames dans la présentation des mesures
d’économies
Les effets décrits dans le projet de loi de financement comme étant
des « économies » relèvent en réalité de plusieurs types qui ne résultent
pas tous d’un réel effort de mise sous tension de la dépense de soins de
ville en faveur d’une plus grande efficience.
Ainsi, ces «
mesures d’économies
» agrègent non seulement de
véritables mesures discrétionnaires, telles que des baisses de tarif (par
exemple en 2012 sur la biologie) mais aussi, pour partie, l’effet de la
« générication »
230
. Or, celle-
ci n’a pas relevé, jusqu’ici, uniquement
d’une action des pouvoirs publics
231
, même si ceux-ci peuvent et doivent
l’encourager et faire en sorte d’en accélérer la pénétration (exemple en
2012 de la mesure « tiers-payant contre générique », cf.
infra
).
Elles
incluent
également
les
actions
dites
de
« maîtrise
médicalisée », consistant essentiellement en efforts de pédagogie vis-à-vis
des prescripteurs, visant à encourager des comportements vertueux. Or,
d’une part ces actions sont répétées année après ann
ée quasiment à
l’identique, d’autre part, elles relèvent, au moins en grande partie, de
simples mesures de bonne gestion par la CNAMTS. Or, par principe, les
mesures récurrentes de bonne gestion devraient être, ne serait-ce que
230. Une partie des effets de la « générication » est incluse dans le tendanciel par la
DSS via la définition d’un «
taux de pénétration » spontané des génériques, en
pratique dépassé.
231 .
Hors la procédure d’inscription sur la liste des génériques, de nature
administrative.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
222
partiellement, intégrées au tendanciel, plutôt que considérées comme un
effort d’économies. En outre, la mesure de leurs effets réels est incertaine
et peu documentée (cf.
infra
).
Certes, selon la CNAMTS, des études montrent que les actions de
maîtrise médicalisée, si elles ne sont pas répétées, cessent de produire
leurs effets. Pour autant, la convention retenue, tout aussi fragile, revient
à considérer qu’il n’y a aucun effet durable des mesures de maîtrise
médicalisée d’une année donnée sur les années suivantes et à assimiler
gesti
on courante par l’assurance
-
maladie et mesures d’économie
traduisant de nouveaux efforts. Elle conduit à majorer à la fois les
économies et le tendanciel. Ce point est d’autant plus à relever que les
économies annoncées au titre de la maîtrise médicalisée constituent une
large part (31 %) du total des économies.
Enfin, comme indiqué ci-dessus, la hausse du taux de pénétration
des
génériques
introduits
l’année
précédente
est
considérée
en
présentation comme une nouvelle « économie » pour 2013. Ce parti tend
à majorer d’autant en présentation les économies réalisées.
C -
La réalisation des objectifs d’économies, une
question de convention
Depuis 2011, les économies prévues sur les soins de ville sont
affichées comme étant fidèlement respectées.
Si l’on s’en tie
nt aux évaluations ex-post, sur les trois années 2010-
2012, on relève que le médicament a supporté 40 % de la baisse, les
bénéficiaires de prestations 9 % sous forme de diminution de prise en
charge ou d’IJ, les professionnels 12
% sous forme de baisse de tarifs
(radiologie, laboratoires)
232
. Les effets de la maîtrise médicalisée,
représenteraient 31 % de la baisse (pour autant que ceci puisse être
mesuré)
; auxquels s’ajoutent encore 3
% au titre du ralentissement
structurel de ces dépenses, facteur qui ne représente pas une économie au
sens usuel du terme.
232. Sous réserve que le calcul permette de tenir
compte d’une éventuelle inflation des
volumes de prestations qui a pu être recherchée par les professionnels pour compenser
l’effet des baisses de prix. Le tableau 7 montre à cet égard que les effets les concernant
ont été moindre qu’escomptés, en 2010 et
en 2012.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
223
Tableau n° 61 :
économies prévues et exécutées, 2010-2012
en
M€
Économies
directes / indirectes
2012
2011
2010
LFSS
Exécution
LFSS
Exécution
LFSS
Exécution
Soins de ville
Directes
Baisse de tarifs de certains
professionnels de santé
260
217
200
202
240
188
Baisse de prix (médicaments et
produits de santé)
980
974
500
525
600
673
Diminution de la prise en charge
des indemnités journalières
150
150
-
20
110
20
Baisse des remboursements
(médicaments et forfaits)
-
-
220
171
Indirectes
Maitrise médicalisée
575
617
550
613
740
551
Ralentissement structurel des
dépenses de médicament
80
70
70
13
145
107
Autres
25
8
185
143
Total soins de ville
2 070
2 036
1 725
1 687
1 835
539
Source :
Cour des comptes
Au total, les actions sur les médicaments et produits de santé,
moins délicates à mettre en œuvre que celles qui augmentent le reste à
charge ou freinent la rémunération des professionnels, représentent
l’essentiel (près de 60
%) de la baisse de la dépense de ville par rapport
au tendanciel.
S’agissant de 2013, les économies auraient dépassé les prévisions
de 160
M€, essentiellement, selon la direction de la sécurité sociale, du
fait de la sous-
estimation de l’effet du dispositif conventionnel de
rémunération sur objectifs de santé publique visant à rémunérer les
pharmaciens en fonction de la progression du taux de substitution des
princeps par les génériques (cf. infra). Les principaux écarts sur les
mesures nouvelles concernent ainsi le médicament (-190
M€), les
professionnels de santé (-90 M
€) et les transports (
-50
M€) (le détail est
donné infra dans le tableau n° 62).
Pour autant, les évaluations ex-ante sont en partie de convention,
car il est par nature difficile d’anticiper les effets par lesquels certains
prestataires soumis à une régulation par les prix, cherchent à modifier leur
volume d’activité ou à promouvoir de nouveaux produits, plus chers, pour
compenser leur manque à gagner. Par ailleurs, s’agissant du médicament,
les économies dues aux génériques sont calculées en faisant l’hy
pothèse
que le prix du princeps serait resté constant, ce qui n’est pas
nécessairement le cas.
De même, a posteriori, dans une variation observée de volume
d’activité
sur un poste, il n’est pas possible d’isoler ce qui est
véritablement dû à une mesure pr
écise, faute d’avoir une certitude sur ce
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
224
qu’aurait été le comportement des acteurs en l’absence de la mesure
et
dont l’évaluation sur une base tendancielle n’est qu’une estimation. Les
écarts identifiés entre les montants d’économie attendus et réalisés s
ont
donc doublement à considérer avec une grande prudence.
En particulier, les objectifs en matière de maîtrise médicalisée qui
constituent une catégorie spécifique d’économies, évaluées à 550
M€ par
le projet de loi de financement pour 2013, sont eux aussi la plupart du
temps réputés atteints. Ils seraient même dépassés pour les transports, ce
qui compense le fait qu’ils ne soient pas respectés sur d’autres postes,
principalement sur les dispositifs médicaux (30
M€ au lieu de 70
M€). Il
est toutefois sing
ulièrement difficile de s’assurer ex
-
post qu’un moindre
volume consommé provient bien de l’action de sensibilisation qui a été
conduite, plutôt que d’une surestimation du tendanciel et de modifications
spontanées des comportements.
D - Médicaments : une sous-évaluation particulièrement
forte de facteurs de baisse en 2013
Certaines conventions pérennes majorent à la fois le tendanciel et
les économies et n’ont pas d’effet sur le respect de l’ONDAM. Elles
permettent en revanche d’afficher un quantum d’économies p
lus
significatif.
D’autres
reviennent
à
majorer
les
économies
de
l’année
considérée, cette fois au détriment des effets de report des années
antérieures.
Mais par ailleurs, certaines estimations peuvent tendre à sous-
évaluer l’impact d’effets pesant à la
baisse sur la dépense, créant ainsi
cette fois une marge de sécurité supplémentaire pour le respect de
l’ONDAM en exécution.
La CNAMTS a indiqué en effet que, pour 2013, elle n’avait pas
inclus d’effet générique propre à cette année, ayant jugé l’effet at
tendu
des nouvelles tombées de brevets assez modeste. Ce postulat s’est trouvé
invalidé a posteriori, la commission des comptes de la sécurité sociale
faisant au contraire état d’un fort effet de nouvelles tombées de brevets en
2013
233
, ce qui pouvait être anticipé car leur calendrier est en bonne
partie connu à l’avance.
La DSS a pu ne corriger que partiellement cette
hypothèse.
233. Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale «
Les comptes de
la sécurité sociale : résultats 2013 et prévision 2014
» (juin 2014) fait état p. 68
d’«
importantes tombées de brevet en 2012 et 2013 »
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
225
Il en va de même de l’évaluation de l’impact net combiné de la
mise en place d’une rémunération sur objectifs de santé publique au
bénéfice des les pharmaciens et
de l’effet report de la généralisation de la
mesure « tiers-payant contre générique ».
L’évaluation de l’économie procurée par la rémunération sur
objectifs de santé publique accordée aux pharmaciens
234
La rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), créée par
un accord conventionnel avec les pharmaciens, avait vocation à rémunérer
les pharmaciens en proportion de l’atteinte d’objectifs de substitution de
génériques aux princeps. Il était prévu dans les hypothèses sous-jacentes
au PLFSS que cette prime compense tout juste les économies réalisées.
A posteriori
, la direction de la sécurité sociale considère avoir sous-
évalué les effets de cette mesure à hauteur de 160
M€.
En réalité, il n’est pas possible d’isoler l’effet de la ROSP d’une
part et
l’effet report de la mesure «
tiers-payant contre générique »
(généralisée mi-
2012) d’autre part. Les effets reports de cette dernière
mesure ont manifestement été sous-estimés initialement, ménageant ainsi
une marge de sécurité (la DSS a évalué à 25
M€ seulement l’ensemble des
effets reports pour le médicament). Ce parti pris initial conduit a posteriori
à attribuer à la ROSP un effet disproportionné par rapport à son estimation
initiale.
Cette convention a donc eu pour résultat
d’aboutir à une
présentation favorable en exécution des effets de la ROSP, alors qu’une
mesure dont le bilan financier apparaissait comme nul en prévision pouvait
présenter un caractère contestable au stade de son adoption.
Ces effets s’ajoutent donc à d
e nombreux autres erreurs ou biais
dans le domaine de la prévision de la dépense de médicament,
systématiques ou spécifiques à 2013, poste qui apparaît particulièrement
affecté par les conventions retenues.
Ce n’est donc pas un hasard s’il constitue le pri
ncipal cas
d’exécution en
-deçà de la prévision. Ainsi, en 2013, comme déjà
souligné, l’évolution de la dépense de médicament a été de
-0,2 %, voire
-0,6 %,
avec
l’effet
des
remises
conventionnelles.
L’écart
tient
principalement à la minoration ex-ante des effets prix, reports et
économies. L’effet des génériques aurait ainsi conduit à réduire la
dépense de médicament de 2,2 %, davantage que les 1,3 % retenus en
prévision.
*
*
*
234 . À ce sujet, se reporter également au chapitre sur les conventions entre
l’assurance
-maladie et les professionnels libéraux.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
226
Les développements qui précèdent identifient, parmi les sources
d’écart entre la prévision et l’exécution, bien davantage qu’une recherche
accrue de véritables économies, trois facteurs
: l’effet base, l’erreur sur le
tendanciel et
l’écart sur les mesures d’économie.
Bien que ce partage relève en partie de conventions dont on a vu la
fragilité, la DSS a effectué ex-post, en 2013, une tentative de
décomposition de l’écart en exécution selon ces trois catégories. Selon ses
calculs, les principaux écarts sur le tendanciel touchent la prévision des
indemnités journalières ; les principau
x écarts sur l’évaluation des
mesures ont trait au médicament, confirmant les analyses précédentes.
Tableau n° 62 :
décomposition des écarts en exécution total et
principales lignes
En M€
Effet base
Écart sur les
tendances
Écart sur les
mesures nouvelles
Soins de ville
-640
-190
-160
Généralistes
-30
20
-20
Spécialistes
20
-50
40
Dentistes
20
-20
-20
Infirmières
-50
-30
20
Laboratoires
-40
-50
10
Transports
-30
10
-50
Médicament
-200
-50
-180
Indemnités journalières
-300
-150
0
Dispositifs médicaux
-20
90
60
Source :
DSS
Une analyse pluriannuelle montre que ces trois sources d’écart ont
également joué les années précédentes
: l’effet base s’avère bien la
principale, l’exercice 2013 étant plus particulièrement marqué par une
sous-
évaluation de l’effet des mesures.
Tableau n° 63 :
source des écarts en exécution
en M€
Effet base
Effet tendanciel
Écart sur les
mesures
Écart en
exécution
2011
400
200
38
668
2012
600
450
34
853
2013
640
190
160
1 100
Source :
DSS, CNAMTS-DSES
Il en ressort, que pour fiabiliser davantage et dans la durée la
construction de l’ONDAM de ville, il faut agir dans ces trois domaines.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
L’
OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D
ASSURANCE
-
MALADIE
POUR LES SOINS DE VILLE
:
UNE SURESTIMATION DES ÉCONOMIES
,
UN OUTIL À
RÉAJUSTER
227
_________
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS
__________
Les écarts en exécution croissants constatés dans le domaine des
soins de ville ne
sont pas principalement la conséquence d’une meilleure
gestion ou d’un effort plus important. Ils sont avant tout expliqués par un
effet de base et par différents erreurs ou biais de prévision, les uns
structurels, les autres spécifiques à 2013 et qui pèsent particulièrement sur
la prévision des indemnités journalières et du médicament. On relève
ainsi :
-
au stade de la fixation de l’assiette, la surévaluation des dépenses
pour l’année en cours
;
-
au stade de la prise en compte des effets reports des génériques: du
côté de la CNAMTS, un biais de précaution spécifique ; du côté de la
direction de la sécurité sociale, des conventions qui minorent cet effet
par rapport au calcul de la CNAMTS;
-
au stade de la confection du tendanciel : un biais de précaution dans
le choix de celle des deux méthodes qui fournit le résultat le plus élevé,
la prise en compte d’années trop éloignées où prévalaient des
circonstances aujourd’hui périmées
et une appréciation insuffisante de
l’effet des ruptures de tendance notamment dues à
un « effet crise »
d’une part, au tarissement prolongé de l’innovation dans le domaine du
médicament d’autre part. En outre, s’agissant des indemnités
journalières, la mauvaise performance du modèle pour l’année 2013,
aggravée par l’absence de retraitemen
t de données 2012, qui avaient
été impactées par des problèmes techniques.
-
au stade de l’évaluation des «
économies » nouvelles et des autres
facteurs spontanés de réduction de la dépense : la sous-estimation de
l’effet des nouvelles introductions de géné
riques en 2013 par la
CNAMTS.
Le cumul du choix d’une base
surestimée et de la surévaluation du
tendanciel a superposé les marges de précaution. Il a ainsi créé une
situation où l’ONDAM est de facto aisément respecté, pouvant donner
l’
impression que les économies réalisées ont été supérieures à celles qui
étaient prévues.
Par ailleurs, la qualification d’«
économies
» ne devrait s’appliquer
qu’à des mesures discrétionnaires, par opposition à de simples mesures
récurrentes de bonne gestion, ou à des évolutions indépendantes des
pouvoirs publics. Elle conduit à surévaluer, en miroir, à la fois le
tendanciel et les économies attendues. Ce faisant, elle ne facilite pas en
elles-
mêmes le respect de l’ONDAM, mais elle contribue à faire passer
l’effort réel de maîtrise pour plus prononcé qu’il ne l’est réellement. Elle
ne permet pas aux patients et aux professionnels de santé de prendre la
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
C
OUR DES COMPTES
228
mesure véritable des enjeux. À l’heure où le gouvernement prévoit
d’intensifier la recherche d’économies dans tous les secteurs
de l’action
publique, une plus grande rigueur dans leur définition prend d’autant plus
d’importance.
L’addition de ces effets finit par constituer une marge de sécurité
élevée certes favorable par construction au respect de l’ONDAM ville,
mais qui affaiblit en réalité considérablement son pouvoir de régulation.
Les conditions sont créées où un ONDAM ville apparemment
ambitieux peut être respecté, sans pour autant qu’un effort substantiel ne
soit recherché sur les différentes composantes de la dépense, ce qui donne
aux pouvoirs publics comme aux professionnels de santé le sentiment qu’un
tel effort peut être différé, malgré le déficit récurrent de l’assurance
-
maladie.
La Cour formule les recommandations suivantes :
27.
prendre en considération les informations les plus récentes sur
l’exécution en cours des soins de ville au moment de la fixation de la
nouvelle base ;
28.
éliminer les biais de construction pouvant conduire à une
surévaluation du tendanciel et vérifier la crédibilité de la prévision au
regard des ruptures de tendance observables, notamment dans les
domaines du médicament et des indemnités journalières, à cette fin,
utiliser des données exogènes ;
29.
réserver l’appellation de «
mesures d’économies
» aux mesures
discrétionnaires décidées par les pouvoirs publics pour la maîtrise de la
dépense et ne pas l’appliquer aux écarts constatés par rapport à une
croissance
tendancielle
de
la
dépense
au
caractère
largement
conventionnel, en l’absence d’une évaluation précise de l’effet des
mesures prises;
30.
documenter à destination des parlementaires les méthodes, les
hypothèses et les conventions qui président à la fixation du tendanciel, à
l’évaluation de l’effet de report des mesures antérieures
et à celle des
mesures d’économies nouvelles
; indiquer également la sensibilité des
projections à ces hypothèses.
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes
Annexe
: déclinaison par postes de la construction de l’ONDAM ville
En M€
POSTES,
Objectifs
2012
Effet
Base
Effet
périmètre
Base
2013
Évolution
tendancielle
Montants
2013
Effet
Report(+/-)
Provisions
Économies
Maîtrise
médicalisée
Objectifs
2013
Évolution
cible
Soins de ville
78 899
-350
-27
78 522
4,1 %
81 741
108
456
1 206
550
80549
2,58 %
0
0
Total hors prestations
2 178
0
2 178
2,2 %
2 226
76
0
2 302
5,7 %
Fonds des actions
conventionnelles (fac)
63
0
63
0,0 %
63
63
0,0 %
Aides a la télétransmission
86
0
86
2,0 %
88
88
2,0 %
Remises conventionnelles
-270
0
-270
0,0 %
-270
-270
0,0 %
Prise en charge cotisations
sociales
2 299
0
2 299
2,0 %
2 345
76
2 421
5,3 %
Soins de ville (prestations)
76 721
-350
-27
76 344
4,2 %
79 515
108
380
1 206
550
78 247
2,5 %
Honoraires privés
19 836
53
19 889
1,5 %
20 197
-1
186
93
0
20 288
2,0 %
Généralistes
6 151
-5
6 146
-0,3 %
6 128
27
106
4
6 257
1,8 %
Spécialistes
10 204
45
10 249
2,7 %
10 526
-35
40
87
10 444
1,9 %
Sages-femmes
194
-6
187
6,8 %
200
7
0
0
206
10,3 %
Dentistes
3 288
19
3 307
1,1 %
3 343
40
2
3 381
2,2 %
Honoraires paramédicaux
9 707
157
9 863
5,2 %
10 380
197
0
6
50
10 521
6,7 %
Infirmières
5 867
76
5 942
5,7 %
6 281
71
4
10
6 339
6,7 %
Kinésitherapeutes
3 214
69
3 282
4,5 %
3 430
95
2
40
3 483
6,1 %
Orthophonistes
565
11
577
4,7 %
604
28
0
0
631
9,4 %
Orthoptistes
62
1
62
4,3 %
65
3
0
0
68
9,2 %
Laboratoires
3 473
-16
3 457
4,2 %
3 602
-8
77
10
3 507
1,4 %
Transports
3 819
23
3 841
6,0 %
4 071
125
72
70
4 053
5,5 %
Médicament
22 784
-84
18
22 718
5,3 %
23 922
-25
65
871
250
22 841
0,5 %
Indemnités journalières
10 667
-261
10 406
4,0 %
10 822
-55
7
100
10 660
2,4 %
Dispositifs médicaux
5 254
44
5 298
6,0 %
5 616
78
70
5 468
3,2 %
Ald 31 et ald 32
477
-477
0
4,0 %
0
0
0
Autres
705
211
-45
871
4,0 %
906
4
0
0
910
4,4 %
Source :
DSS
Sécurité sociale 2014 – septembre 2014
Cour des comptes - www.ccomptes.fr - @Courdescomptes