Monsieur le Président,
Par lettre citée en référence, je vous ai communiqué le rapport d'observations définitives de la
chambre territoriale des comptes concernant la gestion des services de la Présidence de la
Polynésie française au cours des exercices 1991 et suivants. Ce rapport a également été
communiqué, pour ce qui le concerne, à votre prédécesseur.
En l'absence de réponses écrites dans le délai d'un mois fixé par l'article L.272-48 du code des
juridictions financières, je vous notifie à nouveau ce rapport.
En application du même article, vous avez l'obligation de communiquer le rapport d'observations
de la chambre, à l'assemblée de la Polynésie française, dès sa plus proche réunion. Il doit faire
l'objet d'une inscription à l'ordre du jour de celle-ci, être joint à la convocation adressée à chacun
de ses membres et donner lieu à un débat.
Ce rapport devenant communicable dès cette réunion à toute personne qui en ferait la demande,
je vous serais obligé de bien vouloir m'indiquer à quelle date ladite réunion aura eu lieu.
Je vous précise enfin qu'une copie du rapport d'observations est communiquée au haut-
commissaire de la République et au trésorier-payeur général en application de l'article 16-11 du
décret n°83-224 du 22 mars 1983 modifié.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de ma considération la plus distinguée.
Le Président
Jacques BASSET, Conseiller référendaire à la Cour des comptes
Monsieur Oscar TEMARU
Président de la Polynésie française
CHAMBRE TERRITORIALE DES COMPTES DE LA POLYNESIE FRANCAISE
RAPPORT D'OBSERVATIONS DEFINITIVES SUR LA GESTION DE LA POLYNESIE
FRANCAISE : PRESIDENCE ET SERVICES RATTACHES (exercices 1991 et suivants)
Le président de la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française a informé le
président de la Polynésie française du contrôle des comptes et de la gestion de la collectivité
d'outre-mer à compter de l'exercice 1991, par lettre du 28 août 2002. Il était indiqué que la
Chambre examinerait la gestion de la Polynésie française successivement par grands secteurs de
compétence. Ainsi a-t-elle déjà adressé au président de la Polynésie française, pour transmission
à l'assemblée, les rapports relatifs à la gestion du tourisme, de la santé, de la fonction publique et
de l'habitat social.
L'examen de la gestion des services de la présidence a débuté le 17 novembre 2003 par un
entretien du rapporteur avec le directeur de cabinet du président de la Polynésie française.
L'examen de la gestion a été effectué selon les dispositions du code des juridictions financières et
du décret n° 83-224 du 22 mars 1983 modifié relatif aux chambres régionales des comptes
[Rendu applicable en Polynésie française par le décret n° 91-814 du 23 mars 1991 relatif à la
chambre territoriale des comptes de la Polynésie française.]. Les documents transmis par les
services ou collectés sur place ont été complétés par des pièces communiquées par le Procureur
de la République conformément aux dispositions des circulaires du Garde des Sceaux des 27
novembre 1997 et 11 juin 2003 ainsi qu'à celles de l'article L 272-41-1 du code des juridictions
financières.
A l'issue du contrôle, l'entretien préalable a eu lieu avec M.Gaston FLOSSE les 17 et 21 février
2005. M. Oscar TEMARU n'a pas donné suite à la demande d'entretien qui lui a été adressée le
10 janvier 2005.
En sa séance du 25 février 2005, la Chambre a décidé l'envoi d'un rapport d'observations
provisoires à M.Gaston FLOSSE et à M.Oscar TEMARU, qui leur a été adressé le 1er avril 2005.
Certaines de ces observations, intéressant les services de l'Etat, ont également été adressées au
haut-commissaire de la République. De nombreuses personnes ont enfin été rendus destinataires
d'extraits du rapport les concernant. Le délai imparti pour répondre à ces observations était de
deux mois.
En son délibéré du 10 novembre 2005, la Chambre a examiné la réponse de l'ancien président,
reçue le 8 septembre 2005, et celle du haut-commissaire et des personnes concernées. Après
avoir constaté l'absence de réponse du président de la Polynésie française, elle a décidé l'envoi
du rapport d'observations définitives ci-dessous qui comporte in fine une synthèse et deux
annexes.
Préambule
Le présent rapport est limité à l'entité dénommée "Présidence" de la Polynésie française.
L'examen de la gestion ayant donné lieu audit rapport portait essentiellement sur le contrôle des
moyens financiers et humains affectés à la présidence sous l'angle de la régularité des actes de
gestion et de l'économie des moyens mis en ouvre. Il ne pouvait s'agir en l'occurrence de
procéder à ''l'évaluation des résultats atteints par rapport aux objectifs fixés'' qui constitue, selon
l'article LO 272-12 du code des juridictions financières, l'autre volet de l'examen de la gestion.
Cette évaluation ne peut être réalisée que lors de l'examen des grands secteurs de la politique
gouvernementale, impulsée concomitamment par le président et ses ministres.
Il s'est agit tout d'abord de fixer le périmètre des services dits de la "présidence", c'est à dire ceux
placés sous la responsabilité directe du chef de l'exécutif. Cette première partie recense les
effectifs et les différents statuts juridiques des services et des agents concernés (1).
Une approche globale des moyens budgétaires mobilisés, tant en matière de fonctionnement que
d'équipement, pour l'activité desdits services a ensuite été réalisée (2). Un point particulier a été
consacré au patrimoine de la Polynésie française affecté à la Présidence.
L'activité des services a également fait l'objet d'une analyse (3) essentiellement juridique et
budgétaire. Compte tenu du nombre d'agents recrutés par contrat de cabinet et mis à disposition
auprès d'organismes très divers, une analyse particulière a été réalisée sur ce point (4).
Enfin, les différentes mesures prises dans l'urgence au terme du mandat du président de la
Polynésie française en juin 2004 ont permis de s'interroger sur la fiabilité du dispositif mis en
ouvre depuis plusieurs années pour le fonctionnement des services de la Présidence (5).
L'essentiel du présent rapport porte sur une longue période, comportant les trois mandatures du
président Gaston FLOSSE de 1991 au 13 juin 2004. La brève durée du premier mandat du
président Oscar TEMARU, du 14 juin au 21 octobre 2004, soit un peu plus de quatre mois,
pendant lesquels il ne pouvait y avoir de véritable restructuration des services, explique que cette
période n'ait pu faire l'objet d'une évaluation et moins encore d'une comparaison. Certaines
décisions prises pendant cette période et à compter de la réélection de M. Gaston FLOSSE, le 22
octobre 2004, seront cependant évoquées pour permettre d'actualiser et de compléter certaines
observations [Le premier délibéré de la Chambre ayant eu lieu le 25 février 2005, aucune
observation ne peut porter sur les faits de la période ultérieure, au cours de laquelle la présidence
est revenue à M. Oscar TEMARU à partir du 3 mars 2005.].
Par ailleurs, il sera fait référence ponctuellement au rapport d'audit rendu par le cabinet
DELOITTE dont les résultats ont fait l'objet d'une première présentation le 3 février 2005, le
rapport définitif étant rendu public le 12 septembre 2005 [Cet audit commencé fin 2004 précise en
préambule qu'en ce qui concerne les dépenses gérées directement par la présidence, ses
conclusions sont limitées compte tenu de l'occupation des locaux entre novembre 2004 et mars
2005.]. Ses conclusions seront parfois citées lorsqu'elles rejoignent l'analyse de la Chambre.
***
1 ) Les services de la présidence de la Polynésie française : leur délimitation
Il n'existe pas d'organigramme officiel donnant la liste et la dénomination des services de la
présidence. C'est en recoupant diverses sources d'information, soit publiques (site Internet de la
présidence, rapport annuel du président à l'assemblée), soit internes aux services (documents
budgétaires, fiche de ventilation du courrier administratif, annuaire téléphonique de la présidence)
que la liste des services figurant
ci-dessous a pu être établie, à partir de la liste nominative des 626 agents dressée par le service
du personnel de la présidence pour le mois de janvier 2004.
Un ensemble regroupant le cabinet du président de la Polynésie française et des services
administratifs " rattachés "
Les services de la présidence peuvent être définis selon des cercles concentriques.
Le cabinet de la présidence, noyau dur du dispositif, est subdivisé en plusieurs services internes,
qui sont des divisions décidées par le président.
Parmi les services dits "rattachés", qui sont des services de l'administration de la Polynésie
française sous autorité directe du président de la Polynésie française, on peut d'abord
distinguer
ceux dont l'objet même est de participer au fonctionnement de la présidence (service du
protocole, service d'assistance et de sécurité) ou dont les missions se rattachent à l'action du
gouvernement (secrétariat général du gouvernement, inspection générale, service de
documentation).
On trouve ensuite, les services de l'administration qui ont une mission spécifique (service des
relations internationales, délégation au développement des communes) mais pour lesquels le
président a seul compétence pour prendre les décisions.
Enfin, parmi les services rattachés, le groupement d'intervention de la Polynésie française (GIP)
chargé à la fois de transports maritimes, de travaux d'aménagement et d'équipement ou du
gardiennage des propriétés territoriales, occupe une place particulière. Bien que son domaine
d'intervention soit très large, son responsable reçoit ses directives directement du président.
Compte tenu de la pluralité de ses missions et de son effectif important, le GIP a fait l'objet d'un
examen de la gestion distinct et ne donne donc pas lieu à observations dans le cadre du présent
rapport, si ce n'est de manière incidente.
Si les services internes du cabinet ne sont pas individualisés au plan budgétaire (les dépenses
sont globalement imputées au sous-chapitre 933.01 "cabinet présidence"), les services rattachés
ont été créés par délibérations de l'assemblée (tableau ci-dessous), conformément à la loi
statutaire, et des sous-chapitres budgétaires distincts retracent leurs dépenses.
1.2. Un ensemble regroupant un effectif important
Le tableau présenté en page 4 précise l'effectif par service en indiquant l'imputation budgétaire
par sous chapitre concerné.
On constate que les salaires des agents des services rattachés sont imputés pour partie aux
sous-chapitres concernant lesdits services et pour une autre partie au sous-chapitre "cabinet du
président".
Ces imputations multiples ne permettent pas de connaître facilement les effectifs de chacun des
services. Seule la ventilation de la liste nominative des agents du cabinet communiquée en janvier
2004 à la demande expresse de la Chambre par le service du personnel de la présidence a
permis de décompter les effectifs réels des différents services. Cette liste exhaustive des emplois
"cabinet" n'était connue que du service du personnel de la présidence et restait confidentielle.
Le service des finances et celui du contrôle des dépenses engagées de la Polynésie française
étaient certes destinataires de tous les contrats "cabinet" mais ils ne connaissaient pas
l'affectation des agents "cabinet" dans les services de l'administration (le service du protocole ne
regroupe quasiment que des emplois "cabinet") ou, à l'inverse, la mise à disposition auprès du
cabinet de la présidence de certains agents de l'administration.
Il existe de fait une perméabilité entre les services et le cabinet de la présidence. Les affectations
croisées entre services et cabinet ne facilitent pas la compréhension du dispositif .
En janvier 2004, on dénombrait 626 agents de cabinet (tableau supra) et 768 agents des services
rattachés, rémunérés sur les sous-chapitres budgétaires correspondants (dont 617 agents du
GIP) .
Si l'on compare ces données avec le nombre total des agents rémunérés par la Polynésie
française à la même période (soit environ 5200 agents, compte non tenu des 2481 postes
rémunérés sur le budget de l'Etat), le seul cabinet du président en représentait environ 12%. Ce
taux s'élève à 27% en considérant l'ensemble des services sous l'autorité directe du président de
la Polynésie française (y compris les services rattachés dont le GIP).
1.3. Le cabinet de la présidence
1.3.1. Son cadre
juridique
Le président de la Polynésie française bénéficie de moyens logistiques regroupés au sein de
services spécifiques de l'administration territoriale et de son cabinet dont la création a été prévue
par la délibération n° 85-1000/AT du 10 janvier 1985
remplacée par celle du 24 août 1995 (n°
95.129 AT).
L'article premier de la délibération précise qu'il
" est créé auprès du président du gouvernement et
auprès de chacun des ministres du territoire un service administratif dénommé " cabinet ", chargé
d'assister les membres du gouvernement dans leurs tâches de direction, d'animation et de
coordination des services relevant des secteurs dont ils ont la charge et d'assurer le secrétariat ".
L'article 2 indique que " le président du gouvernement du territoire peut, pour former son cabinet
et ceux des ministres du gouvernement, librement recruter un ou plusieurs collaborateurs et
mettre fin à leurs fonctions "
Le recrutement est discrétionnaire et il peut s'agir de fonctionnaires ou de titulaires de contrat de
droit privé. Selon l'article 4 de la délibération précitée "la qualité de membre de cabinet est
incompatible avec l'affectation à un emploi permanent à temps complet d'un service ou d'un
établissement public territorial ". Il résulte de cette incompatibilité que les fonctionnaires sont en
position de détachement s'ils sont collaborateurs de cabinet et que la " nomination de non
fonctionnaires à ces emplois ne leur donne aucun droit à être intégrés dans la fonction publique
territoriale " (article 2).
Les fonctions de membre de cabinet prennent fin en même temps que le mandat de l'autorité
gouvernementale auprès de laquelle ils sont placés (article 8).
Les collaborateurs de cabinet bénéficient d'un régime indemnitaire spécifique.
Bien que la délibération de l'assemblée de la Polynésie française désigne les collaborateurs de
cabinet comme des agents chargés de tâches de direction, d'animation et de coordination des
services, la grille de rémunération incluse dans ladite délibération prévoit non seulement les
fonctions habituelles de collaborateur (conseiller, chargé de mission, directeur de cabinet..), mais
également des emplois de cuisinier, serveur, agent d'entretien ou de personnel de service.
1.3.2. Un effectif difficile à cerner et sans maximum
L'effectif des agents de cabinet n'apparaît pas dans les documents budgétaires de la Polynésie
française alors que l'article 29 de la délibération n° 205 AT du 7 décembre 1995 modifiée portant
réglementation budgétaire, comptable et financière du territoire, dispose que les budgets sont
accompagnés " d'annexes faisant apparaître par chapitre, l'évolution des propositions
d'inscriptions budgétaires et notamment, celles afférentes aux créations, suppressions et
transformations d'emplois... " et " la liste des emplois budgétaires ".
Conformément aux termes de la délibération précitée, le budget est accompagné d'une liste des
emplois créés ou modifiés et des postes budgétaires existants pour l'ensemble des services et
ministères, sauf pour le sous-chapitre 933-01 " présidence du gouvernement " pour lequel ne
figure que le montant des crédits ouverts au budget (soit 2,403 milliards F CFP pour le budget
primitif 2003).
Le fait que la délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995 " portant création de cabinets auprès du
président et des membres du gouvernement " ne fasse pas référence à des " emplois budgétaires
" pour le recrutement des collaborateurs a permis cette interprétation.
Le haut-commissaire avait réclamé la liste des emplois au président du gouvernement les 29
janvier et 24 mars 2003. Dans une lettre adressée au président de la juridiction le 12 août 2003, il
précise que ces demandes sont restées sans réponse.
En fait, la position des responsables de la Polynésie française était déjà définie dans une
circulaire du 5 octobre 2001 du président du gouvernement, intitulée " conditions d'exécution et de
contrôle budgétaire en matière de rémunérations ", qui précise aux ministres et chefs de service :
" les emplois dits de cabinet ne font pas l'objet d'une gestion en terme d'emplois. Chaque
ministère dispose d'une dotation budgétaire dédiée à la rémunération des personnels occupant
des emplois de membres de cabinets ".
Cette situation ne permet pas à l'assemblée de connaître les effectifs du cabinet.
Par ailleurs, la Polynésie française n'a pas voulu créer un seuil maximum de collaborateurs,
comme il en existe un, au plan national, tenant compte du type de collectivité et de sa population.
Pourtant l'article 2 (alinéa 4) de la délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995 précitée faisait
initialement référence à une limite de crédits budgétaires: " aucun recrutement de membre de
cabinet ne peut intervenir en l'absence de crédits affectés, disponibles au chapitre budgétaire et à
l'article correspondant à chaque cabinet ". Cet alinéa relatif à la spécialisation des crédits par
ministère a cependant été abrogé par la délibération n° 96-77 APF du 5 juin 1996. Depuis cette
date, les crédits sont votés au niveau global du chapitre budgétaire " personnel permanent " et
l'assemblée ne détermine plus le montant de l'enveloppe réservée aux agents de cabinet par
ministère. La dotation budgétaire dont fait état le président dans sa circulaire du 5 octobre 2001
susvisée est simplement normative pour les ministres, mais ne fixe pas pour autant un plafond
pour la présidence.
In fine, pour connaître les effectifs, il a donc été nécessaire de demander une ventilation de la
paye de décembre 2003 et, au " service des finances et du personnel de la présidence ", la liste
des agents gérés par la présidence. Parmi les 626 agents de cette liste, 540 agents sont payés au
sous-chapitre 933.01 " cabinet présidence ", 86 étant imputés à d'autres sous-chapitres
correspondant à des services de l'administration territoriale [Le nombre d'emplois de 626 agents
employés au cabinet du président du gouvernement est à mettre en regard de l'effectif de
l'administration (5200 agents) et de la population administrée de la Polynésie française (250 000
habitants), soit un agent de cabinet pour 400 administrés.].
1.3.3. Un effectif en augmentation et une majorité de contrats de droit privé
L'effectif du cabinet de la présidence a fortement évolué depuis 1995.
Les difficultés budgétaires rencontrées au début des années 1990 avaient incité les responsables
politiques à réduire le nombre de collaborateurs de cabinet. Dans une note confidentielle adressée
le 26 avril 1994 au président du
gouvernement, le directeur de cabinet dressait une liste de la
totalité des emplois concernés dont l'effectif était de 127. Depuis, ce chiffre n'a cessé d'augmenter
fortement.
Parallèlement à la hausse continue de l'effectif du cabinet du président, l'augmentation des
cabinets des autres ministères était nettement plus mesurée puisque fin 2003, on dénombrait 170
agents pour dix sept ministères.
Cette situation résultait de notes internes signées du président qui avaient notamment pour but
de limiter l'effectif des cabinets, en particulier celle du 9 avril 1991 qui fixait un nombre de
collaborateurs par ministère.
Il s'avère cependant que cette limitation ne semblait pas s'imposer au cabinet de la présidence. Si
l'inflation de l'effectif peut s'expliquer pour partie par un accroissement des missions dévolues à
l'exécutif, elle révèle avant tout un choix de mode de gestion.
D'ailleurs , alors que le statut des agents de cabinet peut, selon la délibération n° 95.129 AT du 24
août 1995, être de droit public (fonctionnaire en détachement) [La délibération n° 95.129 AT du 24
août 1995 précitée indique que les collaborateurs de cabinet sont recrutés soit dans le cadre d'un
contrat de travail de droit privé pour les agents qui n'ont pas la qualité de fonctionnaire ou
assimilé, soit dans le cadre d'une lettre d'engagement pour les agents fonctionnaires de l'Etat, du
territoire ou des communes ou assimilés.] ou de droit privé, on dénombre fin 2003, une large
majorité de contrats cabinet (466) se référant au code du travail.
2) Les moyens budgétaires mobilisés
2.1. En matière de dépenses de fonctionnement
2.1.1. La charge salariale
Comme pour l'examen des effectifs, l'approche de l'évaluation de la charge salariale a été
conduite à deux niveaux, d'abord celui du cabinet de la présidence stricto sensu, puis celui de
l'ensemble des services y compris les services dits " rattachés " sous l'autorité directe du chef de
l'exécutif.
§ L'évolution du coût du cabinet de la présidence
L'évolution des charges de personnel inscrites au sous-chapitre " cabinet présidence " pour la
période 1991 à 2003 fait l'objet d'un tableau figurant en annexe n°1. Cette synthèse met en
évidence un effort de réduction desdites charges au début des années 1990, puisque leur montant
s'infléchit de 810 millions de F CFP en 1991 à un minimum de 476 millions en 1993. La
progression reprend cependant en 1994, de façon modérée tout d'abord, pour atteindre une
progression annuelle de l'ordre de 20% à partir de 1996.
Le montant des crédits ouverts est ainsi passé de 476 millions en 1993 à 2 384 millions en 2003
(soit plus 400%). Cette progression est à comparer à celle des charges salariales des cabinets
des ministères dont les chiffres sont pour la même période de 503 millions puis de 1047 millions
soit plus 108% et à celle du montant total des salaires payés par la Polynésie française au
chapitre 931 : 18 266 millions puis 26 916 millions soit plus 47,4%.
La progression du coût de la charge salariale suit bien évidemment l'augmentation de l'effectif qui
passe de 127 en 1994 à 626 en 2003.
Cependant si l'on fait le rapport de la masse salariale des services de la présidence au montant
total des salaires, l'analyse est différente.
§ Le " poids budgétaire " du cabinet et des services rattachés
Ainsi la valorisation des salaires des agents affectés au cabinet et aux services rattachés, tels
qu'ils figurent dans le tableau page 3, donne une évaluation de 5,2 milliards F CFP pour 2003
décomposé en 2,75 milliards pour les 626 agents du cabinet et 2,45 milliards pour les services
rattachés.
Rapporté à la masse des salaires de la même année, 26 milliards, les services de la présidence,
qui emploient environ un quart des agents, ne représentent de 20% [Les 626 agents du cabinet
stricto sensu représentant 12% de l'effectif et 10,5 % de la masse salariale totale.] du coût total.
Les agents de la fonction publique et notamment les ANFA, dont la progression indiciaire suit de
façon continue l'ancienneté, " coûtent " donc plus cher que les emplois de cabinet. Il est vrai que
la charge salariale moyenne (y compris les cotisations sociales de l'employeur) d'un agent du
groupement d'intervention de la Polynésie française (GIP) était en décembre 2003 de 240 000 F
CFP par mois et celle d'un agent du service de l'assistance aux particuliers (SAP) n'était pas plus
élevée. Or, SAP et GIP représentent (avant les recrutements massifs du dernier trimestre 2004)
plus de la moitié de l'effectif des agents regroupant le cabinet et les services rattachés à la
présidence (selon le tableau du paragraphe 1 : 757 agents sur 1394).
Cependant, cette approche masque de grandes disparités car nombre d'agents bénéficient à
l'inverse de rémunérations et d'un régime indemnitaire attractifs.
§ Le régime des rémunérations
La valeur du point d'indice, qui sert de base à la grille indiciaire à laquelle se réfèrent les contrats
de cabinet, conformément aux dispositions de la délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995
modifiée, est inférieure à celle de la fonction publique. Elle est fixée depuis 1990 à 570 F CFP
alors que le point fonction publique a été porté au 1er janvier 2003 à 936 F CFP. Cette différence
n'a cependant pas d'influence sur le salaire de base car les grilles indiciaires des emplois de
cabinet sont plus élevées. La fixation de l'indice est laissée à la libre appréciation du président.
Ce dernier, dans une lettre circulaire n° 1419/PR du 9 avril 1991 adressée aux ministres
concernant le recrutement de leurs collaborateurs, précise qu'au " regard du travail et des
responsabilités qu'implique l'appartenance à un cabinet, le collaborateur recevra un salaire
supérieur à celui qui était le sien à l'extérieur du cabinet.
Cette " bonification " sera arrêtée par le président en accord avec le ministre concerné. "
Il ajoute également que la sur-rémunération des emplois de cabinet n'est pas contraire aux
sujétions inhérentes à ce type d'emploi (contraintes de disponibilité, de surcharge de travail
notamment...) et à la précarité de l'emploi.
Le président du gouvernement avait cependant souhaité dès 1991 éviter une dérive des
rémunérations de cabinet. C'est ce qui apparaissait dans la lettre circulaire n° 1419/PR du 9 avril
1991 précitée :
"A l'effet d'harmoniser la rémunération et d'éviter de trop grandes disparités de salaires qui ne
seraient pas justifiées, je rappelle que la base salariale du collaborateur est assise sur la
rémunération que touchait le futur collaborateur avant son recrutement au cabinet.(...)
Ce surplus de rémunération, naturel au regard de l'appartenance à un cabinet devra rester dans
les limites du raisonnable compte tenu, en particulier, de la conjoncture économique. "
En dépit de ces propos de prudence, plusieurs contrats dérogent largement aux règles ci-dessus
rappelées. In fine, sur un total de 540 agents dont le salaire est imputé au sous-chapitre 933.01
(cabinet présidence) en décembre 2003, 102 personnes ont un salaire supérieur à 500 000 F CFP
(charges patronales comprises) dont 20 supérieur à un million.
Hormis la rémunération indiciaire, c'est le régime indemnitaire attractif qui explique la large palette
des rémunérations.
§ Le régime indemnitaire
C'est la délibération n° 95-129 du 24 août 1995, modifiée en 2000 et 2003, qui définit ledit régime.
L'indemnité de sujétions particulières est fixée forfaitairement, selon la fonction occupée au sein
du cabinet, de 50 000 F CFP pour la secrétaire au double pour le conseiller spécial, avec
cependant un taux dérogatoire décidé par le président dans un plafond de 300 000 F CFP.
Les autres primes sont variables et à la discrétion du président. Un plafond est fixé à 300 000 F
CFP pour l'indemnité représentative de frais particuliers, 250 000 F CFP pour l'indemnité de
logement et une fourchette de 5 à 10 000 F CFP s'applique à l'indemnité d'habillement.
Le cumul de ces primes peut faire varier très sensiblement la rémunération de l'agent. En voici
quelques exemples pris sur la période allant jusqu'au 30 juin 2004 :
- la lettre d'engagement du 10 octobre 2003 d'un conseiller technique du cabinet du président
(fonctionnaire d'Etat détaché) fixent sa rémunération comme suit : salaire d'enseignant augmenté
du supplément familial, des allocations familiales éventuelles et de l'indemnité de résidence. A
cette base s'ajoutait une indemnité de logement de 200 000 F CFP. En avril 2004, le salaire perçu
par l'intéressé (1 231 000 F CFP) correspondait à une fois et demi la base précédemment définie,
soit environ le double du salaire perçu dans les précédentes fonctions, car l'intéressé bénéficiait
des primes spécifiques aux agents de cabinet prévues par la délibération n° 95-129 du 24 août
1995 (pour sujétions particulières et frais particuliers). Cette situation, conforme à la délibération
précitée et qui prenait en compte, selon les déclarations de l'intéressé les rémunérations
accessoires qu'il percevait auparavant, ne correspondait cependant pas aux termes de la lettre
d'engagement qui était la base sur laquelle son administration d'origine avait donné son accord
pour le détachement.
- le conseiller spécial du président, percevait en décembre 2003 un salaire net de 2,4 millions F
CFP. La lettre d'engagement du 14 septembre 1994, servant de base à son détachement de la
fonction publique d'Etat prévoyait une majoration de son salaire précédemment perçu (salaire et
primes statutaires) et une indemnité de logement de 250 000 F CFP.
A cette somme ce sont ajoutées postérieurement les indemnités de sujétions et représentatives
de frais au taux maximum, prévues par la délibération précitée du 24 août 1995. Il convient
d'ajouter la prise en charge d'un aller retour en métropole tous les deux ans (classe affaire depuis
2002) et le bénéfice d'une voiture de fonction et d'un agent de service. Ces indemnités
supplémentaires n'ont pas modifié le contrat d'engagement initial connu de l'administration
d'origine.[Depuis le 9 juin 2004, l'intéressé n'assure plus les fonctions de conseiller spécial. Les
indemnités correspondantes ont été supprimées sauf la majoration de 15 % qui est restée
appliquée. On peut s'interroger sur la validité du maintien de cette majoration de rémunération dès
lors que la lettre d'engagement prévoit expressément que cette dernière est accordée "pour
responsabilités particulières ". Elle est donc ainsi subordonnée à la fonction de conseiller spécial.].
Le même type de rémunération était appliqué au directeur de cabinet, également fonctionnaire
d'Etat détaché : salaire de fonctionnaire majoré, augmenté des indemnités de directeur de cabinet
prévu par la réglementation de la Polynésie française, soit au total 1,65 million F CFP (les
avantages en nature comprennent le logement de fonction, un agent de service et une voiture de
fonction).
Il est vrai que pour la fixation desdits salaires, la délibération du 24 août 1995 modifiée laisse une
large marge d'appréciation au président, puisque " les fonctionnaires appelés à exercer les
fonctions de conseiller spécial ou de directeur de cabinet peuvent bénéficier d'une majoration
indiciaire dans les limites compatibles fixées par le statut particulier du corps ou du cadre d'emploi
d'origine ".
Ponctuellement il a été relevé que lesdites indemnités pouvaient être détournées de leur objet
premier et servaient en fait à verser un complément de salaire. Ainsi, depuis sa nomination
comme aide technique stagiaire le 10 octobre 2000, un agent de cabinet a perçu une indemnité de
160 190 F CFP égale à la perte subie par rapport à son ancien salaire de contractuel. Il est
surprenant que cet agent, affecté au service d'entretien de la présidence et dont les horaires
avaient été aménagés pour lui permettre sa pratique sportive (membre d'une équipe de vaa'a), ait
pu
bénéficier d'une indemnité représentative de frais supérieure à son traitement indiciaire.
Quelques situations identiques ont été constatées.
Dans ces conditions, il ne fait pas de doute que le régime indemnitaire contribuait à l'attractivité
des emplois de cabinet.
Il convient enfin de signaler le cas de certains agents du corps de l'Etat pour l'administration de la
Polynésie française (CEAPF) qui, affectés au cabinet du Président, percevaient à ce titre diverses
indemnités. Parmi les quelques cinq agents dans ce cas, deux bénéficiaient de primes
importantes doublant le salaire versé par l'Etat.
En effet ces agents bénéficiaient du régime indemnitaire prévu par la délibération n° 95-129 AT du
24 août 1995 modifiée portant création des cabinets.
Ainsi la somme versée par la Polynésie française à l'un d'entre eux, précédemment en fonction au
haut commissariat et mis à la disposition de la collectivité d'outre-mer depuis le 12 octobre 1992, a
été de 502 475 F CFP net en mars 2003. Elle comprenait l'indemnité représentative de frais de
300 000 F CFP, l'indemnité de commissaire de gouvernement de 25 000 F CFP, l'indemnité de
sujétions particulières de 80 000 F CFP et l'indemnité de logement de 100 000 F CFP. A cela
s'ajoutait le salaire versé par l'Etat qui s'élevait pour le même mois à 358 456 F CFP net. In fine,
l'intéressé percevait au titre des diverses indemnités versées en qualité d'agent de cabinet 1,4 son
traitement principal versé par l'Etat.
2.1.2. Les dépenses directes de fonctionnement
Le service des finances a produit pour la période 2001 à 2003 la situation des dépenses de
fonctionnement (hors charges salariales) pour le " centre de travail 6200 : présidence ". Il s'agit en
fait des crédits à la disposition du président mais ventilés entre plusieurs sous-chapitres
budgétaires.
En 2001 et 2002, le montant des dépenses imputées au seul sous chapitre 933 01 " présidence "
était identique à celui du compte de regroupement, mais en 2003, année de la venue du président
de la République en Polynésie française, les crédits à la disposition du président du
gouvernement ont été bien supérieurs.
On constate pour cette année atypique que les dépenses de la présidence (frais de réceptions,
voyages, parc automobile...) ont été en fait réparties entre plusieurs sous-chapitres (service du
protocole, service assistance et sécurité, secrétariat général du gouvernement, service
documentation). Ainsi alors que le sous chapitre 93301 affiche une augmentation de 18% par
rapport à l'année précédente, les crédits à la disposition du président augmentaient réellement de
55%.
En 2003, la répartition par nature des dépenses imputées au compte de regroupement "
présidence " révèle que les principales dépenses sont, hormis les dépenses de logistique
(électricité, télécommunications), les " autres denrées et fournitures consommées " pour 130
millions F CFP en 2003, les " autres travaux et services extérieurs " pour 98 millions, les " fêtes et
cérémonies " pour 272 millions (sur un total de 374 millions pour l'ensemble du budget de la
Polynésie française, soit 73%), et les frais de transport pour 170 millions (sur un total de 974, soit
17% en 2003).
Une estimation globale des dépenses de fonctionnement de la présidence en 2003 comporte donc
les dépenses directes de la présidence (1,232 milliard F CFP hors subventions imputées au
compte de regroupement de la présidence) auxquelles s'ajoute la masse salariale des 626 agents
gérés par le service du personnel de la présidence, soit 2,75 milliards [La différence entre les
charges imputées au 933 01 soit 2,4 milliards et la somme précitée correspond aux salaires des
agents mis à disposition de la présidence par d'autres ministères.] ; ce qui donne un total de près
de 4 milliards F CFP ou 33 millions d'euros (les charges liées à l'entretien des bâtiments seraient
à ajouter soit 178 millions pour cette année là). Il s'agit des dépenses de la présidence stricto
sensu à l'exclusion des services rattachés. En 2002 et surtout 2001, les montants étaient
inférieurs, respectivement de 3,8 et 2,6 milliards.
2.1.3. L'absence de comptabilité analytique
S'il est possible d'appréhender de façon globale les dépenses de la présidence, il est par contre
impossible de cerner le coût des services internes, faute de comptabilité analytique.
A titre d'exemple les dépenses directes de fonctionnement de service tels que le service de la
communication, le service d'assistance aux particuliers, le service d'études et de documentation
n'ont pu être individualisées. En revanche, en faisant le cumul des fiches de paye des agents dont
l'affectation a été précisée par le service du personnel de la présidence, il a été possible d'évaluer
la charge salariale de certains services. Leur montant sera évoqué ultérieurement lors de l'étude
des missions des différents services.
2.2. Les dépenses d'équipement
2.2.1. L'évaluation des dépenses
Délimiter les dépenses d'équipement qui concernent la présidence n'est pas chose aisée car si
certaines dépenses sont bien imputées sur des autorisations de programme (A.P.) spécifiques et
bien définies, d'autres le sont sur des A.P. dites génériques qui regroupent des achats de même
nature mais à destination de différentes administrations.
Dans la liste importante des autorisations de programmes regroupées sous le libellé " président ",
seules sont listées ci-dessous celles qui correspondent à la construction et à l'acquisition des
matériels nécessaires au fonctionnement de la présidence. Celles concernant le GIP ont été
exclues.
Le libellé peu précis de certaines AP, comme " matériels présidence " [S'agissant de l'AP n°
1.2003, l'achat de chapiteaux pour plus de 113 millions constitue la quasi totalité de l'AP. L'AP n°
72.2003 concerne des matériels très divers notamment pour l'aménagement du " site protocolaire
" de FAKARAVA.] ne permet d'identifier les dépenses. Par ailleurs toutes les dépenses
concernant la présidence ne figurent pas dans les AP du tableau ci-dessus. Ainsi, s'agissant du
matériel, certaines acquisitions ont été imputées sur d'autres opérations dites génériques telles
que " matériels de transports tous services " relevant de l'équipement (AP 7.2002) ou les AP
génériques concernant les matériels, mobiliers, informatique " tous services " rattachées au
ministère des finances.
Il a donc été nécessaire de demander un regroupement des dépenses d'équipement affectées au
centre de travail 6200 " présidence " et par année, depuis 2000 et y compris 2004 jusqu'au 30
juin.
La synthèse du traitement informatique figure en annexe 2.
Des variations importantes affectent les différentes années.
Il ressort de la lecture combinée de ces deux tableaux (ci dessus et annexe 1) que les principales
dépenses pour la présidence concernent :
- la construction de la présidence et son équipement dont les dépenses sont regroupées dans les
AP 202-1993 ; 1-1999 et 1-2000 soit au total 4 249 053 182 F CFP ;
- le matériel de transport qui se décompose en 1 655 604 135 F CFP pour l'achat et
l'aménagement de l'ATR 42-500 et 99 172 787 F CFP pour les véhicules pour la période 2001 à
2004 ;
- les dépenses relatives au matériel informatique et aux logiciels imputées au compte 218 se sont
élevées à 103 219 099 entre 2000 et fin juin 2004 .
Sans comptabilité analytique, le regroupement des dépenses s'avère difficile et ne peut être
exhaustif. L'analyse des dépenses réalisées sur l'atoll de FAKARAVA évoquée infra montre l a
difficulté de l'exercice.
Cependant, le tableau ci-dessous, pour la période 2001 à 2003 tente de faire la synthèse des
dépenses dont la gestion était assurée directement par la présidence, en se basant
sur
l'imputation du centre de travail 6200 :
Le cumul effectué ci dessus représente donc un seuil minimal des dépenses afférentes à la
présidence. L'année 2003, dont l'événement majeur est la visite du président de la République,
correspond à une augmentation sensible et ponctuelle.
2.2.2. Le patrimoine affecté à la présidence
2.2.2.1. Le parc automobile
En ce qui concerne le parc automobile, un tableau de tous les véhicules affectés à la présidence a
été produit le 7 juin 2004 par le chef du service personnel et finances de la présidence. Bien que
les toutes dernières acquisitions n'y figurent pas, le total des véhicules est de l'ordre de 70
automobiles (sans compter une trentaine de deux roues). Parmi celles-ci, on dénombre plusieurs
véhicules de luxe [Les achats les plus récents ont été:
- en 2003 : deux Lexus à 8,3 millions de F
CFP, une Audi A8 (15,3 millions), deux Audi A3 (à plus de 5 millions, le parc en compte 3 et une
Cadillac Escalade (5,6 millions) ; - en 2004 : deux
Golf GTI (4,4 millions), une Audi A4 (5
millions), une Peugeot 607 (4 millions) à la délégation de la Polynésie française à Paris (le parc
comporte également une Mercedes 350).].
L'affectation des véhicules était de la compétence exclusive du président : conseillers, secrétaire,
chefs de service, sécurité, agents du SED...conformément à l'arrêté n° 918 CM du 15 septembre
1997 portant réglementation relative au parc automobile : " La liste des personnalités du
gouvernement et de l'administration bénéficiant d'un véhicule de fonction est arrêtée par le
président du gouvernement. Les arrêtés individuels précisent l'affectation nominative ".[ Selon
l'arrêté précité, les véhicules de service sont munis d'un " carnet de bord ", mais les véhicules de
fonction ne semblent pas en être dotés dans la mesure où ils " sont affectés à une personne et
circulent librement ".].
Lors de l'entretien préalable, le président de la Polynésie française a indiqué de façon très claire
qu'il n'existait pas d'arrêtés d'affectation. Dans ces conditions le suivi de la gestion du parc
automobile apparaît impossible.
Il a été constaté par ailleurs que certaines voitures possèdent une double immatriculation.
Cette
pratique est autorisée par l'article 17 de l'arrêté n° 973 CM du 26 septembre 1997 relatif aux
conditions et modalités d'immatriculation des véhicules :
" Les véhicules affectés aux membres du gouvernement de la Polynésie française et aux service
de sécurité peuvent, après leur immatriculation domaniale, recevoir une immatriculation
complémentaire dans la série normale.
En dehors des cas prévus à l'alinéa précédent, sur rapport du ministre concerné et après avis du
ministre chargé des transports, des immatriculations complémentaires dans la série normale
peuvent être autorisées à titre exceptionnel par le président de la Polynésie française.
Cette immatriculation complémentaire est effectuée sur présentation de l'attestation ou de
l'autorisation mentionnée au paragraphe précédent, délivrée par le président de la Polynésie
française ".
Or, on relève parmi ces doubles immatriculations des bénéficiaires autres que ceux prévus par la
réglementation précitée (les responsables du service d'études et de documentation, la secrétaire
du président, des agents du GIP, des chefs de service comme la documentation...). Au 16
septembre 2004, on dénombrait 37 doubles immatriculations pour la Polynésie française.[Selon
l'arrêté précité, les véhicules de service sont munis d'un " carnet de bord ", mais les véhicules de
fonction ne semblent pas en être dotés dans la mesure où ils " sont affectés à une personne et
circulent librement ".].
Enfin, le véhicule Cadillac Escalade, véhicule 4/4 acquis [Ce véhicule a été payé par mandat n°
36708 du 26 août 2003 pour un montant de 5 572 911 F CFP auquel il convient d'ajouter 394 749
F CFP de frais de change selon le mandat n° 61765 du 13 novembre 2003. Lors de l'entretien
préalable du 21 février 2005, ce véhicule n'était pas sur le territoire et le président Gaston
FLOSSE, a précisé que celui-ci était sous la responsabilité de M.AL KEAHI, directeur de la Sté
Tahiti Tourisme Nord América (TTNA) représentant le GIE Tahiti Tourisme aux USA, basé à Los
Angeles. Aucune convention n'avait cependant été signée entre la Polynésie française et ladite
société pour la gestion de ce véhicule.] en 2003 pour une " mission générale de représentation sur
le territoire des Etats Unis " et placé sous la responsabilité de la représentation du GIE Tourisme à
Los Angeles, ne figurait pas dans l'inventaire des voitures établi par le responsable des services
généraux de la présidence à la date du 10 septembre 2004. Ce véhicule a été transporté en
Polynésie française après plusieurs questions de la Chambre le concernant.
Pour l'utilisation de ces véhicules, un marché est passé pour l'approvisionnement en carburant. La
société titulaire du marché met à disposition de la collectivité des cartes affectées aux véhicules
(une carte par immatriculation) et facture fin de mois les consommations enregistrées. Ces cartes
possèdent un plafond mensuel qui peut dans certains cas être fort élevé, jusqu'à 300 000 F CFP
(ce qui suppose un kilométrage mensuel de l'ordre de 20 000 kms). Sur 88 cartes réservées à la
présidence, 15 sont sans plafond.
2.2.2.2. Les logements de fonction
Le nombre de logements de fonction est peu important. Quatre sont situés à Pirae (lots de l'ancien
domaine Labbé). Ils sont ou étaient occupés à titre gratuit par des agents de la Polynésie
française qui bénéficiaient dans leur contrat de recrutement d'un logement de fonction ou sont
loués (directeur TNTV, chef du service documentation).
Dans la liste du patrimoine de la présidence figure également un ensemble immobilier dénommé "
Princesse Heiata ". Ce terrain, sis rue Gadiot à Pirae, se situe sur l'emplacement d'un ancien hôtel
racheté par le territoire le 15 juin 1990 pour 510 millions F CFP (8820 m2, soit 57 823 F le m2).
Plusieurs logements y sont édifiés et certains agents du GIP et leur famille y vivent sans
autorisation formelle d'occupation. Une maison située à l'entrée de ce terrain est affectée comme
logement de fonction du directeur de cabinet du président.
Une autorisation d'engagement a été ouverte en 2004 (AE n° 72.2004 pour un montant de 16,5
millions F CFP) sur une AP générique n° 2.2003 ''aménagements sites territoriaux'' (12,5 millions
payés fin juin 2004). Cette ouverture de crédits n'a fait l'objet d'aucune décision motivant le
commencement de tels travaux.
2.2.2.3. L'atoll de TUPAI
§ Affectation de l'atoll à la présidence
Par arrêté n° 767/CM du 30 juillet 1997 modifié par l'arrêté n° 300/CM du 27 février 1998,
l'acquisition de l'atoll de TUPAI
(situé à 17 km au nord de Bora-Bora), d'une superficie estimée de
988 hectares, a été autorisée pour un montant de 680 millions F CFP pour la constitution d'une
réserve foncière à vocation touristique et agricole. L'acte notarié est intervenu le 23 mars 1998.
Par arrêté n° 1268/CM du 16 septembre 1999, l'atoll a été affecté au service du tourisme ; l'arrêté
n° 144/CM du 5 février 2001 ajoutait que " les installations immobilières de l'atoll de TUPAI
pourront être utilisées à la réception de personnalités extérieures au territoire ". " Le gardiennage
et l'entretien de l'atoll sont assurés par le groupement d'intervention de la Polynésie ".
Par un arrêté n° 357/CM du 16 mars 2001, le conseil des ministres a autorisé l'affectation des
terres domaniales de TUPAI à la présidence du gouvernement.
Dans le cadre du contrôle de légalité de l'arrêté susvisé, le haut-commissaire avait demandé au
président du gouvernement de lui adresser les documents apportant la preuve que le territoire
était propriétaire de l'ensemble de l'atoll. Des revendications existaient déjà en effet depuis le
début des années 1980 et un premier jugement du tribunal d'Uturoa était intervenu le 10 octobre
1997 [Sans réponse dans un délai de quatre mois, le haut-commissaire avait déféré devant le
tribunal administratif, le 8 novembre 2001, le refus implicite qui lui avait été opposé. Le tribunal
dans son jugement du 26 novembre 2002 a déclaré le recours irrecevable puisque hors délai.].
§ Les aménagements et les autorisations nécessaires
Une délégation de la Chambre s'est rendue sur l'atoll de Tupai le 27 novembre 2003. Sur place,
toutes les installations ont pu être visitées et un plan sommaire des installations réalisées a été
communiqué.
Les installations permettent la réception de 50 à 60 personnes au maximum. Elles comprennent
deux parties, des installations d'hébergement et des installations techniques [- les installations
d'hébergement : une unité d'hébergement, un fare pour le personnel, un fare cuisine, deux
bungalows plage, un vaste fare accueil, deux bungalows sur pilotis (cet ensemble a fait l'objet d'un
permis de construire n° 2256 délivré le 18 novembre 2002 -montant prévisionnel de l'ensemble :
122 millions F CFP). Il s'agissait en fait d'une régularisation. ; - les installations techniques : un
hangar polyvalent et lieu de vie du GIP (permis n° 906 du 23 avril 2003), un bâtiment abritant les
installations d'énergie électrique et de production d'eau potable (désalinisateur), un relais
permettant l'usage des téléphones portables, la parabole pour la TV.].
En 2003, pour la venue du président de la République (qui n'y séjournera cependant pas), un
troisième bungalow sur l'eau,
plus vaste que les précédents, a été construit (concomitamment à
la surélévation des deux autres pour éviter la dégradation par la houle) mais sans autorisation
d'occupation du domaine public, ni de permis de construire.
Par contre, une autorisation avait été accordée pour les deux premiers bungalows sur l'eau et les
pontons d'accostage et d'agrément sur lequel est construit un " fare potee ".
Pour l'acheminement des personnes, la piste d'aviation de 730 m a été portée à 900m, par un
remblai sur la mer (50 m x 80 m). La largeur est passée de 12 à 23 m (autorisation d'occupation
du domaine public donnée par arrêté n° 764/CM du 30 mai 2001).
Cette autorisation semble également de régularisation, puisque l'arrêté n° 1111/MTR du 2 avril
2001 précise que l'aérodrome est ouvert à un usage restreint pour une exploitation en classe 2B à
vue, conformément aux prescriptions du rapport de visite technique.
Pour l'acheminement des matériels, il a été nécessaire de creuser l'une des passes existantes
insuffisamment profonde. Ces travaux ont été réalisés par le GIP alors que l'étude d'impact prévue
par le code de l'aménagement (lorsque l'extraction est supérieure à 1000 m3) n'avait pas été
réalisée . Une étude a été réalisée en juillet 2002 et publiée en novembre 2002.
Le document réalisé par le cabinet Pae Tai-Pae Uta confirmait que les travaux avaient déjà
commencé avant
le début de l'étude d'impact qui a été réalisée en juillet 2002 (pages 51, 52 et 58
dudit rapport de novembre 2002). Aucun arrêté n'a fait suite à cette étude et les travaux n'ont pas
été terminés.
Pour la réalisation des aménagements de cet atoll, la Chambre relève de nombreuses dérogations
à la réglementation existante en ce qui concerne les permis de construire, l'occupation du
domaine public et l'étude d'impact.
§ Les coûts
Les dépenses d'investissement sont réparties entre de nombreuses autorisations de programmes
:
L'investissement total est donc de l'ordre de 1,6 milliard F CFP ; le coût du dernier bungalow sur
pilotis " présidentiel " est de l'ordre de 60 millions et les aménagements intérieurs sont de haut de
gamme.
Il n'est pas possible de déterminer le coût de fonctionnement dès lors que les fournitures (gasoil
notamment pour le groupe électrogène), les denrées (lors des séminaires ou l'accueil des
personnalités) sont imputées de façon globale sur le budget de la présidence au sous-chapitre
933-01. Peuvent être identifiées de façon certaine les dépenses relatives aux salaires des 22
agents du GIP (en rotation par équipe de 11 agents) qui représentent globalement entre 40 et 50
millions par an.
§ La fréquence d'utilisation
C'est par les registres de l'aviation civile que le nombre de réunions ayant eu lieu à Tupai a pu
être approché. Aux mouvements commerciaux des avions ayant atterri ou décollé de Tupai pour
la période du 14 mai 2001 au 5 mai 2004 s'ajoutent les déplacements de l'ATR de la Polynésie
française.
L'étude des documents précités permet de dénombrer approximativement 42 jours où de petits
groupes de personnes ont séjourné sur l'île pendant cette période. Ces groupes vont de quelques
personnes à un peu plus de trente (sans compter les personnels à demeure qui voyagent par
bateau). La fréquentation des installations de l'atoll par des personnalités serait donc de l'ordre de
15 jours, maximum 20 jours par an (correspondant aux groupes les plus importants).
La faiblesse du nombre de jours d'utilisation par an, non contestée par le président Gaston
FLOSSE lors de l'entretien du 21 février 2005, est à rapprocher du coût d'investissement, estimé à
1,6 milliard
de F CFP et au coût de fonctionnement estimé a minima entre 60 et 70 millions de F CFP.
§ L'insécurité juridique qui affecte ces investissements
Dès l'acquisition de l'atoll, il apparaissait que les investissements pouvaient être remis en cause
par les recours en appel des jugements du tribunal d'Uturoa du 10 octobre 1997. L'acte de vente
fait d'ailleurs mention des 13 jugements et rappelle que ceux-ci sont susceptibles d'appel et de
tierce opposition [Une garantie d'éviction est d'ailleurs prévue dans l'acte de vente, prenant en
considération les aléas pouvant résulter des procédures en cours. Si finalement la surface
revenant à l'acheteur, la Polynésie française, est en deçà de 87 % des terres acquises soit 987
ha, le vendeur doit rembourser à l'acquéreur, la différence entre la surface que ce dernier aura
finalement en toute propriété au terme des procédures et les 87% de la surface, objet de la vente.
La Cour d'appel de Papeete n'a pas encore statué. C'est à partir de ces arrêts (10 recours en
appel) que l'action de la Polynésie française pourra éventuellement s'exercer à l'encontre du
vendeur.].
Après les élections du 23 mai 2004, le nouveau gouvernement du président Oscar TEMARU s'est
montré favorable à faire droit aux revendications de certaines familles sur l'atoll. Le président
Gaston FLOSSE, après sa réélection le 22 octobre 2004, a accéléré le processus de concertation.
Un protocole d'accord mettant en place une procédure d'identification certaine visant à terme à la
restitution des terres, a été signé le 30 décembre 2004 avec l'association regroupant certaines
des personnes qui revendiquent.
In fine, l'acquisition de cet atoll par la Polynésie française, pour 680 millions F CFP et dont le
montant a été réparti dès l'acte entre les créanciers du vendeur, était dès l'origine grevée de fortes
incertitudes.
Les craintes du haut-commissaire, évoquées supra, se sont révélées fondées et l'on peut se
demander si les risques avaient bien été évalués avant la
réalisation des importants
aménagements de l'atoll, dont l'utilisation et le devenir restent inconnus.
2.2.2.4. L'atoll de FAKARAVA
De janvier à juillet 2003 ont été réalisés sur l'atoll de FAKARAVA d'importants aménagements
pour l'élargissement et l'allongement de la piste d'aviation, la construction d'une route de 22 km, la
construction d'un débarcadère près de l'aérodrome, la construction d'un quai et d'une darse pour
les bateaux de plaisance, face au village de Rotoava. De façon connexe, la place entre le quai et
la mairie de Rotoava a été remodelée, incluant le transfert de certaines maisons. Les installations
de production et de distribution d'électricité et téléphone ont également été redimensionnées et
rénovées. Le coût total des travaux est de l'ordre de 2,5 milliards de F CFP.
Selon les responsables qui les ont réalisées dans ce court laps de temps, les installations
devaient être opérationnelles pour la venue du président de la République prévue en juillet 2003.
Une partie de ces travaux, notamment le terrassement de la route,
a été réalisée par le GIP.
Parallèlement à ces travaux, au lieu-dit Makarea, le GIP a construit plusieurs fare MTR (type de
logement conçu par la mission territoriale de reconstruction dans les années 1980), aménagé une
plage et nettoyé une cocoteraie pour réaliser " une résidence protocolaire ".
L'occupation de ce terrain d'une superficie de 21 hectares environ et les aménagements réalisés
eux aussi avant juin 2003 ont été régularisés administrativement par un arrêté n° 1680/CM du 5
novembre 2003 décidant l'affectation au profit du GIP de la " terre présumée domaniale " SANS
NOM" dénommée " site de MAKAREA " cadastrée commune de FAKARAVA, section de
commune de FAKARAVA, section CI n° 4, d'une superficie de 208 904 m2 ".
Le rapport de présentation, daté du 25 octobre 2003, présenté au conseil des ministres mentionne
pour justifier cette affectation : " par lettre citée en référence, la présidence du gouvernement a
sollicité l'affectation de la terre domaniale (...) au profit du GIP ". Le ministre des affaires foncières
proposait de donner une suite favorable.
La lettre citée, du 27 mai 2003, était signée du directeur de cabinet ; elle était libellée ainsi : " une
mission de gardiennage et de régénération de la cocoteraie a été confiée au GIP sur l'atoll de
Fakarava. En conséquence, je vous demande de bien vouloir affecter à ce service le site territorial
de Makarea à Fakarava ".
Toutes ces décisions ont été donc prises postérieurement à l'installation du GIP sur le terrain et le
conseil des ministres n'a fait qu'entériner une situation de fait.
Une visite de ces installations a été faite par la juridiction le 2 novembre 2004. La parcelle qui a
fait l'objet de l'arrêté d'affectation a été débroussaillée, nettoyée et assainie et six doubles
bungalows MTR y ont été édifiés, ainsi qu'une petite maison en dur et des installations pour l'eau,
l'électricité et le téléphone.
La parcelle mitoyenne dudit terrain, cadastrée C.I. 2, est pour partie présumée domaniale et un
particulier possède un droit d'occupation sur l'autre partie (promesse de vente), côté lagon. Sur ce
dernier terrain un parking en enrobé a été aménagé. Il dessert en fait un ensemble, comprenant
un embarcadère, un vaste ponton sur lequel est édifié un grand fare potee et un bungalow sur
pilotis. Ces installations ressemblent à celles de TUPAI et les mêmes lampadaires de type
parisien (époque Haussmann) y ont été installés. Cet ensemble devait accueillir également le
Président de la République.
Il est impossible de déterminer le coût de la réalisation de ce site protocolaire[Les opérations du
GIP identifiables pour les installations sur ce seul site, correspondent en fait au coût de
construction des fare et sont supérieures à 100 millions de F CFP.], les travaux réalisés par le GIP
ne pouvant être dissociés de ceux de l'ensemble de l'opération de l'atoll et le nombre d'agents
assurant le gardiennage et l'entretien n'étant pas connu.
Toutefois, c'est le particulier précité qui a payé les travaux du ponton et du bungalow sur pilotis.
Selon ses dires ces installations seraient destinées à recevoir des hôtes de marque, notamment
de futurs investisseurs. En l'état actuel, on constate que le GIP a construit sur ce terrain privé un
parking et même un des doubles bungalow MTR, dépenses toutes imputées sur le budget de la
Polynésie française.
Il convient de noter qu'une autorisation d'occupation du domaine public maritime a été accordée
au particulier déjà cité pour 350 m² alors que le ponton et le bungalow représentent une superficie
de près de 900 m². Aucun permis de construire n'a été sollicité ni pour le fare potee sur le ponton
et le bungalow sur pilotis, ni pour les six fare MTR et le fare en dur.
Aucune convention n'a par ailleurs été conclue entre la Polynésie française et l'occupant de la
parcelle CI2 et aucune facture n'a été établie pour les travaux de voirie effectués sur son terrain.
Cette situation complexe ne manque pas de surprendre et ne peut être que source de contentieux
futurs.
Bien que non affectées officiellement à la présidence, ces installations ont hébergé des hôtes de
la Polynésie française, comme son président et des membres du gouvernement. Les
déplacements de l'avion de la Polynésie française révèlent ces différents déplacements sur
FAKARAVA. Lors de l'entretien préalable, il a été confirmé que deux séminaires
gouvernementaux s'y sont déroulés.
Ce site, selon les plans de vols de l'ATR, semble avoir été occupé par des personnalités entre 20
à 25 jours au plus de juin 2003 à juin 2004.
La Chambre constate que l'aménagement de ce site protocolaire ne figure dans aucune décision
de l'assemblée ou du conseil des ministres. Les dépenses ont été imputées le plus souvent sur
des autorisations de programme globales qui ne permettaient pas une identification de cette
opération. L'objectif de cette opération n'est pas connu.
3) Les multiples missions du cabinet
La création et la définition des missions des services de l'administration territoriale étaient jusqu'à
la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 de la compétence de l'assemblée ; ils sont
désormais de la compétence du conseil des ministres. S'agissant des cabinets auprès du
président et des membres du gouvernement, la délibération n° 95-129 AT dispose que ceux ci
sont " chargés d'assister les membres du gouvernement dans leur tâches de direction,
d'animation et de coordination des services relevant des secteurs dont ils ont la charge ".
L'analyse des missions assurées par les agents du cabinet du président révèle que celles-ci vont
bien au delà du cadre fixé par la délibération [Le rapport d'audit du cabinet DELOITTE présenté à
la presse le 3 février 2005 indique que " la composition du cabinet de la Présidence fait ressortir
des missions hétéroclites "]. Le présent chapitre tente de classifier les différents types de
missions.
3.1. Les missions traditionnelles dévolues au cabinet
3.1.1. Les conseillers techniques et les chargés de mission
Traditionnellement, le cabinet a pour vocation de conseiller l'élu dans les choix qu'il fera en
s'appuyant, bien sûr, sur des éléments techniques fournis par les services compétents de
l'administration, de suivre les affaires politiques au sens étroit du terme (relations avec le parti ou
les composantes de sa majorité à l'assemblée délibérante), de faire le lien avec l'administration ou
les organismes extérieurs, de gérer l'emploi du temps de l'élu, sa communication avec la presse et
les médias.
La liste des 626 agents de cabinet , communiquée en janvier 2004, comporte bien évidemment
les agents chargés des fonctions de directeur, directeur adjoint de cabinet, de chef de cabinet,
secrétaire particulière et nombre de conseillers techniques et de chargés de missions ouvrant
dans les différents domaines de compétences exercées par la Polynésie française (perliculture,
pêche, transport, agriculture, développement économique...).
Au total, le nombre de ces agents est inférieur à cent personnes comme le confirme l'ordonnateur
dans sa réponse du 8 septembre 2005 (la cellule " développement économique " regroupe 13
personnes).
Parmi ces conseillers, l'un d'eux était responsable de la petite " cellule sports ". Son rôle était
essentiellement un rôle de conseil et d'information du président en matière de sport.
Par ailleurs, le conseiller technique recensait les demandes de subventions des communes et
donnait un avis sur ces demandes avant décision par le ministre et le président.
Il s'avère toutefois que ledit responsable était partie prenante dans plusieurs associations
notamment " Faa'a Nui " créée le 1er décembre 2001 et dont les administrateurs étaient tous des
agents sous contrat cabinet ; la trésorière était la secrétaire de la cellule sport.
L'association a connu des difficultés financières à la suite notamment du déficit de la manifestation
organisée pour la venue des basketteurs " Harlem ". L'association a reçu des subventions de la
Polynésie française, 5 millions F CFP en 2002 et 6 millions en 2003, imputées sur le sous-chapitre
933 09 dont les crédits sont à la discrétion du président sous l'intitulé " action générale du
gouvernement/subventions diverses aux associations ".
La Chambre constate que le conseiller technique chargé de donner un avis sur les demandes de
subvention était également partie prenante dans des associations bénéficiaires desdites
subventions, ce qui révèle un conflit d'intérêts.
Par ailleurs, lors d'un entretien le 3 juin 2004, le conseiller technique a précisé que sur les dix
agents que comprenait la cellule sports, sept agents étaient mis à disposition d'associations
sportives et un des agents était l'entraîneur du président et des personnels de la présidence.
3.1.2. Le service de la communication, chargé des relations avec la presse
§ L'effectif du service
Lors d'un entretien, le 4 juin 2004, avec le chef du service de la communication et conseiller du
président, il a été précisé que l'effectif était de 22 personnes, dont près de la moitié (10
exactement) était des journalistes selon ses déclarations.
Il a justifié l'importance de l'effectif pour une collectivité de 250 000 habitants par le fait que les
ministères n'avaient pas d'attachés de presse, en soulignant sans donner d'exemple précis que
les régions en métropole ont dans certains cas des services de communication aussi étoffés.
Il convient d'ajouter à cet effectif, les agents des services que l'on pourrait qualifier de satellites ou
rattachés comme le service communication de la délégation de la Polynésie française (DPF) à
Paris. Le journaliste en place assure, selon le rapport annuel, une couverture de la presse (renvoi
vers l'agence tahitienne de presse), les relations avec les médias métropolitains et de la Polynésie
française, la gestion du site Internet de la DPF, la collaboration avec Air Tahiti Nui et le GIE Tahiti
Tourisme.
§ Les missions du service
Lors de l'entretien précité du 4 juin 2004, le directeur a détaillé les missions du service :
- la gestion des communiqués du gouvernement et la production de communiqués pour le site
Internet de la présidence et ceci en trois langues, français, reo maohi et anglais (ce qui explique le
nombre de traducteurs) ;
- la réalisation de l'hebdomadaire d'information de la Polynésie française " TE FENUA ", du
magazine mensuel d'information en reo maohi " REO FENUA ", de la lettre aux élus (conseillers et
membres des institutions) " Te RATA ", mensuel en deux langues ;
- la couverture de la presse et l'évaluation de l'impact et du suivi du traitement de l'information
jusqu'au public (écoute des différents médias et note de synthèse journalière à l'attention du
président). Ces notes de synthèse font également l'objet de " statistiques " mensuelles portant
notamment sur le taux de reprise par les différents médias des communiqués envoyés aux
médias, soit 623 en 2002 ;
- la réponse aux sollicitations des médias : communiqués mais également photos ;
- le conseil au président en matière de communication, rôle dévolu au directeur du service.
Si le service avait notamment pour souci de mesurer le relais de l'action gouvernementale par les
médias, il avait également pour objet essentiel la promotion de l'image du président.
§ Un contrat de conseil en communication
Le directeur du service n'était pas seul à apporter son concours au président en matière de
communication puisqu'une convention de prestation de service n° 1765/PR avait été conclue en
août 1991 (rendue exécutoire le 9 août 1991) entre le président du gouvernement de la Polynésie
française et une journaliste, alors éditorialiste du journal la Dépêche, pour une mission de conseil
en communication. Une seconde convention n° 010-92/PR signée le 3 mars 1992 (rendue
exécutoire le 9 mars 1992), " se substituant " à la
précédente, a été conclue pour une durée de
six mois renouvelable par tacite reconduction ; elle prenait effet au 1er mars 1992.
Cette convention prévoyait une rémunération forfaitaire mensuelle de 500 000 F CFP par mois "
au vu des rapports adressés au président du gouvernement " . Par un avenant n° 2.1932/PR du 7
octobre 2002, celle ci a été portée à 600 000 F CFP hors taxes (660 000 F CFP avec la TVA).
Cette convention a été maintenue de mars 1992 à juin 2004. Lorsque le service communication de
la présidence a été structuré fin 2000, le contrat n'a pas été remis en cause et la place desdites
prestations par rapport aux missions du directeur du service n'a pas été définie.
Les factures émises par l'intéressée et jointes aux mandats de paiement comportent une
attestation de service fait signé par le chef de cabinet du président du gouvernement.
Lors de l'instruction, les rapports visés dans le contrat ont été demandés au directeur de cabinet
et au prestataire de service. Sans porter un jugement de valeur sur les différents feuillets
communiqués, la Chambre constate que les rapports prévus dans le contrat de prestations se
limitent à de brefs billets apparaissant le plus souvent comme des réactions instantanées à des
événements locaux. Dans sa réponse du 20 avril 2005, l'éditorialiste confirme ceci en précisant : "
mon rôle était beaucoup plus confidentiel basé sur l'actualité immédiate " (...) ; " des entretiens
confidentiels sur la stratégie à mener et les tactiques à utiliser étaient prévues chaque fin de
semaine outre les entretiens quasi quotidiens au téléphone ".
En définitive, le coût total de ces prestations s'est élevé sur la période en cause à 80 millions F
CFP. pour une prestation bien difficile à évaluer quant à son contenu et son impact.
§ Les aides de la présidence à certains médias
Par ailleurs, onze agents recrutés comme collaborateurs de cabinet étaient mis à disposition de "
Radio Maohi ". L'un des agents de cabinet figurant dans la liste du personnel du service
communication était, selon son
directeur, également en fonction à mi temps à Radio-Maohi .
Radio Maohi est une association dont le conseil d'administration est essentiellement composé de
responsables politiques de l'ancienne majorité et de salariés de la Polynésie française. Ces mises
à dispositions font l'objet du paragraphe 4.3. infra.
Une autre association créée le 22 août 2002, " Radio Faa'a - Taui FM " recevait également un
soutien financier de la Polynésie française.
Le budget prévisionnel de l'association adopté en assemblée générale du 29 août 2003 prévoyait
une subvention de la Polynésie française de 6,5 millions sur un total de 14 millions et une
subvention de 18 millions pour l'équipement en matériel. La subvention accordée n'a été que de
9 millions, versée en trois fractions de fin novembre 2003 à mars 2004, sur n° 109.2003 "
subventions diverses président ", AP " générique " à la seule disposition du président (AAP
156.2003).
Alors que des demandes de subvention avaient été transmises fin 2004, c'est par arrêtés n° 1683
et 1684/PR du 8 juin 2004, pendant la période dite des affaires courantes, qu'ont été accordées
une subvention d'investissement de 14 001 987 F CFP pour financer l'aménagement du local, le
matériel bureautique, l'équipement technique (versement de 50% d'avance, AP n° 109.2003, AE
n° 156.2003, chapitre 914 et article 130) et une subvention de fonctionnement de 25 000 000 F
CFP (versement de 100% prévu au sous-chapitre susvisé, subventions aux associations
diverses).
Les mandats correspondants (32 millions) ont été rejetés le 4 juillet 2004 par le payeur de la
Polynésie française qui s'interrogeait sur la notion d'urgence et d'affaires courantes et qui
demandait la confirmation de la validité de la dépense. Sa demande étant restée sans réponse
avant le délai fixé au 20 juillet, les sommes n'ont pas été versées.
L'absence d'émission de la radio depuis la décision du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) du
25 mars 2003 arrêtant la liste des candidats pour l'exploitation de services de radiodiffusion en
Polynésie française n'est dû qu'au retard pris par le CSA à accorder les autorisations d'émettre.
3.2. Les missions relevant en fait de services administratifs
3.2.1. Les missions de logistique
Nombre d'affectations portées sur la liste des agents de cabinet mentionnent des emplois de
secrétariat, de documentation, d'hôtesses du protocole, d'agents de sécurité, de femmes de
ménage, de cuisiniers, serveurs, chauffeurs, agents de maintenance (garage et bâtiments) et de
jardiniers. Un peu moins de 120 agents étaient ainsi sous contrat cabinet alors que leurs fonctions
relèvent de missions traditionnelles de l'administration.
A posteriori, l'arrêté n° 2004/281 CM du 23 décembre 2004 créant le service des parcs et jardins
confirme cette analyse et régularise la situation des personnels.
Le service des opérations aériennes (5 agents), mis en place lors de l'acquisition de l'avion ATR
42-500, relève également de la logistique. En année pleine, le montant des dépenses prévues
pour 2004 était de 94 millions de F CPF dont près de 50 millions pour l'entretien et les réparations
(un marché d'assistance d'exploitation a été conclu le 20 juin 2003), 19 millions pour l'assurance
et 12 millions pour les carburants. Le montant annuel des salaires des cinq agents s'élevait à
environ 40 millions.
In fine, le fonctionnement de l'ATR pouvait être évalué entre 140 et 150 millions de F CFP par an,
hors amortissement de l'appareil.
La liste des déplacements de l'ATR 42-500 a été demandée au service de l'aviation civile. On
dénombre sur la période du 21 juin 2003 au 11 juin 2004, pratiquement un an, 202 mouvements
sur 138 jours d'utilisation, plusieurs mouvements pouvant être réalisés dans la même journée.
Dans un document transmis en janvier 2004, le responsable du service des finances de la
présidence avait dénombré 25 jours d'utilisation de l'avion dans le cadre de tournées dites
administratives pour la période de septembre à décembre 2003. Les données de l'aviation civile,
indiquent pour la même période, 59 jours d'utilisation, ce qui laisse à penser que l'utilisation de
l'appareil ne correspond pas toujours à un usage administratif (soit la moitié des déplacements
pour la période). La fréquence des mouvements sur Tupai, Bora-Bora et Fakarava reste sans
explication puisque la liste des missions et les listes des passagers n'ont pas été communiquées à
la Chambre.
Par ailleurs, le pilote chargé de la gestion technique de cet appareil, uniquement affecté à des
tâches civiles, déclare que " pour des raisons de sûreté et de sécurité, il a été convenu avec
l'Aviation Civile qu'une liste des passagers serait éditée et gardée à mon bureau durant le temps
de la mission. Cette liste, n'ayant plus d'utilité au retour des passagers et tenant compte des
conditions d'exploitation de l'aéronef, n'était pas archivée ".
En l'absence des différents documents susvisés de nature à justifier l'utilisation de l'appareil
appartenant à la collectivité d'outre-mer, une analyse économique des coûts n'a pu être effectuée.
3.2.2. Les services assurant le fonctionnement interne du cabinet
Compte tenu de l'effectif du cabinet, un service dénommé " finances et personnel de la présidence
" a été créé, fort de 14 personnes. Cette organisation interne du cabinet de la présidence était
calquée sur celle des services de l'administration territoriale. Le circuit de l'exécution de la
dépense publique attachée à la Présidence se réalisait conformément aux règles en vigueur, en
matière de procédures et de contrôles internes, applicables à tous les services administratifs. Par
contre, en ce qui concerne les personnels et pour un motif de confidentialité, le service du
personnel de la Polynésie française ne gérait pas les dossiers des agents. Ce dernier n'avait
aucun document concernant les emplois de cabinet, et, même pour les fonctionnaires détachés, il
était dessaisi des dossiers.
Les agents affectés au service du personnel et des finances de la présidence étaient eux mêmes
nommés sur des emplois de cabinet (le plus souvent des fonctionnaires détachés) bien que leurs
tâches fussent administratives. Leur contrat ou leur arrêté de détachement comme pour tous les
agents de cabinet imposait une stricte confidentialité.
3.2.3.Les services assurant une mission spécifique
§ Le service d'études techniques (SET)
Certains services " internes " du cabinet avaient des missions spécifiques.
En 2000, le président a souhaité constituer le service d'études techniques -SET- à côté de la
cellule de " coordination des grands travaux " (chargée de la cohérence de la politique
gouvernementale pour les opérations importantes d'investissement) et des services du ministère
de l'équipement afin d'avoir à sa disposition un service ayant une capacité d'études et de suivi de
travaux.
Les exemples d'opérations réalisées par le SET et citées par le responsable du service mettent en
évidence le fonctionnement " au coup par coup " du SET, dont les missions devaient s'articuler
avec celles des services de l'équipement, de " l'établissement des grands travaux " (EGT) et du
groupement d'intervention de la Polynésie (GIP).
Il s'agit le plus souvent d'études d'avant-projets ou de faisabilité. A titre d'exemple, dans les rares
archives du service a été retrouvée une étude intitulée " aménagement du centre administratif de
NUKUMARU-ARATIKA. Il s'agissait selon le rapport de présentation de désenclaver l'île, par la
construction d'un quai et d'un aérodrome (travaux sous la conduite de l'équipement) : " la
présidence de la Polynésie souhaite de plus, améliorer la vie ainsi que la gestion administrative et
médicale en créant un véritable centre urbain qui comprendra tout d'abord la réalisation du centre
administratif de NUKUMARU autour duquel s'installeront ensuite le nouveau village d'ARATIKA et
des activités économiques ". Le coût global de l'opération prévue était de 2,9 milliards F CFP.
L'atoll comprend
300 habitants. L'étude du SET révèle également qu'un projet hôtelier de 80 bungalows sur pilotis
était à l'étude.
Lorsque le service avait la conduite d'une opération, il recevait des subdélégations de crédits des
services dépensiers, ministère ou GIP.
L'importance de l'effectif du service, 14 personnes à compétence technique, révèle que la mission
du SET était difficilement assimilable à une mission de cabinet. Cette cellule agissait en qualité de
prestataire de service, son action (pouvant d'ailleurs relever d'une administration) devait s'intégrer
dans la mise en place de plus vastes opérations avec les difficultés de coordination que cela
induit.
§ Les autres services
La mise en place de services spécifiques au niveau du cabinet de la présidence s'expliquait par la
volonté du président d'avoir des cellules restreintes mais très réactives par rapport aux circuits
administratifs habituels.
Dans cet esprit, quelques services internes au cabinet de la présidence ont été créés au
démarrage de certains grands projets. Il en est ainsi pour la cellule des grands travaux
(devenu
ultérieurement établissement public des grands travaux) et le " département du développement
des activités touristique " (devenu plus tard " service des aménagements et activités touristiques "
SAAT).
Dans les deux cas précités, le cabinet a hébergé pendant une phase de structuration une cellule
qui à terme est devenue une des composantes administratives de la Polynésie française ou un de
ses établissements publics.
L'examen par la Chambre du secteur du tourisme a cependant montré que la création du
département des aménagements touristiques, par démembrement du service du tourisme, puis sa
transformation en service autonome (SAAT) et enfin, son rattachement au service du tourisme, a
quelque peu désorganisé ce dernier.
On note par ailleurs et dans un autre secteur que des services de la présidence et des services de
l'administration de la Polynésie française pouvaient intervenir concomitamment sur certaines
opérations (SET et GIP ou services de l'équipement) et la coordination de l'action de ces différents
services n'était pas toujours aisée.
Il n'avait d'ailleurs pas été mis en place d'organigramme définissant les relations fonctionnelles
entre les différents services.
3.3. Les services aux missions diffuses
Les missions des différents services évoqués supra étaient facilement identifiables
même si elles
ne relevaient pas toujours de celles traditionnellement dévolues aux cabinets. Certains services
ou cellule du cabinet avaient à la fois des missions de cabinet et des missions administratives
difficilement dissociables dans la pratique.
3.3.1. Le service d'assistance aux particuliers - SAP -
§ Un service créé dès 1986, à structure décentralisée et dont l'effectif a explosé
Le service a été créé en 1986 par le président SANFORD sous l'appellation de " service des
affaires tahitiennes ", puis sa dénomination fut " service des affaires polynésiennes " pour devenir
récemment SAP, en 2001. Il a été sous la direction d'une même personne de 1986 à juin 2004.
Déjà en 1988, l'organisation du service s'articulait en une cellule centrale (comprenant plusieurs
sections en fonction des principaux thèmes : affaires foncières, jeunesse, emploi, affaires sociales
et habitat, artisanat polynésien, traduction et interprétariat) et des antennes décentralisées situées
dans les zones rurales de Tahiti et dans les îles, dirigées par un chef de section.
Les affaires polynésiennes comportent en 1989, 13 agents, 6 à la présidence et 7 répartis entre
trois antennes : Taravao, Huahine et Tahaa. Le 3 mai 1994, une note du président du
gouvernement mentionnait 18 noms, 7 agents à la direction et 11 agents répartis entre cinq
antennes, les trois précédentes auxquelles s'ajoutent les Marquises et Uturoa. A cet effectif, il
convenait d'ajouter les 11 afaifai parau (porte parole du gouvernement).
En 2004, l'organisation est toujours la même mais les effectifs ont considérablement augmenté.
Huit personnes y compris le chef de service sont installés dans les bureaux de la présidence. On
dénombre 27 antennes pour un effectif de plus de 132 personnes. Le SAP comprend donc un
effectif total de l'ordre de 140 agents, quasiment tous en contrat de cabinet (deux ou trois agents
sont détachés de la fonction publique, dont le chef de service).
Pour plus de la moitié, les antennes sont installées dans les locaux des mairies. La présidence a
signé des baux de location pour l'ensemble des locaux occupés par le SAP.
Le recrutement des agents des antennes est effectué directement par le président de la Polynésie
française. C'est souvent le maire et/ou l'élu territorial qui demande l'implantation d'une antenne ; il
suggère donc les noms des personnes à engager.
Globalement le coût annuel du personnel (140 agents) affecté au SAP est de l'ordre de 450
millions F CFP avec les charges sociales. Cette estimation a été faite par la Chambre car il
n'existe pas de subdivision au sein de la masse salariale de la présidence.[Ce coût peut être
rapproché de la masse salariale des agents du ministère des affaires sociales et de la solidarité
qui comporte également des antennes dans les circonscriptions. En effet les missions du SAP
recouvrent pour partie celles des services sociaux qui sont notamment chargés " de coordonner et
soutenir l'action sociale des collectivités publiques ou organismes privés ". L'effectif total des
affaires sociales était de 212 agents fin 2002 (source rapport annuel) pour un coût salarial de 950
millions F CFP avec les charges. Les salaires versés aux agents du SAP sont moins élevés que
ceux des fonctionnaires de la fonction publique territoriale ; le salaire
moyen des agents du SAP
est inférieur à 200 000 F CFP.].
La liste des baux de location des locaux pour les antennes a été produite par le service comptable
de la présidence ; le montant annuel des loyers est de l'ordre de 16 millions. Les autres coûts de
fonctionnement ne peuvent être individualisés, car imputés de façon globale dans le centre de
travail 6200 ''présidence'' : les moyens sont selon les dires du responsable du service, un
ordinateur par antenne et l'on dénombre trois véhicules mis à disposition.
A minima, le coût de fonctionnement du service est de l'ordre de 500 millions F CFP (dont 450
pour les salaires et 16 pour les locations). Il constitue une part importante des dépenses du
cabinet de la présidence.
§ Un service au sein du cabinet avec des multiples missions
C'est volontairement qu'à l'origine ce " service " était considéré comme une cellule du cabinet [La
seule référence officielle de l'existence du service apparaît de façon incidente dans la délibération
n° 2003-165 APF du 9 octobre 2003 relative aux conditions d'admission au RST (régime de
solidarité territorial) qui prévoit que la demande d'admission peut être déposée à la mairie de
résidence, au SAP ou au service social le plus proche.].Ses missions, fixées dans une note
interne de janvier 1989 avaient un double objectif : d'une part " assurer et organiser l'accueil,
l'information, l'orientation des polynésiens qui en font la demande dans la réalisation de leurs
projets d'ordre social, sportif, culturel ou artisanal ainsi que dans l'accomplissement de leurs
démarches administratives " et d'autre part, informer et rendre compte au président " des
problèmes d'ordre général ou particulier exposés par les usagers ".
Ces missions d'ordre administratif, si l'on s'en tient à cette note interne précitée, expliquent les
implantations délocalisées dans les archipels, proches des mairies. L'accueil et l'orientation des
polynésiens dans leurs demandes sociales, juridiques, d'affaires de terres, d'emploi ou d'habitat
relèvent tout autant des communes, des antennes du service social de la Polynésie française ou
des circonscriptions administratives de l'administration territoriale.
Malgré les tâches administratives qui lui étaient dévolues et son effectif important, cette cellule du
cabinet n'a été érigée en service de l'administration de la Polynésie française que le 30 décembre
2004 pour prendre la dénomination de " service d'assistance aux populations " (arrêté n° 398 CM-
JOPF du 13 janvier 2005), alors même que dans une note du 26 avril 1994, le chef de cabinet du
président, préconisait déjà une officialisation du service.
Le SAP est donc un relais entre les polynésiens et l'administration et ce sont les habitants qui font
une démarche auprès des antennes, il est d'ailleurs appelé désormais mais non officiellement "
service à guichet ouvert " (source : organigramme de la présidence de la Polynésie française).
L'activité du service se mesure grâce aux fiches remplies pour chaque demande, fiche intitulée
"Requête à Monsieur le Président du Gouvernement du Territoire de la Polynésie française ". Ces
fiches sont transmises mensuellement au service central afin que la responsable puisse suivre et
contrôler l'activité des antennes. Des tableaux de présence sont également produits.
Plusieurs dossiers statistiques ont été consultés lors du contrôle et ont permis de dresser un
tableau d'activité pour le début de l'année 2004 et des sondages ont été réalisés à partir des
bilans des différentes antennes.
Quelle que soit l'antenne, la productivité reste faible, moins de un dossier par jour et par agent, la
moyenne étant plus proche vraisemblablement de 0,6 dossier par jour et par agent [Il est certain
que les fiches ne récapitulent pas toutes les tâches effectuées par les antennes. Ainsi, dans les
comptes rendus mensuels on peut noter que les agents ont eu à recueillir des informations pour le
" fonds d'entraides aux îles " (FEI) ou encore que les agents ont accompagné l'enquêteur de "
l'office polynésien de l'habitat " (OPH) sur le terrain.].
Cependant au delà des missions administratives évoquées ci dessus, d'autres agents du SAP
avaient pour mission essentielle d'expliquer et de promouvoir l'action du gouvernement. Déjà en
1994, le chef de cabinet alors en fonction évoque ces " porte-parole " en langue vernaculaire "
afaifai parau ". Ils doivent assurer par voie orale, mais aussi à l'aide des supports en langue
tahitienne, la bonne compréhension de l'action gouvernementale en vue de sa vulgarisation en
milieu tahitianophone. Pour ce faire, ces agents sont réunis une fois par semaine pour un "
briefing " hebdomadaire, le mardi matin. " L'afaifai parau " est avant tout un porte-parole de l'action
de la majorité gouvernementale. Dès lors qu'il n'assure pas de taches administratives, ils ne sont
pas souvent présents dans les locaux des antennes du SAP (" démarchage " sur le terrain).
Leur nombre par rapport à l'effectif total du SAP n'a pas été précisé.
Il est difficile de faire la distinction entre les missions administratives et la mission de
communication ou de promotion gouvernementale. Dans une note établie le 29 février 2004
adressée au chef de cabinet du président et qui faisait le point sur l'activité du service, la
responsable du SAP notait, dans l'annexe à la dite note, que " les missions du service entre le
politique et l'administratif sont indissolubles. Nous avons pu " entretenir " nos idées politiques sans
le dire ouvertement dans le fonctionnement quotidien du service ".
Cette confusion est renforcée par le fait que certains agents du SAP sont également élus
municipaux ou maires des communes auprès desquelles ils sont affectés. Près de vingt agents
sont ou ont été dans cette situation.
Lorsque le maire est en même temps responsable de l'antenne du SAP de sa commune (trois
agents sont ou ont été dans ce cas de figure), l'administré ne connaît nullement les fonctions
assurées par ce dernier au sein du SAP.
3.3.2. La cellule jeunesse
Certains documents retrouvés dans les dossiers du service du personnel ainsi que les dossiers
transmis par le Procureur de la République, font part de l'existence d'une cellule jeunesse, parfois
dénommée également ''département jeunesse''. Ce service, division interne du cabinet, n'existe
plus depuis le départ, mi-2002, de son responsable.
Les agents de cabinet affectés à cette cellule avaient comme ceux du SAP une double mission,
d'aide à la population et de porte-parole de l'action gouvernementale.
Cependant, leurs démarches étaient essentiellement orientées vers les jeunes afin de les aider
pour la constitution de dossiers d'insertion, de demandes d'emploi ou de logement. Ils avaient
comme pour les agents du SAP, un secteur géographique et rendaient compte de leurs
démarches au chef de service.
L'effectif de la cellule était compris entre 40 et 50 personnes en fonction des départs et des
recrutements. L'initiative de ces derniers relevait, comme pour tous les agents de cabinet, du
président. Après le départ du responsable, la plupart de ces agents ont été mis à disposition de
l'IJSPF (institut de la jeunesse et des sports de la Polynésie française), par une convention dite
d'assistance technique du 9 juillet 2002.
La Chambre déplore l'absence de documents d'archives. Ni les services de la présidence, ni
l'ancien responsable, lors de son audition par la Chambre le 10 novembre 2005, n'ont pu produire
de pièces permettant d'évaluer l'efficacité et l'utilité des missions de cette cellule.
3.4. Le service d'études et de documentation (SED)
§ Un service officiellement créé au sein du cabinet de la présidence en 1997
Le SED a été officiellement créé par arrêté n° 223/PR du 13 mai 1997 " portant organisation du
service d'études et de documentation de la Présidence du gouvernement " (publié au JOPF du 22
mai 1997).
L'article 1er de l'arrêté mentionne qu'il " est créé un service d'études et de documentation
directement rattaché au président du gouvernement ". Les moyens de fonctionnement sont
imputés sur les crédits ouverts pour la Présidence du gouvernement (article 2).
" Ce service est plus spécialement chargé (article 3) :
- de recenser la documentation existante au sein des structures administratives et d'en établir
périodiquement une synthèse ;
- de réaliser toutes études prospectives dans les domaines économique, scientifique et culturel,
susceptibles d'orienter les choix de la politique du gouvernement. "
- " Les agents de ce service sont tenus au secret professionnel pour toutes les informations qui
seraient portées à leur connaissance dans le cadre des études ".
Bien qu'officiellement institué, ce service ne constitue qu'une cellule au sein du cabinet de la
présidence puisque les services de l'administration territoriale devaient alors être créés par
délibération de l'assemblée [Hormis l'arrêté du président l'ayant institué, ce service n'apparaît
dans aucun autre document et notamment il n'existe pas de compte rendu de son activité dans le
rapport annuel du président du gouvernement à l'assemblée compte pour les autres services
territoriaux créés par délibération.] Le chef du service a précisé lors d'un entretien le 7 juin 2004,
que c'était à sa demande, à l'occasion de son recrutement, qu'un arrêté avait été pris par le
président concernant la création du service. Cela a été confirmé lors de l'entretien préalable avec
l'ordonnateur.
§ L'évolution des effectifs et la qualification professionnelle des agents
Une note du directeur de cabinet du président de la Polynésie française du 26 avril 1994 relative à
la structuration des effectifs de la Présidence faisait déjà mention d'un " bureau d'études ".
Placé
sous l'autorité d'un officier de gendarmerie en retraite, le service comportait alors trois agents.
En juin 2004, l'effectif était de seize agents. La masse salariale annuelle était de 85 millions F
CFP.
Le responsable du service et son adjoint étaient deux anciens agents des services de
renseignements français et l'encadrement est assuré par d'anciens gendarmes ou militaires.
Plusieurs agents étaient auparavant recrutés au GIP (groupement d'intervention de la Polynésie),
mais au terme de deux contrats à durée déterminée, il leur avait été proposé un contrat de
cabinet.
Le profil des recrutements était donc peu en rapport avec les missions de documentation du
service mentionnées dans l'arrêté de création.
§ Les missions effectives du service : un service de renseignements
Lors de l'entretien précité du 7 juin 2004, le responsable du SED a expliqué que les missions de
son service s'apparentaient à celles du service des " renseignements généraux " de l'Etat. Dans le
compte rendu d'entretien, il précise que " le service a pour mission de collecter des
renseignements d'ordre économique, culturel, social et politique.
...
Le service comporte deux cellules. L'une, sous la responsabilité de l'adjoint au chef de service,
basée à Motu Uta (zone du GIP - groupement d'intervention de la Polynésie), constitue en fait "
l'équipe discrète " qui recueille les informations auprès de la population notamment lors des
manifestations publiques (politique, syndicale, sportive...).
Les moyens financiers relèvent du budget de la présidence. Les moyens matériels étaient
constitués
par plusieurs véhicules (4 voitures et deux scooters), trois caméscopes, des appareils
photos, dictaphone et un récepteur radio. Les véhicules possédaient des cartes grises de
l'administration territoriale et des plaques d'immatriculation banalisées.
Parmi les personnels placés sous l'autorité directe du chef de service à la présidence, l'un est plus
spécialement chargé du secteur des syndicats professionnels, deux autres agents (gendarmes en
retraite) sont en liaison avec la gendarmerie, les R.G. et la police.
Les renseignements recueillis par la cellule de Motu Uta sont transmis chaque jour au chef de
service qui lui-même fait un rapport chaque soir, écrit ou oral selon les circonstances, au directeur
du cabinet du président de la Polynésie française. Les relations directes avec le président Gaston
FLOSSE restent très rares ".
Le compte rendu de l'entretien du 8 juin 2004 avec l'adjoint au chef de service confirme les propos
ci dessus relatés.
Dans un procès-verbal d'audition, devant un officier de police judiciaire, le chef du service avait
déjà déclaré en 2003 que son " rôle étant de renseigner le président du gouvernement " il
s'entourait pour cela " de gens susceptibles de (...) fournir le plus d'informations. "
Il indiquait également qu'il avait fait recruter dans son service, pour un travail de renseignement,
un conseiller municipal d'une commune d'opposition par le biais d'un contrat de cabinet. Un autre
agent, également en contrat de cabinet, était chargé de surveiller le GIP de l'intérieur.
Il ajoutait également : " Bien sûr, à chaque fois, je soumets mes projets au président du
gouvernement qui les accepte ou les rejette... "
D'autres procès-verbaux d'audition notamment d'agents du service confirment l'activité de
renseignement exercé par le service.
Le directeur de cabinet du président, lors d'un entretien le 8 juin 2004 et le président au cours de
l'entretien préalable du 23 février 2005 ont confirmé les missions de renseignements du service.
Selon les responsables politiques[Selon les termes de la réponse du 8 septembre 2005 de
M.Gaston FLOSSE], " la Polynésie française n'ayant pas en propre le pouvoir de réprimer les
atteintes potentielles à l'ordre public et étant dans l'obligation d'être informée en continu du climat
économique et social induit par la préparation et les suites des mesures de sa compétence, il était
légitime qu'elle puisse disposer d'un tel outil d'information ".
Il est bien évident que ce service à leurs yeux ne peut intervenir dans les domaines qui sont du
ressort de l'Etat, telle la sécurité extérieure par exemple. Mais la Polynésie française est une
institution de la République et son gouvernement doit donc avoir les moyens de s'informer dans
son domaine de compétence (grèves, mouvements sociaux...), alors que le service des
renseignements généraux n'est qu'à la disposition de l'Etat.
Pour ces responsables, la Polynésie française a une compétence d'ordre général et l'activité de "
renseignement " en vue de la sécurité intérieure est incluse dans cette compétence.
Aucun texte ne donne cependant compétence à la Polynésie française pour agir dans ce domaine
spécifique.
Les lois statutaires de 1984 (n° 84-820 du 6 septembre 1984), de 1996 (n° 96-312 du 12 avril
1996) et la loi n° 2004-192 du 27 février 2004 disposent que les autorités de la Polynésie
française sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas dévolues à l'Etat.
La loi de février 2004, précise à l'article 14 que l'Etat est compétent en matière de " sécurité et
ordre publics, notamment maintien de l'ordre ". L'article 3 de la loi de 1984 (alinéa 9) et l'article 6
(alinéa 6) de la loi de 1996 indiquaient aussi que le maintien de l'ordre était du ressort de l'Etat.
Par ailleurs la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 sur la sécurité intérieure dispose à son article 120
que le représentant de l'Etat " anime et coordonne la prévention de la délinquance et l'ensemble
du dispositif de sécurité intérieure " en Polynésie française. " A cet effet, sans préjudice des
missions de la gendarmerie relevant de la défense nationale, il fixe les missions autres que celles
qui sont relatives à l'exercice de la police judiciaire et coordonne l'action des différents services et
forces dont dispose l'Etat, en matière de sécurité intérieure. "
Le service des renseignements généraux de Polynésie française est placé sous l'autorité du haut-
commissaire de la République en Polynésie française. Ses missions sont fixées par l'arrêté du 6
novembre 1995 : renseignement et analyse des problèmes de société, du terrorisme, contrôle des
établissements de jeux et des champs de course (abandon de la surveillance des partis politiques
en 1994). Un " bureau d'études " sous l'autorité directe du représentant de l'Etat est également
chargé de rassembler et d'étudier les informations économiques, politiques et sociales.
La collecte de renseignements afin d'assurer la sécurité intérieure reste donc de la compétence
de l'Etat.
La nature véritable des missions du SED n'était pas clairement exposée. Cependant et selon les
déclarations du responsable du service et de son adjoint, des informations étaient échangées
entre les agents de l'Etat et ceux du SED issus parfois du même corps de fonctionnaires. Les
procès-verbaux d'audition, dans le cadre des enquêtes diligentées par le juge d'instruction, ne
cachent pas ces échanges d'informations. Dans les faits, les missions réelles du service
semblaient donc connues des services homologues de l'Etat.
§ L'absence de tout document d'archives
Dans le compte rendu de l'entretien précité du 7 juin 2004, le responsable du service a déclaré au
rapporteur qu'il ne détenait plus aucun document " son ordinateur ayant été remplacé, depuis
quelques jours avant cette audition par un agent du service informatique de la présidence(...) ". Il
précise que ce renouvellement n'a pas été fait à sa demande. Il précise également qu'il " n'a pas
fait de sauvegarde des documents archivés dans son ordinateur et (...) qu'il ne désirait plus
exercer ce genre de fonction et dans ces conditions ne voulait pas conserver d'archives. "
Selon le responsable du service informatique de la présidence, il s'agissait d'une opération
normale de remise à niveau du matériel et, conformément aux instructions d'une circulaire en
vigueur depuis plusieurs années, chaque chef de service était responsable des données produites
dans son service.
L'absence d'archives a également été constatée dans les locaux du SED hébergés dans la zone
du G.I.P. à Motu Uta. L'ordinateur de la cellule, qui appartenait à l'adjoint du chef de service, avait
également été " nettoyé ", notamment de tous les documents concernant les mouvements
politiques alors d'opposition. Hormis quelques documents photographiques relatifs à l'entretien
des bateaux du G.I.P, aucun document relatif à l'activité du service n'a pu être produit.
In fine, la Chambre constate que des documents ont été effacés, documents qui pouvaient
l'intéresser dans son examen de la gestion et qui auraient permis de constater la nature et la
réalité du service fait.
Il convient de rappeler que l'article L 272-44-1 du code des juridictions financières (introduit par la
loi du 27 février 2004/ JORF du 2 mars 2004) dispose : " Le fait de faire obstacle de quelque façon
que ce soit à l'exercice des pouvoirs attribués par le présent code aux magistrats et rapporteurs
de la chambre territoriale des comptes est puni d'une amende de 15000
euros "
Le président de la Polynésie française a réaffirmé, lors de l'entretien préalable (comme dans sa
lettre du 26 février 2005) qu'il ne détenait aucun des documents que lui transmettait
quotidiennement le chef du SED ; seul l'intéressé était à même de dire s'il existait encore des
archives.
§ Un consultant très confidentiel
Le 14 janvier 1997, le président du gouvernement a conclu une convention de prestation de
service avec un consultant, pour une durée de 6 mois à compter du 1er janvier 1997, renouvelable
par tacite reconduction.
Cette convention confie à l'intéressé, ancien militaire, une mission d'études et d'informations sur
l'évolution économique, sociale et politique du territoire. La rémunération est fixée à 450 000 F
CFP par mois, payables au vu des rapports hebdomadaires adressés au président du
gouvernement.
L'avenant n° 1 du 4 février 1997, qui ne compte qu'un article, précise que : " les rapports
hebdomadaires présentés par M
.......
ont un caractère de stricte confidentialité. Ces documents
sont insusceptibles d'être communiqués à quiconque hors de l'accord exprès du cocontractant ".
L'avenant n° 2 du 7 février 1998 précise que la rémunération s'entend hors TVA et l'avenant n° 3
du 17 juillet 2002, précise qu'à compter du 15 mars 2002, la rémunération est ramenée à 300 000
F CFP HT/mois.
En fait la mission du consultant relevait également d'une mission assimilable à celle des "
renseignements généraux ".
Le service fait était attesté par le chef de cabinet du président sur les notes d'honoraires jointes
aux mandats.
Comme précédemment les rapports du consultant n'ont pu être obtenus, ce dernier précisant que
" selon les consignes données par le président du gouvernement Gaston FLOSSE, une
interdiction de conserver des copies m'a été formellement notifiée. "
Le destinataire des rapports, M. Gaston FLOSSE, a indiqué : " Les rapports de M
.....
étaient remis
au chef de service Etudes et Documentation qui en intégrait le contenu dans les notes qu'il me
transmettait quotidiennement par l'intermédiaire du directeur de mon cabinet.
Je ne suis pas matériellement en mesure de vous communiquer des documents que je ne
possède pas ".
Cette mission se rattache aux activités du SED et l'on peut s'interroger également sur le
fondement juridique d'une telle prestation.
En l'absence de tout document, aucune évaluation ne peut être faite par la Chambre quant à la
réalité de la prestation payée, soit plus de 36 millions depuis 1997.
3.5 Des missions au cas par cas
Certains agents de cabinet ne sont pas rattachés à un service et ne figurent dans aucun
document interne du cabinet (même pas sur l'organigramme téléphonique). L'examen de la
situation de ces agents révèle des missions aux contours diffus.
Un ancien président d'une entreprise de transport a été recruté le 12 février 2002 au cabinet de la
présidence en qualité de chargé de mission avec une rémunération mensuelle de 660 000 F CFP
brut. La signature de ce contrat est intervenue après le dénouement, grâce à la médiation du
président du gouvernement, d'un conflit social affectant les transports en commun ayant abouti à
la paralysie des transports de la ville de Papeete la semaine du 16 au 23 janvier 2002 et dans
lequel l'intéressé était partie prenante.
Il a agi, concernant les îles-sous-le-vent, comme relais de diverses demandes formulées par les
agriculteurs et les transporteurs, comme initiateur pour la mise en place de coopératives
regroupant des agriculteurs, comme promoteur d'actions en faveur de l'environnement.
D'autres contrats de cabinet correspondent plutôt à des emplois sociaux dès lors que les agents
déclarent eux mêmes dans les procès-verbaux dressés par la police judiciaire, soit qu'ils
poursuivent leur ministère de pasteur (pour un agent) soit qu'ils ne peuvent définir avec précision
leurs fonctions.
Plusieurs maires[Le coût des contrats cabinet accordés aux neuf maires des communes faisant
l'objet de la présente observation s'élève à 142 millions F CFP, pour la durée de leur contrat.] ont
également bénéficié d'un emploi de cabinet, sans être pour autant responsable d'une antenne
locale du SAP comme évoqué précédemment au point 3.3.1. Les missions qui leur étaient
dévolues faisaient parfois l'objet d'une lettre formulée dans des termes généraux. Ils étaient
chargés de " relayer les actions du gouvernement dans les domaines économique, social et
culturel " dans la commune où ils étaient maires.
Il était impossible au citoyen de la commune de savoir que le maire était
un salarié du cabinet de
la présidence et de distinguer ses fonctions de salarié de celles de premier magistrat de la
commune.
Certains maires ont cependant pu attester d'un service fait en communiquant à la Chambre des
documents relatifs aux missions qui leur étaient imparties.
Dans un cas enfin, il a été relevé qu'un agent de cabinet avait été chargé des problèmes fonciers
liés à des aménagements urbains dans la commune où il exerçait une activité d'assureur,
subsidiairement selon ses dires, alors que l'article deux de son contrat stipulait que l'agent "
s'engage à réserver l'exclusivité de son activité au gouvernement de la Polynésie française ".
4) Les mises à disposition
4.1. Les effectifs mis à disposition
Avant de dresser le constat du nombre d'agents mis à disposition, il convient de rappeler que la
délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995 portant création de cabinets auprès du président et
des membres du gouvernement dispose :
Article 1 : "Il est créé auprès du président (...) des cabinets chargés d'assister les membres du
gouvernement dans leurs tâches de direction, d'animation et de coordination des services relevant
des secteurs dont ils ont la charge, et d'assurer leurs secrétariat ;
Article 4 : "La qualité de membre de cabinet est incompatible avec l'affectation à un emploi
permanent à temps complet d'un service ou d'un établissement public territorial ".
Par ailleurs, les contrats de recrutement des agents de cabinet stipulent tous que " l'agent
s'engage à réserver l'exclusivité de son activité au gouvernement de la Polynésie française ".
Lors de la création des cabinets, la réglementation n'envisageait pas une mise à disposition des
agents recrutés intuitu personae.
Toutefois on constate que le tableau récapitulatif des agents du cabinet et des services rattachés
à la présidence figurant au point n°1 du présent rapport mentionne que 119 agents du cabinet
(soit 19 % des 626 agents/cabinet, mais plus de 25% des 466 contrats de droit privé) étaient,
début 2004, mis à disposition d'autres organismes. Un agent sur cinq, recruté comme
collaborateur direct du président, n'assure donc pas ses fonctions au sein du cabinet.
Les mises à disposition ont fait, surtout à partir de 1999, l'objet de conventions de mise à
disposition (parfois pour régularisation), conclues entre le président de la Polynésie française et
l'organisme concerné (à l'exclusion des organismes publics). En fonction du type d'organisme, les
fondements juridiques de la mise à disposition sont différents.
4.2. Les mises à disposition auprès des personnes morales
Environ quarante agents travaillaient en fait auprès d'associations ou de fédérations sportives et
d'associations ayant pour objet l'insertion, la formation ou l'aide sociale.
§ Le fondement juridique de la mise à disposition
Les conventions conclues avec les personnes morales de droit privé se référent à l'arrêté n°1172
CM du 31 août 1999 (JOPF du 9 septembre 1999). Celui-ci précise que les agents de cabinet
peuvent être mis à disposition auprès des personnes morales citées à l'article 9 de la délibération
n°95-219 AT modifiée du 14 décembre 1995 relatives aux différentes positions des fonctionnaires,
lesquels peuvent être placés notamment auprès d'associations ou organismes à but non lucratif
sous certaines conditions.
Cet arrêté mentionne également que " les agents de cabinet peuvent être mis à disposition
d'autres cabinets, de services ou d'établissements publics de la Polynésie française ". Cette
disposition est cependant en contradiction avec les termes de l'article 4 de la délibération n 95-
129 AT du 24 août 1995. Par ailleurs, c'est le conseil des ministres qui a modifié une délibération
de l'assemblée de la Polynésie française portant sur le régime des agents alors que la loi
statutaire ne lui donne aucune compétence en ce domaine (sa compétence se limite au régime
indemnitaire). En dépit de ces contradictions et en l'absence de déféré du haut-commissaire,
l'arrêté précité est exécutoire.
Ce dernier précise qu'une convention doit être signée. In fine, le président qui a l'initiative du
recrutement du collaborateur de cabinet prononce également la mise à disposition de l'intéressé
(avec son accord) et signe ladite convention.
Il s'avère toutefois que certaines mises à disposition ont été faites avant la publication de l'arrêté
de 1999 comme le prouvent certaines conventions de régularisation. Avant sa parution, toute mise
à disposition n'avait aucun fondement et était dans ces conditions en contradiction avec les
propres termes du contrat de cabinet qui dans tous les cas prévoyait l'exclusivité de l'activité de
l'agent.
Le rapport de présentation en conseil des ministres de l'arrêté du 31 août 1999 précisait que " les
agents [de cabinet] peuvent être amenés à travailler pour le compte de personnes morales
relevant des ministères auxquels ils sont affectés dans le cadre d'une mise à disposition ".
L'exposé des motifs sous-tend donc que certains agents de cabinet en activité travaillant de façon
constante avec des organismes de droit privé, dans le cadre de leurs fonctions et dans le
prolongement des actions des ministères peuvent être mis à disposition. Il a pu être constaté
cependant que certains agents n'avaient jamais travaillé à la présidence.
Dans la plupart des cas, c'est le président de l'organisme qui sollicitait la mise à disposition de
l'agent parce que l'association n'avait pas de ressources suffisantes.
Il s'agit en fait d'une subvention accordée à l'organisme sans que celui-ci soit mentionné dans le
budget de la Polynésie française et sans que la subvention apparaisse dans la liste prévisionnelle
jointe en annexe audit budget.
Ces subventions sous forme de contrats de cabinet pouvaient d'ailleurs venir en complément de
subventions accordées par la collectivité d'outre-mer. C'est le cas de plusieurs associations
notamment de Tahiti Nui 2000 qui recevait également une subvention imputée sur le sous-
chapitre 93309 article 657/930, par prélèvement sur une enveloppe à la disposition du seul
président de la Polynésie française.
Les mises à disposition pouvaient révéler d'autres particularités juridiques. Ainsi en ce qui
concerne la fédération de volley-ball, l'agent de cabinet mis à la disposition de la fédération en est
le président. Or, les statuts types des fédérations sportives (arrêté n° 1632/CM du 16 novembre
1999, JOPF du 25/11/99) prévoient que les membres du conseil fédéral, dont fait partie le
président de la fédération, ne peuvent percevoir aucune rétribution à raison des fonctions qui leur
sont confiées. La situation est la même pour la fédération de surf.
En ce qui concerne le club Pirae Vaa'a Mobil, les conventions de mise à disposition se réfèrent à
l'arrêté du 31 août 1999 précité permettant la mise à disposition d'agents de cabinet auprès de
personnes morales. La liste de celles-ci fixée par l'article 9 de la délibération n° 95-219 AT
modifiée du 14 décembre 1995, auquel renvoie l'arrêté du 31 août 1999,
mentionne que les
agents peuvent être mis à disposition d'une " association reconnue d'utilité publique ou d'une
fondation " ou " d'un organisme à but non lucratif dont les activités favorisent ou complètent
l'action des services publics locaux relevant du territoire ou de l'établissement d'origine, ou qui
participent à l'exécution de ces services".
Le club de Pirae Vaa'a Mobil n'entre dans aucune des catégories prévues. L'arrêté n° 1852/CM du
15 décembre 2003 reconnaissant d'intérêt général l'association " Pirae Vaa'a Mobil " aux fins
d'application du paragraphe 5 de l'article 113-4 du code des impôts de la Polynésie française ne
saurait donnait le caractère " d'utilité publique " (décret pris en Conseil d'Etat) permettant aux
fonctionnaires, donc aux agents de cabinet, d'être détachés auprès du club.
Dans ces conditions la convention de mise à disposition d'agents de cabinet auprès de ce club
sportif n'avait pas de base juridique, même après l'arrêté du 31 août 1999.
Une autre particularité a été relevée s'agissant des mises à disposition auprès de Tahiti Nui 2000.
Les conventions étaient signées par le président de l'association qui était lui-même agent de
cabinet et qui avait donc signé sa propre mise à disposition. Il y avait manifestement conflit
d'intérêts.
On observe également que deux agents de cabinet ont été recrutés le 29 août 2001, pour être mis
à disposition d'une association de Faa'a créée le 3 septembre 2001. L'un des agents était
auparavant conseiller territorial non réélu en 2001, résidant à Faa'a et l'autre était son planton.
L'association est un institut de formation, proche d'un mouvement religieux. La mise à disposition
des deux agents de cabinet concernés ne manque pas de surprendre.
Enfin, on relève que la mise à disposition d'un agent de cabinet, fonctionnaire de l'Etat en
détachement, a fait l'objet d'une convention du 20 février 1996 auprès d'une association de
formation.
Or, par une lettre du 16 juin 1995, il était précisé à l'intéressé, par son ministère d'origine, que le
détachement d'un fonctionnaire de l'Etat auprès d'une association ne pouvait intervenir que si les
statuts de cette association avaient fait l'objet d'une approbation par arrêté dans les conditions
prévues à l'article 14.5 du décret n° 85.986 du 16 septembre 1985.
De ce fait, une lettre d'engagement était adressée le 12 février 1996 au fonctionnaire détaché, le
recrutant " en qualité de chargé de mission (...) à titre personnel comme collaborateur " du
président du gouvernement. Cette lettre visait la délibération n° 95 /129 AT relative à la création
de cabinets et précisait que la fin du mandat du président entraînait la fin du contrat
d'engagement. Après chaque élection, l'agent a été réengagé par une nouvelle lettre
d'engagement sans interruption de traitement.
Une convention a été conclue le 20 février 1996 entre l'association représentée par son président
et le président de la Polynésie française mettant l'intéressé à disposition de celle-ci (permettant de
contourner l'interdiction faite par le ministère d'origine le 16 juin 1995) ; elle était renouvelable par
tacite reconduction. Elle prévoyait le reversement du traitement par l'association au Territoire. Ces
sommes ont été versées mais depuis septembre 1997, le Territoire n'a plus émis d'ordre de
recettes.
4.3. Les mises à disposition auprès de l'association Radio Maohi
Pour les agents de cabinet mis à disposition de l'association Radio Maohi, les conventions de
mise à disposition font toutes référence à un arrêté n°391/CM du 29 avril 1994, non publié au
JOPF. Cet arrêté dispose que le président du gouvernement est habilité à signer, au nom du
territoire, les conventions relatives à la mise à disposition de personnels au profit de plusieurs
associations notamment l'association " Radio Maohi ". Il est précisé que " le présent arrêté sera
notifié aux organismes intéressés ".
Cet arrêté, qui n'est pas à proprement parler une mesure individuelle [Une mesure nominative doit
être notifiée aux intéressés mais il n'est pas nécessaire qu'elle soit publiée.], n'a pas été publié,
comme le prévoyait alors l'article 36 de la loi n° 84-820 du 6 septembre 1984 portant statut du
territoire de la Polynésie française : "Les décisions du conseil des ministres sont exécutoires de
plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à
leur transmission au haut-commissaire... ". De ce fait le caractère exécutoire de l'arrêté en cause
n'est pas avéré.
Les différentes conventions de mise à disposition ont été signées par le président de la Polynésie
française. Mais celui-ci, dans le cadre du mandat donné par l'arrêté susvisé du 29 avril 1994 du
conseil des ministres, devait respecter la réglementation en vigueur en Polynésie française.
Or la situation des agents de cabinet, avant la délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995 portant
création des cabinets, était fixée par la délibération n° 85-1000 /AT du 10 janvier 1985 et l'arrêté
d'application n° 131/CM du 19 février 1985 plusieurs fois modifié. Ces textes n'autorisaient pas la
mise à disposition d'agents de cabinet, conformément aux termes de la délibération du 10 janvier
1985 qui indiquaient que ces derniers étaient chargés " d'assister les membres du gouvernement
dans leurs tâches de direction, d'animation et de coordination des services relevant des secteurs
dont ils ont la charge et d'assurer leur secrétariat ".
La mise à disposition de personnels auprès de Radio Maohi, autorisée par l'arrêté n° 391/CM, ne
pouvait donc pas concerner des agents de cabinet. Cela est d'ailleurs confirmé par le fait que la
possibilité de mise à disposition d'agents de cabinet n'a été ouverte que par l'arrêté n° 1172/CM
du 31 août 1999.
Ce dernier arrêté renvoie d'ailleurs à l'article 9 de la délibération n° 95-219 AT modifiée, relative
aux différentes positions des fonctionnaires du 14 décembre 1995, pour fixer la liste des
personnes morales auprès desquelles la mise à disposition est possible ; il s'agit notamment des "
organismes à but non lucratif dont les activités favorisent ou complètent l'action des services
publics locaux relevant du territoire ou de l'établissement d'origine, ou qui participent à l'exécution
de ces services " ou des associations reconnues d'utilité publique ou des fondations.
L'association Radio Maohi n'entre pas dans ce cadre. La convention conclue le 29 avril 1994 avec
l'association ne pouvait concerner la mise à disposition d'agents de cabinet ni sur la base de
l'arrêté du 29 avril 1994 ni sur celle de l'arrêté du 31 août 1999.
Pourtant, sur la base de cet arrêté de 1994, plus de vingt agents ont été mis à disposition de
l'association pour des périodes variables. En janvier 2004, on dénombrait encore onze agents mis
à disposition. Certains agents à temps partiel travaillaient également au service communication de
la présidence.
Pour la période 1994/2004, les salaires des agents mis à disposition se sont élevés à plus de 290
millions F CFP. L'estimation des salaires pour la seule année 2003 est de 50 millions F CFP,
charges comprises.
4.4. Les mises à disposition auprès des communes
§ Le fondement juridique
En janvier, on dénombre une quarantaine d'agents mis à disposition des communes.
Les conventions concernant les mises à disposition auprès des communes se référent à l'article
96 de la loi statutaire n° 96-312 du 12 avril 1996 qui dispose : " En vue de favoriser le
développement économique, social et culturel de la Polynésie française, l'Etat ou le territoire
peuvent apporter leur concours financier et technique aux communes ou à leurs groupements
ainsi que leur concours aux programmes d'utilité publique décidés par les communes ou leurs
groupements dans leurs domaines de compétence ".
Un arrêté n° 1100 IDV du 17 octobre 2001 du haut-commissaire a annulé plusieurs délibérations
qui autorisaient le maire de la commune de Moorea à signer des conventions de mise à
disposition d'agents du territoire auprès de la commune et qui accordaient, en sus, des avantages
supplémentaires à ces agents. Les motifs invoqués étaient d'une part, l'inégalité de traitement
introduite à l'égard des agents de la commune et d'autre part, le fait que le territoire ne pouvait
apporter une aide financière ou technique que dans la mesure où il s'agissait de la réalisation
d'investissements de nature à favoriser le développement économique, social et culturel de la
Polynésie française, comme le précisait le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril
1996.
Cette décision du 9 avril 1996 relative à la loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 était rédigé en
ces termes : " Considérant qu'outre les concours financiers et techniques apportés par l'Etat aux
investissements du territoire prévus par l'article 95, et dont le conseil constitutionnel a admis la
constitutionnalité, l'article 96 prévoit des concours de même nature susceptibles d'être apportés
par l'Etat ou le territoire aux communes et à leurs groupements ; que de telles dispositions sont
conformes à la Constitution " [art. 95 : concours financier et technique aux investissements
économiques et sociaux, notamment aux programmes de formation et de promotion].
Même si la notion d'investissements économiques et sociaux peut donner lieu à interprétation, la
mise à disposition d'agents auprès des communes doit être considérée comme une subvention de
fonctionnement.
Dans sa réponse aux observations provisoires, le haut commissaire a rappelé l'avis du tribunal
administratif du 15 octobre 2002, rendu à sa demande et relatif aux possibilités de mise à
dispositions d'agents par le Territoire auprès des communes.
Le tribunal en propos liminaire rappelait que le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°96-373
DC du 9 avril 1996 limitait les concours financiers et techniques du Territoire aux seules
opérations d'investissement (règle identique pour l'Etat), que dans ces conditions la mise à
disposition de personnels étaient exclue.
Cependant en se référant aux dispositions du statut de la fonction publique résultant du décret n°
85-986 du 16 septembre 1985 prévoyant la possibilité de détachement des fonctionnaires d'Etat
auprès notamment de collectivités publiques, donc par extension de détachement auprès des
communes de la Polynésie française dans le cadre d'opération d'investissement, le tribunal
administratif, par parallélisme, admettait que des agents de la Polynésie française puissent être
mis à disposition des communes mais dans le respect de contraintes rigoureuses.
In fine, le concours technique support de la mise à disposition de l'agent pour un temps déterminé,
doit entrer dans le cadre d'un programme d'utilité communale. Son objet ne saurait concerner
l'administration communale proprement dit, dont l'exercice suppose des emplois permanents, il
devrait s'appliquer à la mise en ouvre technique de programmes communaux clairement identifiés,
aux finalités précises et selon un calendrier arrêté à l'avance.
Cet avis met en évidence que l'interdiction des mises à disposition auprès des communes avant la
loi de février 2004 pouvait souffrir des exceptions mais en respectant des contraintes rigoureuses.
L'article 54 de la loi organique n° 2004 -192 du 27 février 2004 prévoit désormais : " La Polynésie
française peut participer au fonctionnement des services municipaux par la mise à disposition de
tout personnel de ses services, cabinets ministériels ou établissements publics dans le cadre de
convention passées entre le président de la Polynésie française et les communes ".
Même si l'arrêté n° 1172/CM du 31 août 1999, autorisant la mise à disposition d'agents de cabinet
auprès des communes, est également visé dans un petit nombre de conventions " d'assistance
technique " conclues pendant l'année 2000, il ressort de cette analyse que toutes les mises à
disposition des agents de cabinet auprès des communes n'étaient pas fondées juridiquement
avant la loi susvisée du 27 février 2004.[L'arrêté n°
1172/CM du 31 août 1999, autorisant la mise
à disposition d'agents de cabinet auprès des communes ne pouvait déroger aux dispositions de la
loi organique n° 96-312 du 12 avril 1996 de portée supérieure.].
§ L'analyse des faits
Les conventions de mise à disposition des personnels administratifs ou techniques sont conclues
entre le président de la Polynésie française et le maire de la commune.
Les conventions, toutes antérieures à la loi du 27 février 2004, se référent l'article 96 de la loi
statutaire n° 96-312 du 12 avril 1996 mais ne spécifient en aucun cas les " programmes
communaux clairement identifiés, aux finalité précises et le calendrier arrêté à l'avance. "
Par ailleurs, aucune convention ne fait référence à une délibération du conseil municipal.
Interrogés, les maires ont répondu, pour la plupart, que le conseil municipal n'avait pas délibéré,
certains précisant toutefois que ce dernier était informé.
Le maire de Papeete soutient qu'il n'y avait pas besoin de délibération, dès lors que cette
convention s'apparente à un recrutement de personnel qui entre dans les pouvoirs propres du
maire et que de surcroît il n'y avait aucune dépense à imputer au budget communal.
Cette interprétation ne tient compte ni du statut particulier des personnels de la commune de
Papeete qui ne semble pas prévoir de telle mise à disposition, ni du fait que rien ne précise la
nature de l'emploi exercé par l'intéressé. Or la mise à disposition d'agents du territoire pour
effectuer des missions d'intérêt communal dépasse la simple gestion des ressources humaines
des agents communaux, encadrée par un dispositif réglementaire et budgétaire (définition des
postes budgétaires et nomination sur ces postes).
Mais en fin de compte, que l'on considère qu'il s'agisse de mise à disposition d'agents relevant de
droit public ou de droit privé, celle ci est assimilable à une subvention de fonctionnement qui
n'était pas autorisée jusqu'à la loi statutaire de 2004.
Une commune au moins a délibéré sur les emplois mis à disposition. L'examen des différents
documents transmis par la commune et par l'administrateur des Iles-sous-le-vent a cependant
permis de constater qu'en dépit de certaines observations de ce dernier, la mise à disposition
d'agents de cabinet a été maintenue.
Le 5 janvier 2000, l'administrateur avait formulé des observations sur la délibération du conseil
municipal de Taputapuatea du 6 décembre 1999 autorisant le maire à signer une convention "
d'assistance technique ", convention déjà signée depuis le 14 janvier 1999 et qui concernait 5
agents mis à disposition de fait depuis le début de l'année 1998. Le 10 février 2000, la délibération
en cause a été rapportée par le conseil municipal. Celui-ci, par une nouvelle délibération du 17
octobre 2000, a entériné une nouvelle convention de mise à disposition concernant deux des cinq
agents figurant dans la première convention et nommé l'un deux, fonctionnaire territorial,
secrétaire général de la commune en lui attribuant la prime correspondante.
Toutefois, un des cinq agents de la liste initiale a également fait l'objet d'une nouvelle convention
le
30 août 2000, le mettant à disposition de la commune à compter du 2 février 1998. Cette
convention signée par le maire n'a pas été soumise au conseil municipal. Or, s'agissant de l'agent
en cause, l'administrateur relevait dans son courrier précité du 5 janvier 2000 que celui-ci était un
fonctionnaire d'Etat, détaché auprès du Territoire et que son statut ne permettait " pas à une
collectivité bénéficiaire d'un agent de l'Etat par détachement, de mettre à disposition d'une autre
collectivité le fonctionnaire détaché. Un fonctionnaire ne pouvant cumuler sur une même période
plusieurs positions ".
L'absence de délibération sur la nouvelle convention du 30 août 2000 n'a pas permis au
représentant de l'Etat de se prononcer sur ce point.
In fine, comme pour les mises à disposition des agents de cabinet auprès des personnes morales,
ce sont les maires qui étaient le plus souvent à l'origine du dispositif comportant recrutement et
mise à disposition simultanée.
Par ailleurs, il a été relevé dans deux cas, que des maires ont signé une convention de mise à
disposition auprès de leur commune d'agents de cabinet, membres de leur famille.
4.5. Les mises à disposition au bénéfice de membres de l'assemblée
La liste des agents de cabinet communiquée en janvier 2004 fait apparaître que certains d'entre
eux étaient mis à disposition de l'assemblée, avec l'indication du nom du conseiller territorial
auprès duquel ils étaient placés.
Les mises à disposition de l'assemblée sont possibles depuis la délibération n° 2000-126 APF du
26 octobre 2000 (article 3) qui a modifié l'article 9 de la délibération n° 95-219 AT modifiée du 14
décembre 1995 relative aux différentes positions des fonctionnaires auquel se réfère l'arrêté
n°1172 du 31 août 1999 fixant les conditions de mise à disposition des agents de cabinet.
La mise à disposition, compte tenu du caractère exécutoire de l'arrêté du 31 août 1999 est donc
possible depuis le 26 octobre 2000 ; auparavant les conventions de mise à disposition prise à
l'initiative du président n'avaient pas de fondement juridique.
Or si les agents cités dans la liste communiquée en janvier 2004 ont tous été recrutés
postérieurement, il s'avère toutefois que les procès-verbaux d'audition transmis par le procureur
de la République et la consultation des dossiers du service du personnel de la présidence ont
permis de retrouver certaines mises à disposition antérieures.
Par ailleurs, dès lors que l'assemblée de la Polynésie française peut créer ses propres emplois
d'agents de cabinet mis à la disposition des présidents de commission, il est surprenant de
constater que des agents de cabinet de la présidence soient mis à disposition auprès de certains
conseillers. Il est vrai que certains ne sont pas présidents de commission.
4.6. Les mises à disposition auprès des services ou ministères de la Polynésie française
S'agissant des mises à disposition auprès des services ou des ministères, les contrats de cabinet
de la présidence représentent un volant d'ajustement en fonction des besoins des services n'ayant
plus de postes budgétés vacants (les emplois de cabinet n'étant pas gagés par des postes
budgétaires).
C'est ce que confirme une lettre du 21 juillet 2001 du ministre des sports adressée au président de
la Polynésie française : " Vous avez bien voulu mettre à disposition de mon ministère, un certain
nombre d'emplois budgétaires de personnel de cabinet, aux fins d'affectation de ces derniers
auprès des fédérations sportives ou des services relevant de mon autorité, en vue de les renforcer
ou de leur apporter un soutien technique ou pédagogique ".
5) L'analyse du dispositif
Cette analyse a été conduite essentiellement sous l'angle de la gestion des ressources humaines.
5.1. Les facteurs qui ont permis la constitution d'un tel cabinet
5.1.1. La réglementation et sa pratique ont laissé une large autonomie au président
En l'état de la réglementation, le président de la Polynésie française peut librement recruter les
collaborateurs de son cabinet, fixer leur rémunération et leur régime indemnitaire et mettre fin à
leurs fonctions.
Ces dispositions sont conformes à la volonté de l'assemblée de la Polynésie française qui a voulu
distinguer très nettement les emplois de cabinet, qui par nature sont confiés à des collaborateurs
proches du responsable politique, de tous les autres emplois de l'administration.
Pour autant, l'utilisation par le président des emplois de cabinet n'a pas été limitée à la sphère de
collaboration immédiate.
Ainsi, des services administratifs de la Polynésie française créés par une délibération de
l'assemblée sont essentiellement pourvus par des agents de cabinet. C'est le cas des services du
protocole (18 agents de cabinet sur 19 agents), de la documentation (18 sur 20) et des relations
internationales (8 sur 9). Or, les emplois d'un service administratif sont permanents et ne
sauraient selon l'incompatibilité prévue à l'article 4 de la délibération du 24 août 1995 précitée être
pourvus par des emplois de cabinet. Les emplois publics permanents doivent être pourvus par des
agents relevant de la fonction publique ou de la convention collective ANFA.
Le nombre important des recrutements de collaborateurs de cabinet pour être mis à disposition
d'organismes divers a également été évoqué ; il met en évidence l'usage extensif des emplois de
cabinet [le rapport d'audit du cabinet DELOITTE présenté à la presse le 3 février 2005 par le
ministre des finances parle de dévoiement du statut des " contrats cabinet "]. Cet usage a été
rendu possible par une évolution de la réglementation décidée par l'exécutif (arrêté n° 1172 du 31
août 1999). Cependant, dans nombre de cas évoqués supra, il a été réalisé en contradiction avec
la réglementation de la Polynésie française.
5.1.2. L'absence de contrôle par le représentant de l'Etat des décisions concernant les emplois de
cabinet
Jusqu'à la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie
française, les actes individuels pris notamment par le président de la Polynésie française n'étaient
pas transmis au haut-commissaire dans le cadre du contrôle de légalité.
L'article 171 II A 4° de la loi de 2004 dispose désormais que les décisions relatives à la
nomination, à la mise à la retraite d'office, à la révocation et au licenciement d'agents de la
Polynésie française doivent être transmis au haut-commissaire. Or, s'appuyant sur le fait que,
selon le même article 171, les actes de caractère privé n'ont pas à être transmis, les responsables
du territoire avaient, dès février 2004, écrit un projet de " circulaire relative à l'obligation de
transmission au haut-commissaire des actes pris par les autorités de la Polynésie française " qui
prévoyait que certains contrats ne devaient pas être transmis, notamment :
- les emplois pour lesquels l'autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour
recruter et y mettre fin, c'est à dire les emplois de cabinet;
- les agents non fonctionnaires de l'administration (ANFA).
Ladite circulaire a ainsi fait l'objet d'une négociation de février 2004 à juillet 2004 entre la
présidence et les services du haut commissariat comme l'atteste un courrier du 17 mars 2004
adressé au directeur de la DRCL signé du secrétaire général du gouvernement : " je vous prie de
trouver ci-joint une copie de la circulaire citée en objet qui a été légèrement modifiée pour tenir
compte des observations formulées lors de la réunion qui a eu lieu dans vos locaux le jeudi 26
février ".
Début juillet 2004, le haut-commissaire faisait part de ces observations et précisait que " les
décisions relatives à l'ensemble des emplois fonctionnels et des emplois de cabinet relevant du
droit public devait être transmis à l'exclusion de celles relevant du droit privé ". Il ajoutait que " la
seule circonstance que l'autorité administrative dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour la
nomination de ces emplois ne saurait en justifier l'absence de transmission. "
La circulaire, signée le 6 juillet 2004 par le nouveau président, est arrêtée sur ces bases.
Aucun contrôle externe n'existait sous le régime de la loi statutaire du 12 avril 1996. Si la loi du 27
février 2004 a renforcé la transparence en imposant le contrôle de légalité sur certains actes de la
gestion de la fonction publique, il reste cependant que dans les conditions susvisées, nombre de
recrutements de cabinet ne feront toujours pas l'objet de transmission pas plus que les
conventions de mise à disposition.
5.2. Les spécificités de la gestion des ressources humaines du cabinet
5.2.1. La constitution d'une " fonction publique parallèle "
La permanence de la même présidence de 1991 à 2004, a pérennisé la situation de certains
agents de cabinet sur toute la période, ces derniers ayant été renommés après la réélection de M.
Gaston FLOSSE en 1996 et 2001.
Logiquement, compte tenu de la durée de leurs fonctions, des revalorisations de traitement ou de
prime leur ont été accordées notamment au moment du renouvellement des contrats.
Les mêmes agents souhaitaient tout à la fois ne plus être soumis à la précarité du contrat de
cabinet lié à la durée du mandat de l'élu et ne pas perdre les avantages d'un régime indemnitaire
favorable.
Des dispositions applicables aux agents contractuels des cabinets ont ainsi été incluses dans la
délibération n° 2002-168 APF du 5 décembre 2002 visant à résorber les emplois précaires au sein
de l'administration de la Polynésie française en proposant de nouvelles mesures d'intégration.
Ainsi l'article 6 de la délibération précitée donnait la possibilité au président de nommer, après
inscription sur une liste d'aptitude spécifique, des agents contractuels des cabinets et des
membres du gouvernement dans un des cadres d'emploi de la fonction publique à la condition
qu'ils justifient d'une ancienneté d'une durée supérieure à 3 ans dans un emploi de cabinet et
qu'ils détiennent le diplôme ou le titre requis des candidats aux concours externes d'accès aux
cadre d'emplois concernés.
Cette délibération qui a fait l'objet d'un recours, a été annulée le 9 mars 2004 par un jugement du
tribunal administratif de Papeete. La motivation de ce jugement ne se référait pas à l'article 2 de la
délibération n° 95-129 AT du 24 août 1995 portant création des cabinets, qui dispose que " la
nomination de non fonctionnaires à ces emplois [de cabinet] ne leur donne aucun droit à être
recrutés dans l'administration du territoire ", mais à un principe plus général d'égalité d'accès à la
fonction publique formulé à l'article 6 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26
août 1789 : " tous les citoyens (...) sont également admissibles à toutes les dignités, places et
emplois publics, selon leurs capacités, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de
leurs talents ".
Les conclusions du commissaire du gouvernement du 10 février 2004 soulignaient déjà que la
délibération en cause " instaurait un régime d'accès privilégié réservé
aux contractuels... " et ne
laissaient guère d'illusions quant à l'issue du recours. Pourtant un arrêté du président de la
Polynésie française du 16 février 2004 avait déjà fixé une liste d'aptitude pour l'intégration de ces
agents.
De la même façon, le 9 mars 2004, le jour même de la lecture du jugement du tribunal
administratif annulant la délibération en cause, 55 arrêtés ont été pris pour intégrer dans la
fonction publique des agents dont la plupart était des emplois de cabinet.
C'est à la demande de la présidence que les arrêtés, qui sont tous signés du 9 mars avec effet au
8 mars ou au 1er mars, ont été établis. C'est donc en toute connaissance de cause que les
responsables politiques et administratifs ont établi les arrêtés d'intégration. Il est vrai que même si
la délibération était annulée, la validité des actes individuels n'était pas remise en cause ; il eut
fallu pour cela qu'un recours soit déposé à l'encontre de chaque acte individuel.
Il est à préciser que 37 agents sur les 55 intégrés ont immédiatement bénéficié d'un détachement
sur l'emploi de cabinet qu'ils ont continué à occuper. Ces agents bénéficiaient donc de mesures
qui leur permettaient d'avoir un véritable déroulement de carrière.
Le nouveau gouvernement issu des élections de mai 2004, prenant en compte l'annulation de la
délibération ayant permis l'intégration des agents précités, a procédé à un retrait des actes dans
le délai de quatre mois imparti avant le 9 juillet 2004. Ces retraits ont suscité de la part des
intéressés des recours qui restent pendants.
5.2.2. La gestion spécifique et confidentielle des dossiers des agents du cabinet
Le service du personnel de la présidence a en charge la gestion de la totalité des dossiers des
agents relevant des cabinets, titulaires de contrats de droit privé ou fonctionnaires. Ces derniers,
une fois détachés ou mis à la disposition du cabinet ne sont plus connus du service du personnel
de la Polynésie française (PEL), sous l'autorité du ministre de la fonction publique.
En fait, toutes les données des personnels sont gérées par le même logiciel informatique, qui
permet de liquider les rémunérations, mais les clefs d'accès à ces données sont réparties selon la
volonté des responsables de l'exécutif.
Ainsi les données des agents de cabinets ne pouvaient être accessibles au service du personnel
de l'administration de la Polynésie française. Son responsable a dû solliciter l'accès à certaines
informations pour la constitution des commissions paritaires. Dans une lettre du 12 novembre
2003, le président du gouvernement a accédé à sa demande mais les éléments se rapportant à la
rémunération ne pouvaient être communiqués, ceux-ci devant rester confidentiels et gérés par le
cabinet.
La difficulté de suivi est accentuée par les mises à disposition croisées entre services. Ainsi, les
agents du GIP sont payés au sous-chapitre 962.02 (594 personnes en décembre 2003). Alors que
15 agents sont payés sur emplois de cabinet et mis à disposition du GIP, 7 agents payés par le
GIP sont en fonction dans d'autres services de la Présidence. Les 79 agents du service
assistance et sécurité sont payés au sous-chapitre 935.04, mais les salaires de 4 agents de ce
service sont imputés sur les emplois de cabinet et 15 agents payés au sous-chapitre 935.04 sont
affectés à d'autres services de la présidence.
En fin de compte, la forte volonté de confidentialité a entraîné une gestion totalement isolée des
agents de cabinet du reste de la gestion des ressources humaines de la Polynésie française, au
détriment de la cohérence des efforts de restructuration engagés dans la dernière période par le
service du personnel.
5.3. La fragilité du dispositif
Ce mode d'administration pouvait être porteur de difficultés. Les élections du 23 mai 2004 ont
révélé toute la fragilité du dispositif des services de la présidence, en raison justement de la place
trop importante tenue par le cabinet. Le 9 juin 2004 , l'emploi de cabinet a pris fin pour 540
personnes, entraînant une réintégration dans l'administration d'origine pour les fonctionnaires en
détachement, une réaffectation sur un emploi vacant pour les agents sous le régime de la
convention collective ANFA et un licenciement pour les autres.
S'agissant des mesures prises après le 14 juin 2004, la réélection de M. Gaston FLOSSE le 22
octobre 2004 puis celle à nouveau de M.Oscar TEMARU le 3 mars 2005 à la présidence de la
Polynésie française ont encore modifié la situation des agents intéressés.
La brièveté et la succession des différents mandats ne permet pas d'examiner aisément les
conséquences notamment financières de ces mesures successives.
5.3.1 Les mesures prises par le président sortant
§ Les mesures de reclassement et d'intégration
Après la proclamation des résultats des élections qui impliquaient un changement de majorité et
donc du gouvernement et avant l'élection du nouveau président le 15 juin par l'assemblée, le
président sortant chargé des affaires courantes selon les termes mêmes de l'article 157 de la loi
n° 2004-192 du 27 février 2004 a pris diverses décisions visant à réaffecter, à intégrer ou à
nommer à durée déterminée dans l'administration plus de 430 agents faisant auparavant partie
des cabinets de la présidence, des ministères et même de l'assemblée (l'ensemble des cabinets
de la présidence et des ministères représentait en totalité plus de 800 agents fin 2003).
Ces décisions de reclassement, ont eu des répercussions sur l'organisation administrative et
soulignent en même temps la fragilité du dispositif jusqu'alors mis en oeuvre.
Les décisions peuvent être classées en diverses catégories.
En ce qui concerne les fonctionnaires territoriaux, il était normal qu'ils réintègrent leur corps
d'origine, à la fin de leur détachement en cabinet.
Parmi ces fonctionnaires territoriaux figuraient les agents qui avaient bénéficié d'un arrêté
d'intégration du 9 mars 2004 (voir supra). Dans cette catégorie sont également à joindre, les
personnels ANFA et les fonctionnaires du CEAPF ce qui représente au total un effectif de près de
220 agents sur les 430 précités.
Pour les fonctionnaires de l'Etat en détachement de longue durée, des arrêtés de reclassement
ont également été pris pour les renommer sur des emplois vacants alors même que leurs contrats
stipulaient pourtant explicitement que ceux-ci prenaient fin sans indemnité lorsque le mandat
électif de leur employeur était rompu.
Par arrêtés du 11 juin 2004, 79 agents précédemment en emploi cabinet ont été intégrés en
qualité d'agent de catégorie D stagiaire (le plus souvent comme agent de bureau). Là aussi, il a
fallu trouver les emplois budgétaires vacants pour pouvoir nommer ces nouveaux fonctionnaires.
Enfin, s'agissant des agents bénéficiant d'un contrat de cabinet qui ne pouvaient être reclassés
dans la fonction publique, des contrats à durée déterminée d'un an ont été signés pour un effectif
de près de 115 personnes. Ces contrats ont été motivés par un surcroît momentané de travail de
l'administration. La plupart de ces CDD ont été affectés au GIP.
Sont également compris dans ces reclassements quelques agents de l'assemblée de la Polynésie
française, de l'ordre d'une dizaine, qui, lors de la dissolution de l'assemblée fin mai 2004, avaient
été repris comme contrat de cabinet de la présidence.
§ Le fondement juridique
Ces décisions, notamment pour les recrutements à durée déterminée, ont été prises dans la
précipitation et n'ont été possibles que parce que les modalités de recrutement avaient été
allégées en début d'année 2004.
En effet, le ministre de l'économie et des finances avait mis en place des procédures
particulièrement rigoureuses et contraignantes pour le recrutement de CDD par circulaire n° 2071
/MAF/MEF du 5 septembre 2003 en application des directives du président du gouvernement.
Celles-ci visaient à limiter les recrutements en imposant de nombreux visas préalables et donc
des délais importants avant le recrutement.
Or, devant les difficultés d'application, le président du gouvernement avait allégé
considérablement les procédures par lettre circulaire du 9 février 2004 pour ne laisser subsister
que deux visas, celui du PEL (service personnel) et celui du CDE (dépenses engagées). In fine, la
note précisait que la " simplification radicale des procédures de recrutement des agents
contractuels implique une forte responsabilisation du ministre utilisateur, désormais unique
signataire et du service demandeur ".
La logique du dispositif était de répondre à des demandes émanant des services. Or, les
décisions de juin étaient contraires à cette logique puisqu'il s'agissait de trouver des postes
d'accueil aux agents de cabinet.
C'est donc un recrutement de plus de deux cents personnes qui a été réalisé pendant la période
dite des affaires courantes : 79 intégrations en catégorie D, CDD et nomination de fonctionnaires
d'Etat sur des postes qui ne sont pas ceux sur lesquels les détachements ont été accordés par les
administrations métropolitaines. Les arrêtés pour les contrats CDD ne donnaient aucun motif pour
justifier le surcroît d'activité.
Le chef de service du personnel, dans un entretien avec le rapporteur, a indiqué qu'il avait alerté
son ministre sur l'absence de fondement juridique de recrutements aussi massifs. Pour autant la
décision du président du gouvernement a prévalu.
Le directeur du service des dépenses engagées dans sa réponse du 8 septembre 2004 estime
pour sa part que les " procédures financières à mettre en ouvre ont été respectées
scrupuleusement avant et lors du visa des contrats ".
Il ajoute cependant : " il reste la question de la notion de gestion courante, sur laquelle j'ai estimé
que je n'avais pas à me prononcer puisqu'elle relève d'une décision d'opportunité exclue de la
sphère de mes contrôles définis à l'article 3 de la délibération n° 97-37 APF modifiée du 27 février
1997 ".
Il existe peu de jurisprudence pour cerner la notion d'affaires courantes mais, en raison de leur
importance, ces décisions prises dans l'urgence, notamment le recrutement massif de
fonctionnaires qui engage durablement les finances de la collectivité d'outre-mer et qui modifie
sensiblement l'organigramme des services, peuvent difficilement être qualifiées d'affaires
courantes.
5.3.2. Les conséquences de ces mesures
§ L'importance des effectifs licenciés
En dépit des mesures précitées de reclassement ou d'intégration, sur la totalité des emplois de
cabinet de la présidence et des ministères, c'est de l'ordre de 310 à 320 agents qui ont perdu leur
emploi, dont plus de 250 pour les seuls services de la présidence.
Les contrats dénoncés sans mesure de reclassement concernent plus particulièrement certains
services :
- les agents mis à disposition d'autres ministères, de l'APF, des associations, des communes, des
syndicats professionnels, des associations, des établissements publics (le plus souvent agents
recrutés pour être mis à disposition);
- les agents du service d'assistance aux particuliers (SAP) ;
- les agents du service d'études et de documentation (SED).
Ce sont donc surtout les agents qui assuraient une mission qui ne pouvait pas être directement
rattachée aux compétences de la Polynésie française qui n'ont pas pu être reclassés.
D'autres agents ont également été licenciés, mais soit ils occupaient de véritables fonctions de
cabinet, au service communication par exemple, soit ils ont retrouvé leur emploi précédent,
comme les agents du service des transports aériens réintégrés dans la société Air Tahiti.
Par contre les reclassements ont quasiment été systématiques pour les services assurant la
logistique (agents d'entretien...). Les agents affectés aux finances, à l'informatique, aux études
techniques ont été replacés auprès de l'administration territoriale dans les services
correspondants.
§ L'incidence dans la gestion de la fonction publique territoriale
Le reclassement de plus de 400 agents a perturbé le programme de modernisation du
management des ressources humaines de l'administration de la Polynésie française lancé depuis
début 2003. Un groupe de travail réunissant l'inspection générale, la fonction publique, le service
des finances et l'institut de la statistique avait permis l'élaboration d'un plan d'action approuvé par
le conseil de ministres le 7 mai 2003 et une circulaire n° 285 CM du 16 octobre 2003 avait défini
les principes généraux de cette harmonisation et de cette réorganisation des services.
En s'adressant à chacun des chefs de service, le président du gouvernement précisait qu'il "
convenait d'adapter en permanence l'affectation des moyens, de façon à obtenir l'organisation la
plus pertinente possible et que pour cela avait été mis en place le document unique d'organisation
et de gestion (D. U. O. G) ".Ce dernier "
permet de mettre en relief les écarts à résorber
progressivement pour faire correspondre la réalité des données à l'optimal à satisfaire. Ces
informations (...) sont essentielles à la définition des choix budgétaires annuels en matière
d'ouverture ou de modification des postes (...) "
De façon concomitante, un arrêté du 17 mai 2004 a validé les besoins à pourvoir par voie de
concours en 2004, soit 300 postes, ce qui avait pour objet de rattraper le retard du recrutement
par voie de concours (alors qu'entre 1997 et juin 2003, 675 postes seulement avaient été ouverts
au concours).
Même si, comme l'affirme M.Gaston FLOSSE dans sa réponse, " les reclassements ont été
opérés en coordination avec les chefs de service d'accueil ", les différentes décisions prises pour
le reclassement en quelques jours des 400 agents de cabinet sur la majorité des postes vacants
allaient à l'encontre de cette réflexion menée depuis plus d'un an pour une meilleure adéquation
entre besoins et moyens.
§ Les conséquences sur l'organisation des services
Première conséquence de ces différentes nominations, les organigrammes des différents services
ont été profondément modifiés. Même si des postes étaient vacants, c'était volontairement qu'ils
étaient gelés pour maintenir l'équilibre des finances.
Pour autant, en matière d'ouverture de crédits, il n'a pas été nécessaire de procéder à des
virements puisque tous les salaires sont imputés au sous-chapitre 931.01 " rémunérations
principales ". Les postes budgétaires destinés aux anciens membres des cabinets ministériels ont
été dégelés dans le logiciel de paye " SEDIT Marianne " par la direction du budget et de la
réglementation fiscale du fait que leur budgétisation était acquise à partir des crédits libérés par la
fin des contrats de cabinet (de façon ponctuelle il a été procédé au sein du sous-chapitre
concerné à un transfert de l'article " heures supplémentaires " à l'article " rémunération personnel
de remplacement ").
Du fait de la fin de l'ensemble des contrats de cabinet le 9 juin 2004, tous les services " internes "
du cabinet ont disparu et notamment le service des finances et du personnel de la présidence.
En conséquence tous les dossiers des agents de cabinet qui étaient gérés par ce service ont été
classés aux archives de la Polynésie française, y compris ceux qui étaient fonctionnaires ou ANFA
détachés au cabinet. Pour ces derniers, cette rupture dans la gestion des dossiers n'était pas de
nature à assurer la continuité du service dans les meilleures conditions. Les nouveaux
responsables ont d'ailleurs dû aller rechercher lesdits dossiers aux archives.
S'agissant des agents de cabinet affectés aux services de logistique, nombre d'entre eux ont été
intégrés en qualité de fonctionnaires ou recrutés sur des emplois à durée déterminée, mais
affectés dans d'autres services à compter du 10 juin 2004. A compter de cette date, il n'y avait
donc plus de services de logistique (personnel d'entretien, garage...). La continuité du service,
notamment pour le fonctionnement de la présidence, n'était plus assurée.
La suppression des services du cabinet de la présidence a donc provoqué une certaine
discontinuité de l'action administrative. A l'inverse, l'affectation d'agents, parfois en grand nombre,
dans d'autres services est difficilement justifiable. Certains services ont vu leur effectif fortement
augmenter sans justification de leurs besoins.[Direction de la santé, plus 21 ; direction de
l'enseignement primaire : plus 22 ; direction de l'équipement, plus 45 ; GIP -groupement
d'intervention de Polynésie-, plus 116 ; service d'assistance et sécurité, plus 38 ; service du
développement rural, plus 21 ; service du protocole, plus 25.].
Certains établissements publics ont même bénéficié d'un complément d'effectif comme l'EPAP
(établissement public administratif pour la prévention).
Il est manifeste que la nomination d'un aussi grand nombre d'agents dans certains services ne
répondait pas toujours à un besoin clairement exprimé.
§ Le coût des congés payés
La remise en cause des contrats de cabinet a entraîné pour cause de rupture de contrat des
indemnités de congés payés pour un total de 136,6 millions F CFP.
Les fonctionnaires n'ont pas reçu d'indemnités de congés payés puisqu'ils pouvaient les prendre
ultérieurement dans leur nouveau poste.
S'il semble logique que les agents non reclassés perçoivent une indemnité pour congés non pris,
il est surprenant que les agents ANFA, au motif qu'ils étaient en suspension de contrat ANFA
pendant leur période au cabinet, aient perçu ces indemnités alors même qu'ils ont retrouvé
immédiatement un poste dans l'administration du territoire.
Les agents recrutés immédiatement sur contrat à durée déterminée ont également perçu des
indemnités de congés payés.
Vingt-trois personnes ont perçu des indemnités de congés supérieures à 1 million de F CFP.
L'importance de certaines indemnités met en évidence que certains personnels ne prenaient
manifestement pas leurs congés.
Or dans une lettre du 10 mai 2004 adressée aux ministres, ayant pour objet la fin de fonction des
membres du cabinet, le président rappelait que " les bénéficiaires de contrats cabinet n'ont pas le
droit à indemnité lors du non renouvellement de leur contrat à l'exception des indemnités de
congés non pris.
A ce titre, je vous ai toujours conseillé d'inviter vos collaborateurs à épuiser leurs droits à congés
annuellement par mesures de restrictions budgétaires. Je ne tolèrerai donc pas de paiement de
congés abusif. "
Les présentes directives ne s'appliquaient pas de façon identique aux agents du cabinet de la
présidence puisque certains agents ont pu cumuler un nombre " hors norme " de jours de congés
et de façon incompatible avec les règles de bonne gestion des ressources humaines.[Ainsi le
responsable du GIP, cumulait au 30 juin 2004, plus de 900 jours de congés. (source : extrait du
fichier matricule)].
Les arrêtés produits pour la liquidation visaient des " attestations de droits acquis " établies à partir
du suivi des congés grâce à une application informatique gérée par le service du personnel de la
présidence au sein du cabinet. Ces attestations, comme le fichier informatique, n'ont pas pu être
produits. Les dossiers des intéressés ne comportaient pas ces attestations : y figuraient
seulement quelques demandes de congés éparses.
A la suite de l'entretien préalable du 21 février 2005 et par un courrier du 26 février 2005, l'ancien
président a indiqué à la Chambre que les pièces justificatives ont été transmises au service du
personnel, mais il n'en reste pas moins que ces pièces n'ont pas été produites lors du contrôle et
l'absence du logiciel a fait obstacle à la vérification de la liquidation des indemnités pour congés
payés.
Or dans le dossier d'un des agents, la dernière fiche de congés attribuées, datée du 2 avril 2004,
précise le solde des congés restant à prendre déduction faite du congé de 45 jours accordé du 1er
avril au 31 mai 2004. Compte tenu de ce reliquat, l'agent ne pouvait cumuler au mieux que 46,5
jours de congés lors de son départ. Or son indemnité a été calculée sur la base de 91,5 jours, le
congé de 45 jours n'ayant pas été déduit. L'intéressée a donc bénéficié d'un trop perçu de 1 633
991 F CFP. En l'absence de document, il n'a pas été possible de vérifier la liquidation des autres
indemnités.
5.3.3. Les archives du cabinet
Dans le courrier du 26 février 2005 précitée, en réponse à la demande formulée lors de l'entretien
préalable, l'ancien président a donné les explications suivantes concernant l'absence d'archives
d'enregistrement du courrier du cabinet : " Tous les courriers adressés au Président de la
Polynésie française étaient préalablement ouverts, enregistrés et ventilés par le Bureau du
Courrier dépendant du Secrétariat Général du Gouvernement. Ceux de ces courriers qui
concernaient la Présidence faisaient ensuite l'objet d'un nouvel enregistrement et d'un classement
par mon secrétariat. Cette mesure, apparemment redondante, était nécessaire pour retrouver
rapidement les courriers lorsqu'il en était besoin. Cet archivage, moins complet que celui du
Secrétariat Général n'a pas été conservé. Les seuls courriers qui n'étaient pas ouverts par le
Bureau du Courrier étaient ceux qui étaient adressés à mon nom personnel. Ils étaient traités par
ma secrétaire particulière qui retournait pour enregistrement ceux qui concernaient mes fonctions.
De même les courriers émanant de la Présidence étaient enregistrés à mon secrétariat mais
également au Bureau du Courrier du Secrétariat Général du gouvernement. "
Si le chef du service du courrier du secrétaire général du gouvernement atteste qu'il y ait pu avoir
un double enregistrement à l'arrivée du courrier, il certifie formellement que les courriers départ du
cabinet de la présidence ne faisaient pas l'objet d'une double numérotation.
Certains de ces courriers ont pu être retrouvés. Ces lettres n'étaient pas des documents de nature
politique, mais des documents à caractère administratif : note de service pour la liquidation de
congés, lettre à un président d'association, lettre à un ministre, lettre à un chef de service, lettre
au président de l'assemblée. Les courriers adressés à des tiers extérieurs aux services de la
Polynésie française ne peuvent désormais être connus que par hasard.
Ces documents administratifs devaient être conservés. L'absence d'archives du courrier départ du
cabinet de la présidence a constitué un obstacle à l'examen de la gestion effectué par la
Chambre.
***
SYNTHESE
Sur la période en examen, on observe une importance croissante, surtout depuis 1995, des
services de la présidence (regroupant le cabinet du président, noyau dur du dispositif et certains
services rattachés directement au chef de l'exécutif) par rapport à l'ensemble de l'administration
de la collectivité
d'outre-mer, en termes d'effectifs et de moyens mobilisés.
S'agissant des ressources humaines, les services sous l'autorité directe du président représentent
en 2003, un quart de l'effectif des agents de l'administration de la Polynésie française (11% pour
le seul cabinet) alors que ce ratio était de 18% en 2001. Deux entités représentent 85% dudit
effectif et
constituent l'essentiel du dispositif : le cabinet et le GIP.
Si l'effectif du cabinet est aussi important (626 agents), c'est parce que la réglementation de la
Polynésie française n'a fixé de maximum, ni pour son effectif, ni pour sa masse budgétaire et qu'il
n'existe pas de spécialisation des crédits par sous-chapitre.
Outre l'importance de la masse salariale (2,75 milliards F CFP en 2003), résultant à la fois de
l'effectif mais également du régime indemnitaire favorable, les dépenses directes de
fonctionnement de la présidence se sont élevées pour la même année à 1,2 milliard F CFP,
ventilées d'ailleurs entre plusieurs sous-chapitres budgétaires. 2003 représente cependant une
année atypique puisque ces dépenses étaient inférieures à 800 millions les deux années
précédentes.
Les dépenses d'équipement évoluent fortement selon les années (2003 : 3,8 milliards F CFP) en
fonction parfois d'évènements ponctuels comme la visite du Président de la République en juillet
2003.
Les principales dépenses concernent la construction de la présidence (4,3 milliards F CFP),
l'achat de l'avion de la Polynésie française (1,6 milliard) et les aménagements réalisés à TUPAI
(1,6 milliard) et FAKARAVA. Les dépenses annuelles relatives aux achats de voitures des
services sont importantes
(40 millions en 2003) car il s'agit souvent de véhicules de haut de gamme.
Les missions assurées par les services de la présidence et notamment par le cabinet sont
diverses et multiples voire hétéroclites.
Ainsi, en plus des agents qui auraient dû normalement relever de l'administration, dans la mesure
où ils assuraient des missions de logistique (service entretien, parc automobile...) ou encore des
tâches habituellement dévolues aux services opérationnels (service d'études techniques), nombre
d'agents assumaient des missions dont l'intérêt " territorial " n'était pas avéré (service d'études et
de documentation s'apparentant aux " renseignements généraux " de l'Etat).
Par ailleurs, la notion de contrat de cabinet a été détournée pour répondre notamment à toute
demande qui ne pouvait être satisfaite dans le cadre de la fonction publique ou qui nécessitait une
réponse conjoncturelle lorsqu'il ne s'agissait pas de privilégier certains recrutements.
Nombre de contrats de cabinet ont été conclus pour une mise à disposition des agents auprès de
certaines personnes morales ou de certaines communes. Cette procédure permettaient
d'échapper aux règles prévues pour l'attribution des subventions et renforçaient les relations
bilatérales intuitu personae. L'artifice des contrats de cabinet permettait également de résoudre
quelques incompatibilités juridiques.
Ces pratiques ont pu prospérer parce que le dispositif était confidentiel, aucun contrôle de légalité
n'étant légalement prévu et aucun contrôle interne (hormis les procédures de contrôle budgétaire
et comptable en matière de dépenses) n'étant prévu par la réglementation de la Polynésie
française : le cabinet gérait seul les affaires du cabinet.
Ce dispositif, au plan administratif, n'a jamais fait l'objet d'évaluation. Pourtant, la gestion en direct
d'un aussi grand nombre d'agents traduisait un mode de gestion très spécifique.
L'importance du cabinet en matière d'effectif mais également en matière décisionnelle, pouvait le
faire apparaître comme une sorte d'administration parallèle. La coordination et la cohérence de
l'action administrative ont parfois été mises en défaut par cette organisation. Par ailleurs, la
pérennité des personnels, poursuivant quasiment une carrière au cabinet renforçait ce sentiment
d'administration " de cabinet ". Les moyens alloués à ces services ne pouvaient que renforcer ce
trait.
In fine, l'instabilité de ce dispositif a été mise en évidence lors de la fin du mandat du président et
les mesures prises dans l'urgence ont montré les limites du système.
Annexe 1 : Evolution de la masse budgétaire des emplois cabinets / 1991-2003
Annexe 2 : Dépenses d'équipement imputées au centre de travail 6200 "Présidence"
Réponse de l'ordonnateur : Néant