Sort by *
R
APPORT AU
P
ARLEMENT
Paris, le 24 juillet 2013
Les relations entre l’
État et
les sociétés concessionnaires d’autoroutes
La Cour des comptes a présenté le 24
juillet 2012 devant la commission des finances de l’Asse
mblée
nationale un rapport sur le
s relations entre l’
État et
les sociétés concessionnaires d’autoroutes
. Ce rapport
répond à une demande d’enquête adressée à la Cour des comptes, dans le cadre de sa mission d’assistance
au Parlement, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).
Ce rapport ne constitue pas un contrôle des sociétés concessionnaires, mais il a fait l’objet d’une
procédure
contradictoire avec elles.
1)
Des rapports déséquilibrés au bénéfice des sociétés concessionnaires
Pour financer le développement du réseau autoroutier, le choix a été fait de déroger au principe de la
gratuité des voies de circulation en mettant en place un système de concessions. Les péages prélevés sur les
usagers devaient couvrir à la fois l’amortissement des investissements, l’exploitation et l’entretien des
autoroutes ainsi que leur extension.
L’ouverture du capital puis la privatisation (en 2006) des sociétés concessionnaires d’autoroutes ont modifié
la relation entre l’
État et ces sociétés. Sept sociétés historiques se sont regroupées au sein de trois groupes :
le groupe
Vinci Autoroutes
(Cofiroute, ASF, Escota) ;
le groupe
APRR
, qui réunit APRR
détenue à 95% par Eiffage
et Area.
le groupe
Sanef
, qui réunit Sanef et SAPN, et est détenu par un consortium formé par le groupe
espagnol Abertis et des partenaires financiers (notamment Axa et la CDC).
Ce réseau concédé, sur lequel a porté l’enquête, représente les tro
is quarts du réseau autoroutier et 95 %
du chiffre d’affaires du secteur.
Ces trois groupes ont perçu 7,6 Md
€ de péage
s en 2011
: 4,28
Md€ pour
Vinci, 1,96
Md€ pour APRR et 1,38
Md€ pour
Sanef.
La Cour constate que la négociation des avenants aux contrats de concession (notamment les contrats de
plan) et le suivi par le concédant (assuré par le seul ministère chargé des transports) des obligations des
concessionnaires se caractérisent par un
déséquilibre au bénéfice des sociétés autoroutières
. Le ministère
de l’économie et des finances n’est généralement pas associé aux négociations. Or,
le gouvernement doit
traiter avec des
sociétés puissantes, adossées à de grands groupes, de BTP en particulier
.
Dans ces conditions, la Cour constate que
l’administration
a des difficultés à collecter les données
nécessaires auprès des concessionnaires
et à exercer les contrôles
qui lui incombent.
2)
Des hausses des tarifs des péages nettement
supérieures à l’inflation
Les contrats de plan
, qui fixent pour cinq ans la tarification des péages,
devaient être l’exception
par
rapport au dispositif mis en place par le décret de 1995,
mais sont devenus la règle et ont conduit à des
augmentations tarifaires supérieures à l’inflation
, contrairement à la règle originelle de la concession.
Si la pratique du « foisonnement » (augmentation des tarifs plus élevées sur les tronçons les plus
fréquentés) a cessé, conformément à la recommandation formulée par la Cour en 2008, les tarifs des péages
ont néanmoins connu une progression soutenue.
Pendant la
période 2009-2012
, pour la classe 1 (véhicules légers),
la progression des tarifs a été
particulièrement importante
chez SAPN, ASF et Escota (2,2 % par an), Cofiroute (1,9 % par an), APRR et
Area (1,8 %),
et supérieure à l’inflation
,
qui n’a
été que de 1,6 % par an.
C
’est
principalement
la conséquence de la mise en œuvre
des contrats de plan signés depuis 2009, qui
prévoient des
hausses tarifaires destinées à financer des investissements supplémentaires pour environ
1,2 Md€.
Ces hausses ont été telles
qu’en 2012, alors que le trafic a chuté fortement, le chiffre d’affaires
péages s’est légèrement accru pou
r ASF, Escota, APRR et Area.
Le
chiffre d’affaires
des sept sociétés
concessionnaires historiques a augmenté en moyenne de 4 % par an entre 2006 et 2011.
3)
Le caractère contestable des hausses tarifaires issues des contrats de plan
Le modèle économique des contrats de plan, qui ne sont pas publics, est construit de telle sorte que
tout
investissement est compensé par une hausse de tarifs
. Ainsi,
les
bénéfices des sociétés
concessionnaires n’ont pas à être réinvestis dans des investissements nouveaux ou dans d
es
diminutions de tarifs
.
Ce modèle ne peut donc
qu’aboutir à une hausse constante et continue des tarifs
.
Les grands projets autoroutiers étant devenus plus rares, la dernière génération de contrats de plan se
caractérise par la
juxtaposition d’investissements d’ampleur beaucoup plus limitée
. Alors que la
compensation tarifaire des investissements lourds (élargissements, sections nouvelles) ne pose pas de
problème de principe,
la compensation tarifaire des investissements d’exploitation ne peut se justifie
r
qu’à deux conditions
: que
le rapport entre hausse de tarif et utilité de ces investissements pour l’usager
soit
favorable et que ces investissements ne relèvent pas des obligations contractuelles du concessionnaire.
Or ces investissements ont été davantage proposés par les concessionnaires que par le concédant et
la
légitimité de leur compensation est contestable
, comme pour le télépéage sans arrêt.
4)
Un nouveau cadre réglementaire nécessaire
L’examen des négociations relatives aux contrats de plan et de l
eurs résultats met en évidence
l’insuffisance du cadre réglementaire et contractuel actuel
. Ceci conduit à ce que tout puisse être négocié,
non seulement les opérations d’investissements faisant l’objet d’une compensation tarifaire, mais aussi les
hypothès
es macroéconomiques et les taux d’actualisation, dans des conditions qui ne sont connues
que du
ministère chargé des transports.
Ce contexte place les pouvoirs publics dans une situation qui ne permet pas de garantir que les intérêts des
usagers
et de l’
État soient suffisamment pris en compte.
Seule une évolution du cadre juridique et des
modalités de négociations permettrait de mieux les prendre en compte
.
L
es péages d’autoroutes participent des coûts de production de l’
économie et donc pèsent sur la
compétitivité
. Maintenant que le réseau autoroutier est largement développé, la politique tarifaire qui le régit
devrait en tenir compte et
privilégier
désormais l’intérêt des utilisateurs et, à terme, de l’
État
.
5)
Recommandations
La Cour formule
huit recommandations
, parmi lesquelles :
formaliser une procédure interministérielle de négociation et de décision pour les contrats de plan et
les autres avenants prévoyant la compensation d’un
montant significatif de travaux ;
mettre en œuvre, si nécessaire, les disposi
tions contraignantes prévues par les cahiers des charges
en cas de non-respect par les concessionnaires de leurs obligations contractuelles ;
réaliser systématiquement une contre-expertise, formalisée et documentée, de tous les coûts
prévisionnels des investissements ainsi que le bilan des contrats de plan précédents ;
revoir le décret de 1995 afin de définir un plafond d’évolution des hausses de tarifs, qui s’appliquerait
également aux contrats de plan.
Lire le rapport
Contact presse :
Ted MARX - Directeur de la communication - Tél : 01 42 98 55 62 -
tmarx@ccomptes.fr
Denis GETTLIFFE - Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
dgettliffe@ccomptes.fr
Suivre la @Courdescomptes