C
OUR DES
C
OMPTES
Le marché du travail :
face à un chômage élevé,
mieux cibler les politiques
Avertissement
Synthèse
du
Rapport public thématique
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et
l’utilisation du rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
Les réponses des administrations et des organismes
concernés figurent à la suite du rapport.
Janvier 2013
Sommaire
3
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5
1
Un dualisme du marché du travail aggravé par
la crise
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Un financement de l’indemnisation du chômage
difficilement soutenable
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
11
3
Des dispositifs peu efficaces face à la hausse du
chômage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .15
4
Des politiques insuffisamment ciblées sur les publics
en difficulté
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .17
5
Une gouvernance publique et paritaire complexe et
insuffisamment coordonnée . . . . . . . . . . . . . . . . . . .19
Conclusion générale
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .22
Introduction
5
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L
’éclatement de la crise à l’été 2007 et sa propagation à l’économie réelle à partir de
la fin 2008 ont entraîné une forte augmentation du chômage dans notre pays.
Alors que son taux s’établissait à 7,4 % à la fin 2007, il a atteint 10,6 % en décembre 2012,
soit son plus haut niveau depuis deux décennies. Dans un contexte économique qui ne permet
pas d’entrevoir à court terme le retour d’une croissance suffisante pour aboutir à des créations
nettes d’emplois, l’économie française va probablement devoir faire face, au cours des prochaines
années, à un niveau de chômage élevé.
Face à cette situation, les politiques publiques ne sont pas restées inertes et de nombreuses
initiatives ont été prises. Toutefois, faute d’avoir pu prendre en compte tous les changements
intervenus sur le marché du travail, leur efficacité a été limitée et elles ne sont pas parvenues à
enrayer la hausse du chômage. Ces politiques subissent aujourd’hui double contrainte d’une
conjoncture économique qui accroît les besoins d’intervention et d’un contexte des finances
publiques qui en limite les moyens.
S’appuyant sur des enquêtes réalisées au cours des deux dernières années, la Cour a
consacré son analyse aux « politiques en faveur du marché du travail ». Cette notion, élaborée
par Eurostat à partir de 1996, recouvre « les interventions publiques sur le marché du travail
visant à permettre un fonctionnement efficace de celui-ci et à corriger des déséquilibres, et qui
peuvent être distinguées d’autres interventions plus générales de la politique de l’emploi dans la
mesure où elles agissent de façon sélective en favorisant des groupes particuliers sur le marché
du travail ». Ces politiques se caractérisent donc par leur ciblage sur les chômeurs inscrits auprès
du service public de l’emploi, ainsi que sur les autres groupes éprouvant des difficultés pour accé-
der au marché du travail ou s’y maintenir. En revanche, elles n’intègrent pas les mesures plus
générales, telles que les exonérations et allégements de cotisations sociales ou encore les mesures
concernant le droit du travail. Ainsi entendues, elles représentent un montant total de dépenses
s’élevant à plus de 50 Md€ par an, soit 2,5 points de PIB.
A l’issue de cette synthèse, la Cour propose une réorientation des politiques en faveur du
marché du travail, permettant de mieux cibler les moyens disponibles sur les demandeurs d’em-
ploi et les salariés qui sont les plus fragilisés par à la crise.
Les principales conclusions de la Cour sont développées dans les cinq chapitres du rap-
port :
- malgré les nombreuses mesures décidées à partir de 2008, l’évolution du chômage a été
plus défavorable en France que dans plusieurs pays européens, les personnes les plus fragilisées
de la population active apparaissant comme les principales victimes de la crise ;
- l’assurance chômage met en œuvre des règles d’indemnisation protectrices, mais son évo-
lution financière apparaît difficilement soutenable dans une période de très faible croissance ;
- certains dispositifs destinés à faire face à la dégradation de la situation de l’emploi,
comme le chômage partiel ou les contrats aidés, présentent une efficacité insuffisante ;
- le ciblage des dispositifs visant à l’accès à l’emploi ou au maintien dans l’emploi de ceux
qui en avaient le plus besoin n’a pas été satisfaisant ;
- les mesures prises pour pallier les conséquences de la multiplicité des acteurs des poli-
tiques de l’emploi et de la formation professionnelle n’ont pas eu les effets escomptés.
Introduction
7
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
1
Un dualisme du marché du
travail aggravé par la crise
Alors que l’activité économique a
relativement mieux résisté à la crise en
France que dans la moyenne des pays de
l’OCDE, et que les politiques du marché
du travail y ont été assez fortement
mobilisées, l’augmentation du chômage
dans notre pays à partir de 2009 a été
plus marquée que chez plusieurs de nos
voisins, notamment l’Allemagne.
Source : OCDE
Un dualisme du marché du travail aggravé
par la crise
8
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Une analyse plus approfondie mon-
tre que la dégradation de la situation de
l’emploi n’a pas affecté l’ensemble de la
population active de manière homo-
gène. Ce sont, en effet, les catégories les
plus fragiles de la population – titulaires
d’emplois précaires, jeunes, salariés peu
qualifiés, employés des petites entre-
prises – qui ont été les plus touchées.
Cette situation tient à deux spécifici-
tés de la réaction du marché du travail
français à partir de 2009 :
- en premier lieu, les employeurs se
sont adaptés à la baisse d’activité en
diminuant
les
effectifs
(flexibilité
externe) plus qu’en diminuant le nom-
bre
d’heures
travaillées
(flexibilité
interne). A cet égard, la France se diffé-
rencie fortement de l’Allemagne et de
quelques autres pays européens qui sont
parvenus à contenir l’augmentation du
chômage pendant la crise en sollicitant
les dispositifs de flexibilité interne,
notamment le chômage partiel ;
Source : OCDE
Un dualisme du marché du travail aggravé
par la crise
9
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
- en second lieu, la dégradation mar-
quée de la situation des salariés les plus
précaires à partir de 2009 a accentué le
« dualisme du marché du travail »,
constitué, d’une part, de travailleurs
relativement protégés dont l’emploi est
plutôt stable et, d’autre part, de travail-
leurs plus exposés, dont l’emploi est
temporaire et les mobilités fréquentes et
non volontaires.
La comparaison avec la crise de
1993 illustre cette évolution : alors qu’à
cette époque, les licenciements écono-
miques avaient été la forme d’ajuste-
ment dominante, en 2008 ce sont les
réductions massives de contrats pré-
caires (intérim et contrats à durée déter-
minée) qui ont absorbé l’essentiel du
choc de la crise, ces formes d’emploi
s’étant fortement développées depuis la
fin des années 1990. Ces transforma-
tions du marché du travail se sont affir-
mées alors même que les instruments
des politiques de l’emploi et de la forma-
tion professionnelle n’étaient pas tou-
jours adaptés à cette nouvelle situation.
11
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
2
Un financement de
l’indemnisation du chômage
difficilement soutenable
L’indemnisation du chômage joue
un rôle essentiel parmi les instruments
de la politique du marché du travail. En
apportant un revenu de remplacement
aux personnes privées d’emploi, elle
contribue au soutien de la consomma-
tion et atténue l’ampleur des fluctua-
tions économiques. Ses règles influent
également sur l’incitation des deman-
deurs d’emploi à retrouver une activité.
La situation financière de l’assurance
chômage s’est fortement dégradée au
cours des dernières années : la conven-
tion de 2009 met en œuvre un régime
sensiblement plus protecteur que ceux
d’autres pays. Par ailleurs, la soutenabi-
lité du régime est aujourd’hui remise en
cause par le maintien du chômage à un
niveau élevé.
Une couverture du risque
de chômage plus favorable
que dans d’autres pays
La France a abordé la crise avec une
nouvelle convention d’assurance chô-
mage. Signée au début de l’année 2009,
elle avait été négociée au cours de l’an-
née précédente, avec pour objet princi-
pal de favoriser une meilleure couver-
ture des chômeurs, notamment les plus
précaires. Elle a abouti à un élargisse-
ment des conditions d’accès à l’indemni-
sation. Alors que dans le système précé-
dent, la durée de travail minimale
requise pour pouvoir bénéficier d’une
indemnisation était de 6 mois au cours
d’une période de référence de 22 mois,
la nouvelle convention a abaissé à
4 mois la durée minimale d’affiliation
tout en élargissant à 28 mois la période
de référence.
Le régime français d’indemnisation
du chômage présente plusieurs caracté-
ristiques qui le rendent protecteur au
regard des systèmes mis en œuvre dans
les autres pays :
- il est plus accessible que dans la
plupart des pays européens en raison
d’une durée minimale de cotisation
courte et d’une période de référence
assez longue. Ainsi, alors que l’indemni-
sation est ouverte en France aux salariés
ayant travaillé 4 mois sur une période de
28 mois, elle ne l’est en Allemagne ou en
Italie qu’à ceux qui ont travaillé 12 mois
sur une période de 24 mois ;
-
son
niveau
d’indemnisation,
mesuré par son « taux de remplace-
Un financement de l’indemnisation du chômage
difficilement soutenable
12
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
______________
(1) Rapport entre l’indemnisation versée par l’assurance chômage et le revenu d’activité
antérieur.
(2) Taux de remplacement net intégrant les retenues sociales et fiscales ainsi que les
prestations sociales annexes (dont les allocations logement).
Taux de remplacement net selon le salaire de référence
(2)
Taux de remplacement nets y compris prestations sociales annexes dont allocations loge-
ment pour un demandeur d’emploi célibataire sans charges de famille
Source : calculatrice impôts-prestations de l’OCDE, calculs Cour des comptes
ment »
(1)
, est plutôt favorable : proche
de la moyenne européenne, il est toute-
fois plus élevé qu’à l’étranger pour les
salariés situés aux deux extrémités de
l’échelle des revenus : ceux disposant
des revenus les plus élevés et ceux dis-
posant des revenus les plus faibles ;
Un financement de l’indemnisation du chômage
difficilement soutenable
13
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
- il offre une durée maximale d’in-
demnisation longue (24 mois, contre
12 mois en Allemagne, 10 mois en
Suède ou 8 mois en Italie), mais réservée
aux salariés les mieux insérés dans l’em-
ploi, c’est-à-dire ceux ayant travaillé sur
des durées longues.
Un régime d’assurance
chômage confronté à la
crise
Le régime d’assurance chômage a
été fragilisé par la crise :
- son « taux de couverture » s’est
réduit (le taux de couverture rapporte le
nombre de personnes indemnisées sur
le nombre total de demandeurs d’em-
plois) passant de 48,5 % en 2009 à
44,8 % en 2011, en raison notamment
de l’arrivée en fin de droits d’un part éle-
vée des chômeurs ;
- sa nature est affectée par le fort
développement du régime d’indemnisa-
tion au titre de l’ « activité réduite », per-
mettant de cumuler une activité à temps
partiel ou à durée déterminée avec une
indemnisation. Ce régime concernait en
2011 45 % des allocataires et faisait
craindre que certaines entreprises n’intè-
grent cette situation dans leurs modes
de gestion en utilisant les allocations
comme une modalité de rémunération
de leurs salariés précaires ;
- son articulation avec les dispositifs
de solidarité (allocation de solidarité
spécifique, RSA) est devenue complexe
et conduit à des ruptures dans la prise en
charge de certains demandeurs d’em-
plois ;
- enfin, sa situation financière s’est
fortement dégradée depuis 2009. De
9 Md€ en 2010, l’endettement du régime
d’assurance chômage pourrait passer à
18,5 Md€ en 2013, soit près d’un point
de PIB. Cette évolution est notamment
liée à la dérive persistante du régime
d’indemnisation des intermittents du
spectacle (annexes 8 et 10 de la conven-
tion d’assurance chômage) dont le défi-
cit annuel s’élève à 1 Md€ au profit de
3 % seulement des demandeurs d’em-
plois.
15
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
3
Des dispositifs peu efficaces
face à la hausse du chômage
La France a abordé la crise avec des
instruments de politique de l’emploi
parfois obsolètes et dont l’efficacité s’est
révélée décevante. Cela a particulière-
ment été le cas du chômage partiel et
des contrats aidés.
L’insuffisante mobilisation
du chômage partiel
Tombé en quasi-obsolescence dans
la première partie des années 2000, le
dispositif de chômage partiel, qui per-
met à un établissement de réduire tem-
porairement son activité en-dessous de
la durée légale du travail afin d’éviter le
recours à des licenciements écono-
miques, a fait l’objet d’une tentative de
réforme à l’occasion de la crise. Sa
modernisation a abouti à la création en
2009 d’un nouveau régime de chômage
partiel, plus favorable, appelé « activité
partielle de longue durée » (APLD). Ce
système s’est ajouté au dispositif ancien
et ne l’a pas remplacé.
Les évolutions apportées à l’indem-
nisation du chômage partiel n’ont pu
conduire à une mobilisation satisfaisante
du dispositif pendant la crise, celle-ci
étant restée très inférieure à celle consta-
tée, par exemple, en Allemagne (250 000
salariés concernés en France en 2009,
contre plus d’1,5 million en Allemagne
au cours de la même année).
Cette faible mobilisation du chô-
mage partiel résulte de la conjonction de
plusieurs causes :
- une modernisation trop tardive du
dispositif au regard de la dynamique de
la conjoncture économique : en particu-
lier, l’APLD n’a pu être mise en œuvre
qu’à partir du 3
ème
trimestre de 2009,
après le paroxysme de la crise, à un
moment où les entreprises avaient déjà
commencé à avoir moins besoin de
recourir au chômage partiel ;
- des difficultés persistantes de
mobilisation du dispositif, en raison
notamment de sa complexité ;
- le caractère financièrement peu
attractif du chômage partiel pour les
entreprises. Ainsi, le reste à charge pour
l’employeur dans le cadre de la mobilisa-
tion du chômage partiel est sensible-
ment plus élevé en France que dans
d’autres pays : il est de l’ordre de 30 %
du coût de la rémunération antérieure
du salarié contre 15 % en Allemagne
(hors dispositions conventionnelles
éventuelles).
Des dispositifs peu efficaces face à la hausse
du chômage
16
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Le recours persistant à des
contrats aidés peu efficaces
Plus utilisés en France que dans les
autres pays européens, où ils ont quasi-
ment disparu, les contrats aidés ont été
mobilisés dans des conditions qui n’ont
pas permis d’obtenir des résultats satis-
faisants en termes d’insertion durable
dans l’emploi. Cela est particulièrement
notable des contrats aidés du secteur
non marchand, dont moins de la moitié
conduisent à une insertion et dont cer-
taines évaluations montrent qu’ils peu-
vent même dans certains cas réduire les
chances de leurs titulaires d’occuper
ultérieurement un emploi à durée indé-
terminée. Les raisons de ces résultats
médiocres tiennent à plusieurs facteurs :
un ciblage défaillant, des durées de
contrat trop courtes, un accompagne-
ment et une formation insuffisants des
bénéficiaires.
17
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
4
Des politiques insuffisamment
ciblées sur les publics en
difficulté
Les difficultés de ciblage des dispo-
sitifs de la politique de l’emploi et de la
formation professionnelle sont ancien-
nes. Ainsi, l’effort de formation profes-
sionnelle peine à être orienté vers ceux
qui en ont le plus besoin. Il en est allé de
même pour le recours aux contrats de
professionnalisation et aux dispositifs
d’aide au reclassement, à l’occasion de
la crise.
Un effort de formation
professionnelle
inégalement réparti
La formation professionnelle mobi-
lise en France des financements consi-
dérables qui s’élèvent à plus de 31 Md€,
soit 1,6 % du PIB, dont près de la moi-
tié est consacrée à l’indemnisation des
stagiaires pendant la formation. Cet
effort bénéficie toutefois aux différentes
catégories de la population de manière
très inégale. Il a tendance à reproduire,
et même à amplifier, les inégalités
engendrées par le fonctionnement du
marché du travail. En effet, les données
disponibles suggèrent que la formation
professionnelle continue bénéficie plus
aux salariés les mieux formés, alors
même que les moins qualifiés font face
au risque de chômage le plus élevé.
L’effort de formation est particuliè-
rement insuffisant s’agissant des deman-
deurs d’emploi, dont le taux d’accès à la
formation est nettement plus faible que
pour les salariés en activité. Ainsi, selon
l’enquête emploi de l’Insee de 2011, le
taux d’accès des chômeurs à la forma-
tion serait inférieur d’environ un tiers à
celui des actifs occupés.
En définitive, la probabilité de béné-
ficier d’une formation en France croît
avec la qualification initiale, avec la taille
de l’entreprise et décroît avec l’âge. Par
ailleurs, les salariés en activité bénéfi-
cient de formations dans une bien plus
large mesure que les demandeurs d’em-
ploi. Cette inégalité dans l’accès à la for-
mation professionnelle soulève la ques-
tion de la capacité de notre système à
offrir des formations aux personnes en
ayant le plus besoin.
Des difficultés de ciblage
des dispositifs accrues avec
la crise
La montée du chômage a entraîné
une concurrence croissante pour l’accès
aux différents dispositifs, qui a modifié
le profil de leurs bénéficiaires en l’écar-
tant parfois sensiblement du public ini-
tialement visé. Ces problèmes ont été
Des politiques insuffisamment ciblées sur les
publics en difficulté
18
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
constatés à tous les échelons de la poli-
tique de l’emploi, tant pour l’insertion
que poue la réinsertion sur le marché du
travail.
Ainsi, les contrats aidés et les
contrats de professionnalisation, qui
sont des contrats de travail prévoyant
une formation en alternance, ont été
insuffisamment orientés vers les moins
diplômés, en contradiction avec les
objectifs poursuivis par le gouverne-
ment
et
les
partenaires
sociaux.
Concernant les contrats de profession-
nalisation, la part des moins diplômés
dans les bénéficiaires de cette mesure a
constamment reculé de 2009 à 2011,
alors que celle des diplômés de l’ensei-
gnement supérieur augmentait de 60 %
pendant la même période.
Certains dispositifs de reclassement
des demandeurs d’emploi ont connu le
même défaut de ciblage. Ainsi, les
contrats de transition professionnelle
(CTP) et les conventions de reclasse-
ment personnalisées (CRP) prévoyaient,
au bénéfice de salariés ayant fait l’objet
d’un licenciement économique, le verse-
ment d’une indemnisation majorée et un
accès renforcé à la formation. Dans le
cadre de ces dispositifs (fusionnés en
2011 en un seul, le contrat de sécurisa-
tion professionnelle, CSP), des moyens
très importants ont été mobilisés au
profit d’une population dont rien ne
garantissait pourtant que tous ses mem-
bres étaient dans une situation justifiant
pleinement ces efforts particuliers. En
effet, tous les licenciés économiques ne
sont pas nécessairement les plus fragili-
sés au regard du marché du travail. Dans
un plan de sauvegarde de l’emploi
(PSE), en particulier quand il est fait
appel au volontariat, ce qui est fréquent
dans les grandes entreprises, une frac-
tion parfois significative des personnes
licenciées peut détenir des qualifications
et une expérience qui font que leur
reclassement n’est pas plus difficile que
pour la moyenne des demandeurs d’em-
ploi. A l’inverse, il y a parmi les salariés
arrivant en fin de contrat à durée déter-
minée ou de mission d’intérim, des per-
sonnes faiblement qualifiées pour les-
quels l’accès à un dispositif tel que le
contrat de sécurisation professionnelle
serait utile et justifié mais qui, en l’état
actuel de la législation, ne peuvent en
bénéficier.
19
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Cour des comptes
5
Une gouvernance publique et
paritaire complexe et
insuffisamment coordonnée
Les acteurs de la politique de l’em-
ploi et de la formation professionnelle
sont particulièrement nombreux. Les
actions menées par l’Etat, les régions, les
partenaires sociaux, ainsi que par leurs
opérateurs (Pôle emploi, OPCA, etc.) se
superposent sans faire l’objet d’une véri-
table coordination.
Un grand nombre d’acteurs
Si l’Etat joue un rôle d’impulsion
déterminant dans l’orientation de la
politique de l’emploi, la politique de for-
mation professionnelle continue est
organisée par les partenaires sociaux, en
lien avec les compétences étendues dont
disposent les régions et les prérogatives
que conserve l’Etat dans ce domaine.
Cette imbrication des compétences
aboutit, au niveau local, à la multiplica-
tion des instances de pilotage et de coor-
dination relatives aux questions d’em-
ploi et de formation professionnelle.
Ainsi, à titre d’exemple, la direction
régionale de Pôle emploi en Ile-de-
France a indiqué participer à 13 ins-
tances de coordination de cette nature.
Cette multiplicité de centres de déci-
sion ne facilite pas la mise en place de
politiques ciblées du marché du travail,
qui nécessiterait au contraire une cer-
taine unité de pilotage entre les diffé-
rents acteurs. Les réflexions actuelles sur
la décentralisation doivent prendre en
compte la nécessité d’une simplification
drastique de ce dispositif complexe, qui
fasse à la fois place à une gouvernance
resserrée et à la nécessaire implication
de la des acteurs.
Le fonds d’investissement
social : une tentative
inaboutie de coordination
de l’Etat et des partenaires
sociaux
Annoncée à l’occasion du sommet
social du 18 février 2009, la création du
fonds d’investissement social (Fiso)
avait pour objet « de coordonner les
efforts en faveur de l’emploi et de la for-
mation professionnelle en consolidant
différentes sources de financement de
l’Etat et des partenaires sociaux, chacun
conservant la responsabilité pleine et
entière de ses financements ».
Ce dispositif n’a pas produit les
résultats escomptés. La parité de finan-
cement initialement annoncée entre
l’Etat et les partenaires sociaux n’a
jamais été atteinte, le Fiso ayant essen-
tiellement servi de « labellisation » à des
Une gouvernance publique et paritaire complexe
et insuffisamment coordonnée
20
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
moyens budgétaires engagés en faveur
de l’emploi dans le cadre du plan de
relance de l’économie française de 2009-
2010. Le « comité de pilotage » du Fiso,
qui devait permettre aux représentants
de l’Etat et des partenaires sociaux de
suivre l’emploi de ces moyens, n’a eu
qu’une existence éphémère et a cessé de
se réunir un peu plus d’un an après sa
création.
Si la coordination permise par le
Fiso a été plus effective au plan local
qu’au niveau national, ce dispositif n’a
eu, en définitive, qu’un impact très limité
et apparaît comme une tentative inabou-
tie pour mieux articuler les moyens des
partenaires sociaux et de l’Etat.
Le fonds paritaire de
sécurisation des parcours
professionnels (FPSPP) :
des missions ambitieuses
mais un fonctionnement
encore déficient
Résultant de l’accord national inter-
professionnel du 7 janvier 2009 et de la
loi du 24 novembre 2009, le FPSPP
constitue une importante innovation
institutionnelle dans le domaine de la
formation professionnelle continue. Ses
missions sont ambitieuses :
- mieux orienter la formation pro-
fessionnelle vers les salariés les moins
qualifiés ou les plus fragiles ainsi que les
demandeurs d’emploi, afin de faire de la
formation professionnelle un outil de
sécurisation des parcours profession-
nels ;
- rendre l’ensemble du système de
financement de la formation profession-
nelle plus transparent ;
- favoriser les cofinancements entre
l’Etat, les partenaires sociaux et les
régions.
Les résultats demeurent en-deçà des
attentes initiales :
- concernant les opérations cofinan-
cées, la disproportion entre les engage-
ments, les paiements et les réalisations
certifiées souligne la fragilité du disposi-
tif, la capacité d’absorption limitée des
porteurs de projets et l’inadaptation du
dispositif de contrôle ; à l’évidence, l’ap-
port de crédits du FSE a nécessité la
mise en place de procédures de contrôle
très strictes qui ont largement dépassé
les moyens administratifs du FPSPP,
entraînant des difficultés importantes de
gestion des projets ;
- l’absence des régions dans les
appels à projets, alors même que la loi
en prévoyait la possibilité, a restreint les
moyens dont le FPSPP disposait pour
atteindre les objectifs ambitieux qui lui
avaient été assignés.
Conclusion
21
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
L
e présent rapport souligne les faiblesses du dispositif français d’intervention en faveur du
marché du travail. Souvent anciennes, elles ont été accusées par la crise qui a éclaté en
2008. De ce fait, en dépit des réformes nombreuses conduites au cours de ces dernières années, ce
dispositif reste largement inadapté à un contexte de chômage durablement élevé.
La Cour appelle l’attention de l’ensemble des acteurs concernés : Etat, régions et partenaires
sociaux, sur la nécessité d’une inflexion dans la conduite des politiques du marché du travail. Face
à une situation inédite, les solutions traditionnelles ne sont plus adaptées et les changements néces-
saires concernent autant les dispositifs que la façon dont ils sont pilotés par les acteurs de la poli-
tique de l’emploi et de la formation professionnelle.
Dans ce contexte, les recommandations de la Cour visent à améliorer la « résilience » du mar-
ché du travail afin de limiter autant que possible le coût économique et social de la crise
actuelle.
Recommandations
22
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Concernant le régime d’assu-
rance chômage :
réviser l’ensemble des paramè-
tres permettant de rétablir la situation
financière du régime d’assurance chô-
mage et notamment :
- les règles d’indemnisation des
annexes 8 et 10 de manière à réduire
significativement le déficit de ce
régime, en distinguant notamment
davantage les règles applicables aux
techniciens du spectacle de celles
applicables aux artistes ;
- remplacer l’actuel taux de contri-
bution uniforme par un taux majoré
pour les contrats d’une durée limitée,
rendant plus coûteuses les contribu-
tions des employeurs ayant le plus
recours à ces formes de contrats
(CDD et intérim) ;
- mettre en place un taux de rem-
placement décroissant des prestations
de l’assurance chômage pour les
niveaux d’indemnisation les plus éle-
vés, à l’image de ce qui existe dans la
plupart des pays européens.
accroître les incitations au
retour à l’emploi :
- inciter à la mobilité géographique
ou à la diminution du salaire lorsque
celle-ci est un paramètre clé de la
reprise d’emploi ;
- supprimer l’aide différentielle de
reclassement, eu égard au nombre res-
treint de bénéficiaires et à la nécessité
de limiter le nombre de dispositifs
poursuivant des objectifs similaires ;
- réexaminer les règles de l’indem-
nisation en activité réduite ;
- simplifier les dispositifs d’incita-
tion à l’activité (prime pour l’emploi,
revenu de solidarité active, activité) et
rechercher un meilleur équilibre entre
le montant de ces incitations et le taux
de remplacement des prestations d’as-
surance chômage au voisinage du
salaire minimum interprofessionnel de
croissance.
évaluer les effets d’une refonte
du système d’indemnisation des chô-
meurs, prévoyant d’articuler, de façon
concomitante, un socle relevant de la
solidarité et un étage au titre de l’assu-
rance chômage. Cette évaluation devra
porter sur les conséquences financières
d’une telle refonte et l’utilisation qui
pourrait en être faite pour accompa-
gner un reclassement plus rapide.
renforcer la cohérence des pres-
tations versées aux demandeurs d’em-
ploi :
- améliorer l’articulation entre les
prestations versées par l’assurance
chômage et les prestations de solidarité
(allocation de solidarité spécifique et le
revenu de solidarité active socle) ; à
cette fin, optimiser l’échange d’infor-
mations physico-financières entre Pôle
emploi, l’Unédic et les services de
l’Etat chargés de l’emploi ;
- simplifier les prestations de soli-
darité versées aux demandeurs d’em-
ploi, de manière à mieux prendre en
compte la situation de ceux qui, actuel-
lement, n’ont accès ni aux unes ni aux
autres.
Recommandations
23
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
S’agissant du chômage partiel
:
fusionner les deux dispositifs qui
coexistent actuellement (activité par-
tielle de longue durée et chômage par-
tiel « classique ») ;
à l’occasion de cette simplifica-
tion, réexaminer la pertinence de
l’équilibre économique du système
français de chômage partiel, actuelle-
ment plus favorable pour les salariés et
moins incitatif pour les employeurs
qu’à l’étranger.
S’agissant des caractéristiques
générales des contrats aidés
:
revoir l’équilibre entre contrats
du secteur marchand et contrats du
secteur non marchand au bénéfice des
premiers, sauf quand les contrats du
secteur non marchand préparent une
insertion ultérieure ;
réserver l’accès aux contrats
aidés aux seuls bénéficiaires qui ne peu-
vent pas être orientés vers des disposi-
tifs dont l’efficacité apparaît mieux
fondée.
S’agissant de la formation des
demandeurs d’emploi
:
engager une réflexion sur l’orga-
nisation de la prescription de forma-
tion et l’accompagnement vers la for-
mation des demandeurs d’emploi :
mobilisation des compétences des
agents prescripteurs, articulation de
formations courtes et longues pour la
qualification sans détourner de l’em-
ploi ;
cibler l’offre de formation pro-
fessionnelle par Pôle emploi vers les
publics prioritaires, comme le prévoit la
convention tripartite Etat-Pôle emploi-
Unédic signée en 2011 ;
proposer aux publics ciblés des
prestations d’accompagnement perfor-
mantes et renforcées ;
S’agissant
du
ciblage
des
contrats aidés
:
réserver les contrats à des
publics dont le niveau de qualification
initial est faible afin d’éviter l’éviction
des bénéficiaires potentiels les moins
diplômés par ceux qui, mieux formés,
pourraient trouver d’autres voies d’ac-
cès à l’emploi ;
assortir systématiquement l’exé-
cution du contrat d’une formation
allant au-delà de l’adaptation au poste
de travail ;
moduler l’aide en fonction de la
qualité de la formation prévue par le
contrat ;
inscrire les contrats aidés dans
une durée suffisante (supérieure à 1 an)
tout particulièrement lorsque leurs
bénéficiaires sont les publics éloignés
de l’emploi ;
en contrepartie de cette inscrip-
tion dans la durée, prévoir une revue
régulière par le prescripteur du respect
par l’employeur de ses engagements en
matière de formation et d’accompagne-
ment ;
Recommandations
24
Synthèse
du Rapport public thématique de la
Cour des comptes
Concernant les contrats de pro-
fessionnalisation
:
supprimer les aides forfaitaires
peu efficaces versées par Pôle emploi
pour orienter les contrats de profes-
sionnalisation sur les moins qualifiés ;
mobiliser les conventions d’ob-
jectifs et de moyens (COM) passées
entre l’Etat et les OPCA afin d’orien-
ter les financements de ces derniers
vers des publics prioritaires ;
Concernant les contrats de
sécurisation professionnelle
:
soumettre l’accès au contrat de
sécurisation professionnelle non à un
critère lié à la situation juridique du
bénéficiaire, mais à l’appréciation de sa
distance à l’emploi ;
inscrire la formation dans une
logique de parcours, articulant forma-
tions courtes et longues, nécessitant
une forte implication du bénéficiaire
lui-même dans l’élaboration de son
projet professionnel et une co-
construction avec l’organisme chargé
de l’accompagnement.
S’agissant des compétences des
différents acteurs et de leur coordi-
nation
:
clarifier dans le cadre de la nou-
velle étape de la décentralisation qui
s’organise, les compétences effectives
des régions et des autres acteurs en
matière d’emploi et de formation en
limitant autant que faire se peut les
situations où les compétences des uns
et des autres se trouvent limitées par
les cofinancements ou les codécisions ;
simplifier et rendre plus effi-
caces les instances chargées de la coor-
dination des acteurs au niveau local, en
précisant les prérogatives du chef de
file compétent pour la politique de la
formation professionnelle et celle de
l’emploi.
S’agissant du fonds paritaire de
sécurisation des parcours profes-
sionnels et de la mobilisation d’une
partie des fonds de la formation
professionnelle au profit de la for-
mation des demandeurs d’emploi
:
saisir l’occasion de la négocia-
tion de la convention cadre Etat-
FPSPP 2013-2015 pour inciter le
fonds à mener des actions coordon-
nées avec celles des régions par les
conventions FPSPP-conseils régio-
naux, comme le prévoient l’accord et la
loi qui ont créé le fonds ;
à l’occasion de cette même
convention, réexaminer la pertinence
du recours au fonds social européen
pour assurer le financement délégué
par l’Etat au fonds paritaire de sécuri-
sation des parcours professionnels ;
améliorer l’efficacité et la trans-
parence de la gestion du fonds en met-
tant en place des procédures permet-
tant de vérifier et de suivre en temps
réel l’utilisation effective des fonds par
les porteurs de projets.