Seul le prononcé fait foi
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Discours de M. Didier Migaud,
Premier président de la Cour des comptes
Présentation à la presse du rapport public thématique sur le
marché du travail face à un chômage élevé : mieux cibler les politiques
Mardi 22 janvier 2013
Mesdames, messieurs,
J
e vous souhaite la bienvenue à l’occasion de la publication d’un nouveau rapport public thématique
de la Cour sur le marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques.
Cette publication intervient dans un contexte où les questions d'emploi et de fonctionnement du
marché du travail sont au cœur des préoccupations des acteurs publics et des partenaires sociaux.
Ces
thèmes représentent à la fois un sujet d'inquiétude majeur, face à la hausse préoccupante du chômage, et
l'une des clés de la reprise économique. La Cour a souhaité s'inscrire dans cette réflexion collective, engagée
notamment en juillet dernier à l'occasion de la conférence sociale, en apportant sa propre contribution.
Ce rapport offre une mise en perspective des travaux de la Cour depuis 2008 sur les politiques de
l'emploi et de la formation professionnelle, actualisés et complétés par de nombreuses enquêtes nouvelles. Il
fournit un tableau d'ensemble qui permet à la Cour d'éclairer le débat en cours, d'alerter les décideurs et les
citoyens sur certains aspects inquiétants du fonctionnement du marché du travail français, et de formuler des
recommandations pour améliorer l'efficacité des instruments de la politique publique en faveur de la création
d'emplois et de la formation professionnelle et lui permettre de s'adapter aux évolutions économiques à
l'œuvre.
Pour vous présenter ce rapport, je suis entouré d'Anne Froment-Meurice, présidente de la cinquième
chambre de la Cour, Jean-Marie Bertrand, président de chambre et rapporteur général de la Cour, Michel
Davy de Virville, conseiller maître et rapporteur, Christophe Strassel, conseiller référendaire et rapporteur, et
Evelyne Ratte, conseillère maître et contre-rapporteure.
La Cour a adopté ce rapport le 9 janvier 2013, avant que la négociation nationale
interprofessionnelle sur la sécurisation de l'emploi n'aboutisse. Naturellement, la Cour n'a pas d’appréciation à
porter a priori sur le nouvel accord national interprofessionnel. Mais chacun pourra constater que certains
points traités par l'accord apportent des réponses à des recommandations formulées dans le rapport. Les
problématiques soulevées par la Cour sont toutefois plus larges et concernent d'autres sujets comme
l'assurance chômage ou la décentralisation.
Je dois apporter d'emblée une précision sur le champ couvert par le rapport qui vous est présenté ce
matin. Il ne traite pas de l'ensemble des politiques de l’emploi et de la formation professionnelle, mais des
politiques dites « en faveur du marché du travail » ou « politiques du marché du travail ». Cette expression,
forgée par les statisticiens et utilisée pour les comparaisons internationales, désigne les interventions qui ont
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vocation à être ciblées sur certaines catégories de salariés éprouvant des
difficultés particulières d’insertion ou
de maintien dans l’emploi. On trouve sous cette définition des instruments divers et importants pour améliorer
le fonctionnement du marché du travail :
- les dépenses de formation professionnelle des chômeurs ;
- les dépenses de chômage partiel ;
- les emplois aidés ;
- les allocations de chômage ;
- le fonctionnement des services du marché du travail, en particulier Pôle emploi.
Il faut noter que cet ensemble n’intègre pas les dispositifs généraux, portant sur l'e
nsemble des
salariés, comme les allègements généraux de cotisations sociales sur les bas salaires. Il met également de
côté la question du droit du travail ou des coûts salariaux, qui relèvent de problématiques encore plus larges
qui n’avaient pas vocation
à être examinées dans le présent rapport.
Ainsi définies, les politiques du marché du travail représentaient une dépense de 50 Md€ en 2010
dans notre pays, soit 2,5 points de PIB. Elles ont augmenté de 10
Md€ entre 2008 et 2010. En dépit de ces
sommes importantes et de réformes nombreuses conduites au cours des dernières années, les résultats
obtenus sont décevants, ce qui met en évidence que les outils traditionnels demeurent inadaptés au contexte
actuel et imposent des évolutions en profondeur. Avant de vous présenter les principaux messages de ce
rapport, j'aimerais insister sur l'analyse économique de l'évolution du marché de travail qu'a menée la Cour.
Vous le savez, le recul de l'activité économique depuis le début de la crise a été moins marqué en
France que dans la plupart de ses voisins. Ce qui distingue également notre pays, notamment en
comparaison avec l’Allemagne [
voir la diapositive 1
], c'est le constat que son marché du travail a moins bien
réagi à cette dégradation : le recul de l'activité s'est accompagné d'un plus grand nombre de destruction
d'emplois que chez nos voisins. Le taux de chômage observé en France est aujourd'hui très proche de la
moyenne européenne et son évolution est préoccupante. Des pays comme les Pays-Bas, la Belgique ou la
Suède ont connu une évolution moins défavorable du chômage alors que le recul d'activité y a souvent été
plus marqué.
Parmi les pays qui nous sont comparables [
voir la diapositive 2
], la France est le seul dans lequel la
diminution du total des heures travaillées, c'est-à-
dire le recul de l’activité, s’est à ce point traduite par des
destructions d’emplois. On parle de flexibilité externe. En Allemagne au contraire, le recul de l’activité a été
entièrement absorbé par la flexibilité interne, c'est à dire par des ajustements en termes de salaires et
d'horaires. Elle a même légèrement augmenté le nombre total d’emplois [comme cela apparaît à peine sur le
graphique]. En France, le recours massif à la flexibilité externe peut
s’expliquer par les insuffisances des outils
permettant à la flexibilité interne de s’exercer
: réduction des horaires, diminution temporaire des salaires. Ce
comportement s’explique également par le développement important des formes d'emploi précaires (C
DD,
intérimaires) que connaît notre pays depuis plus de vingt ans. Ce type d'emplois permet de réaliser facilement
des ajustements par flexibilité externe, au détriment de ceux qui en sont titulaires, notamment les jeunes et les
personnes peu qualifiées.
Davantage que les crises précédentes [
voir la diapositive 3
], la période récente a ainsi vu une nette
aggravation d'un des principaux défauts du marché du travail français qui est son dualisme, c'est à dire le fait
qu'il existe une coupure de plus en plus importante entre :
d'une part, des salariés relativement protégés et dont l'emploi est plutôt stable ;
et d'autre part, des personnes qui enchaînent des contrats précaires, dont la mobilité est
fréquente et non volontaire, qui ont un pouvoir de négociation faible et sur lesquels portent
l'essentiel des ajustements du niveau d'emploi.
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Ces ajustements ont été importants : pour l'illustrer, le nombre de salariés en intérim s'est effondré
de 75 % entre la fin 2011 et la fin 2012. Ainsi, l'exposition au chômage et le risque d'éloignement de l'emploi
concerne au premier chef les personnes qui appartiennent à la seconde catégorie, notamment les jeunes peu
qualifiés qui s'efforcent d'entrer dans l'emploi.
Ce constat inquiétant, tant pour la situation économique de notre pays que pour sa cohésion sociale,
met en évidence la nécessité que tous les instruments de la politique en faveur du marché du travail soient
conçus pour pallier les effets de ce dualisme, en ciblant les dispositifs sur les salariés les plus fragiles. Or, la
Cour a constaté, en examinant chacun des dispositifs, qu'ils souffraient presque tous d'un ciblage insuffisant.
C'est pourquoi son message central, et le fil rouge qui guide ce rapport, est que dans une période de chômage
élevé et de ressources budgétaires contraintes, la seule possibilité pour améliorer les résultats de cette
politique
est de mieux cibler les instruments disponibles sur les demandeurs d’emploi qui en ont le plus
besoin.
La Cour a formulé des constats et des recommandations sur les principaux instruments. Avant de
vous les présenter, je veux vous résumer les cinq messages qui peuvent en être tirés :
le système d'indemnisation des chômeurs est l'un des plus favorables en Europe, mais
l’évolution de son financement au rythme actuel est insoutenable. Des pistes de rééquilibrage
sont avancées ;
le
chômage partiel a été très insuffisamment mobilisé au cours de la crise, en raison de sa
complexité, de son insuffisante attractivité financière et d'adaptations tardives ;
la France est désormais l'un des seuls pays à recourir autant aux contrats aidés, qui
concernent essentiellem
ent le secteur non marchand et des durées d’emploi courtes. Or, les
évaluations disponibles montrent que ce type de contrat est susceptible d’avoir un effet
négatif sur le retour durable à l’emploi
;
la formation professionnelle, ainsi que les dispositifs
d’aide au reclassement, ne sont pas
orientés vers ceux qui en bénéficieraient le plus ;
enfin, la gouvernance publique et paritaire apparaît complexe et insuffisamment coordonnée.
Je vais revenir sur chacun de ces cinq messages en quelques mots
. D’abord
l
’indemnisation du
chômage
. Les caractéristiques du régime résultent de la négociation entre les partenaires sociaux, dans le
cadre des conventions Unédic. Les règles d’indemnisation ont été modifiées pour la dernière fois en 2009 puis
réajustées à la marge en 2011, essentiellement dans le but de favoriser une meilleure couverture des
chômeurs.
Le régime français d’assurance chômage apparaît plus protecteur que dans beaucoup d’autres pays :
Il est plus accessible, en raison de la fixation d’une des durée
s minimales de cotisation les
plus courtes d’Europe –
4 mois contre 12 mois dans la plupart des pays
–, et d’une période de
référence assez longue : 2 ans pour les moins de 55 ans ;
Il offre une durée maximale d’indemnisation plus longue, quoique réservée
aux salariés les
mieux insérés dans l’emploi
;
Il est le seul à prévoir un régime aussi dérogatoire au droit commun en faveur de certaines
professions, notamment les artistes et techniciens du spectacle ;
Les indemnités perçues se situent entre 93 % et 63 % du revenu net antérieur. Ce taux dit de
remplacement est plutôt favorable [
voir la diapositive 4
] : proche de la moyenne européenne,
il est toutefois plus élevé qu’à l’étranger pour les salariés situés aux deux extrémités de
l’échelle des revenus
: surtout ceux disposant des revenus les plus élevés. Ce profil
singularise une nouvelle fois notre pays, qui offre aux revenus les plus élevés des prestations
relativement plus généreuses que chez nos voisins.
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L’assurance chômage est un levier souvent utilisé dans une optique de soutien aux revenus et de
stabilisation macroéconomique. De ce point de vue, elle a joué son rôle. Toutefois, la prolongation de la crise
met en évidence des fragilités du régime d’assurance chômage. L’articulation entre le système
d’indemnisation et les dispositifs de solidarité conçus
pour en prendre le relais n’est pas satisfaisante. Le
développement très important de l’indemnisation des demandeurs d’emploi en activité réduite, qui
représentent une personne indemnisée sur deux, pose question. Il comporte en effet le risque de faire évoluer
l’assurance chômage vers un rôle de financeur d’un revenu complémentaire pour les salariés en activité
précaire.
Mais la principale fragilisation de l’assurance chômage vient de la forte dégradation de sa situation
financière depuis le début de la crise [
voir la diapositive 5
]. Le déficit prévu pour 2013 est de 5
Md€, soit 13
%
des dép
enses du régime. En conséquence, l’endettement progresse de façon continue
: il était de 5 Md€ en
2008, devrait atteindre en 2012
13,7 Md€ et pourrait s’élever à 18,5
Md€ en 2013, soit près d’un point de PIB.
Une telle tendance apparaît insoutenable.
La
Cour recommande d’assurer le retour à l’équilibre du régime. Ce rééquilibrage passe par la
maîtrise de ses dépenses. A ce titre, la Cour propose de baisser le taux de remplacement des indemnités les
plus élevées. La hausse des recettes peut aussi contribuer au rééquilibrage du régime. La Cour recommande
d’instaurer une modulation du taux de cotisation pour pénaliser les employeurs qui ont le plus recours aux
contrats précaires, ceux-
ci entraînant une charge plus élevée pour l’assurance chômage et, plus
géné
ralement, pour le service public de l’emploi.
Le déficit récurrent de l’assurance chômage est pour partie lié à la dérive persistante du régime
d’indemnisation des intermittents du spectacle dont le déficit annuel s’élève à 1
Md€ au profit de 3%
seulement
des demandeurs d’emplois. Il y a un an, dans son rapport public annuel, la Cour a critiqué le
caractère insoutenable et injuste de ce dispositif par rapport aux autres catégories de salariés, et appelé à
engager son rééquilibrage. Nous renouvelons dans ce
rapport l’urgence de cette entreprise.
J’aborde maintenant le
chômage partiel
qui est un instrument central pour assurer le maintien dans
l’emploi en cas de baisse de l’activité. Il a été sous
-
utilisé en France pendant la crise et continue de l’être
aujo
urd’hui, alors que les pays qui ont le mieux réussi à limiter l’augmentation du chômage durant la crise sont
aussi ceux qui l’ont le plus sollicité
: l’Allemagne, la Belgique, mais aussi l’Italie. Seuls 250.000 salariés ont été
concernés en France en 2009,
contre plus d’1,5 million en Allemagne au cours de la même année.
Cette sous-
utilisation du chômage partiel est coûteuse pour l’économie française. Elle se traduit par
des destructions d’emploi plus nombreuses, concernant essentiellement le secteur indus
triel à qui ce dispositif
s’adresse principalement. Ces mauvais résultats en termes d’emplois résultent certes pour une part
d’évolutions structurelles
: la part de l’emploi industriel dans l’emploi total est en régression. Mais le recours
massif aux contr
ats précaires n’incite pas les entreprises à avoir recours au chômage partiel lors des périodes
de crise, ce dispositif concernant essentiellement des salariés en CDI.
La sous-
utilisation du chômage partiel résulte aussi de l’inadaptation du système fran
çais, trop
complexe et insuffisamment incitatif pour les entreprises. C’est pourquoi la Cour recommande de fusionner les
deux dispositifs de chômage partiel existants. Elle propose également de rendre le recours à celui-ci plus
incitatif pour les entrepris
es en diminuant la part de l’indemnisation du salarié restant à leur charge, sur le
modèle de ce qui est fait en Allemagne. Le reste à charge de l’employeur est de l’ordre de 30% du coût de la
rémunération antérieure du salarié en France contre 15% en Allemagne.
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Les
contrats aidés
sont un autre dispositif qui s’est montré peu adapté à la montée du chômage. En
effet, ils sont constitués essentiellement de contrats dans le secteur non marchand, de durée courte et
auxquels sont rarement associées des actions de formation suffisantes. Les évaluations disponibles montrent
que ces contrats, tels qu’ils ont été mis en place, ont un effet nul voire négatif sur l’employabilité de leurs
bénéficiaires. La Cour recommande de modifier la répartition entre contrats aidés au profit de ceux dans le
secteur marchand, ainsi que de privilégier les contrats longs, assortis de formation et ciblés sur les moins
qualifiés.
J’aborde maintenant le troisième message
:
la
formation professionnelle, ainsi que les
dispositifs d’aide a
u reclassement
ne sont pas orientés vers les personnes les plus éloignées de l’emploi.
La formation professionnelle d’abord
: elle mobilise en France des financements considérables qui
s’élèvent à plus de 31 Md€ soit 1,6% du PIB, dont près de la moitié est consacrée à l’indemnisation des
stagiaires pendant la formation. Cet effort bénéficie toutefois aux différentes catégories de la population de
manière très inégale. Il a tendance à reproduire, et même à amplifier, les inégalités engendrées par le
foncti
onnement du marché du travail. Ainsi, la probabilité de bénéficier d’une formation dans notre pays croît
avec la qualification initiale [
voir la diapositive 6
]. Elle croît également avec la taille de l’entreprise et décroît
avec l’âge. Par ailleurs, les salariés en activité bénéficient de formations dans une bien plus large mesure que
les deman
deurs d’emploi. Ainsi, selon l’enquête emploi de l’Insee de 2011, le taux d’accès des chômeurs à la
formation serait inférieur d’environ un tiers à celui des actifs occupés. Cette inégalité dans l’accès à la
formation professionnelle soulève la question de la capacité de notre système à offrir des formations aux
personnes en ayant le plus besoin. La Cour recommande de cibler l’offre de formation professionnelle de Pôle
emploi sur les publics prioritaires, comme le prévoit la convention tripartite Etat-Pôle emploi-Unédic signée en
2011.
Les contrats de professionnalisation
, qui sont des contrats de travail prévoyant une formation en
alternance, souffrent du même défaut majeur de ciblage. Ils ont été insuffisamment orientés vers les moins
diplômés, en contradiction avec les objectifs poursuivis par le gouvernement et les partenaires sociaux. La
part des moins diplômés dans les bénéficiaires de cette mesure a constamment reculé de 2008 à 2011. Ainsi,
les personnes ayant un niveau CAP ou BEP ont vu leur part se réduire de 24,6 % à 20 %, tandis que celle des
diplômés de l’enseignement supérieur passait de 28,3
% à 36,4 %.
Certains dispositifs de reclassement des demandeurs d’emploi
ont connu le même défaut de
ciblage. Ainsi, les contrats de transition professionnelle (CTP) et conventions de reclassement personnalisées
(CRP) prévoyaient au bénéfice de salariés ayant fait l’objet d’un licenciement économique le versement d’une
indemnisation majorée et un accès renforcé à la formation. Dans le cadre de ces dispositifs - fusionnés en
2011 en un seul,
le contrat de sécurisation professionnelle, le CSP
-, des moyens très importants ont été
mobilisés au profit d’une population dont rien ne garantissait pourtant que tous ses membres étaient dans une
situation justifiant pleinement ces efforts particuliers. En effet, tous les licenciés économiques ne sont pas
nécessairement les plus fragilisés au regard du marché du travail. Une fraction parfois significative des
personnes licenciées peut détenir des qualifications et une e
xpérience qui font que leur reclassement n’est
pas plus difficile que pour la moyenne des demandeurs d’emploi. A l’inverse, il y a parmi les salariés arrivant
en fin de contrat à durée déterminée ou de mission d’intérim, des personnes faiblement qualifiées
pour
lesquels l’accès à un dispositif tel que le contrat de sécurisation professionnelle serait utile et justifié mais qui,
en l’état actuel de la législation, ne peuvent en bénéficier. La Cour recommande de soumettre l’accès au CSP
non à un critère lié à la situation juridique du bénéficiaire -
en l’espèce, le fait d’avoir fait l’objet d’un
licenciement économique -
, mais à l’appréciation de sa distance à l’emploi.
Enfin, la
gouvernance publique et paritaire
apparaît complexe et insuffisamment coordonnée. Les
acteurs de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle sont particulièrement nombreux. Les
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actions menées par l’Etat, les régions, les partenaires sociaux, ainsi que par leurs opérateurs (Pôle emploi,
OPCA, etc.) se superposent sans f
aire l’objet d’une véritable coordination. Si l’Etat joue un rôle d’impulsion
déterminant dans l’orientation de la politique de l’emploi, il n’en va pas de même pour la politique de formation
professionnelle continue qui est organisée par les partenaires sociaux, en lien avec les compétences
étendues dont disposent les régions et les prérogatives que conserve l’Etat dans ce domaine.
Cette imbrication des compétences aboutit, au niveau local, à la multiplication des instances de
pilotage et de coordination
relatives aux questions d’emploi et de formation professionnelle. Ainsi, à titre
d’exemple, la direction régionale de Pôle emploi en Ile
-de-France a indiqué participer à 13 instances de
coordination de cette nature, certaines prévues par les textes, d’autres résultant d’initiatives locales.
Cette multiplicité des centres de décision ne facilite pas la mise en place de politiques ciblées du
marché du travail, qui nécessiterait au contraire une certaine unité de pilotage entre les différents acteurs. Les
r
éflexions actuelles sur la décentralisation doivent prendre en compte la nécessité d’une simplification
drastique de ce dispositif complexe, qui fasse à la fois place à une gouvernance resserrée et à la multiplicité
des acteurs.
Pour cela, il faut préciser sujet par sujet le chef de file compétent.
Annoncée à l’occasion du sommet social du 18 février 2009, la création du
fonds d’investissement
social
(Fiso) avait pour objet
de coordonner les efforts en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle
.
Ce dispositif n’a pas obtenu les résultats escomptés. La parité de financement initialement annoncée entre
l’Etat et les partenaires sociaux n’a jamais été atteinte. Le «
comité de pilotage
» du Fiso n’a eu qu’une
existence éphémère et a cessé de se réun
ir un peu plus d’un an après sa création. Le Fiso n’a eu au final
qu’un impact très limité et apparaît comme une tentative inaboutie pour mieux articuler les moyens des
partenaires sociaux et de l’Etat.
Résultant de l’accord national interprofessionnel du 7 janvier 2009 et de la loi du 24
novembre 2009,
le fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels
(FPSPP) constitue une importante
innovation institutionnelle dans le domaine de la formation professionnelle continue. Sa mission principale est
de mieux orienter la formation professionnelle vers les salariés les moins qualifiés ou les plus fragiles ainsi
que les demandeurs d’emploi et de favoriser les cofinancements entre l’Etat, les partenai
res sociaux et les
régions.
Les résultats demeurent en-deçà des attentes initiales, car la mise en place de procédures de
contrôle très strictes a rendu difficile la mobilisation des cofinancements et entraîné des difficultés importantes
de gestion des p
rojets. L’absence des régions dans les appels à projets, alors même que la loi en prévoyait la
possibilité, a restreint les moyens dont le FPSPP disposait pour atteindre les objectifs ambitieux qui lui avaient
été assignés. La Cour recommande d’améliorer l
e fonctionnement encore très défaillant du FPSPP par
diverses mesures de gestion interne, mais aussi, en associant les régions à son action.
Au total, les recommandations que j’ai exposées visent à mettre fin à l'exception française qui veut
que les fluct
uations économiques se traduisent davantage par des destructions d’emplois que chez nos
voisins. Pour cela, les acteurs doivent consentir un important effort pour se coordonner et simplifier leurs
interventions respectives. Il est également nécessaire de recentrer les différents dispositifs sur leur mission
centrale : préserver l’employabilité de ceux qui sont les plus fragilisés par les évolutions économiques. Cela
appelle un effort de reciblage majeur de chacun des dispositifs.
Je vous remercie de votre
attention et suis à votre disposition, avec les magistrats qui m’entourent,
pour répondre à vos questions.