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APPORT PUBLIC THEMATIQUE
Paris, le 22 janvier 2013
Marché du travail :
face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques
La Cour des comptes rend public un rapport consacré aux politiques en faveur du marché du travail.
Dans un contexte de chômage élevé, où il apparaît essentiel de préserv
er l’employabilité de ceux qui
sont
les plus fragilisés par les évolutions économiques, ce rapport traite des politiques qui visent à faire mieux
fonctionner le marché du travail : indemnisation du chômage, aides à
l’insertion ou à la réinsertion et
formation
professionnelle des chômeurs. L’ensemble de ces politiques représente plus de 50 milliards d’euros de
dépenses par an.
1)
Un dualisme du marché du travail aggravé par la crise
Si
l’activité économique a mie
ux résisté à la crise, en France,
que dans la moyenne des pays de l’OCDE
,
l’augmentation du chômage y a été plus marquée
à partir de 2009
que chez plusieurs de ses voisins
européens. Ce sont les catégories les plus fragiles de la population qui ont été les plus touchées.
Cette situation tient à deux spécificités françaises :
-
les
employeurs se sont adaptés à la baisse d’activité en diminuant les effectifs
(flexibilité externe)
plutôt qu’en diminuant le nombre d’heures travaillées
(flexibilité interne), pendant que l
Allemagne,
notamment, contenait
l’augmentation du chômage
par un recours plus fréquent au chômage partiel ;
-
la
dégradation de la situation des salariés les plus précaires a accentué le dualisme du marché
du travail
, avec,
d’une part,
des travailleurs relativement protégés,
à l’emploi plutôt stable et, d’autre
part, des travailleurs plus exposés, à
l’emploi temporaire et
aux mobilités fréquentes et non volontaires.
2)
Un financement de l’indemnisation du chômage difficilement soutenable
Le
régime franç
ais d’indemnisation du chômage
,
tel qu’il est mis en œuvre
depuis la nouvelle
convention de
2009, présente plusieurs caractéristiques qui le rendent
plus protecteur que dans beaucoup
d’
autres pays
: il est
plus accessible
,
en raison d’une durée minimale de cotisation courte et d’une période
de référence assez longue ;
le
niveau d’indemnisation
est
plus élevé
pour les salariés situés aux deux
extrémités de l’échelle des revenus
;
il offre une durée maximale d’indemnisation plus longue
, quoique
réservée aux
salariés les mieux insérés dans l’emploi
.
Il joue donc un rôle protecteur et contra-cyclique en offrant un revenu de remplacement aux demandeurs
d’emploi. Toutefois, la durée de la crise
a contribué à dégrader la
situation financière de l’assurance
chômage
, mettant en cause la
soutenabilité du régime.
De
9 milliards d’euros en 2010,
l’
endettement de
l’assurance chômage
pourrait passer à 18,5 milliards en 2013
. Cette évolution est aussi le résultat de la
dérive persistante du régime d’indemnisation
des intermittents du spectacle,
dont le déficit annuel s’élève à
1
milliard d’euros au
bénéfice de 3
% seulement des demandeurs d’emplois.
En outre,
le régime d’assurance chômage a perdu de son efficacité en termes de couverture des
demandeurs d’emploi
:
ainsi,
le nombre de personnes indemnisées rapporté aux
demandeurs d’emplois
(44,8 % en 2011)
s’est
réduit
, en raison notamment de l’arrivée en fin de
droits d’un
e part élevée de
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chômeurs.
Le fort développement
de l’
indemnisation au titre de
l’
« activité réduite »
, qui permet de
cumuler une activité à temps partiel ou à durée déterminée et une indemnisation au titre du chômage (45 %
des allocataires concernés en 2011) peut faciliter le retour à l’emploi, mais
il faudra prévenir le risque que cette
indemnisation devienne un complément de revenu destiné à des salariés durablement précaires.
Enfin l’
articulation
du régime d’assurance chômage
avec les régimes de solidarité (allocation de solidarité
spécifique, RSA) est restée complexe et conduit à des
ruptures dans la prise en charge de certains
demandeurs d’emplois
.
3)
Des dispositifs peu efficaces face à la hausse du chômage
La France a abordé la crise avec des
instruments de politique de l’emploi parfois obsolètes
, dont
l’efficacité s’est révélée décevante
.
Les évolutions apportées en 2009
à l’indemnisation du
chômage partiel,
avec la création d’
un nouveau
régime plus favorable appelé « activité partielle de longue durée » (APLD),
n’ont
pas permis de la mobiliser de
façon satisfaisante pendant la crise. Cette
faible mobilisation du chômage partiel
s’explique par
une
modernisation trop tardive
du dispositif au regard de la conjoncture, par sa
complexité
et par son caractère
financièrement peu attractif
pour les entreprises.
Par ailleurs, utilisés en France
alors qu’
ils ont quasiment disparu dans les autres pays, les
contrats aidés,
particulièrement ceux du secteur non marchand
, n’ont pas permis d’obtenir des résultats satisfaisants
en
termes d’insertion durable
en sortie de contrat. Ces
résultats médiocres
tiennent à un ciblage défaillant, des
durées de contrat trop courtes et un accompagnement insuffisant des bénéficiaires.
4)
Des politiques pas assez ciblées sur les publics en difficulté
La formation professionnelle continue requiert des
financements considérables (plus de 31 milliards
d’euros
)
, dont près de la moitié est consacrée à l’indemnisation des stagiaires pendant la formation. Cet effort
a tendance à
reproduire, voire amplifier, les inégalités
engendrées par le fonctionnement du marché du
travail, la formation bénéficiant plus aux salariés déjà les mieux formés.
L’effort de formation des
demandeurs d’emploi est particulièrement insuffisant
.
Par ailleurs, les contrats aidés et les contrats de professionnalisation (contrats de travail prévoyant une
formation en alternance) ont été trop peu orientés vers les moins diplômés, en contradiction avec les objectifs
poursuivis. Il en est de même pour
certains dispositifs de reclassement des demandeurs d’emploi
fusionnés en 2011 en un contrat de sécurisation professionnelle (CSP)
qui ont été
mobilisés
au profit des
seuls salariés licenciés
, alors que ceux-ci ne sont pas les seuls à nécessiter un accompagnement renforcé
dans la
recherche d’emploi
. Ainsi, certains
salariés arrivant en fin de contrat à durée déterminée ou de
mission
d’intérim
devraient avoir accès au CSP ou à un accompagnement comparable
.
5)
Une gouvernance publique et paritaire complexe et insuffisamment coordonnée
Les
actions menées par
l’Etat, les régions, les partenaires sociaux, ainsi que leurs opérateurs
(Pôle
emploi, OPCA etc.)
se
superposent sans faire l’objet d’une véritable coordination
.
L
’Etat joue un rôle d’impulsion déterminant dans l’orientation de la politique de l’emploi, mais
la formation
professionnelle continue est organisée par les partenaires sociaux, en lien avec les régions, dont les
compétences pourraient être étendues. Cette
multiplicité de centres de décision
ne facilite pas la mise en
place de politiques ciblées du marché du travail. Les réflexions actuelles sur la décentralisation doivent
prendre en compte la
nécessité d’une simplification
radicale de ce dispositif complexe
.
Annoncée à l’occasion du sommet social du 18 février 2009, la création du
fonds d’investissement
social (Fiso)
avait pour objet «
de coordonner les efforts en faveur de l’
emploi et de la formation
professionnelle en consolidant différentes sources de financement ». Ce
dispositif a rapidement disparu
sans procurer les résultats escomptés
.
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Quant au
fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP)
créé en 2009 avec de
fortes ambitions,
ses
résultats demeurent en-deçà des attentes
initiales :
la disproportion entre ses
engagements, ses paiements et ses réalisations
certifiées
souligne la fragilité de cet instrument
.
Enfin,
l
’absence des régions
dans les appels à projets, alors même que la loi en prévoyait la possibilité, a restreint
ses moyens.
Conclusion
La Cour
souligne les faiblesses du dispositif français d’intervention en faveur du marché du travail. Souvent
anciennes, elles ont été accentuées par la crise intervenue en 2008. De ce fait, et
en dépit des réformes
nombreuses conduites au cours des dernières années, ce
dispositif reste largement inadapté à un
contexte de chômage durablement élevé
.
La Cour estime devoir
alerter l’ensemble des acteurs
concernés
Etat, régions, partenaires sociaux
et
souligne
la nécessité d’une inflexion dans la conduite des politiques
en faveur du marché du travail.
Recommandations
Les principales recommandations concernant le régime d’indemnisation du chômage vise
nt à :
-
r
éviser l’ensemble des paramètres permettant de rétablir la situation financière du régime d’assurance
chômage, notamment ceux du régime des intermittents du spectacle ;
-
rendre plus coûteuses les contributions des employeurs ayant le plus recours aux contrats courts (CDD
et intérim) ;
-
accroître les incitations au retour à l’emploi ;
-
renforcer la cohérence des prestations versées
par les régimes d’assurance et de solidarité
.
Parmi les 26 recommandations formulées par la Cour figurent également :
-
le renforcem
ent de l’attractivité des dispositifs
de chômage partiel ;
-
la limitation des contrats aidés, notamment du secteur non marchand, aux publics prioritaires ;
-
le ciblage de
l’offre de formation profe
ssionnelle par Pôle emploi vers les publics prioritaires ;
-
l’
accès au contrat de sécurisation professionnelle en fonction de la
distance à l’emploi
et non de la
situation juridique du bénéficiaire ;
-
la simplification dans le nouvel acte de décentralisation, des compétences et des décisions en matière
d’emploi et de
formation ;
-
l’
amélioration de
l’efficacité et
de la transparence de la gestion du FPSPP.
Lire le rapport sur le site Internet
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