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APPORT PUBLIC THEMATIQUE
Paris, le 31 janvier 2012
Les coûts de la filière électronucléaire
Le rapport de la Cour rassemble toutes les données factuelles disponibles actuellement sur les
éléments qui constituent les coûts, passés, présents et futurs, de la production d’électricité nucléaire en
France, sans prise de position ni sur le niveau souhaitable de cette production, ni sur les modalités de
son financement.
A - Des dépenses passées relativement bien identifiées
1 -
Un investissement initial lourd
Le montant total de construction des installations nécessaires à la production d’électricité nucléaire
s’est élevé à 121
Md€
2010
(hors construction de Superphénix).
La
construction des 58 réacteurs actuels
, qui représentent une puissance installée de 62 510
mégawatts (MW), a coûté
96
Md€
2010.
Il faut ajouter à cet investissement initial, pour
6 Md€, le coût de
construction de la première génération.
En outre, les
investissements nécessaires au cycle du
combustible
, en particulier la mise en place de la
filière de retraitement
qu’exploite aujourd’hui
AREVA, représente un coût pour la France de
19
Md€
2010
.
2 -
Un coût de construction au mégawatt qui progresse dans le temps
Le coût de construction initial, ramené à la puissance des réacteurs, progresse dans le temps, de
1,07
M€
2010
/MW en 1978 (Fessenheim) à 2,06
M€
2010/
MW
en 2000 (Chooz 1 et 2). Avec un coût de
construction estimé à 6 Md€ pour l’EPR de Flamanville (tête de série) et une puissance de 1 630 MW, le
coût au MW est de 3,7 M€.
3 – Des dépenses de recherche importantes
En tenant compte également des
dépenses de recherche, publiques et privées, qui
représentent 55
Md€
2010
(1 milliard
d’euro par an en moyenne), et du coût de Superphénix (12 Md€
pour l’investissement, le fonctionnement et l’arrêt),
le montant total des investissements passés
ressort
à 188
Md€
2010.
B – Des charges courantes d’exploitation bien cernées
Ces charges d’exploitation annuelles d’EDF se sont élevées à 8,9
Md€
2010
pour une production
de 407,9 terawatt-heure (TWh) en 2010. Ces charges sont bien identifiées et leur chiffrage ne pose pas
de problème majeur.
Parallèlement, les dépenses sur crédits publics se sont élevées à 414 millions
pour l’effort de
recherche et à 230 M€ pour
les
coûts relatifs à la sûreté, la sécurité et l’information des citoyens,
soit un total de 640 M€ en 2010
.
C – Des charges futures incertaines par nature
Le
total de ces charges à fin 2010 est estimé à 79,4
Md€
2010
,
dont 62
Md€
2010
pour EDF.
Parmi ces coûts, les dépenses de démantèlement
, c'est-à-dire les dépenses de « démolition »
des centrales, sont
estimées aujourd’hui à 18,4
Md€
2010
, en charges brutes, pour le démantèlement
des 58 réacteurs du parc actuel. La
Cour considère que les méthodes utilisées par EDF pour ce
calcul sont pertinentes mais ne peut pas en valider les paramètres techniques
, en l’absence
d’études approfondies par des experts.
Un autre coût futur important est la
gestion à long terme des déchets, pour un coût estimé à
28,4
Md€
2010
.
Cette estimation est fragile car le projet envisagé pour le stockage des déchets à vie
longue, c'est-à-dire leur enfouissement en grande profondeur, n’est pas encore définitif.
La Cour conclut de ses investigations que
les coûts futurs sont bien tous identifiés
par les
exploitants,
mais ne sont pas évalués avec le même degré de précision
. Même si de nombreuses
incertitudes pèsent, par nature, sur ces estimations,
la Cour estime que les risques d’augmentation
de ces charges futures sont probables
.
D - Des investissements de maintenance qui vont augmenter
Le programme d’investissements de maintenance d’EDF, pour les années 2011 – 2025, préparé en
2010, s’élevait à 50 Md€, soit une moyenne annuelle d’environ 3,3 Md€, ce qui correspond presque au
double des investissements réalisés en 2010 (1,7 Md€). Les investissements à réaliser pour satisfaire
aux demandes de l’ASN sont aujourd’hui estimés à une dizaine de milliards d’euros, dont la moitié serait
déjà prévue dans le programme initial de 50 Md€.
E – Un coût de production global qui va augmenter
La production d’électricité nucléaire est une industrie très capitalistique à cycle long pour laquelle le
coût du capital est une variable qui a un impact très significatif sur le calcul du coût global.
En prenant en compte la rémunération du capital
, selon la méthode dite du coût courant
économique, qui reflète l’ensemble des coûts sur toute la durée de fonctionnement du parc et permet
des comparaisons entre modes d’énergie,
le coût moyen du MWh produit s’élève à 49,5 € avec les
données de 2010.
La Cour montre que si
l’impact de l’évolution des charges futures liées au démantèlement et à
la gestion des déchets est limité
, à l’inverse
l’évolution des investissements de maintenance est
nettement plus sensible, de l’ordre de 10% du coût moyen
.
F – Le choix stratégique de la durée de vie des centrales
Davantage que les paramètres de démantèlement ou de stockage ultime,
l’analyse de la Cour
montre que la durée de fonctionnement des centrales du parc actuel constitue une donnée
majeure d
e la politique énergétique. Elle a un
impact significatif sur le coût de la filière
en permettant
d’amortir les investissements sur un plus grand nombre d’années. D’autre part, elle
repousse dans le
temps les dépenses de démantèlement et le besoin d’investissement dans de nouvelles
installations
de production.
Or, la Cour constate que
d’ici la fin de l’année 2022, 22 réacteurs sur 58 atteindront leur
quarantième année de fonctionnement
. Par conséquent, dans l’hypothèse d’une durée de vie de
40 ans et d’un maintien de la production électronucléaire à son niveau actuel, il
faudrait un effort très
considérable d’investissement
équivalent à la construction de 11 EPR d’ici la fin de 2022. La mise en
oeuvre d’un tel programme d’investissement à court terme paraît
très peu probable, voire impossible
,
y compris pour des considérations industrielles.
Cela signifie
qu’à travers l’absence de décision d’investissement, une décision implicite a été
prise qui engage déjà
la France : soit à
faire durer ses centrales au-delà de 40 ans
, soit à
faire
évoluer significativement et rapidement le mix énergétique
vers d’autres sources d’énergie, ce qui
suppose des investissements complémentaires.
Quels que soient les choix retenus
, afin de maintenir la production actuelle, des
investissements
importants sont à prévoir
à court et moyen terme représentant a minima un
doublement du rythme
actuel d’investissement de maintenance
. Ce doublement
fera augmenter le coût moyen de
production de l’ordre de 10 %.
La Cour juge souhaitable
que les choix d’investissements futurs ne soient pas effectués de façon
implicite mais
qu’une stratégie énergétique soit formulée, débattue et adoptée en toute
transparence et de manière explicite.
Consulter le rapport et les autres éléments
Contacts presse :
Dorine BREGMAN -
Directrice de la communication - Tél : 01 42 98 98 09 -
dbregman@ccomptes.fr
Denis GETTLIFFE -
Responsable des relations presse - Tél : 01 42 98 55 77 -
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