La Cour des comptes a été saisie par le président de la commission des finances du Sénat[1] d’une demande d’enquête portant sur « les mesures de soutien à l’industrie aéronautique ». L’enquête a été conduite par une formation interjuridictions associant la Cour des comptes et trois chambres régionales des comptes dont celle des Pays de la Loire. Elle est publiée ce jour sur le site de la Cour.
Le rapport porte sur les mesures mises en œuvre dans différentes régions aéronautiques françaises choisies au regard de leur poids au sein de la filière : Île-de-France Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Pays de la Loire, qui comptent pour un peu plus de 76 % des emplois aéronautiques hexagonaux. Un cahier territorial est spécifiquement consacré aux Pays de la Loire.
[1] En application du 2° de l’article 58 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).
L’industrie aéronautique dans les Pays de la Loire avant la crise :
une dynamique de croissance masquant déjà des fragilités
La filière aéronautique ligérienne, tirée par l’avionneur Airbus constitue un pôle de production civile et un écosystème de PME/ETI spécialisées dans la fabrication industrielle (production d’aérostructures, pré-assemblage, travail des métaux et matériaux composites, mécanique industrielle et de haute précision, outillage et solutions de production). Elle compte en son noyau 33 établissements et près de 8 100 salariés. Présente dans les cinq départements de la région, elle se concentre cependant en Loire-Atlantique.
À la fin de la décennie précédente, la dynamique de la filière était très favorable aux entreprises ligériennes, tournées vers l’objectif d’assurer la montée en cadence de l’A320neo et de l’A350. La filière aéronautique ligérienne bénéficiait d’un écosystème dense et structuré ayant l’habitude de collaborer. L’orientation commune visait à renforcer la recherche, la formation et l’innovation. Elle se traduisait notamment par l’investissement public et privé dans le pôle industriel d’innovation Jules Verne et le soutien au campus des métiers et des qualifications de l’aéronautique. Cependant, ce dynamisme masquait parfois des fragilités chez les sous-traitants qui devaient produire en faisant des efforts de prix tout en investissant fortement. Certaines PME ont ainsi été contraintes de délocaliser en partie leur production.
Un fort impact de la crise sanitaire suivi d’une réponse appropriée des acteurs publics
La crise sanitaire a eu des effets immédiats sur la production, souvent divisée par deux, sur l’emploi, mais moins qu’anticipé, et peu, à ce jour, sur le tissu économique. Les mesures d’urgence mises en place par l’État (activité partielle, prêts garantis par l’État, reports des charges fiscales et sociales et fonds de solidarité) ont été utilisées par les entreprises du noyau de la filière pour un montant légèrement supérieur à 14 M€. Les aides à la transformation de la filière et notamment le fonds de modernisation a été attribué, en 2020 et 2021, à 41 projets pour un montant de 31,8 M€ correspondant à près de 70 M€ d’investissement. Au total, l’État a apporté 47,5 M€ en soutien aux entreprises du cœur de filière, dont 5,7 M€ (12 %) au titre des garanties de prêts. Les aides complémentaires de la région, prises dans le cadre des plans d’urgence (mars 2020) et de relance régional (juillet 2020), s’inscrivent dans les dispositifs préexistants à la crise et représentent 4,1 M€. Ces montants sont cependant sous-estimés, dans la mesure où de nombreuses non catégories, au sens statistique du terme, dans le cœur de filière, ont bénéficié elles aussi des dispositifs de soutien publics.
La mobilisation coordonnée des pouvoirs publics et des acteurs de la filière en Pays de la Loire a été à la hauteur des enjeux. Une task force réunissant les principaux acteurs publics et privés a assuré le suivi des mesures et notamment donné des avis sur les projets présentés dans le cadre du plan de modernisation. La région et son agence de développement économique, Solutions&co, ont également mobilisé leurs services pour accompagner les entreprises, en mettant notamment en place une cellule relance et un numéro vert. Cette gouvernance a recueilli le satisfecit des milieux économiques. Les entreprises ont été guidées dans le montage de leurs dossiers, en particulier, par l’accompagnement expert du pôle de compétitivité EMC2.
Maintenir la coordination des acteurs pour préserver le tissu industriel et les savoir-faire,
et accompagner la transformation de la filière aéronautique
La gestion satisfaisante de la phase aigüe de la crise doit se prolonger par la prise en compte des enjeux de court, moyen et long termes.
À court terme, l’enjeu de préservation du tissu industriel appelle le maintien d’un suivi par l’État et la région des entreprises confrontées à des difficultés d’adaptation ou de transformation. De même, la préservation des savoir-faire dans une filière confrontée à un problème de recrutement appelle la poursuite de la mobilisation pour apporter des réponses pertinentes à l’évolution des besoins en compétences.
À moyen et long termes, la complémentarité des interventions de l’État et de la région devra perdurer pour accompagner la transformation de la filière. L’intervention de l’État apparaît indispensable pour contribuer au financement des actions de modernisation de la filière. La région devra prolonger son action ciblée vers les petites et moyennes entreprises (PME) et entreprises de taille intermédiaire (ETI), pour accompagner le renforcement de leur compétitivité. Les incitations à la diversification des débouchés des entreprises sous-traitantes via un rapprochement avec d’autres filières ou un renforcement de la dualité civil/militaire devront se poursuivre. La transition vers l’avion propre piloté nécessitera un effort de l’ensemble des acteurs publics et privés, en matière de R&D et de développement des compétences.