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S2025-0193
TROISIÈME CHAMBRE
PREMIÈRE SECTION
OBSERVATIONS DEFINITIVES
(Article R. 143-11 du code des juridictions financières)
LE CENTRE NATIONAL DE LA
RECHERCHE SCIENTIFIQUE
(CNRS)
Exercices 2013-2023
Le présent document, qui a fait l’objet d’une cont
radiction avec les destinataires concernés,
a été délibéré par la Cour des comptes, le 10 février 2025.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
2
TABLE DES MATIÈRES
SYNTHÈSE
....................................................................................................................
5
RECOMMANDATIONS
............................................................................................
10
INTRODUCTION
...................................................................................................
12
1
LA COMPTABILITE ET LE BUDGET : DES RESSOURCES EN
CROISSANCE, DES DEPENSES A MIEUX PROGRAMMER
.......................
15
1.1
Une organisation complexe qui nécessite une gouvernance et des chaînes de
contrôle robustes
............................................................................................
15
1.1.1
La complexité de l’organisation budgétaire et comptable est inhérente à la
taille du CNRS et à la structuration décentralisée des unités de recherche
.....
15
1.1.2 La gouvernance resserrée mise en place pourrait être renforcée pour pouvoir
mieux appréhender les grands enjeux de la gestion
........................................
16
1.1.3 Les chaînes de contrôle comptables et budgétaires ont été renforcées
............
17
1.2
Des comptes à la qualité améliorée, montrant une activité en croissance et
une trésorerie très élevée
................................................................................
20
1.2.1 La
qualité des comptes du CNRS s’est améliorée sur la période
....................
20
1.2.2 Les résultats comptables sont globalement positifs, malgré une perte de
108
M€ en 2020 liée à la gestion du personnel pendant la crise sanitaire
.......
22
1.2.3 Les comptes du CNRS traduisent une progression de son activité depuis 2020
23
1.2.4
La trésorerie a augmenté de 900 M€ en 11 ans et atteint 1,40 Md€ fin 2023
. 24
1.3
Une sous-exécution massive des dépenses, hors masse salariale, sur les
ressources propres
..........................................................................................
27
1.3.1 Une organisation budgétaire complexe qui combine décentralisation de la
gestion des AE et centralisation de la gestion des CP
.....................................
27
1.3.2 La sous-
exécution des dépenses atteint plusieurs centaines de M€ et est
récurrente sur le période 2013-2023
................................................................
29
1.3.3
Une fiabilisation du budget et de l’information des tutelles est nécessaire,
sans
remettre en cause le principe des autorisations globales de dépense
..............
33
1.4
Un manque de vision consolidée des données financières des UMR et un
défaut de programmation pluriannuelle
.........................................................
35
1.4.1 La gestion financière des UMR doit être améliorée pour permettre un dialogue
de gestion avec les tutelles sur les ressources propres
....................................
35
1.4.2 Une programmation pluriannuelle des investissements de recherche et de leur
maintenance doit être mise en place pour mieux appréhender les besoins de
financement
.....................................................................................................
37
2
LES RESSOURCES HUMAINES, UN EN
JEU D’ATTRACTIVITE M
AJEUR
POUR LE CNRS
..................................................................................................
39
2.1
Une diminution du nombre de personnels titulaires qui pose la question du
maintien des compétences
..............................................................................
39
2.1.1 La quasi-stabilité des effectifs du CNRS sur dix ans dissimule une réduction
de la part des permanents au profit des contractuels
.......................................
39
2.1.2 Le plafond
d’emploi du CNRS est surcalibré et ne constitue pas un outil de
pilotage des effectifs
........................................................................................
40
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
3
2.1.3
Les effectifs des instituts n’ont pas évolué de manière homogène, sans que ces
variations ne se rattachent à des priorités stratégiques pluriannuelles
............
41
2.1.4 Le vieillissement des effectifs constitue un défi pour le renouvellement de ses
ressources humaines
........................................................................................
43
2.2
Une masse salariale en augmentation notamment sous l’effet des mesures
indemnitaires
..................................................................................................
44
2.2.1 Les dépenses de personnel ont progressé de manière dynamique en particulier
sous l’effet des mesures indiciaires et indemnitaires
......................................
44
2.2.2
Une part de plus en plus importante de la subvention d’État est consommée
par la masse salariale, malgré la baisse des effectifs de titulaires
...................
46
2.3
L’attractivité, principal défi à relever pour le CNRS
.....................................
47
2.3.1 Les concours du CNRS sont moi
ns attractifs qu’il y a dix ans
.......................
47
2.3.2 Le rattrapage salarial amorcé en 2021 ne distingue pas encore suffisamment
l’investissement individuel des personnels du CNRS
.....................................
49
2.3.2.1
Les rémunérations des chercheurs en France restent en moyenne peu
compétitives par rapport aux pays comparables
...................................................
49
2.3.2.2
Le CNRS n’a pas encore
tiré toutes les potentialités du rattrapage indemnitaire
significatif engagé dans le cadre de la LPR
..........................................................
52
2.3.3
Le financement d’un environnement de recherche est crucial au démarrage,
notamment dans les disciplines les plus instrumentées
...................................
55
2.3.4 Le CNRS mobilise de nombreux dispositifs dérogatoires au droit commun du
concours pour recruter ou fidéliser des chercheurs
.........................................
57
2.3.5
La problématique d’attractivité sur les métiers de gestionnaires met en tension
les activités de recherche
.................................................................................
58
2.4
Le statut du chercheur, un atout qui présente aussi des faiblesses
.................
60
2.4.1 Certaines différences statutaires entre les chercheurs et les enseignants-
chercheurs sont préjudiciables à l’efficacité des UMR
...................................
60
2.4.2 Les règles applicables en cas de départ de personnels du CNRS vers une autre
entité présentent des lacunes qu’il conviendrait de corriger
...........................
62
3
UN « FARDEAU ADMINISTRATIF » POUR LES CHERCHEURS A
REDUIRE
.............................................................................................................
65
3.1
Un « fardeau administratif » bien réel et en augmentation depuis quelques
années
.............................................................................................................
65
3.1.1 Cette question est décrite comme une difficulté majeure dans plusieurs
rapports récents et dépasse le seul cas du CNRS
............................................
65
3.1.2 Le « fardeau administratif »
s’aggrave depuis plusieurs années dans plusieurs
domaines (appels à projets, gestion publique, organisation)
...........................
66
3.1.2.1
La charge administrative des appels à projets des contrats de recherche est en
augmentation depuis le début de la décennie 2020
..............................................
66
3.1.2.2
La charge administrative liée à la gestion publique du CNRS augmente
également, particulièrement dans le domaine des frais de missions
.....................
67
3.1.2.3
La charge administrative liée à l’organisation de la gestion des UMR est
également en croissance
.......................................................................................
69
3.1.3 Les comparaisons internationales indiquent que la question du « fardeau
administratif » est moins prégnante ailleurs
....................................................
70
3.2
Des mesures de simplification encore insuffisantes et nécessitant l’appui
de
la tutelle dans certains cas
..............................................................................
71
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
4
3.2.1
Pour les appels à projets, le CNRS les limite lorsqu’il le peut, améliore l’appui
administratif au montage des dossiers et soutient les financements forfaitaires
72
3.2.2 Pour la gestion, le CNRS propose des mesures de simplification, promeut une
organisation souple et déconcentrée et mise sur le numérique
........................
72
3.2.3
Pour l’organisation, le CNRS travaille à l’attractivité des talents, à la
mutualisation et promeut la délégation globale de gestion pour les UMR
......
73
3.3
D’autres mesures pourraient être mises à l’étude par le CNRS et sa tutelle en
partant des besoins des chercheurs
.................................................................
74
4
LES SYSTEMES D’INFOR
MATION : UN ENJEU MAJEUR DE SECURITE,
L’ECHEC DU PROJET SI
LABO
.......................................................................
77
4.1
Une organisation déconcentrée qui ne permet pas une gestion unifiée et
homogène de la sécurité des SI
......................................................................
77
4.1.1 Un périmètre informatique central relevant directement de la DSI globalement
maîtrisé, même si des améliorations sont souhaitables
...................................
77
4.1.2 Une absence de vision et de contrôle sur le périmètre informatique
déconcentré ne relevant pas de la DSI, source de risques importants
.............
79
4.1.3
De nouvelles exigences réglementaires en matière d’homologation de sécurité
à appliquer rigoureusement
.............................................................................
80
4.2
L’échec du projet SI labo de plateforme informatique unifiée des UMR
: 15
M€ investis pour un objectif raté
....................................................................
81
4.2.1 Un projet pour faciliter la gestion des UMR en consolidant les données des
différentes tutelles, besoin qui perdure cinq ans après l’arrêt de SI Labo
.......
81
4.2.2 Un projet abandonné en 2019 sur décision de la
DGRI, contre l’avis du
président du CNRS, entraînant une perte estimée à plusieurs M€
..................
83
5
LES ACHATS, DES AMELIORATIONS CONSTATEES
................................
87
5.1
Un acheteur hors norme doté d’une organisation déconcentrée tournée vers
l’achat scientifique
.........................................................................................
87
5.1.1 Une organisation de la fonction achat à la fois déconcentrée et décentralisée 87
5.1.2 Des achats spécifiques dominés par un objectif scientifique mais pour lesquels
les souplesses réglementaires sont peu mobilisées
..........................................
88
5.2
Un renforcement significatif du contrôle des achats depuis 2021 et une
réduction des zones de risque
.........................................................................
91
5.2.1 La consolidation de la fonction achats a permis au CNRS de gagner en
vigilance et en compétence
.............................................................................
91
5.2.1.1
Le rôle d’animation de la DDAI a été consolidé
..................................................
91
5.2.1.2
Des procédures de régulation orientées vers la détection des non-conformités ...93
5.2.2 Des procédures mieux documentées et des outils en voie de rénovation
........
93
5.2.3 Le
CNRS a constitué une centrale d’achat pour réduire ses coûts
..................
94
5.3
Des actions à poursuivre et à amplifier
..........................................................
95
5.3.1
Un volume d’
achats réalisés sur facture qui demeure important
....................
95
5.3.2 Au-
delà de la conformité, la qualité de l’achat public doit devenir une priorité
96
CONCLUSION GENERALE
.................................................................................
98
LISTE DES ABREVIATIONS
...............................................................................
99
ANNEXES
..................................................................................................................
101
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
5
SYNTHÈSE
Le CNRS est le premier organisme de recherche en Europe
(4,1 Md€ de budget,
34 289 agents et 1 130 unités de recherche en 2023) et le
deuxième opérateur de l’
État en termes
d’effectifs
, derrière France Travail.
Disposant d’
une
réputation d’excellence scientifique
solidement établie, il fait preuve
d’une maturité dans le domaine de la gestion digne d’être
relevée dans le monde de l
’enseignement supérieur et de la recherche.
Celle-ci
s’illustre
, il est
vrai, par un plus grand nombre de gestionnaires présents dans les unités de recherche par rapport
à ce qui existe dans le monde universitaire et par une aptitude à gérer une organisation
matricielle complexe, structurée autour de 10 instituts et de 17 délégations régionales. Cette
qualité doit être mobilisée pour relever les nombreux défis de gestion qui se présentent à
l’organisme et qui sont au cœur des analyses du présent rapport
:
-
une contribution croissante des ressources propres
de l’organisme
dans ses
financements, du fait de la montée en puissance des appels à projets pour les contrats
de recherche pluriannuels
et des facturations de l’usage de plateformes
technologiques de plus en plus coûteuses. Ces tendances lourdes au niveau mondial
se sont accélérées depuis quelques années et contrastent avec un financement qui
reposait largement sur des subventions publiques allouées annuellement. Elles
nécessitent d’être prises en compte dans la stratégie du CNRS et
obligent notamment
à mieux programmer l’usage
pluriannuel des ressources financières pour financer
les acquisitions et la maintenance des équipements et le recrutement des
contractuels ;
-
un
enjeu majeur d’attractivité et de maintien des compétences, tant pour les
personnels de recherche que pour les personnels administratifs, à un moment marqué
par les importants départs en retraite des générations du
baby-boom
;
-
la nécessité, régulièrement rappelée, de déployer des efforts de simplification des
procédures
, avec l’appui des tutelles, pour alléger ce qu’il est convenu d’appeler le
« fardeau administratif » pesant sur les chercheurs, charge
qui s’est aggravé
e au
cours des années récentes
et devient un facteur d’entrave des travaux
;
-
une augmentation des menaces cyber, qui impose de renforcer la sécurité des
systèmes d’information, à un moment où la capacité à consolider le
s données
financières des unités de recherche constitue un enjeu clé pour optimiser l’emploi
des ressources propres disponibles ;
-
la
nécessité d’agir pour améliorer la qualité des achats publics, après une période
marquée par des efforts qui ont permis de réduire les risques de non-conformité en
la matière.
Une trésorerie élevée et une sous-exécution des dépenses sur
ressources propres
La trésorerie du CNRS s’élevait
à 1,4 Md€ fin 2023, soit une croissance de 900 M€ en
11 ans, et a poursuivi sa croissance depuis. Cette situation, qui transparait dans les comptes
financiers que le CNRS présente à ses tutelles en conseil d’administration
, pourrait donner
l’impression que l’organisme dispose de
ressources financières surabondantes dans le contexte
actuel de dégradation de la situation des finances publiques. Il traduit en réalité une capacité
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
6
insuffisante
de l’organisme à programmer de manière
pluriannuelle et à piloter ses ressources
propres.
En effet, le dialogue de gestion du CNRS avec ses tutelles
se concentre sur l’exécution
de la subvention d’État et sur l’évolution de la masse salariale des personnels statutaires
, selon
une logique budgétaire annuelle bien maîtrisée. En revanche, les ressources propres - qui ont
augmenté,
pour atteindre 1,13 Md€ en 2023
- sont peu prises en compte, une très grande liberté
étant laissée aux équipes des unités de recherche pour employer de façon pluriannuelle les
ressources propres reportables
qu’elles
ont acquises en remportant d
es appels d’offres de
recherche ou qui résultent des facturations des plateformes technologiques de recherche.
Comme il n’existe pas de système de consolidation des données financières des unités mixtes
de recherche (UMR)
, les tutelles ne disposent pas d’une vision d’ensemble des ressources
disponibles et de l’emploi qui en est projeté. Il en résulte une gestion décentralisée hétérogène,
souvent très prudente et ne permettant guère de mutualisation entre équipes de recherche, qui
se traduit dans les comptes du CNRS par une forte augmentation du solde de sa trésorerie depuis
10 ans et par une sous exécution systématique des dépenses budgétées,
comprise entre 300 M€
et 700 M€ sur la période
(442 M€ en 2023)
.
Pour parvenir à mieux mobiliser les ressources financières disponibles, il serait
souhaitable d’envisager
:
-
la
création d’un comité stratégique, rattaché au conseil d’administration, apte à
évoquer avec la direction ses grandes options de gestion, et la transformation du
comité d’audit interne
actuel en
comité d’audit et des risques
;
-
une consolidation,
à la charge des directeurs d’unités de recherche
, des données
financières des laboratoires, notamment des ressources propres disponibles, afin
d’aboutir à une pro
position collégiale d
’emploi qui puisse être présentée à l’arbitrage
des tutelles et des instituts ;
-
une programmation physico-financière à 10 ans par les instituts, afin de permettre
les arbitrages des
tutelles sur les investissements nécessaires pour l’
acquisition et la
maintenance des principaux matériels de recherche ;
-
une fiabilisation de la programmation budgétaire annuelle des dépenses sur
ressources propres, afin de ne programmer que les crédits de paiement (CP) dont la
consommation dans l’année es
t probable ;
-
un dialogue transparent avec les tutelles sur le niveau de trésorerie du CNRS, afin
d’aboutir à une gestion plus dynamique
de celle-ci au profit de la recherche ou du
désendettement de l’État.
En matière de ressources humaines, un triple enjeu
d’
attractivité des
chercheurs, de
maintien de compétence sur les métiers d’appui à la
recherche et de renouvellement des effectifs dans un contexte de
vieillissement
En 2023, le CNRS a consacré 2,87 Md€ (72
% de ses crédits) pour la rémunération de
ses 34 289 agents. Malgré un effort marqué par des revalorisations salariales récentes et sa
réputation d’excellence scientifique, l’organisme commence à connaître des enjeu
x
d’attractivité pour ses personnels statutaires. Les candidatures de chercheurs ont diminué de
36 % en 10 ans - pour des postes offerts
dont le volume n’a été réduit que
de 18 % sur la période
-,
tandis que les concours d’ingénieurs et de techniciens sont
quatre fois moins sélectifs qu’il y
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
7
a 10 ans. L
es enjeux d’attractivité pour les fonctions administratives et techniques, essentielles
pour les appels à projets et la mise en œuvre des plateformes technologiques, sont majeurs dans
un contexte où le marché est rendu très concurrentiel dans les grandes métropoles, en raison
des emplois proposés dans ces domaines par le secteur privé et les collectivités locales. Dans le
même temps, la part des contractuels financés sur ressources propres augmente peu à peu (29 %
des effectifs en 2023 contre 23 % en 2013). Enfin, le CNRS va être confronté à un enjeu majeur
de renouvellement de ses compétences, du fait du volume important des départs en retraite
attendus dans les prochaines années, dans un organisme où 32 % des effectifs permanents
avaient plus de 55 ans en 2023.
Pour faire face à ces enjeux majeurs en termes, il serait souhaitable d’envisager
:
-
la
mise en place d’une
stratégie de gestion des ressources humaines permettant de
tirer parti des départs en retraite à venir des personnels statutaires pour réorienter
l’effort vers les domaines de recherche prioritaires et vers les spécialités d’appui à
la recherche dont le besoin se fait sentir ;
-
une meilleure mobilisation des ressources propres,
pour optimiser l’emplo
i de
contractuels en appui des unités de recherche, tout en mutualisant certaines missions
d’appui
;
-
une
politique d’attractivité
, qui ne soit pas uniquement centrée sur la rémunération.
Il serait ainsi notamment utile de prévoir une différenciation des
packages
initiaux
en fonction des disciplines de recherche, afin de permettre à chaque jeune chercheur
de commencer sa recherche, sans être obligé d’attendre les premiers succès aux
appels à projets des contrats de recherche. De même,
l’
effort de simplification pour
alléger le « fardeau administratif » doit être poursuivi et amplifié et les irritants qui
résultant des différences de statuts doivent être examinés ;
-
une attention particulière doit être portée
, au prix si nécessaire d’une modification
des normes législatives et règlementaires,
au suivi de l’activité des chercheurs
quittant le CNRS, notamment pour prendre leur retraite, le contrôle du départ vers
des laboratoires publics à l’étranger n’
étant pas assuré avec la même rigueur que
celui des départs vers les entreprises, malgré les enjeux sous-jacents.
Un « fardeau administratif »
qui s’est accru, même s’il n’est pas
propre au CNRS, et
appelle des actions résolues de l’organisme et de
sa tutelle
La consultation par la Cour des 24 plus grandes unités de recherche du CNRS montre
que le « fardeau administratif » pesant
sur les chercheurs s’est accru depuis quelques années au
sein de l’organisme
. Cette tendance vaut pour
l’ensemble de l’écosystème de l’enseignement
supérieur et de la recherche et existe dans les autres pays occidentaux, même si elle parait moins
prégnante aux Etats-Unis et si le Royaume-Uni a déjà engagé des actions pour y remédier. La
montée en puissance des appels à projets pour les contrats de recherche crée une charge
croissante, tant pour les candidatures que pour la gestion des contrats ainsi obtenus. Les règles
de la gestion publiques sont
d’autant
plus pesantes que le CNRS peine à attirer et à fidéliser les
personnels administratifs gestionnaires. Ce fut notamment le cas en matière de frais de mission,
où l’obligation introduite en 2019 de produire
des justificatifs de repas pour les missions a
généré un million de pièces supplémentaires et débouché sur un projet de numérisation mal
conduit en 2023, avant que cette obligation ne soit su
pprimée à l’été 2024. Enfin, l’organisation
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
8
des UMR, au sein desquelles chacune des tutelles déploie ses propres processus, règles et
systèmes d’information, combinée avec l’échec du projet de système de gestion unifié, SI Labo
,
en 2019, complique fortement la gestion des laboratoires
de l’organisme
.
Au-delà même des actions de simplification entreprises par le CNRS et de celles pour
lesquelles il a identifié un besoin d’appui de ses tutelles, il
est
souhaitable d’accroître l’effort
de simplification, en s’
inspirant de certaine
s mesures prises à l’étranger, de la plus grande
souplesse existant dans les établissements publics industriels et commerciaux et, surtout, en
faisant confiance aux chercheurs, ce qui suppose de travailler en priorité sur les irritants
qu’ils
rencontrent. De façon plus pratique, les actions suivantes pourraient être étudiées :
-
l
e renforcement et l’extension des délégations de gestion dans les
UMR ;
-
l
a mutualisation avec d’autres
entités
des personnels d’appui administratif, à l’image
de
ce qui s’est fait à Marseille pour les contrats européens
;
-
l’exploitation
des dispositifs dérogatoires permis par les
règles de l’achat public
, en
s’inspirant
par exemple des pratiques du
domaine de l’armement
;
-
une plus grande autonomie donnée aux direc
teurs d’unité de recherche pour l
a
gestion d
es frais liés à l’invitation des chercheurs étrangers et pour la fixation de
barèmes de frais de mission inférieurs aux forfaits nationaux.
Des systèmes d’information exposés à une menace cyber croissante
et une incapacité à conduire à terme le projet SI labo
L’organisation très décentralisée du CNRS, avec notamment
ses 842 UMR, combinée à
une sensibilisation insuffisante aux risques informatiques - même si des progrès ont été réalisés
depuis 10 ans sur la sécurité logique des ordinateurs - expose de façon trop importante
l’organisme à des menaces cyber en forte croissance. La direction des systèmes d’information
a une bonne visibilité sur le périmètre qu’elle contrôle directement, notamment
sur les
directions fonctionnelles du siège, les instituts et les délégations régionales, mais elle est
relativement aveugle sur la situation des unités de recherche. Les cyberattaques récemment
subies par plusieurs entités du CNRS
illustrent l’importance du risque
encouru. Il est donc
nécessaire que celui-ci
renforce sa sécurité informatique, ce qui passe par l’augmentation du
périmètre de compétence et des moyens de sa direction des systèmes d’information.
À la suite du rapport confié à M. François
d’Aubert
en 2008, le CNRS et l
’Agence de
mutualisation des universités (AMUE)
ont lancé un ambitieux projet de système d’information
unique destiné à répondre au besoin de gestion unifiée des UMR. Ce projet a été
progressivement interrompu à partir de 2019 par le directeur général de la recherche et de
l’innovation de l’époque, à la suite des faiblesses relevées par ses services
, appuyés par la
direction interministérielle du numérique, et des risques qui en résultaient en matière de dérive
de coûts et de calendrier, de faisabilité technique et
d’appropriation par les parties prenantes.
Même si le CNRS n’est pas la seule partie prenante de
ce projet, il en résulte un besoin
opérationnel toujours
non rempli dans les unités de recherche et une perte de 15 M€ pour les
finances publiques (dont 6
M€ pour le CNRS,
même si ce projet a permis à ce dernier de
moderniser son outil GESLAB et de déployer
l’outil DIALOG
auprès des universités. Cet échec
s’explique principalement par la faiblesse des capacités de pilotage d’un projet de cette ampleur
au sein de l’enseignement supérieur et de la recherche,
par
l’incapacité des principaux acteurs
à s’entendre sur les attendus et
par
la croyance erronée qu’un proje
t informatique allait forcer
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
9
les parties prenantes à harmoniser et simplifier leurs procédures. Tant que ces prérequis ne sont
pas levés, il
n’est pas recommandé
de relancer un projet informatique de cette ampleur.
Des procédures d’achat récemment renforcé
es, des enjeux à venir
pour améliorer la qualité des achats
Le CNRS, qui est à tous égards un acheteur hors-norme par le volume de ses achats et
le nombre de ses acheteurs, a pris au cours des années récentes des mesures pour réduire le
risque de non-confo
rmité de ses procédures d’achat aux règles de la commande publique
, en
proposant aux agents comptables de renforcer les diligences relatives aux achats dans leurs
audits de conformité et en tirant partie des blocages informatiques qu’il est possible de dép
loyer
dans le progiciel de gestion intégré. Ces mesures, combinées avec la compétence et l’expérience
de la direction des achats, vont dans le bon sens et les tests réalisés dans le cadre du présent
contrôle n’ont pas mis en évidence d’anomalie
s. Pour autant, le fait que près de la moitié des
achats soient encore réalisés sur simples factures constitue en soi un facteur de risques. En outre,
des actions pourraient utilement être déployées pour améliorer la qualité des achats, mais aussi
en développant davantage, voire en réformant, les dispositions spécifiques aux achats
scientifiques, afin de disposer de plus de souplesse administrative.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
10
RECOMMANDATIONS
Recommandation n° 1
(CNRS, MESR, 2025)
Renforcer le rôle du conseil d’administration en
transformant le
comité d’audit en comité d’audit et des risques et en lui adjoignant un comité
stratégique pour l’éclairer sur les principaux enjeux.
Recommandation n° 2
(CNRS, MESR, DB, 2025) Évaluer de façon précise la trésorerie libre
d’emploi du CNRS et décider de so
n usage, en accord avec les tutelles.
Recommandation n° 3
(CNRS, 2025) Fiabiliser les montants de dépenses sur ressources
propres inscrits au budget pour réduire leur sous-exécution et préciser dans les comptes
financiers le montant des ressources propres
disponibles non consommées en fin d’année et
l’usage qui en est envisagé.
Recommandation n° 4
(CNRS, 2025)
Confier aux directeurs d’unité la consolidation des
données financières afin de proposer une utilisation pluriannuelle, le cas échéant mutualisée,
des ressources propres disponibles aux tutelles et aux instituts.
Recommandation n° 5
(CNRS, MESR, 2026)
Préparer en vue de l’arbitrage par les tutelles
une programmation physico-financière portant sur les grands investissements à prévoir et
envisager l’incl
usion de cette trajectoire dans la prochaine loi de programmation de la
recherche.
Recommandation n° 6
(CNRS, MESR, MEF, 2025)
Soumettre au conseil d’administration
une
stratégie de gestion des ressources humaines permettant d’assurer le pilotage de la mas
se
salariale, le renouvellement des générations et d’orienter l’évolution des effectifs vers les
priorités scientifiques nationales.
Recommandation n° 7
(CNRS, 2025) Activer plus résolument les capacités de modulation
individuelle des rémunérations des che
rcheurs afin d’orienter les moyens vers les personnels
les plus investis.
Recommandation n° 8
(CNRS, MESR, 2025) Augmenter les dotations au démarrage des
chercheurs, afin de les aligner sur les standards internationaux en différenciant les montants
selon les besoins propres à chaque discipline, et en mobilisant à cette fin les ressources propres
Recommandation n° 9
(CNRS, 2025)
Présenter au conseil d’administration
un bilan et de
nouvelles perspectives en matière de simplification du recrutement de gestionnaires, de
mutualisation de certaines fonctions avec les partenaires universitaires et d’augmentation des
capacités de recrutement de personnels d’appui sur ressources propres
.
Recommandation n° 10
(MESR, SGDSN, 2025) Encadrer les activités des personnels de
recherche après leur radiation des cadres
et plus largement des personnels en contact avec les
laboratoires, dans une logique de protection du potentiel scientifique et technique de la France.
Recommandation n° 11
(CNRS, MESR, 2025) Promouvoir la généralisation des délégations
globales de gestion dans les unités mixtes de recherche
et étendre leur périmètre à l’ensemble
des crédits (subvention d’État et ressources propres).
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
11
Recommandation n° 12 (
MESR, CNRS, 2025) Étudier les simplifications proposées par les
chercheurs, en donnant
en particulier plus de latitude aux directeurs d’unité pour fixer des
forfaits de remboursement des missions inférieurs au barème national et définir ceux
applicables à l’invitation de chercheurs étrangers.
Recommandation n° 13
(CNRS, 2025) :
Sécuriser les systèmes d’information utilisés par le
CNRS en procédant à leur recensement exhaustif dans les directions régionales et les unités
mixtes de recherche, en établissant une cartographie des risques ainsi qu’un cadre de cohérence
technique et de sécurité.
Recommandation n° 14
(MESR, MEF, CNRS, 2025) : Mieux utiliser les possibilités
dérogatoires aux règles de la commande publique prévues ou adaptées pour la recherche
publique, et le cas échéant, tirer parti de la consultation européenne en cours sur la commande
publique pour les faire évoluer en s’inspirant de ce qui existe pour les achats de matériel de
sécurité et de défense.
Lors de la
contradiction, le CNRS a indiqué avoir commencé à mettre en œuvre les
recommandations n° 2, n° 3, n° 4, n° 5, n° 6, n° 9 et n° 13.
Toutefois, la mise en œuvre
des
recommandations n° 1, n° 10, n°1 1, n° 12 et n° 14 suppose aussi une intervention des
ministères de tutelle et des évolutions du cadre juridique applicable. Le CNRS a indiqué
qu’il allait f
ormuler des propositions en ce sens à ses tutelles.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
12
INTRODUCTION
Créé en octobre 1939, le centre national de la recherche scientifique (CNRS) est le plus
grand organisme de recherche français et européen.
Il a pour mission première d’identifier et
de faire ou de faire faire, seul ou avec des partenaires, toutes recherches présentant un intérêt
pour l’avancement de la science, ainsi que pour le progrès social, économique et culturel du
pays. L’interdisciplinarité est considérée comme l’une des vertus car
dinales
d’un
organisme qui
est le seul en France
à couvrir l’ensemble des domaines de la recherche scientifique
à travers
ses 10 instituts
1
. En 2023, le CNRS disposait
de ressources budgétaires d’un montant
de 4,10
Md€
-
dont 1,13 Md€ de ressources propres
- consacrées à hauteur de 2,87
Md€
à des dépenses
de personnel relatives à ses 34 289 agents, dont 10 896 chercheurs. Cela fait du CNRS le plus
grand opérateur de l’État
, après France Travail. Son activité se déploie au sein de 1 130 unités
de recherche, dont 842 sont des unités mixtes de recherche (UMR), au sein desquels les
chercheurs du CNRS côtoient leurs pairs issus notamment des universités, l’ensemble formant
une communauté de recherche de plus de 111 000 personnes. Ces UMR constituent ainsi des
structures partenariales uniques au sein desquelles le CNRS, des universités et d’autres
organismes nationaux de recherche ont choisi de mettre en commun des moyens financiers,
humains et techniques pour constituer un laboratoire de recherche.
L’animation de cette
capacité de recherche est organisée au sein du CNRS de façon matricielle, les 10 instituts
pilotant les grandes disciplines de la recherche, alors que 17 délégations régionales (DR)
assurent une exécution déconcentrée des dépenses. Le statut même des UMR implique en outre
une organisation très décentralisée, au sein de laquelle les modalités de gestion sont déterminées
localement en accord avec les partenaires.
Depuis une dizaine d’années, l’écosystème de
recherche français est caractérisé par une
montée en puissance de la part des financements sur appels à projets, que ce soit au niveau
national, à travers
les financements de l’agence nationale de la recherche (ANR) ou européen
,
avec les financements du conseil européen de la recherche (ERC). Cette évolution a des impacts
importants sur la gestion du CNRS et accroît
la nécessité de planifier l’évolution des ressources.
Parmi ces impacts, figurent
l’
augmentation de la part des ressources propres dans les moyens
financiers
de l’organisme,
la part croissante de ses personnels contractuels financés sur contrats
de recherche, la nécessité de renforcer le soutien administratif pour accompagner les
candidatures et la gestion des contrats de recherche et le besoin de disposer de systèmes
d’information et de procédures adaptées pour gérer ces projets.
Le présent rapport est le fruit d’un contrôle des comptes et de la gestion du CNRS
au
cours de la décennie 2013-2023, instruit par la Cour entre avril et octobre 2024
2
. Au terme
d’une analyse de risques effectuées par la Cour, le rapport
se concentre sur quelques grands
enjeux de gestion : la gestion comptable et financière, avec notamment un haut niveau de
trésorerie, qui a augmenté de 9
00 M€ en 1
1 ans ; les ressources humaines confrontées aux
1
CNRS Biologie, CNRS Chimie, CNRS Écologie & environnement, CNRS Ingénierie, CNRS Mathématiques,
CNRS Physique & particules, CNRS Physique, CNRS Sciences humaines & sociales, CNRS Informatique, CNRS
Terre & Univers. L’annexe 8 présente trois de ses instituts examinés dans le cadre du rapport
: CNRS Biologie,
CNRS Mathématiques et CNRS Terre & Univers.
2
Le précédent contrôle des comptes et de la gestion du CNRS remonte à 2013 et portait sur les exercices 2006 à
2012. En outre, en 2021, la Cour a émis des référés sur deux instituts du CNRS (sciences humaines et sociales et
environnement et écologie).
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
13
enjeux d’attractivité des talents
; la question du « fardeau administratif » des chercheurs ; les
systèmes d’information toujours non unifiés au sein des UMR
et soumis à des risques
croissants, ainsi que les achats, domaine dans lequel des progrès ont été réalisées au cours des
années récentes
. En revanche, il ne porte pas d’appréciation sur la politique scientifique du
CNRS, dans la mesure où celle-
ci a fait l’objet en 2023 d’un
e évaluation par le haut conseil de
l’évaluation de la
recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES), ni sur d’autres enjeux
importants comme les partenariats internationaux, les financements européens, la valorisation
de la recherche, la protection des données personnelles ou la politique immobilière de
l’organisme
.
L’évaluation du CNRS par le HCERES rendue publique en novembre 2023
Consultable sur le site internet du HCERES
3
, cette évaluation conclut que la production
scientifique globale du CNRS est importante
et que l’organisme joue un rôle cl
é au sein de
l’écosystème français de la recherche et de l’enseignement supérieur, ce qui le met en situation
d’entraîner l’ensemble des acteurs
.
Des progrès significatifs s
ont constatés dans l’engagement
dans la société et les relations avec
le secteur privé.
O
utre l’évaluation du volet scientifique
, le HCERES relève des améliorations possibles,
notamment sur certains aspects de la gestion, examinés dans le cadre du présent rapport, comme
le
rôle du conseil d’administration,
le « fardeau administratif » ou les ressources humaines.
Il formule 12 recommandations pour accompagner le CNRS.
Les travaux de la Cour ont été conduits principalement auprès des directions
fonctionnelles du siège du CNRS, de trois de ses instituts
4
(CNRS Biologie, CNRS
Mathématiques et CNRS Terre &Univers), de quatre délégations régionales (Paris-Normandie,
Paris Centre, Provence Corse et Occitanie Ouest), ainsi que de trois unités de recherche relevant
de ces instituts et délégations. Par ailleurs, sur la question du « fardeau administratif », une
enquête a été conduite auprès des 25 plus grandes unités de recherche du CNRS et des
comparaisons internationales ont été établies avec l’appui des postes diplomatiques de
Washington, Londres, Berlin, Rome et Bruxelles. Enfin, des échantillons de dépenses ont été
examinés, tant pour les achats, les frais de mission
que pour la masse salariale, qui a fait l’objet
d’analyse de données de masse.
Le rapport aborde successivement cinq domaines au cœur des enjeux de gestion du
CNRS :
-
la gestion comptable et budgétaire, confrontée à la nécessité de mieux suivre et de
mieux programmer l’emploi des ressources propres disponibles
;
-
les ressources humaines,
avec les enjeux majeurs d’attractivité, de renouvellement
des compétences et de maîtrise de la masse salariale ;
3
.
4
Institut de pharmacologie et de biologie structurale (IPBS) de Toulouse, Institut de mathématiques de
Jussieu (IMJ) et Cent
re européen de recherche et d’enseignement géoscience de l’environnement (CEREGE)
d’Aix en Provence.
Cf.
annexe 6.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
14
-
la question du « fardeau administratif » vu du point de vue des chercheurs, qui ne
concerne pas que le CNRS, mais s’est accru au cours des années récentes
;
-
les
systèmes d’information,
dont la question de la sécurité des systèmes et
l’analyse
de l’
échec du projet SI Labo ;
-
les achats, pour lesquels le CNRS a amélioré depuis quelques années les procédures
visant à assurer leur conformité au cadre juridique applicable.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
15
1
LA COMPTABILITE ET LE BUDGET : DES RESSOURCES EN
CROISSANCE, DES DEPENSES A MIEUX PROGRAMMER
1.1
Une
organisation
complexe
qui
nécessite
une
gouvernance et des chaînes de contrôle robustes
1.1.1
La complexité de l’organisation
budgétaire et comptable est inhérente à la taille
du CNRS et à la structuration décentralisée des unités de recherche
L
a taille du CNRS (4,10 Md€ de dépenses, 34
289 agents en 2023), combinée avec la
déconcentration de l’activité de recherche qui s’exerce dans 1
130 unités réparties sur le
territoire, au sein desquelles se côtoient les agents du CNRS et des partenaires (universités,
organismes de recherche), au sein d’une communauté de plus de 111
000 personnes rend
inévitablement complexe la gestion, notamment celle de la comptabilité et du budget.
Pour y répondre, le CNRS a mis en place une organisation matricielle reposant sur une
chaine fonctionnelle, autour de 10 instituts correspondant aux grandes disciplines scientifiques
et de 17 délégations régionales assurant une couverture territoriale. Sous l’autorité du directeur
général délégué à la science, les instituts allouent les ressources budgétaires financées par la
subvention d’État
(effectifs,
budgets de fonctionnement et d’investissement) aux unités de
recherche, conduisent la politique scientifique et fixent les objectifs
. Sous l’autorité du directeur
général délégué aux ressources, les délégations régionales sont à la fois des plateformes de
services (gestion des ressources humaines, des achats,
etc
.) au service des unités de recherche
et le lieu de la préparation des comptes et de l
’exécution budgétaire. Chacune de
s délégations
régionales, y compris la DR16 Paris-Normandie compétente pour le
siège, disposent d’un agent
comptable secondaire, placé sous l’autorité de l’agente comptable qui assure les fonctions de
directrice des comptes
et de l’information financière (
DCIF) au sein de la direction générale
déléguée aux ressources. Cette direction prépare les comptes individuels et consolidés du
CNRS, ainsi que les comptes budgétaires, charge à la direction de la stratégie financière, de
l
’immob
ilier et de la modernisati
on (DSFIM) d’analyser l’exécution
budgétaire et de préparer
les budgets initiaux et rectificatifs.
Cette double chaîne de contrôle, l’allocation via les instituts, l’exécution via les
délégations régionales, est complexe, atypique et spécifique au CNRS. Néanmoins, elle permet
à l’organisme de fonctionner
de façon décentralisée, dans un contexte où les chercheurs dans
les unités de recherche sont très attachés à la liberté qu’ils jugent nécessaire pour conduire leurs
recherches. Sa lisibilité externe a été améliorée en 2024, en renommant les instituts pour bien
marquer qu’ils étaient partis intégrantes du CNRS, indépendamment des missions nationales
qu’ils peuvent
exercer
par ailleurs. Ainsi, l’institut
de biologie a été renommé CNRS-Biologie
et des modifications similaires de dénomination ont été adoptées pour les neuf autres instituts.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
16
1.1.2
La gouvernance resserrée mise en place pourrait être renforcée pour pouvoir
mieux appréhender les grands enjeux de la gestion
Afin de gérer cette complexité, il a été fait le
choix de disposer d’une présidence forte.
Certes, le mandat du président est limité dans le temps (mandat de quatre ans, renouvelable une
fois), le président actuel ayant été nommé pour un second mandat par le Président de la
République par décret en conseil des ministres le 9 février 2022. Mais, depuis les années 2000,
il cumule les fonctions de présidence du conseil d’administration et de direction générale de
l’organisme. Il peut s’appuyer sur un
collège de direction resserré, composé des directeurs
géné
raux délégués à la science, aux ressources et à l’innovatio
n, de la directrice de cabinet et
des directeurs des instituts. Parmi les objectifs fixés au président figurant dans la lettre de
mission du 22 mars 2023, signée par la directrice générale de la re
cherche et de l’innovation
(DGRI), certains concernent la gestion comptable et budgétaire. I
l s’agit de la préparation du
prochain contrat d’objectifs de moyens et de performance (COMP) pour 2024
-2028 et de
l’
optimisation du pilotage budgétaire en veillant à la soutenabilité. Sont particulièrement visés
à ce dernier titre, la soutenabilité de la masse salariale (
cf.
partie 2 du rapport) et la réduction
de l’écart entre le budget initial et le budget exécuté (442 M€ de crédits non consommés en
2023) (
cf.
partie 1.3).
Cette latitude importante laissée au président pour agir est nécessaire dans un organisme
de la taille et de la complexité du CNRS, mais elle suppose, en contrepartie, une gouvernance
robuste,
c’est
-à-
dire l’existence d’instances capables d’appo
rter la contradiction à la direction
sur les grandes décisions de gestion. Au CNRS, cela repose largement sur le conseil
d’administration.
Composé de 22 membres, en plus du président, il comprend les représentants
de l’État
, de France Université, des personnalités qualifiées issues du monde scientifique, du
monde économique et du monde du travail, ainsi que des membres élus, il se réunit en moyenne
cinq fois par an pour examiner de nombreux sujets liés à la gestion comptable et budgétaire
(approbation des c
omptes, des budgets initiaux et rectificatifs, du document d’activité et de
diverses opérations d’acquisition et de cession). En revanche, sa taille et son organisation ne lui
permettent pas de débattre des grands enjeux de gestion. Ainsi, sur la question du « fardeau
administratif » des chercheurs (
cf.
partie 3), le seul point évoqué en 2023 a concerné lors du
conseil du 20 octobre le relèvement du seuil de comptabilisation des immobilisations, qui n’est
pas un sujet de grande ampleur. En revanche, le cons
eil n’a pas examiné la crise qu’a connu le
CNRS à l’été 2023 du fait des difficultés de son projet de numérisation des frais de mission (
cf.
partie 3.1.2.2)
, ni les conséquences à tirer de l’arrêt du projet de système informatique unifié
des laboratoires, SI Labo, intervenu en 2019 (
cf
. partie 4.2)
. Sur le sujet majeur de l’attractivité
et du renouvellement des talents (
cf.
partie 2.1 et 2.3), le conseil a seulement consacré une partie
de la séance du 16 juin 2023 à l’adoption des lignes directrice
s de gestion. Il existe certes des
pré-conseils avec les tutelles, mais ils ne peuvent pas non plus jouer ce rôle, en raison de
l’asymétrie qui existe entre un organisme puissant comme le CNRS et des tutelles relativement
faibles et du fait
qu’il n’y a pas de
relevé de conclusions permettant un contrôle
a posteriori
.
Le conseil d’administration ne joue donc pas pleinement son rôle de pilotage stratégique du
CNRS, comme le relevait déjà l’évaluation du HCERES de novembre 2023.
Plutôt que de revenir à la situation des années 2000, lorsque les fonctions de président
et de directeur général étaient séparées, ce qui risquerait d’affaiblir la direction
dans son rôle de
pilotage stratégique, le renforcement de la gouvernance pourrait passer par un rôle accru des
comités rat
tachés au conseil d’administration. Le CNRS dispose depuis 2007 d’un comité de
l’audit interne. Présidé par une conseillère d’État
, il comprend trois personnalités qualifiées
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
17
issues
des universités et des collectivités locales et siège en présence de l’age
nt comptable et
du représentant du contrôleur budgétaire et comptable
ministériel. Il s’est réuni trois fois en
2023 pour examiner le rapport d’activité de la direction de l’audit interne, les conclusions des
commissaires aux comptes, notamment sur leur au
dit informatique, et le plan d’action
d
e l’audit
interne. Il permet de mettre en évidence des points de vigilance comme, en 2023, le
renforcement des contrôles automatisés sur le respect du seuil de 40
000 € pour les achats
publics (
cf.
partie 5 du rapport)
, l’amélior
ation de
l’information budgétaire pluriannuelle sur les
recettes fléchée
s, la sécurité des systèmes d’information et la mise en place d’un groupe de
travail sur la cartographie des risques. Le rôle de ce comité pourrait être renforcé, en élargissant
sa composition, en calant le rythme de ces réunions sur celles du conseil et en accroissant ses
compétences, au-
delà du suivi des travaux de l’audit interne. Il pourrait
ainsi devenir un comité
d’audit et des risques, comprenant
plusieurs hauts fonctionnaires notamment le fonctionnaire
de défense et de sécurité, une personnalité experte en science de gestion et invitant
systématiquement les commissaires aux comptes, au côté de l’agent comptable et du contrôleur
budgétaire, ainsi, en fonction des sujets, que des personnalités qualifiées indépendantes du
CNRS. Ses
compétences seraient élargies à l’ensemble des risques. Il
devrait pour cela pouvoir
commander des audits
à l’audit interne (compétence relevant actuellement du président),
proposer au conseil le choix des commissaires aux comptes, examiner les audits effectués par
les équipes de l’agent comptable, dans le domaine comptable sur lequel la direction de l’audit
interne n’a pas compétence.
Le CNRS émet des réserves sur cette proposition, rappelant q
u’il
n’a pas relevé de carence particulière en la matière, que les deux filières d’audit interne,
s’appuyant d’une part sur la direction de l’audit interne et d’autre part sur l’agence comptable,
sont distinctes mais articulées
et que le comité d’audit int
erne avait écarté cette proposition.
Néanmoins,
le regroupement des deux filières, sous la houlette d’un comité d’audit et des
risques, aux compétences élargies, permettrait de mieux appréhender les risques dans leur
dimension globale.
Enfin, la question d
e la création d’autres comités rattachés au conseil pourrait se poser.
Ainsi, un comité stratégique, avec les représentants des tutelles et des personnalités qualifiées
indépendantes, pourrait être utile pour éclairer les débats sur les grands enjeux de gestion
(meilleur suivi des ressources propres et programmation pluriannuelle des investissements,
attractivité et fidélisation des talents, simplification du « fardeau administratif », sécurité des
systèmes d’information,
conséquences à tirer des évaluations HCERES,
etc.
). La mise en place
d’un tel comité nécessite la modification des articles
R322-1 et R322-33 du code de la
recherche, et donc l’intervention des tutelles. Il ne paraît en revanche pas utile de disposer d’un
comité des nominations et des rémunérations, le choix du président, de ses objectifs et de sa
rémunération relevant de l’État et non du conseil. De même, il serait sans doute contre
-productif
de créer un comité des offres, pour examiner les réponses les plus importantes aux appels à
projets
des contrats de recherche financés par l’Union européenne ou l’
ANR car cela risquerait
de réduire l’appétence des chercheurs pour
les réponses aux appels à projets qui jouent un rôle
croissant dans le modèle économique du CNRS.
1.1.3
Les chaînes de contrôle comptables et budgétaires ont été renforcées
Les chaînes de contrôle comptables et budgétaires peuvent s’analyser à partir des
différentes lignes de défense qui les structurent :
l’audit externe, l’audit interne et
le contrôle
interne, ce qui dans le cas du CNRS peut se résumer dans le tableau ci-après, en ne retenant que
les acteurs qui interviennent de façon récurrente chaque année.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
18
Tableau n° 1 :
Chaines de contrôle comptable et budgétaire au CNRS
Chaîne comptable
Chaîne budgétaire
Audit externe
Commissaires aux comptes (E&Y et
PWC)
Contrôleur budgétaire ministériel
(pas
de
certification
de
la
comptabilité budgétaire)
Audit interne
Audits
diligentés
par
l’agent
e
comptable (635 unités de recherche
auditées en 2021 et 2022 par une
cinquantaine d’agents)
Direction de l’au
dit interne (6
auditeurs au total)
Contrôle interne
Contrôle interne comptable en phase
de renforcement
Contrôle
interne
budgétaire
actualisé chaque année
Source : Cour des comptes
L’audit externe comptable est bien en place avec deux
grands cabinets de commissaires
aux comptes. La présentation de comptes consolidés regroupant le CNRS et ses filiales impose
l’obligation de disposer de deux commissaires aux comptes, ce qui favorise l’exercice collégial
de la fonction. En choisissant deux cabinets aux moyen
s comparables, le CNRS s’est assuré
d’un partage équilibré des tâches au sein du collège.
Un des membres du collège a été changé
en 2014 et en 2020, mais le second est demeuré avec le même associé signataire, au moins
depuis 2013. Même, si le CNRS n’est pas soumis à une obligation de rotation, l’exercice d’un
même mandat pendant une durée aussi longue ne correspond pas aux bonnes pratiques
généralement admises. Les travaux des commissaires aux comptes illustrent les faiblesses qui
persistent dans le contrôle interne
comptable. Certes, il n’y a pas eu
depuis 2013, contrairement
au passé, de réserves, mais il y a fréquemment (8 exercices sur 11 sont concernés) des
observations pour corrections
d’erreurs dans l’opinion, ce qui est le signe d’erreurs non
détectée
s par le contrôle interne les années précédentes d’un montant suffisamment significatif
pour être mentionnées. Ainsi, celle relevée
dans l’opinion sur les comptes individuels de 2023
porte sur la comptabilisation de 44 M€ de provisions au titre du compte
épargne temps qui
auraient dû être comptabilisées dès 2022, mais ne l’ont pas été
,
en raison d’un mauvais
déversement lié aux changements des systèmes
d’information des ressources humaines
. Elle est
symptomatique d’une faiblesse du contrôle interne et d’un
e gestion contestable, dans la mesure
où le niveau élevé de stock de la provision pour compte épargne temps trouve en partie son
origine dans la décision prise en 2020 de ne pas contraindre les agents à prendre des congés
pendant la période de crise sanitaire.
L’audit externe budgétaire se limite aux diligences prévues à la charge du contrôleur
budgétaire ministériel. Cela s’apparente davantage à une revue limitée qu’à un audit
: en
particulier, la comptabilité budgétaire ne donne pas lieu à certification comme le soulignent les
commissaires aux comptes. Néanmoins, le contrôleur budgétaire formule des remarques sur la
base de l’examen des documents de synthèse, réclamant notamment une meilleure information
sur les recettes fléchées pluriannuelles pour pouvoir mieux apprécier la soutenabilité budgétaire
des projets de recherche. Quant à la tutelle, elle insiste sur les aspects de soutenabilité
budgétaire, notamment de la masse salariale et de sous exécution chronique des dépenses. En
l’état du droit, il n’est pas proposé d’aller plus loin dans ce domaine, sachant qu’une
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
19
certification de la comptabilité budgétaire nécessiterait probablement au préalable la mise en
place d’un suivi précis des temps des personnels de recherche, ce qui présente des enjeux
d’acceptabilité et d’opportunité dépassant les problématiques budgétaires.
La direction de l’audit interne est limitée dans ses moyens (six auditeurs) et dans
ses
compétences, puisqu’elle n’intervient pas dans le champ de l’agent comptable qui effectue ses
propres
audits. Il n’en demeure pas moins que les rapports de l’audit interne mettent en lumière
des faiblesses qui concernent parfois le domaine budgétaire. Ainsi, le rapport conduit en 2023
sur les processus d’archivage
a relevé
qu’une unité de recherche n’avait
pas été en mesure de
retrouver l’ensemble des pièces justificatives relative à un projet de recherche européen financé
par le programme H2020 pour un montant cumulé de 245 000
€. Pour autant, le CNRS a
échappé à une demande de remboursement de la Commission européenne car les coûts totaux
justifiés du projet excédaient la subvention reçue. Le CNRS souligne le caractère exceptionnel
de cette anomalie : 40 projets de recherche du
programme Horizon 2020 ont d’ores et déjà été
audités dans 15 délégations régionales avec un taux d’anomalie très réduit, de l’ordre de 0,3
%
L’agente comptable dispose de moyens plus
substantiels
(une cinquantaine d’agents)
pour
effectuer des audits internes dans le champ comptable avec une bonne couverture (rotation des
audits sur quatre ans). Toutefois ces audits, bien que très utiles,
sont réalisés par l’équipe de
l’agent comptable, par ailleurs
impliquée dans la tenue des comptes, ce qui limite leur
indépendance
. Il pourrait être envisagé d’accroître les moyens de la direction de l’audit interne
et de lui permettre de réaliser des audits dans le champ comptable, en plus de ceux de l’agente
comptable.
Les procédures de contrôle interne budgétaire et de contrôle interne comptable ont
connu des progrès au cours des années récentes, comme en témoigne la réduction du volume
des corrections d’erreurs.
Si, à fin 2023, beaucoup restait à faire, le contrôleur budgétaire et
comptable ministériel indique sa satisfaction que le CNRS ait engagé un travail de cartographie
des risques. Le CNRS prévoit aussi de développer dans le progiciel de gestion intégré des
contrôles applicatifs automatiques alertant sur le franchissement des seuils de marché public et
sur l’existence d’un marché au niveau régional ou national, de travailler à l’amélioration des
prévisions d’exécution budgétaire et de consacrer
un effort particulier au contrôle du bouclage
pluriannuel des contrats de recherche, pour s’assurer qu’il n’
y ait pas de reste à charge. La
transformation du comité de l’audit interne en comit
é
d’audit et des risques serait de nature à
accompagner ce travail
d’amélioration continu
.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
20
Recommandation n°1 (CNRS, MESR, 2025) Renforcer le rôle du conseil
d’administration en transformant le comité d’audit en comité d’audit et des risques
et en lui adjoignant un comité stratégique pour l’éclairer sur les principaux enjeux.
1.2
Des comptes à la qualité améliorée, montrant une activité
en croissance et une trésorerie très élevée
Le CNRS prépare chaque année des comptes individuels et des comptes consolidés
5
regroupant le CNRS et les entités qu’il contrôle
: les grandes évolutions au niveau du bilan et
du compte de résultat depuis 2013 sont présentées en annexe n°1.
1.2.1
La qualité des comptes du CNR
S s’est améliorée sur la période
La qualité des comptes du CNRS s’est améliorée depuis 11 ans sous les effets des
actions conduites pour améliorer le contrôle interne, actions dont il est rendu compte chaque
année dans l’annexe aux comptes individuels dans
un texte de deux pages qui témoigne de
l’appropriation de cet enjeu par l’agente comptable et ses équipes. Plusieurs éléments montrent
cette amélioration qualitative. D’une part, les comptes individuels et consolidés de l’ensemble
des exercices depuis 201
3 ont été certifiés sans réserve, ce qui n’était pas le cas de la période
précédente où des réserves avaient été formulées notamment sur le manque de fiabilité de la
comptabilisation des immobilisations. D’autre part, s’il y a encore des corrections d’erre
urs
significatives (provision compte épargne temps en 2023, provision démantèlement en 2022),
elles ont un caractère exceptionnel, lié à une mauvaise migration de système d’information dans
le premier cas et à une estimation complexe à établir dans le second. Elles ne sont donc pas
comparables aux défaillances relevées systématiquement, ou presque, pour les exercices
antérieurs à 2019, qui portaient sur des erreurs de comptabilisation de base, souvent liées à des
remontées trop tardives ou insuffisamment fiables des informations, entraînant le non-respect
du principe de séparation des exercices.
À présent que les fondamentaux de la qualité comptable ont été rétablis, les équipes de
l’agente comptable peuvent se consacrer aux thématiques plus complexes liées
aux évolutions
réglementaires à préparer, aux mesures de simplification à envisager et aux estimations
significatives à affiner. Sur le plan réglementaire, le CNRS établit encore ses comptes
consolidés sur la base du règlement 99-02 du comité de règlementation comptable datant du
siècle dernier, texte qui a été remplacé par le règlement 2020-
01 de l’autorité des normes
comptables. Il va devoir passer au nouveau règlement en 2025 et a commencé à se préparer à
cette échéance en identifiant les impacts, qui de
vraient se limiter à la reconnaissance à l’actif
des biens faisant l’objet d’un crédit
-bail. Pour ce qui est de la simplification, le conseil
d’administration du CNRS a validé le 20 octobre 2023 le principe du relèvement du seuil de
comptabilisation des immobilisations à 3
000 € hors taxes.
Concernant les estimations significatives, d’importants progrès ont été accomplis depuis
pour mieux évaluer les provisions pour démantèlement des installations scientifiques. Ce travail
5
Cf.
annexe n°1, qui présente l’évolution des comptes individuels et des comptes consolidés du CNRS.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
21
n’est pas achevé
: les estimations pour le démantèlement des installations du
Canada
France
Hawaï Telescope
et de
l’European Gravitational Observatory
sont toujours en cours. Il apparaît
d’ores et déjà que cette problématique n’engendre pas de passifs significatifs à l’échelle du
CNRS et
qu’il n’est donc pas nécessaire de mettre en place un dispositif spécifique de
financement, comme des actifs
ad hoc
. L’autre source d’estimation significative complexe pour
le CNRS pourrait concerner la reconnaissance à l’actif des frais de développement l
iés à
l’activité de recherche. En la matière, le choix de la simplicité a été effectué. Considérant qu’il
n’était pas possible de les évaluer de façon fiable, faute de système fiable et généralisé de suivi
du temps des chercheurs, le CNRS ne les comptabilise pas en accord avec les principes
comptables applicables. Ne figurent à l’actif des comptes consolidés que les frais juridiques de
protection des brevets déposés qui sont désormais possédés par la filiale CNRS Innovation. La
solution retenue paraît adéquate et épargne au CNRS de consacrer du temps et des ressources,
pour effectuer des évaluations complexes, impliquant une dose importante de jugement pour
apprécier les débouchés éventuels des développements réalisés, cela pour aboutir à la
comptabilisation
d’actifs par nature volatils qui n’apporteraient guère de valeur ajoutée aux
comptes. Néanmoins, en gestion, l’absence de suivi des temps des personnels recherche illustre
le fait qu’une très grande liberté leur est laissé par la direction du CNRS pour co
nduire leurs
travaux, dans un contexte où le principe de liberté du chercheur est au cœur du modèle français.
Les travaux en cours visant l’amélioration continue du contrôle interne comptable
méritent d’être poursuivis. Décrits dans l’annexe aux comptes de
2023, ils comprennent :
-
Un dispositif de maîtrise des risques financiers (budgétaires et comptables) piloté
conjointement par la DCIF et la DSFIM sur la base du dispositif rénové mis en place
en 2017. Cela se traduit par une cartographie des risques majeurs et des plans
d’action pour la période 2023
-2025 sur les thématiques les plus sensibles : les
contrats de recherche, les brevets et licences, les filiales et participations, les
rémunérations, la commande publique, le recouvrement des créances et le processus
comptable et budgétaire. En 2023, dans le domaine des achats, le contrôle interne
existant a été renforcé (cartographie annuelle des achats des unités, visa des
délégations régionales au-
delà de 90 K€, mécanisme d’alerte intégré au système
d’information, intégration des cont
rôles clés sur les achats au plan de contrôle des
audits réalisés par la DCIF,
etc
.) ;
-
Un contrôle interne comptable sous pilotage de la DCIF qui supervise, élabore et
anime le dispositif avec un guide des bonnes pratiques du contrôle interne et a
renforcé les contrôles sur les processus suivants : dépenses, missions, carte achat,
paye, recettes et recouvrement et comptabilité, avec à la fois des contrôles
a priori
et des contrôles
a posteriori
;
-
Des travaux de révision des comptes et d’inventaire à la clôt
ure et lors des arrêtés
intermédiaires de mai et d’octobre
;
-
Les audits de conformité financière et comptable diligentés par l’agente comptable.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
22
1.2.2
Les résultats comptables sont globalement positifs, malgré une perte de 108
M€
en 2020 liée à la gestion du personnel pendant la crise sanitaire
Graphique n° 1 :
Évolution du résultat comptable du CNRS (2013-2023)
Source : comptes individuels du CNRS
Le graphique ci-
dessus présente les résultats comptables net du CNRS, tels qu’ils
ressortent des comptes individuels présentés en annexe n°1
. L’organisme affiche un résultat
cumulé positif de 112 M€ en 11 ans, avec des fluctuations importantes au cours des années
récentes (résultat net positif de 133 M€ en 2021 et de 77 M€ en 2022, perte nette de
-
108 M€
en 2020 et de -
13 M€ en 2023). Cette si
tuation peut être perçue comme anormale car un
organisme de recherche n’est pas supposé réaliser des profits sur la durée et doit tendre vers des
résultats à l’équilibre, en évitant des pertes trop importantes. Ces chiffres sont cependant à
relativiser com
pte tenu des corrections d’erreurs
6
effectués ces dernières années, notamment les
plus significatives qui sont mentionnées en observations dans les opinions des commissaires
aux comptes. Ainsi, en 2023, l’erreur portant sur la non comptabilisation en 2022 d’une dotation
à la provision pour compte épargne temps pour un montant de 44 M€ aurait réduit d’autant le
résultat net de l’exercice 2022 si elle n’avait pas été commise. De même, en 2022, l’erreur
portant sur la non comptabilisation dès 2016 de la dotation aux provisions pour démantèlement
des installations de la filiale Synchrotron Soleil pour 32 M€ aurait réduit d’autant le résultat net
de cet exercice. La seule prise en compte de ces corrections d’erreur des deux derniers exercices
réduit le résultat n
et cumulé sur 11 ans effectivement réalisé de 112 M€ à 36 M€, ce qui tend à
montrer que le CNRS ne réalise en fait pas de résultats significativement bénéficiaires.
La perte de 108 M€ enregistrée en 2020 revêt un caractère exceptionnel, mais aurait pu
êtr
e moindre. En effet, cet exercice, marqué par la crise sanitaire, a vu l’activité se ralentir, avec
une diminution notable de certaines charges comme celles liées aux frais de missions. Ainsi,
les charges de fonctionnement, hors masse salariale, et hors dotation aux amortissements et aux
6
Les principes comptables prévoient que les erreurs de comptabilisation des exercices antérieurs soient corrigées
lors de leur détection par imputation directe dans les fonds propres sans impacter le résultat de l’exercice en cours.
-150
-100
-50
0
50
100
150
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
23
provisions ont diminué de 168 M€ par rapport à 2019. Toutefois, cette diminution de charges a
été contrebalancée par une augmentation de 39 M€ des charges de personnels et de 101 M€ de
la dotation nette aux provisions (augm
entation s’expliquant à hauteur de 50 M€ par les comptes
épargne temps, en raison de l’absence d’obligation imposée aux agents de prendre un minimum
de congés pendant la crise sanitaire et à hauteur de 45 M€ pour l’aide au retour à l’emploi des
bénéficiaires des indemnités de chômage). Comme dans le même temps, les produits, hors
subvention pour charges de service public ont diminué par rapport à 2019, le CNRS s’est
retrouvé avec une perte significative de -
108 M€ en 2020. Cette mauvaise expérience doit
inciter à la vigilance sur la maîtrise de la masse salariale car elle a son dynamisme propre et
représente le premier poste de charges, comme le montre le graphique ci-après. Elle doit aussi
inciter à la vigilance sur les conséquences financières de l’ensembl
e des décisions de gestion
des ressources humaines.
1.2.3
Les comptes du CNRS traduisent une progression de son activité depuis 2020
Le graphique ci-dessous montre une croissance des charges (masse salariale et autres) à
partir de 2020.
Graphique n° 2 :
Évolution des charges du CNRS (2013-2023).
Source : comptes individuels du CNRS (hors dotations aux amortissements et aux provisions et charges
financières)
Ceci est à mettre en relation avec la croissance de l’activité à partir de 2020 qui se
matérialise, comme l’illustre le
graphique ci-après par une augmentation des produits, tant au
niveau de la subvention pour charges de service public que des autres produits, notamment ceux
provenant des financements de contrats de recherche à la suite d’appels à projets et des
facturatio
ns de l’usage des plateformes technologiques.
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Charges de personnel
Autres charges
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
24
Graphique n° 3 :
Évolution des produits du CNRS (2013-2023)
Source : comptes individuels du CNRS (hors reprises de provisions et produits financiers)
Cette croissance est le fruit des décisions prises en décembre 2020 dans le cadre de la
loi de programmation pluriannuelle de la recherche qui a prévu à la fois une augmentation des
subventions pour charges de service public des organismes de recherche et une augmentation
des moyens de l’ANR pour lancer des appels à projets. Dan
s une moindre mesure, le passage
du programme pluriannuel de recherche de l’Union Européenne Horizon 2020 pour la période
2014-2020 au programme plus richement doté Horizon Europe qui couvre la période 2021-
2027 a également un effet positif sur la hausse d
e l’activité. Enfin, le CNRS a révisé à la hausse
ses modalités de facturation pour l’usage des plateformes technologiques. Le cumul de ces trois
phénomènes entraîne, au-
delà de l’augmentation globale des produits, une augmentation en leur
sein de ceux résultant de la capacité du CNRS à accroître ses ressources propres
1.2.4
La
trésorerie a augmenté de 900 M€ en 11 ans et atteint 1,40 Md€ fin 2023
La principale tendance
observée sur l’évolution du bilan du CNRS depuis la fin de 2013
est une très forte augmentation de la trésorerie placée sur les comptes du Trésor public qui est
passée de 500 M€ à la fin de 2013 à 1,40
Md€
à la fin de 2023. Cette évolution est
particulièrement sensible dans le contexte actuel des finances publics qui conduit le
Gouvernement à dilig
enter des missions d’inspection pour analyser la trésorerie des opérateurs
afin de déterminer si une trésorerie abondante ne pourrait pas permettre une réduction, même
temporaire, des subventions pour charges de service public, afin de réaliser des économies
budgétaires. De fait, le CNRS est l’opérateur du ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche qui dispose de la trésorerie la plus abondante. La visibilité de cette situation est accrue
par le fait que le CNRS sous exécute de façon important
e son budget (442 M€ de crédits de
paiement (CP) non exécutés en 2023 (
cf.
partie 1.3 du rapport)), ce qui pourrait donner
l’impression que le CNRS disposerait de trop de moyens
financiers.
0
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Subvention pour charges de service public
Autres produits
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
25
Graphique n° 4 :
Évolution de la trésorerie et des avances sur contrats de recherche (2013-2023)
Source : comptes individuels du CNRS
L’évolution de la trésorerie depuis 10 ans est à mettre en relation avec l’évolution du
compte avances et acomptes reçus au passif du bilan comme le montre le graphique ci-dessus
En effet l’évolution de
s grands équilibres bilanciels montrent que le fond de roulement a peu
évolué
: les fonds propres sont passés de 1,50 Md€ à 1,40 Md€ entre fin 2013 et fin 2023, les
provisions pour risques et charges sont passées de 217 M€ à 497 M€ sous l’effet des évaluat
ions
plus précises des provisions pour démantèlement des infrastructures de recherche et de
l’augmentation des provisions pour compte épargne temps, la valeur nette des immobilisations
est restée stable à 1,20 Md€. La contrepartie de la forte croissance de
la trésorerie se retrouve
donc dans l’évolution du besoin en fond de roulement, principalement au niveau du compte
avances et acomptes reçus au passif du bilan qui est passé de 908 M€ fin 2013 à 1,60 Md€ fin
2023. Ce compte enregistre principalement les fonds versés en avance par les financeurs de
projets de recherche pluriannuels faisant l’objet d’appels à projets. Ainsi, à la fin de 2013, le
solde d’1,60 Md€ comprend 894 M€ reçus de l’ANR
et 283 M€ reçus de l’Union européenne.
Sur ce solde d’1,60 M€, les
montants reçus en 2023 s’élèvent à 558 M€, ceux de 2020, 2021 et
2022 à 844 M€, ceux d’avant 2020 à 204 M€. Le caractère ancien de certains montants en solde
illustre à la fois le caractère pluriannuel de certains projets de recherche et le fait que les
financements sont versés très tôt dans le processus.
Au-
delà de cette corrélation entre l’augmentation de la trésorerie et l’augmentation des
avances et acomptes reçus sur les contrats pluriannuels de recherche, le graphique ci-dessus
montre aussi
que l’éca
rt entre les deux courbes
s’est fortement réduit depuis fin 2017, ce qui
montre que le niveau de trésorerie est
plus confortable aujourd’hui qu’il y a 10 ans.
Plusieurs
autres éléments peuvent être pris en compte pour apprécier le niveau très confortable de la
trésorerie du CNRS :
-
le tableau de trésorerie mensuelle de 2023 montre que le point le plus bas de la
trésorerie a été atteint à la fin mai, mais pour un montant de 813 M€. Cela confirme
le niveau élevé
de la trésorerie du CNRS, d’autant que les princ
ipaux décaissements
0
200
400
600
800
1000
1200
1400
1600
1800
Dec 13
Dec 14
Dec 15
Dec 16
Dec 17
Dec 18
Dec 19
Dec 20
Dec 21
Dec 22
Dec 23
Trésorerie (M€)
Avances et acomptes (M€)
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
26
concernent le paiement des personnels en fin de mois et que les soldes de trésorerie
en fin de mois sont donc plutôt bas car postérieurs à ce décaissement ;
-
les
décaissements mensuels du CNRS en 2023 (328 M€ en janvier, 325 M€ en
févrie
r, 362 M€ en mars et 330 M€ en avril), montre
nt
qu’avec la trésorerie
disponible fin 2022 (1,28 Md€), le CNRS aurait pu, sans rentrée de trésorerie
nouvelle, faire face à ces dépenses jusqu’au paiement des personnels fin avril, c’est
-
à-dire pendant près de
quatre mois, ce qui est aussi le signe d’une trésorerie
confortable ;
-
certes
, l’ensemble de la trésorerie n’est pas libre d’emploi car une partie est fléchée
sur des projets imposés par les financeurs. Néanmoins, le CNRS ne dispose pas
d’une vision claire
de la part de cette trésorerie fléchée dans le total. En effet, le
compte financier 2023 chiffre le niveau final de la trésorerie fléchée à seulement
188 M€, mais
ce chiffre est manifestement sous-évalué car
il s’agit en réalité du
solde budgétaire
de l’exercice
entre les recettes fléchées et les dépenses sur recettes
fléchées. Ainsi, comme le relève le contrôleur budgétaire et comptable ministériel,
le CNRS ne distingue pas de façon exhaustive, dans son solde de trésorerie, la partie
fléchée et la partie libre d’emploi, contrairement à ce que pratique
, par exemple,
l’
institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)
7
. On sait
toutefois que toutes les ressources propres (1
133 M€ en 2023
) ne sont pas des
recettes fléchées (comme par exemple les ressources propres banalisées issues des
facturations de l’usage des plateformes technologiques, la rémunération des
chercheurs permanents par les contrats européens, déjà financée par la subvention
d’État, le reliquat des financements des contrats de recherche qui ne sont pas à
restituer aux financeurs,
etc
.)
, sans qu’il ne soit possible à ce stade d’identifier le
montant auquel cette trésorerie libre d’emploi correspond
. La DGRI, de son côté, a
fait valoir pendant la contradiction qu’elle réalisait une enquête chaque année sur la
part fléchée de la trésorerie des opérateurs. Elle a conclu que le CNRS disposait de
184,4
M€ de trésorerie non
-fléchée à la fin de 2023. Cela correspond à une analyse
très prudente, qui considère que des provisions comptables pouvant donner lieu à
des décaissements de trésorerie à des horizons lointains sont à analyser comme de
la trésorerie fl
échée (à hauteur de 535 M€ au titre notamment des provisions pour
démantèlement et pour comptes épargne temps). Conscient du fait que le CNRS
disposait de marges de manœuvre sans pouvoir l’estimer précisément, les tutelles
ont arbitré une diminution de 100
M€ de la subvention pour charges de service
public du CNRS pour 2025 avec une ambition de dépenses maintenue, charge à
l’établissement de puiser dans sa trésorerie.
Compte tenu de ces éléments, il serait souhaitable que le CNRS évalue de façon
plus préci
se la trésorerie libre d’emploi et décide de son usage en accord avec ses
tutelles. Le CNRS indique avoir engagé
les travaux pour la mise en œuvre de la
recommandation formulée ci-après en ce sens.
7
Rapport de la Cour des comptes sur les comptes et la gestio
n de l’Inserm et d’Inserm Transfert, janvier 2023
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
27
Recommandation n°2 (MESR, CNRS, DB, 2025) Évaluer de façon précise la
trésorerie libre d’emploi du CNRS
et décider de son usage, en accord avec les tutelles.
1.3
Une sous-exécution massive des dépenses, hors masse
salariale, sur les ressources propres
1.3.1
Une organisation budgétaire complexe qui combine décentralisation de la
gestion des AE et centralisation de la gestion des CP
Le CNRS a fait le choix d’une décentralisation très forte de la gestion des
autorisations
d’engagement (
AE) au niveau des unités de recherche. Ainsi, pour les dépenses hors masse
salariale effectu
ées sous subvention d’État, l’ensemble des
AE sont allouées aux unités de
recherche dès le mois de janvier par les instituts, charge à elles de les engager avec un objectif
de 55 % à fin juin, 75 % à fin septembre et 100 % à fin novembre, objectif dont la mise en
œuvre est suivie par les délégations régionales. De même, pour les dépenses effectuées sur
ressources propres au titre des contrats de recherche, les unités de recherche disposent d’une
autorisation globale de dépenses (AGD) leur permettant
d’engager l’ensemble des crédits
dès
la signature du contrat
, mécanisme spécifique au CNRS qui est présenté dans l’encadré ci
-après.
Le mécanisme d’autorisation globale de dépenses
(AGD) pour les contrats de recherche :
Le mécanisme d’AGD adopté par le CNRS per
met aux unités de recherche des chercheurs
lauréats des contrats de recherche d’engager les dépenses sur la totalité du contrat, dès sa
signature, sans attendre le versement des fonds. Il est jugé nécessaire car l’exécution des
contrats de recherche nécessite souvent des dépenses importantes dès le départ pour recruter les
personnels temporaires et acquérir l’équipement nécessaire. La direction du CNRS et ses
tutelles considèrent que cette pratique reste conforme au cadre posé par le décret n° 2012-1246
du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique (GBCP), au niveau
du CNRS dans son ensemble, en raison de l’abondante trésorerie disponible (
cf.
partie 1.2).
Les AGD comportent une part
individualisée
, directement liée au financement de la recherche
prévue au contrat, pour laquelle il est demandé au chercheur de produire une prévision
pluriannuelle de l’engagement des dépenses. Elles comportent également une part
globalisée
,
comprenant la rémunération des frais de structure
8
et les reliquats non utilisés sur les contrats
achevés pour lequel il n’est pas prévu de retour au financeur.
8
Comme l’a relevé la Cour dans le contrôle de l’Inserm, le mécanisme est d’une grande complexité. Pour les
contrats hors ANR, 20 % du montant du contrat correspondant aux frais généraux est prélevé et dist
ribué à l’unité
de recherche lauréate (4 %), au CNRS en tant que gestionnaire (5 % pour la délégation régionale, 2 % pour le
siège) et à l’hébergeur (9
%), le CNRS ou un de ces partenaires. À cela, s’ajoute, pour les contrats européens, le
remboursement de
la rémunération des personnels permanents du CNRS déjà financés par la subvention d’État,
dont la moitié est affecté au siège du CNRS et la moitié laissé à l’unité de recherche. Pour les contrats de l’ANR,
en 2023, le prélèvement correspondant aux frais généraux se limite à 13,5 %, dont 4
% pour l’unité de recherche
et le reste revenant au CNRS en tant que gestionnaire (4 % pour la délégation régionale, 5,5 % pour le siège) car
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
28
Le siège du CNRS utilise la part globalisée de l’AGD qui lui revient pour financer des actions
communes, tandis que la part revenant aux délégations régio
nales fait l’objet d’une péréquation
destinée à financer leur fonctionnement et le paiement de leurs contractuels. Les unités de
recherche, elles peuvent utiliser à discrétion la part globalisée des AGD qui leur revient, sans
qu’elles n’aient à fournir de
prévisions. Il en résulte des pratiques de gestion hétérogènes
combinant une mutualisation plus ou moins grande d’une partie de ces montants au niveau de
la direction de l’unité ou des équipes de recherche, tandis que le solde reste à la disposition des
chercheurs lauréats. Ces ressources assurent un complément de financement en cas de moindre
succès aux appels à projets, co-financent les projets de recherche qui le nécessitent, permettent
d’acheter du matériel ou à financer du personnel temporaire (
les post-doctorats notamment).
Un tel mécanisme est propice à la sous-exécution, en raison du caractère pluriannuel des projets
(ouverture des AE pour l’ensemble des dépenses, mêmes lorsqu’elles sont prévues au
-
delà d’un
an sur la part individualisée) et du cara
ctère discrétionnaire de l’engagement de la part
globalisée des AGD qui, à défaut d’engagement, est automatiquement reportée d’une année sur
l’autre et s’accumule dans les unités de recherche.
Le mécanisme des AGD des contrats de recherche offre ainsi une grande liberté aux chercheurs,
sans que le siège du CNRS ne dispose d’une vision précise de la ressource disponible et de
l’usage projeté
. Non seulement, les chercheurs lauréats des appels à projets ont toute liberté
pour engager les dépenses nécessaires au contrat de recherche au titre des AGD individualisées,
sans trop avoir à justifier leurs prévisions pluriannuelles, dans un contexte où l’exécution des
contrats de recherche peut connaître des aléas induisant des décalages d’une année sur l’autre.
Mais surtout, ils disposent de façon discrétionnaire de la part globalisée des AGD. Ils se
constituent ainsi une sorte de « cagnotte ». Comme leur gestion en « bons pères de famille » est
plutôt prudente et que le volume d’activité liée aux contrats de recherch
e augmente, ces
« cagnottes » expliquent une part notable de la sous-exécution ces dernières années.
Enfin, les dépenses effectuées au titre des autres ressources propres (notamment les
ressources propres banalisées issues de la facturation des plateformes technologiques) font aussi
l’objet d’une décentralisation des
AE au niveau des unités de recherche. Ainsi, chaque unité
dispose, au titre du CNRS de trois enveloppes budgétaires
: subventions d’État hors masse
salariale, contrats de recherche et autres ressources propres. Cette organisation complexe, avec
une forte autonomie locale pour l’engagement des dépenses est accentuée dans les 842 UMR
car elles disposent en plus
d’autres sources de financements, provenant des universités et
des
autres organismes de recherche partenaires
, sans qu’une vision consolidée ne soit
établie et
partagée en temps réel par l’ensemble des
tutelles. Les cahiers annexés au rapport, consacrés
aux contrôles sur place effectués dans trois UMR : le CEREGE à Aix-en-
Provence, l’Insti
tut
de mathématiques de Jussieu et l’IPBS de Toulouse, illustrent ce phénomène.
Le CNRS a également fait le choix d’une centralisation très forte de la gestion des
CP
au niveau de la direction de la stratégie financière, de l’immobilier et de la modernisat
ion
(DSFIM) du siège. Ainsi, les CP ne sont pas répartis par instituts, par unité de recherche et par
délégation régionale. Les délégations régionales qui suivent l’exécution des dépenses, en
la rémunération de l’hébergeur est versée directement à la structure concernée par l’ANR. Les contrats ANR ne
prévoient le remboursement de la rémunération des personnels permanents.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
29
s’appuyant sur les agents comptables secondaires situés en leur
sein, sollicitent au fur et à
mesure des besoins le siège pour disposer des CP nécessaires au paiement des factures.
Cette organisation, engendrant une dissociation entre une gestion des AE très
décentralisée et une gestion des CP très centralisée est généralement associée à un risque de
soutenabilité budgétaire, pouvant résulter
d’un décalage entre le
volume des AE et celui des CP
disponibles pour y faire face. Ce risque est renforcé dans le cas du CNRS par la forte
déconnexion de la chaîne d’allocation de
s ressources via les instituts de celle du suivi de
l’exécution via les délégations régionales. Cela plaide pour la poursuite des actions entreprises
au titre du renforcement du contrôle interne budgétaire, en particulier sur l’analyse des restes à
payer et le suivi des opérations pluriannuelles. Le contrôle interne budgétaire devrait aussi être
renforcé pour les dépenses sur ressources propres, afin de disposer d’une meilleure prévisibilité
quant à leur engagement, ce qui suppose que les directeurs
d’unité
soien
t en mesure d’établir et
de partager avec leurs tutelles une vision consolidée des ressources propres non consommées
en fin d’année et de l’usage que l
eur
unité prévoit d’en faire.
1.3.2
La sous-exécution des dépenses atteint plusieurs centaines de
M€
et est
récurrente sur le période 2013-2023
Le CNRS a bénéficié en 2023
9
de 4,10 Md€ de ressources budgétaires nouvelles, ce qui
correspond, d’une part, aux subventions d’État, dont la principale est la subvention pour charge
de service public (2,96 Md€)
et, d’autre part, aux ressources propres dont les principales sont
les financements obtenus au titre des contrats de recherche (917 M€). Côté dépenses, sur les
4,42 Md€ de CP disponibles en 2023 incluant les ressources budgétaires nouvelles et les reports
,
3,98 Md€ seulement ont été consommés, dont 2,8
7
Md€ pour les dépenses de masse salariale.
Ainsi, le CNRS a dégagé
un résultat budgétaire positif de 111 M€
en 2023, phénomène qui est
récurrent sur la période examinée (
cf.
graphique ci-dessous). Comme cela été déjà relevé dans
l’analyse des résultats comptables (
cf.
1.2.2), il n’est pas attendu d’un organisme de recherche
qu’il réalise des excédents budgétaires récurrents et un tel phénomène pourrait être compris
comme une incapacité à mobiliser efficacement les ressources budgétaires disponibles au profit
des objectifs de politique publique en matière de recherche.
9
L’annexe 2 présente l’exécution budgétaire de 2023 en expliquant le passage du budget initial aux différents
budgets rectificatifs et aux AE et CP consommés.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
30
Graphique n° 5 :
Résultat budgétaire du CNRS (en M€)
Source : comptes financiers du CNRS
L’exécution de la dépense est suivie en distinguant les dépenses sur subventions d’État
et celles sur ressources propres, la nature de la dépense (masse salariale, fonctionnement et
investissement) et en les ventilant selon trois agrégats budgétaires :
-
l’activité de recherche conduite par les laboratoires, c’est
-à-dire les unités de
recherche auxquelles participent le CNRS et qui sont rattachées aux instituts ;
-
les activités communes pilotées par le siège, parmi lesquelles on retrouve par
exemple le financement des très grandes infrastructures de recherche ;
-
les fonctions support, également animées par les directions fonctionnelles du siège
et les délégations régionales, au sein desquelles on retrouve par exemple les
opérations immobilières et le fonctionnement des délégations régionales.
Le graphique ci-après présente, pour la période allant de 2013 à 2023, les écarts entre
les montants de recettes et de dépenses exécutées et les montants du dernier budget révisé (le
dernier budget rectificatif
voté par le conseil d’administration, en général au mois d’octobre)
.
Il fait apparaître des écarts relativement faibles sur les recettes, malgré l
aléa lié aux contrats de
recherche qui alimentent les ressources propres, ce qui témoigne du fait que le CNRS parvient
à bien estimer ses recettes annuelles quatre mois avant la clôture. En revanche, il met en
évidence une sous-exécution massive et récurrente des CP relatifs aux dépenses, pour des
mont
ants très importants compris entre 300 M€ et 700 M€ par an sur les dix dernières années.
-50
0
50
100
150
200
250
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
31
Graphique n° 6 :
É
cart entre budget et exécution des recettes et des dépenses (CP)
en M€
Source : comptes financiers du CNRS
L’analyse détaillée de la sous
-exécution des dépenses présentée dans le graphique ci-
après, montre qu’elle concerne
les ressources propres, quasi exclusivement pour les AE et très
majoritairement pour les CP.
Graphique n° 7 :
Sous-exécution des dépenses par type de financement en AE et CP
(en M€)
Source : comptes financiers du CNRS
En 2023, la sous-
exécution s’élève à 428 M€ en AE, dont 95
% sur les ressources
propres et 5
% sur la subvention d’
État
; et à 442 M€ en CP, dont 66
% sur les ressources
-800
-700
-600
-500
-400
-300
-200
-100
0
100
200
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Ecart exécution des recettes
Ecart exécution des dépenses
0
100
200
300
400
500
600
700
800
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Sous exécution AE subvention d'Etat
Sous exécution AE ressources propres
0
100
200
300
400
500
600
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Sous exécution CP subvention d'Etat
Sous exécution CP ressources propres
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
32
propres et 34
% sur la subvention d’
État. Le taux de sous-exécution par rapport aux crédits
budgétés est donc de près de 10 % en AE comme en CP.
Pour la
subvention d’État
, on relève que les AE sont globalement bien engagées. Cela
n’est pas sans lien avec le mécanisme de suivi de l’atteinte de l’objectif d’engagement à fin juin
(55 %), fin septembre (75 %) et fin novembre (100 %) qui permet aux délégations régionales
de remonter aux instituts les cas de sous-exécution identifiés
en cours d’année,
afin qu’ils
puissent redéployer les ressources entre unités de recherche. La situation est moins favorable
pour les CP
sur subvention d’État, avec une sous
-
exécution comprise entre 100 et 200 M€ au
cours des sept dernières années. Ce phénomène est à mettre en relation avec le niveau des restes
à payer en fin d’année (339 M€ à fin 2023 au ni
veau du CNRS)
. L’annexe
n°2 qui analyse en
détail l’exécution budgétaire 2023 illustre ce phénomène. Ainsi, lors du second budget
rectificatif BR2 de mars 2023, le CNRS a augmenté sa programmation de dépenses sur
subvention d’État du montant de reste à payer à fin 2022 qu’il était désormais en mesure
d’estimer, mais sans bénéficier de recettes supplémentaires. Aussi dès le BR2, il ne disposait
pas de recettes sur subvention d’État suffisantes pour payer à la fois le reste à payer de fin 2022
et les nouvelles consommations de CP budgétés pour 2023, ce qui le condamnait à afficher à
nouveau un reste à payer significatif à la fin de 2023. À noter toutefois que la DSFIM a entrepris
d’analyser en détail le reste à payer à la fin de 2023
,
afin d’identifier les éve
ntuels montants
anciens qui ne se traduiront pas en des besoins de CP. Cela lui a permis de réduire la
budgétisation des CP
de 100 M€ dans le premier budget rectificatif de 2024. Cette démarche
devrait permettre à l’avenir de réduire la sous
-consommation des CP
sur subvention d’État,
en
les budgétisant à un niveau plus réaliste.
En revanche, la sous-exécution des ressources propres est massive et récurrente, aussi
bien en AE qu’en CP.
Ce phénomène systématique est lié aux ajustements de programmation
effectués principalement lors d
’un des premiers
budgets rectificatifs (en 2023, le BR2 voté par
le conseil d’administration au mois de mars)
. Ce budget rectificatif augmente massivement les
dépenses sur ressources propres par rapport aux chiffres inscrits au budget initial, pour rendre
disponible aux unités de recherche l’ensemble des ressources propres non consommées les
années précédentes et indéfiniment reportables (les AGD des contrats de recherche et les
ressources propres banalisées), sans tenir compte
d’un
e prévision réaliste de ce qui sera
effectivement consommé dans l’année.
Du fait de cette surbudgétisation de dépenses sur
ressources propres, le CNRS affiche une sous-exécution massive de ces dépenses sur ressources
propres par rapport au dernier budget r
évisé (BR3), alors que l’écart par rapport à la
programmation initiale (BI) est faible. L’analyse détaillée du passage du BI aux BR1, BR2, BR
3 et la comparaison avec les montants exécutés pour l’exercice 2023 est présenté en annexe
n°2
et illustre ce phénomène
L’analyse détaillée de cette sous
-exécution pour 2023, présentée dans le graphique ci-
après,
montre qu’elle ne concerne pas les dépenses de masse salariale, qui sont particulièrement
bien exécutées, tant pour la subvention d’État que pour les ressou
rces propres. En revanche, la
sous exécution concerne principalement des dépenses hors masse salariale sur ressources
propres (412 M€ sur 428 M€ d’AE non exécutées, 294 M€ sur 442 M€ de CP non exécutés).
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
33
Graphique n° 8 :
Sous exécution budgétaire par nature de dépense en 2023 (en M€)
Source : comptes financiers du CNRS
Trois postes de dépenses contribuent fortement à cette sous-exécution :
-
les dépenses des unités de recherche sur ressources propres (sous-exécution de 309
M€ d’AE et 180 M€ de CP). Les deux instituts les plus concernés par cette sous
-
exécution so
nt CNRS Terre & Univers (52 M€ d’AE et 36 M€ de CP) et CNRS
Biologie (52 M€ d’AE et 36 M€ de CP)
. C
ela s’explique, d’une part,
par le caractère
pluriannuel des contrats de recherche et par le mécanisme des AGD (
cf.
encadré du
1.3.1) et
, d’autre part, par
l
’usage d
es ressources propres banalisées ;
-
la sous exécution des dépenses des actions communes sur ressources propres (sous-
exécution de 40 M€ d’AE et 47 M€ de CP). Le poste le plus concerné par cette sous
-
exécution est celui des très grandes infrastructur
es de recherche (20 M€ d’AE et 23
M€ de CP), ce qui s’explique par le caractère pluriannuel de ces projets
;
-
la sous exécution des dépenses des fonctions support sur ressources propres (sous-
exécution de 63 M€ d’AE et 67 M€ de CP). Les postes les plus conc
ernés par cette
sous-
exécution sont les projets immobiliers (23 M€ d’AE et 26 M€ de CP), ce qui
s’explique par le caractère pluriannuel de ces projets et les moyens généraux des
services territoriaux (27 M€ d’AE et 28 M€ de CP), ce qui correspond au budget
de
fonctionnement des DR, provenant des frais de gestion prélevés sur les contrats.
1.3.3
Une fiabilisation du budget et
de l’
information des tutelles est nécessaire, sans
remettre en cause le principe des autorisations globales de dépense
Une fiabilisation de la budgétisation paraît indispensable pour réduire la sous-exécution
massive observée sur les dépenses sur ressources propres. En effet, le CNRS programme chaque
-50
0
50
100
150
200
250
300
350
400
450
Subvention d'Etat (AE)
Subvention d'Etat (CP)
Ressources propres (AE)
Ressources propres (CP)
Sous exécution personnel
Sous-exécution activité recherche
Sous-exécution actions communes
Sous exécution fonctions supports
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
34
année un budget initial
équilibré, qu’il dégrade lors des budgets rectificatifs
en programmant
les ressources propres disponibles, sans tenir compte d’une prévision réaliste de leur
engagement sur l’année, avant de constater une situation d’excédent
budgétaire en fin de
gestion.
Par ailleurs, l’information budgétaire produite dans les comptes finan
ciers ne permet
pas aux tutelles de connaître les ressources propres non consommées disponibles en fin d’année
(notamment les AGD globalisées et les ressources propres banalisées non consommées) ni
l’usage pluriannuel qui en est proposé.
Normaliser cette situation doit être une priorité, afin
d’améliorer l’information des tutelles, de réduire la sous
-exécution budgétaire, tout en
maintenant le dispositif des AGD
qui offre l’avantage de la simplicité et permet d’éviter qu’une
sous-budgétisation ne mette en péril la conduite des travaux de recherche. En raison de
l’organisation décentralisée des UMR, cela
ne peut se faire qu’en
associant les unités et leurs
chercheurs
aux décisions relatives à l’usage des ressources propres qu’elles ont réussi à obtenir
grâce à leur succès dans les appels à projets.
De ce point de vue, un premier effort de fiabilisation du budget a été effectué depuis
2022 par le CNRS. En effet, un pic de sous-exécution des dépenses sur ressources propres a été
atteint en 2021 avec une sous-exécution des AE
de 713 M€ et des
CP
de 538 M€
des dépenses
sur ressources propres. Le CNRS est alors parvenu à réduire cette sous-consommation dès 2022,
en ne programmant que la part de
l’AGD
individualisée des contrats de recherche relative à
2022, en utilisant les prév
isions pluriannuelles d’engagement de dépenses préparée par les
chercheurs lauréats.
Cela a permis de programmer 348 M€ de moins en
AE et en CP par rapport
à la méthode
utilisée précédemment et d’aboutir à des
niveaux de sous-exécutions moins
important en 2022 et en 2023
, même s’il
s restent très élevés.
Pour autant, le CNRS s’est toujours
refusé à limiter la programmation de la part globalisée des AGD et des ressources propres
banalisées, estimant que cette mesure ne serait pas comprise des chercheurs qui estiment
pouvoir utiliser à discrétion ces ressources pour leur recherche, dans la mesure où elles sont le
fruit de leur succès aux appels à projets des contrats de recherche
et de l’efficacité du
laboratoire. De fait, une telle mesure présenterait
l’
inconv
énient d’alourdir la charge
administrative sur les chercheurs.
De son côté, le contrôleur budgétaire ministériel préconise de contourner cette difficulté
en affinant la budgétisation à partir des taux de réalisation des ressources propres sur les
exercices antérieurs
, de manière à s’approcher de la réalité du rythme d’engagement et de
décaissement des ressources propres. Cette évolution
aurait l’avantage de fiabiliser la
budgétisation
présentée au conseil d’administration
, sans remettre en cause le principe des
AGD. Elle concernerait à la fois la part globalisée des AGD et les ressources propres banalisés
dont l’engagement s’étale également sur plusieurs exercices. Ainsi, dès lors que le budget ne
programmerait qu’un volume de dépenses correspondant à une es
timation réaliste de ce qui sera
engagé dans l’année, la sous
-
exécution affichée s’en trouverait mécaniquement réduite. Ce
travail devrait être complété par une amélioration de l’information du compte financier à
destination des tutelles qui devrait préciser les montants des ressources propres non
consommées en fin d’année et l’usage pluriannuel qui en est envisagé.
Le CNRS exprime des
réserves sur ce point compte tenu de «
la charge de travail colossale à tous les niveaux
» qui
serait nécessaire pour réviser toutes les autorisations globales de dépenses des laboratoires et
du fait que cela
« heurterait de plein fouet la culture profonde dans les laboratoires
», posant
des problèmes d’acceptabilité, pour un gain limité en termes d’affichage dans les document
s
budgétaires. Il est en revanche plus ouvert sur un travail qui permettrait une décorrélation entre
les AE et les CP, mieux adaptée, pour des dépenses qui seront de fait engagées sur plusieurs
années.
Il est en effet possible d’évoluer dans ce sens pour que cela permettre à terme, d’une
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
35
part, de préserver la souplesse du mécanisme d’autorisation
globale de dépenses pour les
chercheurs, et, d’autre part, du limiter la sous
-consommation de CP.
Recommandation n°3 (CNRS, 2025) Fiabiliser les montants de dépenses sur
ressources propres inscrits au budget pour réduire leur sous-exécution et préciser
dans les comptes financiers le montant des ressources propres disponibles non
consommées en fin d’année et l’usage qui en est envisagé.
1.4
Un manque de vision consolidée des données financières
des UMR et un défaut de programmation pluriannuelle
1.4.1
La gestion financière des UMR doit être améliorée pour permettre un dialogue
de gestion avec les tutelles sur les ressources propres
Les travaux conduits dans les trois UMR visitées (CEREGE, IMJ et IPBS) ont montré
que le suivi budgétaire effectué par les délégations régionales concernées (Provence Corse,
Paris Centre et Occitanie Ouest) et les instituts
était concentré sur le suivi de l’exécution
budgétaire des recettes et des dép
enses effectuées sur subvention d’État, avec en particulier un
suivi précis de la bonne consommation de ces crédits pour limiter la perte de ressources
financières non reportables.
En revanche, bien que dans les trois cas, les unités de recherche soient sous le régime
de la délégation globale de gestion au CNRS pour ce qui concerne les ressources propres (en
totalité ou en partie selon les UMR), le suivi effectué en la matière par la délégation régionale
est centré sur le contrôle de régularité de l’exécution de la dépense et de l’encaissement des
recettes, par l’agent comptable secondaire. Il ne couvre pas en revanche le suivi de la
consommation des crédits sur ressources propres qui restent à la main des unités de recherche.
Quant aux instituts, ils ne di
sposent pas non plus d’une information précise sur les ressources
propres disponibles dans les unités de recherche et sur l’usage qui en est fait. Cette
absence de
suivi budgétaire véritable des ressources propres, résulte notamment de la volonté de laisser
aux chercheurs, lauréats des contrats de recherche, la plus grande liberté pour l’usage des
ressources qui ont été obtenues grâce au succès de leur candidature. Elle résulte aussi de
l’absence de consolidations des données financières dans les UMR, dont
les sources de
financement proviennent de plusieurs tutelles, en l’absence de directives et de systèmes
d’information adaptés pour cela (
cf.
partie 1.4.2 consacrée à l’échec du projet SI labo qui devait
remédier à cela).
Pour autant, une mobilisation plus stratégique des ressources propres disponibles dans
les UMR serait judicieuse,
car l’existence de
ressources inemployées n’est pas satisfaisante
en
regard des besoins. Ainsi, la forte augmentation du coût de certains instruments de recherche,
dans certaines disciplines et les besoins
croissants en personnels d’appui à la recherche
devraient inciter à une gestion, au moins partiellement mutualisée au niveau des unités de
recherche, voire des instituts, des ressources propres disponibles. Un tel travail suppo
se qu’au
préalable, les directeurs d’unités consolident leurs données financières (le cas échéant sous
Excel, sans qu’il ne soit nécessaire de lancer un grand projet informatique) afin d’identifier les
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
36
ressources propres disponibles au sein de leur unité.
Il est ensuite nécessaire qu’une
programmation pluriannuelle de l’usage de ces ressources soit établie sur la base d’une
discussion collégiale entre les chercheurs constituant l’unité de recherche. Enfin, ce travail
pourrait être présenté en toute transpar
ence aux tutelles de l’unité (CNRS, universités, autres
organismes de recherche) et aux instituts afin de permettre les arbitrages quant à l’usage de ces
ressources. Les dialogues objectifs ressources qui se tiennent régulièrement avec les tutelles
pour valider les grandes orientations du projet scientifique des unités de recherche et qui se
concentrent beaucoup sur les ressources allouées sur subvention d’État pourrait constituer le
cadre adéquat pour faire le point et orienter
l’usage optimal des ressourc
es propres disponibles.
En particulier, une telle évolution serait souhaitable dans les disciplines où
l’
augmentation des besoins est particulièrement prégnante, notamment les disciplines fortement
instrumentées comme celles relevant de CNRS Terre & Univers et de CNRS Biologie (
cf.
annexe n°6). Dans les deux cas, ces instituts interviennent dans un domaine où le coût des
instruments nécessaires à la recherche est majeur car très élevé (comme l’avion instrumenté ou
la base polaire pour CNRS Terre & Univers), en croissance du fait des évolutions de la
technologie (comme pour les microscopes électroniques cryogéniques pour CNRS Biologie) et
du cadre juridique applicable (comme pour les animaleries pour CNRS Biologie). Ce sont aussi
les deux instituts pour lesquels en 2023 la sous-exécution budgétaire des AE et des CP sur
ressources propres est la plus importante. Il paraîtrait donc légitime qu’une gestion mutualisée
de ces crédits soit systématisée au niveau des unités de recherche, voire au niveau de l’institut
qui a la légitimité pour arbitrer sur les besoins en fonction de sa politique scientifique et pour
favoriser des acquisitions qui seront ensuite mutualisées entre plusieurs unités de recherche.
Ceci paraît d’autant plus important dans le contexte actuel d
es finances publiques, car la
persistance d’une sous exécution massive des dépenses
(
cf.
1.3), conjuguée avec une trésorerie
abondante en croissance (
cf
. 1.2.4), pourrait conduire les tutelles à décider des ponctions
budgétaires sur les ressources du CNRS. Le CNRS a indiqué avoir commencé à sensibiliser les
laboratoires à cette problématique et a annoncé que dès janvier 2025, 10 % des ressources
propres banalisées des unités de recherche seraient réaffectées aux instituts, ceux-ci ayant
vocation à engager u
n dialogue avec les laboratoires sur l’usage prévisionnel et la mutualisation
de cette ressource.
À ce jour, on en est loin et, au sein des unités de recherche, la connaissance des
ressources propres est très hétérogène
et ne s’appuie pas sur des outils in
formatiques adéquats.
Ainsi, au CEREGE, l’ensemble des ressources propres banalisées issues des facturations des
plateformes technologiques et de la part globale des AGD des contrats de recherche sont
centralisées dans un fichier Excel qui suit la disponibilité de ses ressources en fonction de leur
affectation (direction du laboratoire, équipes de recherche, plateformes technologiques,
chercheurs individuels,
etc
.) et ce quelle que soit la tutelle gestionnaire. À
l’IMJ, il n’y a pas de
suivi consolidé de la ressource
, mais le directeur de l’unité de recherche dispose à son niveau
de l’ensemble des fiches des contrats de recherche, lui permettant de suivre contrat par contrat,
en grande masse, la disponibilité de la ressource. Enfin, à l’I
PBS, la ressource reste gérée au
niveau des 17 équipes de recherche et des plateformes technologiques. Toutefois, le nouveau
secrétaire général envisage de mettre en place un suivi centralisé au niveau de l’unité de
recherche dans les prochains mois, probablement sur la base
d’Excel.
Les modalités de gestion de ces ressources diffèrent également selon les unités de
recherche. Ainsi, à l’IPBS, la totalité de la ressource est laissée au niveau des équipes de
recherche et des plateformes, sans aucune mutualisation, charge à la d
irection de l’unité de
recherche de solliciter au cas par cas ces unités pour financer des besoins communs, non
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
37
couverts par la subvention d’État. Au contraire, à l’IMJ, le directeur de l’unité de recherche a
mis en place un prélèvement d’1/3 des ressource
s propres disponibles engrangées par les
contrats de recherche,
afin de disposer d’une enveloppe mutualisée au niveau de l’unité de
recherche
dont il décide de l’emploi. Le CEREGE est dans une situation intermédiaire, avec
une mutualisation plus limitée de la ressource au niveau de la direction pour les besoins
communs (4 % des contrats de recherche public, 8 % des contrats de recherche privés et des
facturations des plateformes technologiques). Toutefois, grâce au suivi consolidé effectué sur
Excel, la direction du CEREGE envisage de mettre en place une démarche participative, via
son conseil d’orientation stratégique qui associe les responsables des équipes de recherche, pour
décider de façon collégiale du meilleur emploi de cette ressource.
Recommandation n°4 (CNRS, 2025)
Confier aux directeurs d’unité
la consolidation
des données financières afin de proposer une utilisation pluriannuelle, le cas échéant
mutualisée, des ressources propres disponibles aux tutelles et aux instituts.
1.4.2
Une programmation pluriannuelle des investissements de recherche et de leur
maintenance doit être mise en place pour mieux appréhender les besoins de
financement
L’évolution technologique conduit, dans certains domaines scientifiques, comme
ceux
relevant de CNRS Biologie et de CNRS Terre & Univers
, à renforcer l’importance des
équipements de recherche dont le coût d’acquisition et de maintenance croissant est de plus en
plus hors de portée des moyens des unités de recherche, d’où l’émergence progressive de
plateformes technologiques mutualisées, parfois au niveau national. Le financement de ces
besoins indispensables pour que la recherche française puisse rester compétitive au niveau
mondial se heurte à deux difficultés majeures. La première est que trop souvent il fait recours
à des financements ponctuels, incertains et non pérennes
: programmes d’investissements
d’avenir, contrats de recherche, financements des collectivités locales, financements européens,
etc
. Ces modalités de financement présentent le double inconvénient de présenter des
incertitudes (risque de ne pas trouver le bon guichet au bon moment, risque de ne pas être
sélectionné) et de ne pas être pérenne, ce qui implique une forte préférence des financeurs pour
les investissements de rupture au détriment de la maintenance et de la mise à niveau des
équipements existants. La seconde est que l’effort de programmation pluriannuelle permettant
de recenser les grands équipements à acquérir et l’effort à engager en termes de maintenance et
de mise à niveau de l’existant est insuffisant et ne fait pas l’objet d’une validation par la tutelle
du CNRS. Cette préoccupation rejoint la recommandation faite par la Cour dans son rapport sur
les très grandes infrastructures de recherche d’établir une programmation pluriannuelle
intégran
t l’ensemble des éléments de la dépense
10
.
Il serait donc souhaitable, à l’image de ce qui se fait dans le domaine de l’armement
avec les lois de programmation militaire ou au niveau du CEA avec le plan à moyen terme à 10
ans, qu’une telle programmation plu
riannuelle soit préparée par le CNRS pour le périmètre des
grands équipements qu’il possède et qu’il entend renouveler et que
ce travail soit présenté en
conseil d’administration
. En effet, les tutelles doivent pouvoir arbitrer entre les besoins en
10
Cour des comptes,
Le pilotage et le financement des très grandes infrastructures de recherche
, mai 2019.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
38
fonctio
n des ressources financières disponibles et s’engager sur des ressources financières
stables sur subvention d’État, quitte à inscrire la trajectoire physico
-financière associée dans
une nouvelle loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Pour mémo
ire, l’actuelle loi
de programmation de la recherche a initié cette approche, en prévoyant une ligne budgétaire
pour les gros investissements pluriannuels qui a été utilisée notamment pour financer le
Synchrotron Soleil, l’avion météorologique du CNRS et l
es études préalable à la rénovation de
la base polaire Dumont d’Urville.
Recommandation n°5 (CNRS, MESR, 2026
) Préparer en vue de l’arbitrage par les
tutelles
une
programmation
physico-financière
portant
sur
les
grands
investissements à prévoir et envisage
r l’inclusion de cette trajectoire dans
la
prochaine loi de programmation de la recherche.
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le CNRS dispose d’une situation financière florissante qui appelle une meilleure
utilisation de ses ressources financières. Sa trésorerie
(1,4 Md€ fin 2023) a augmenté de 900M€
en 10 ans. Ses ressources nouvelles pour 2023 s’élèvent à 4,1 Md€, dont désormais
le quart en
ressources propres provenant des succès remportés dans les appels à projets des contrats de
recherche et des facturations des plateformes technologiques. Pour autant, la ressource totale
disponible incluant les reports (4,4 Md€ en 2023) n’a été consommée qu’à
h
auteur de 4 Md€.
La sous-consommation de 442
M€ s’explique
par le caractère pluriannuel des contrats de
recherche et de certains investissements, mais aussi par une gestion très décentralisée des
ressources propres, au niveau des unités de recherche
, qui ne permet pas d’optimiser leur
mobilisation et d’envisager leur mutualisation.
À
un moment marqué, d’une part, par la
dégradation des finances publiques (la
trésorerie élevée du CNRS a conduit les tutelles à réduire de 100 M€ la dotation de 2025)
et
d’autre part, par la nécessité d’intensifier l’effort de recherche, pour
favoriser la croissance
économique, des arbitrages devront être rendus pour permettre une meilleure utilisation de ses
ressources.
Pour les rendre possible, un travail d’analyse préalable incombe au CNRS
(identification précise de la part libre d’emploi de la trésorerie, programmation pluriannuelle
des besoins pour l’acquisition et la maint
enance des principaux équipements de recherche,
meilleure connaissance des ressources propres disponibles dans les unités de recherche et de
l’emploi qui en est envisagé,
fiabilisation de la programmation budgétaire des dépenses sur
ressources propres, ren
forcement de la gouvernance par le renforcement du comité d’audit
interne et la création d’un comité stratégique).
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
39
2
LES RESSOURCES HUMAINES
, UN ENJEU D’ATTRACT
IVITE
MAJEUR POUR LE CNRS
2.1
Une diminution du nombre de personnels titulaires qui
pose la question du maintien des compétences
2.1.1
La quasi-stabilité des effectifs du CNRS sur dix ans dissimule une réduction de
la part des permanents au profit des contractuels
En 2023, le CNRS comptabilise 34 289 effectifs en équivalent temps plein travaillé
(ETPT) contre 33 993 ETPT en 2013. Cette légère hausse de 0,9 % distingue une première
phase de baisse, avec un point bas atteint en 2017 (32 320 ETPT), et un rattrapage à partir de
2018. Les effectifs du CNRS se divisent en deux catégories en fonction de leur financement.
La majeure partie des personnels est financée grâce à la subvention pour charge de service
public (SCSP) versée par l’
État et dont le montant est fixé en loi de finances. Ces effectifs sont
dits « sous plafond
» en tant qu’ils sont soumis au plafond d’emploi prévu par la loi organique
relative aux lois de finances (LOLF). Ils comprennent l’ensemble des personnels permanents
(fonctionnaires titulaires) ainsi que certains contractuels.
L’
autre partie des emplois est financée
par les ressources propres. C
es ressources étant variables d’une année sur l’autre, les effectifs
qu’elles financent sont évolutifs. Par conséquent, ils sont dits «
hors plafond », la loi de finances
établissant simplement une prévision.
Entre 2013 et 2023, on constate que les effectifs sous plafond sont passé de 26 074 à
24 439 ETPT, soit une diminution de 6,3 %, cette baisse étant portée à la fois par une réduction
du nombre de titulaires mais aussi de contractuels sous plafond (dont le nombre a rebondi
pendant la crise sanitaire en raison du prolongement de contrats, mais qui a vocation à se
réduire). En revanche, les effectifs financés sur ressources propres, contractuels en CDD pour
la plupart, sont passés de de 7 919 à 9 851 ETPT, soit une augmentation de 24,4 %. De ce fait,
en 2023, 71
% des effectifs du CNRS sont financés sur la subvention d’
État contre 77 % en
2013. Cette tendance prolonge celle déjà constatée par la Cour dans son précédent rapport sur
la gestion du CNRS entre 2006 et 2012 (
cf
. annexe n°3 pour les détails chiffrés par catégorie).
Cette tendance a une conséquence importante pour le CNRS, qui dispose en 2022 de
moins de personnels permanents
qu’en 2013,
avec toutefois une différence de situation entre
les chercheurs (- 152 titulaires, + 939 contractuels) et les per
sonnels d’appui (
- 861 titulaires,
nombre stable de contractuels). Cette évolution interroge. En effet, si les effectifs globaux du
CNRS sont en légère croissance sur la période et si
l’établissement
affiche comme ambition de
remplacer l’intégralité des dé
parts en retraite
, l’effritement du socle de permanents
découle
aussi d’autres modalités de départ
comme les mobilités extérieures, qui font l’objet d’une
prévision par la DRH
mais dont le nombre n’entre pas dans la détermination du nombre de
concours à ouvrir. En outre, certains postes ouverts sont parfois difficiles à pourvoir, par
exemple ceux de gestionnaires administratifs en Ile-de-France. Ceci explique que le nombre de
sorties réelles soit
supérieur au nombre d’entrées
: en 2022, on décompte 1 180 sorties de
titulaires dont 752 définitives, pour 786 entrées au total.
Là encore, l’attrition
du nombre de
personnels est plus saillante sur les personnels de soutien (différentiel de 259) que sur les
chercheurs (différentiel de 135). Symétriquement, le CNRS a fait entrer en 2022 dans ses
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
40
effectifs 5 370 contractuels, pour 4 841 sorties, soit un écart positif de 529 agents
principalement sous contrat doctoral et sous CDD accompagnement de la recherche. La
contractualisation ne touche pas de manière homogène tous les métiers
: les branches d’activité
les plus concernées par une augmentation du poids des contractuels sont celles de gestion et de
pilotage (17,7
% des effectifs, + 7 points en huit ans), d’informatique, de statistiques et de calcul
scientifique (21,2 % des effectifs, + 3,5 points en huit ans) et de sciences du vivant (34,1 % des
effectifs, + 7 points en huit ans).
En ce qui concerne les chercheurs, le panachage entre titulaires et contractuels ne
soulève pas de remarques particulières. En effet, le succès de la recherche publique ne semble
pas nécessairement lié au statut comme le démontrent les exemples américains
11
, britanniques
ou allemands où le contrat est très répandu. Ainsi, le fait que le CNRS finance une part plus
importante de ses chercheurs
sur ses ressources propres plutôt que sur la subvention de l’
État
ne pose pas de difficulté particulière.
Les déterminants de l’attractivité et de l’efficacité du
CNRS ne résident pas là.
En revanche, en ce qui concerne les gestionnaires administratifs, cette tendance fait
peser un risque sur la capacité du CNRS à armer tous ses laboratoires de façon suffisamment
robuste pour répondre aux appels à projets et gérer dans le temps les multiples contrats qui en
découlent. En effet, la baisse du nombre de titulaires et leur remplacement par des personnels
en CDD conduit irrémédiablement à une accélération du renouvellement des effectifs pouvant
même se traduire par une instabilité des équipes, une perte de compétence des services et,
partant, un report du « fardeau administratif » sur les chercheurs. À
titre d’illustration
,
l’Institut
mathématique de Jussieu a vu le nombre de gestionnaires CNRS passer de dix à six, sans
compensation par les autres tutelles qui ont stabilisé leurs trois gestionnaires, conduisant la
direction à s’inquiéter de sa capacité à appuyer correctement les chercheurs dans leurs tâches
.
Une part de l’explication
de ce phénomène réside
dans les problèmes d’attractivité sur
ces postes (
cf.
partie 2.3.5) mais aussi dans le fait que le CNRS, qui contribue souvent plus que
les autres tutelles à armer les laboratoires en personnels de soutien, souhaiterait que celles-ci
fassent un effort supplémentaire notamment
lorsqu’il
n’est pas la tutelle principale.
À défaut,
le CNRS choisit effectivement de ne pas remplacer tous les départs. Ce constat
d’un
déséquilibre entre le CNRS et ses partenaires doit être nuancé par le fait que les autres tutelles
assument souvent de leur côté la charge de l’hébergement du laboratoire. Il n’en reste pas moins
que la préservation des compétences au sein des services gestionnaires est un sujet de
préoccupation qui devrait être étudié rapidement.
2.1.2
Le plafond d’emploi du CNRS est surcalibré et ne constitue pas un outil de
pilotage des effectifs
Le plafond d’emploi fixé par la loi de finances n’est pas cohérent avec l’
évolution des
effectifs. À
titre d’exemple, le
projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances
pour 2023 définit un plafond à 28 270 ETPT. Or, le rapport annuel de performance annexé à la
loi relatif aux résultats de la gestion pour 2023 indique que le CNRS a exécuté 24 438 ETPT,
11
Les Etats-
Unis constituent le modèle le plus éloigné du cas français, puisque le statut de technicien n’existe pas,
les fonctions d’appui à
la recherche étant remplies par des doctorants et post-doctorants, voire par des étudiants se
destinant à la recherche.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
41
soit un écart de 3 832 ETPT. Cet écart est systématique sur la période contrôlée. On ne peut
qu’
en
être surpris de ce décalage qui n’est justifié par aucun élément dans l
e rapport annuel de
performance
, alors même qu’il l’est, même succinctement, pour d’autres opérateurs rattachés à
la mission qui enregistrent des écarts moins importants. En outre, cela démontre que le plafond
d’emploi
affiché en loi de finances
n’est pas
cohérent avec les crédits de masse salariale qui
sont, eux, bien exécutés.
Comme le relevait déjà la Cour dans son précédent rapport, cet écart résulte du fait que
le plafond d’emploi fixé en loi de finances ne constitue pas le véritable outil de pilotage
des
effectifs sous plafond. En effet, si la loi de finances détermine la limite haute de ce que le CNRS
pourrait éventuellement autoriser, c
’est
bien
l’autorisation d’emploi
votée par le conseil
d’administration du CNRS qui constitue la véritable référenc
e pour le pilotage des ressources
humaines. Cette autorisation est établie en lien avec le budget de la masse salariale qui dépend
de nombreux paramètres (effectifs, régimes indemnitaires,
etc
.) et qui est limité par le montant
de la subvention pour charge de service public.
2.1.3
Les effectifs des instituts n’ont pas évolué de manière homogène,
sans que ces
variations ne se rattachent à des priorités stratégiques pluriannuelles
Les variations des effectifs
n’
ont pas touché de la même manière tous les instituts :
-
Cinq instituts ont vu leurs effectifs augmenter de plus de 2 % : CNRS
Mathématiques (+ 13 %), CNRS Écologie & environnement (+ 9 %), CNRS Chimie
(+ 5 %), CNRS Sciences informatiques (+3 %) et CNRS Biologie (+ 3 %).
-
Deux instituts ainsi que les ressources communes
12
ont vu leurs effectifs diminuer
de plus de 2 % : CNRS Nucléaires & particules (- 4 %), CNRS Ingénierie (- 5 %) et
les ressources communes (- 5 %).
Dans tous les cas, on peut noter que ces évolutions restent assez mesurées à l’exclusion
de CNRS Mathématiques et de CNRS Écologie & environnement dont les effectifs ont très
nettement progressé.
En outre, à l’exception de ces deux instituts qui ont bénéficié d’un effort
du CNRS en matière de personnels titulaires
, l’ensemble des autres instituts ont c
onstaté une
diminution nette des permanents compensé en partie par le dynamisme du recrutement de
contractuels. Le recul des effectifs titulaires peut parfois être très significatif sur la catégorie
des ingénieurs et techniciens. Par exemple, CNRS Nucléaire & particules a perdu 15 % de ses
ingénieurs et techniciens titulaires en dix ans.
12
Personnels du siège et des délégations régionales.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
42
Graphique n° 9 :
Évolution des effectifs par institut entre 2013 et 2023 (en ETPT)
Source : rapports sociaux uniques du CNRS et données fournies par le CNRS
Ces évolutions limitées découlent du
processus d’allocation des moyens humains
qui
repose sur un dialogue de gestion mené au niveau des instituts et de la DRH, sans être adossé à
une stratégique scientifique pluriannuelle explicite. Dans un premier temps, la DRH élabore le
plafond d’
emploi du CNRS en se fondant sur l
’évolution globale du plafond d’emploi et le
schéma d’emploi
de chaque institut. Sur cette base et sur la base des orientations fixées par le
directeur général délégué à la science, la DRH prépare un scénario de répartition des moyens
humains entre instituts qui est présenté au collège de direction de septembre. Dans les faits,
c’est le directeur général délégué à la science qui assume la fonction d’arbitrage entre les
priorités exprimées par les instituts, dans le cadre fixé par la DRH. Dans un second temps, le
conseil d’administration
valide la répartition en
fin d’année
, même si en pratique il confirme la
décision du collège de direction sans en débattre.
L’ensemble des instituts étant présents au
conseil de direction, la
procédure d’allocation des moyens humains
conduit nécessairement à
des évolutions limitées dans la répartition qui vise une forme de consensus. Au surplus, le
CNRS ne s’est pas fixé officiellement de priorité par discipline, le contrat d’objectifs et de
performance (COP) 2019-2023
13
évoquant six grands défis sociétaux pluridisciplinaires
déclinés dans une quarantaine de priorités thématiques auxquelles tous les instituts peuvent
donc émarger. Les arbitrages sont déclinés chaque année, sans adopter de logiqu
e d’ensemble
fondée sur une stratégie scientifique pluriannuelle
(même si de fait certains instituts font l’objet
13
Au moment de l’écriture du rapport le COP 2024
-2028 est en cours de discussion avec la DGRI.
-20%
-10%
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
Effectifs totaux
Permanents
Non permanents
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
43
d’une priorisation reconduite chaque année)
.
La stratégie d’allocation des ressources peut donc
être décrite comme une priorisation implicite.
Ce constat rejoint celui du HCERES, qui relevait dans son rapport
d’évaluation du
CNRS que
le mécanisme d’allocation des ressources
ne permettait pas à ce dernier de fixer des
orientations stratégiques générales. Le HCERES recommandait au CNRS
d’établir
une
véritable stratégie puis de fixer des projections des effectifs de chaque institut à cinq ou dix ans.
Cela permettrait au CNRS de réallouer les créations de postes en fonction de ses priorités dans
le cadre d’une
stratégie de gestion des ressources humaines présentée au conseil
d’administration
. Au demeurant, cette option
n’a pas nécessairement vocation à se traduire par
des « coupes » sur certains instituts puisque les recrutements sur ressources propres permettent,
si le CNRS en décide ainsi, de compenser voire de surcompenser les non-remplacements de
titulaires. Dans un contexte budgétaire contraint, flécher les moyens vers les priorités
scientifiques nationales serait préférable à une stratégie de remplacement « un pour un ».
2.1.4
Le vieillissement des effectifs constitue un défi pour le renouvellement de ses
ressources humaines
Le CNRS fait face à un vieillissement de ses chercheurs titulaires, dont l’âge moyen est
passé de 47,1 ans en 2013 à 49,9 ans en 2023. Au début de la période, les directeurs de
recherches avaient en moyenne 53 ans, et les chargés de recherche 42,8 ans
; aujourd’hui, ils
ont respectivement 54,6 ans et 45,4 ans. Les ingénieurs et techniciens suivent la même tendance,
avec un âge moyen passé de 45,1 ans à 48,4 ans en une décennie. Il est probable que ce rythme
soit amené à s’accélérer dans les années suivantes dans la mesure où 31,6
% des effectifs du
CNRS ont plus de 55 ans (plus de la moitié des directeurs de recherche, ce qui est logique, mais
également 28,7 % des ingénieurs et 35,7 % des techniciens
au sein de la branche d’activité
gestion et pilotage dont on a déjà évoqué le caractère stratégique dans l’accompagnement des
chercheurs, le taux de plus de 55 ans est là aussi supérieur à 30 %).
S’agissant des chercheurs,
ce vieillissement devrait se traduire par une hausse notable des départs en retraite dans les
prochaines années, après un ralentissement en 2024 et en 2025 probablement lié, en partie du
moins, aux effets de la réforme des retraites de 2023.
Tableau n° 2 :
Prévisions de départs en retraite des chercheurs du CNRS
Moyenne
2013-2023
2024
2025
2026
2027
2028
264
206
239
260
308
304
Source : rapports sociaux uniques du CNRS et prévisions fournies par la DRH
Ce « mur du vieillissement » constitue un enjeu majeur pour la pérennité des activités
du CNRS dans un horizon de moyen terme dans un contexte où la recherche française fait face
à des difficultés d’attractivité qui interrogent sur la capacité des opérateurs à renouveler leurs
personnels et à attirer des talents. Or, une telle évolution ne se stabilisera pas spontanément
dans les années à venir du fait du vieillissement général de la population d’une part, et parce
que le CNRS recrute des personnels plus âgés qu’il y a vingt ans ce qui accentue le phénomène.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
44
En effet,
l’âge moyen de r
ecrutement au concours a progressivement augmenté depuis la
suppression de la limite d’âge à 30 ans pour les chercheurs
sur les concours de chargé de
recherche (2006), passant de 30 ans en 2006 à 33,9 ans en 2013 puis à 34,4 ans depuis 2020.
Ce chiffre est stabilisé depuis. Cette augmentation est liée au fait que la voie de recrutement par
concours valorise les titres et travaux des candidats, contribuant à un relèvement progressif de
l’âge de présentation. Il ne s’agit pas d’un enjeu anodin, puisque dans c
et espace entre 30 et 34
ans, le post-doctorat pourra être recruté par un laboratoire étranger ou partir dans le privé et son
talent sera perdu pour la recherche publique française. Par ailleurs, le CNRS disposera de son
chercheur quatre années de moins qu
e s’il était entré plus tôt dans ses effectifs. On note
d’ailleurs des différences significatives entre disciplines
: en mathématique, les recrutements se
font autour de 30 ans
; en sciences humaines et sociales ou en biologie, l’âge moyen au concours
est de 37 ans. Le CNRS semble toutefois conscient de cet enjeu. On peut saluer par exemple
l’initiative prise par CNRS Biologie de travailler directement avec
les sections de recrutement
pour attirer des chercheurs plus jeunes à compter de 2024.
2.2
Une masse salariale en augmentation notamment sous
l’effet des mesures indemnitaires
2.2.1
Les dépenses de personnel ont progressé de manière dynamique en particulier
sous l’effet des mesures indiciaires et indemnitaires
La masse salariale du CNRS s’établit à 2,865 Md€
en 2023, soit une hausse de 20 % (+
481
M€
) par rapport à 2013. Cette dynamique de 1,85 % par an en moyenne est plus rapide
qu’entre 2007 et 2012 (+
0,69 % par an) mais
n’est pas linéaire. Sur une première période
(2013-2016), la masse salariale diminue très légèrement ; sur une seconde période (2017-2023),
elle augmente, de plus en plus rapidement en fin de période avec des progressions supérieures
à 4 % en 2022 et en 2023.
La masse salariale est composée d
’une partie
plafonnée et d’une part non
-plafonnée.
-
La première regroupe les frais relatifs aux personnels financés par la subvention de
l’
État (2,453
Md€
). Les comptes financiers présentent un excellent niveau
d’exécution
de la masse salariale sur
subvention d’
État (autour de 100 %), reflétant
une juste adéquation entre les ressources disponibles et les projections de dépenses.
La masse salariale sous plafond a augmenté de 15,5 % sur dix ans malgré une baisse
de l’effectif de
titulaires.
-
La seconde partie de la masse salariale correspond aux contractuels financés sur
ressources propres (411
M€
). Sa programmation est estimative, car elle dépend
principalement des contrats de recherche. Elle a connu une dynamique rapide de
57,5 % sur dix ans, découlant notamment de la loi de programmation de la recherche
et du développement des appels à projets.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
45
Graphique n° 10 :
Évolution
de la masse salariale (en M€)
Source : comptes financiers du CNRS
C
omme l’avait déjà relevé la Cour dans son
précédent
rapport, l’augmentation
tendancielle de la masse salariale du CNRS ne résulte pas de la hausse
des effectifs, qui n’ont
augmenté au global que de 0,9
% entre 2013 et 2023 mais d’autres
facteurs.
L’analyse détaillée
de ces facteurs indique que :
-
les cotisations, taxes et pensions comptent pour près de la moitié de la dynamique
des charges de personnel. En 2014, la Cour pointait le fait que 84 % de la dynamique
de la masse salariale était
imputable à l’augmentation des cotisations, dont la
contribution au CAS pensions. Cette tendance, qui reste lourde, ne
s’est pas
prolongée dans les mêmes proportions, 42 % de la hausse des coûts salariaux étant
due aux cotisations ou impositions et 58 % à
d’autres facteurs
;
-
les traitements des permanents ont augmenté mais à un rythme moins dynamique
que les autres dépenses, ceci
pouvant s’expliquer par l’effet combiné d’une
baisse
des effectifs titulaires (- 5,3 %),
d’un glissement
vieillesse-technicité positif depuis
2019 et de revalorisations salariales depuis 2017 (revalorisation des régimes
indiciaires, augmentation du point d’indice de la fonction publique,
etc.
) ;
-
les dépenses liées aux primes et indemnités des personnels permanents ont fortement
augmenté sur la période du fait de la revalorisation des régimes indemnitaires
(passage au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de
l’expertise et de l’engagement professionnel –
RIFSEEP
pour les ingénieurs et
techniciens à partir de 2017, création du régime indemnitaire des enseignants-
chercheurs et des chercheurs
RIPEC
à partir de 2022).
-
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
2023
Masse salariale
Masse salariale sous plafond
Masse salariale hors plafond
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
46
Tableau n° 3 :
Facteurs d’évolution des charges de personnel (en M€)
Charges de personnel
2013
2023
Évolution en
%
Évolution en
M€
Traitements et indemnités
des permanents
917
1 027
12%
110
Primes des permanents
152
244
61%
92
Rémunérations des
contractuels
264
324
23%
60
Cotisations sociales
244
292
20%
48
Impôts et taxes
157
201
28%
44
Pensions civiles
687
796
16%
109
Autres : indemnisation CET,
congés payés
8
20
150%
12
Total
2 429
2 904
20%
475
Source : comptes financiers du CNRS
2.2.2
Une part de plus en plus importante de la subvention
d’
État est consommée par
la masse salariale, malgré la baisse des effectifs de titulaires
La subvention de l’
État finance principalement la masse salariale, 83 % des montants
de la SCSP étant mobilisés sur ce poste de dépenses en 2023, contre 82 % en 2013, et 76 % en
2007, et ce malgré une baisse des effectifs titulaires, phénomène que le CNRS qualifie dans son
rapport
d’auto
-évaluation de 2021 de
« double peine »
(moins d’effectifs, mais malgré tout une
part moins importante de moyens disponible pour le fonctionnement ou les investissements).
La non-compensation
par l’
État des hausses du point de la fonction publique décidées en juillet
2022
(+ 36,8 M€)
et en juillet 2023
(+ 20,7 M€)
renforce ce phénomène de captation de la SCSP
par les dépenses de personnels au détriment, par exemple, des investissements.
Cette critique doit être nuancée. Premièrement, une part notable de la dynamique de la
masse salariale est consacrée au financement de
mesures que le CNRS appelle de ses vœux et
qui visent au renforcement de son attractivité
(RIFSEEP, RIPEC, prime d’attractivité de 150 €
par mois pour les gestionnaires à compter de juillet 2024) ; deuxièmement, le CNRS sous-
consomme les crédits dont il dispose et s’est constitué une trésorerie confortable qui doit être
mise en regard avec la progression de la SCSP ; troisièmement, la SCSP a malgré tout augmenté
et le reliquat de subvention disponible est supérieur en euros
à ce qu’il était il y a dix ans.
En revanche, le CNRS
ne partage pas lors du conseil d’administration sa projection de
l’évolution de la masse salariale et de ses différents facteurs et ce alors même que l’impact de
certaines mesures
est majeur (prévision de + 118,9 M€ de mesures sur les rémunérations et de
+ 74,5 M€ de glissement vieillesse
-technicité entre 2024 et 2026) et implique en réalité une
baisse des effectifs pour tenir la prévision de masse salariale réalisé
e par ailleurs (+ 180,8 M€
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
47
sur 2024-2026). Une projection pluriannuelle des effectifs et de la masse salariale devrait être
présentée en conseil d’administration lors d
u vote du budget initial, comme le
plan d’activité
triennal établi par les organismes nationaux de recherche italiens, coconstruit et validé par le
Ministero dell’Università e della Ricerca
et duquel dépend en partie l’allocation des crédits.
La
direction du budget partage cette préoccupation et préconise
d’enrichir l’information du conseil
d
’administration sur ce point en articulant mieux le plafond d’emploi et la masse salariale dans
les documents budgétaires présentés au vote.
Recommandation n°6 (CNRS,
MESR,
MEF, 2025) Soumettre au conseil
d’administration
une stratégie de gestion des ressources humaines permettant
d’assurer
le pilotage de la masse salariale, le renouvellement des générations et
d’orienter l’évolution
des effectifs vers les priorités scientifiques nationales.
2.3
L’attractivité, principal défi à relever pour le CNRS
L’ensemble d
es acteurs rencontrés signalent que le recrutement et la fidélisation des
personnels constitue
le principal enjeu stratégique pour le CNRS. Pour autant, l’attractivité du
CNRS doit se renforcer, non en raison
d’une baisse de la
qualité des emplois proposée ou encore
de la réputation
de l’établissement
, mais pour des raisons structurelles liés au fonctionnement
et au financement des métiers et carrières de la recherche publique en France.
2.3.1
Les concours du CNRS sont moins attractifs qu’il y a dix ans
En dehors de quelques situations particulières (personnels handicapés, chaires de
professeur junior, tour extérieur), les
personnels permanents du CNRS sont recrutés à l’issue
de concours ouverts par chaque institut. Les concours de chargé de recherche et de directeur de
recherche obéissent à un régime de « double sélection » prévu par le décret relatif aux statuts
des personnels du CNRS
: le jury d’admissibilité est
constitué par une des sections du comité
national de la recherche scientifique (CoNRS), instance
d’é
valuation prévue dans le code de la
recherche et placée auprès
de l’établissement
; les candidats admissibles passent ensuite devant
un jury d’admission présidé
par le directeur de l’institut recruteur.
En règle générale, les
classements des sections sont suivis par les instituts. Des échanges informels entre les instituts
et les sections peuvent exister pour
s’assurer de la pertinence
des stratégies de recrutement.
S’il n’est pas intégralement responsable de la chaîne de recrutement, le CNRS reste
décisionnaire sur le nombre de concours ouvert qui
est fixé annuellement sur la base d’un
schéma de recrutement quadriennal ou quinquennal inscrit dans le COM
P signé avec l’
État. Sur
la période couverte par le contrôle, le CNRS avait prévu de recruter sur concours 300
chercheurs et 300 ingénieurs et techniciens par an sur le quadriennal 2015-2018, puis de donner
une priorité aux ingénieurs et techniciens avec 250 chercheurs et 310 ingénieurs et techniciens
par an sur le quinquennal 2019-2023. Ces objectifs ont été respectés, les schémas exécutés
correspondant bien à des inflexions dans les dynamiques de recrutement : en moyenne, 298
postes de chercheurs et 307 postes d’ingénieurs ou techniciens ouverts aux concours sur le
quadriennal 2015-2018 et 251 postes de cherc
heurs et 312 postes d’ingénieurs ou techniciens
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
48
ouverts aux concours sur le quinquennal 2019-2023. Comme vu précédemment, le nombre des
places ouvertes aux concours de chercheurs ne couvre pas entièrement les départs définitifs.
Ainsi, en 2022, 322 chercheurs ont définitivement quitté le CNRS et 252 étaient recrutés par
concours et 50 par d’autres voies (réintégration, intégration personnel handicapé), soit un
« déficit » de 20. Pour les ingénieurs et techniciens,
le ratio est inverse puisqu’on comptabilise
430 sorties définitives et 484 entrées dont 311 par concours.
Si les concours du CNRS restent très prisés, ils présentent toutefois des signaux de
fragilité. En effet, au cours des dix dernières années, le taux de pression sur les concours du
CNRS
, c’est
-à-dire le rapport entre le nombre de candidats et le nombre de lauréats,
s’est
dégradé à la fois pour les chercheurs mais encore plus sur les ingénieurs et techniciens. Pour
les chercheurs, ce
recul s’explique principalement par la diminution du nombre de
candidatures,
qui a baissé de 36 % pour les chercheurs sur dix ans, alors que le nombre de postes offerts ne
diminuait que de 18 %.
Alors qu’en 2013 environ 8
000 candidats étaient admis à concourir, ils
ne sont plus que 5 000 en 2023
pour un nombre de p
laces passé d’environ 300 à 250 par an.
Avec un taux de sélection de 5 %, les concours de chercheur au CNRS demeurent extrêmement
sélectifs. Toutefois, la baisse de ce taux de sélection constitue
a minima
un signal faible d’une
baisse d’attractivité
des postes de chercheurs. À noter que toutes les disciplines ne sont pas dans
la même situation
: par exemple, l’
écologie a maintenu son taux de sélection des chargés de
recherche à moins de 5 % sur dix ans, le nombre de places offertes augmentant dans les mêmes
proportions que les candidats (les mathématiques sont dans une situation analogue) ;
inversement, la sélectivité des postes de chercheurs en sciences informatiques est passée de 3 %
à 8 % avec une perte de plus de 40 % des candidats alors que le nombre de postes offerts
augmentait dans le même temps (la biologie
, la chimie, l’
ingénierie ou encore les sciences de
l’univers
ont aussi perdu environ la moitié de leurs candidats).
Nettement plus préoccupante est la situation des
concours d’ingénieurs ou de
techniciens, pris dans leur globalité, qui
sont quatre fois moins sélectifs en 2022 qu’en 2013,
sous l’effet d’un recul de 61
% du nombre de candidats admis à concour
ir et d’une hausse de
59 % des postes ouverts. Les concours les plus touchés par la diminution des candidatures sont
ceux d’assistant ingénieur (4,3 fois moins de candidatures) et de techniciens (16,7 fois moins
de candidatures, et même 22 fois moins de candidatures pour les fonctions de gestion et de
pilotage entre 2014 et 2022).
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
49
Graphique n° 11 :
Taux de sélection aux concours du CNRS
Source : rapports sociaux uniques du CNRS
Un point de vigilance spécifique apparaît en ce qui concerne les chercheurs étrangers,
dont la part dans les lauréats a plutôt
diminué depuis 2013 malgré l’objectif que s’est fixé le
CNRS de maintenir une proportion de 30 % de chercheurs étrangers dans les nouveaux entrants.
Alors que le taux d’étrangers parmi les lauréats des concours de chercheurs était presque
toujours supérieur à l’objectif jusqu’en 2017, il était systématiquement en
-deçà, parfois de
manière significative (25
% en 2018) jusqu’en 2022. Un redressement s’est opéré en 2023 avec
près de 34
% d’étrangers dans les lauréats reçus.
Toutefois, les étrangers représentent plus de
40 % des candidats admis à concourir, voire plus de la moitié dans certaines disciplines comme
les particules, la chimie ou la physique, données qui soulignent
l’
attractivité du CNRS à
l’international.
2.3.2
Le rattrapage salarial amorcé en 2021 ne distingue pas encore suffisamment
l’investissement individuel des
personnels du CNRS
2.3.2.1
Les rémunérations des chercheurs en France restent en moyenne peu compétitives
par rapport aux pays comparables
Les chercheurs
titulaires du CNRS perçoivent une rémunération composée d’un
traitement indiciaire,
d’une part indemnitaire
et de diverses primes correspondant à des
situations particulières (participation à un jury, enseignement, intéressement au produit des
inventions…)
.
L’ensemble des rémunérations est payé par le service central de la paie, rattaché
à l
’agent comptable
.
0%
2%
4%
6%
8%
10%
12%
2013
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
Concours chercheurs
Concours IT
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
50
Une chaîne de contrôle des primes et indemnités ponctuelles en cours de renforcement
Le contrôle a mis en évidence une erreur
concernant le versement d’une indemnité de jury. En
effet, un agent avait perçu deux fois
sur sa paie d’octobre 2023
une indemnité de 1
355 €
, une
première fois dans le ressort de la délégation régionale à laquelle il appartenait à la date de
participation au jury, une deuxième fois dans le ressort de la délégation régionale dans laquelle
il venait d’être
muté. Cette erreur, q
ui n’ava
it pas été décelée avant le contrôle de la Cour, a été
corrigée ensuite et le trop versé a été récupéré sur le traitement
de l’agent.
L’analyse de ce cas montre que c’est une succession d’erreurs humaines qui a conduit au double
versement, sans volonté de fraude au vu de la division des tâches entre de multiples acteurs. Au
demeurant, le service central de la paie a confirmé par écrit avoir mené un contrôle exhaustif
des indemnités de jury en 2023 et n’avoir pas identifié d’autre erreur de ce type. Le circu
it de
paiement des indemnités ponctuelles fait intervenir une pluralité d’acteurs dans le cadre d’une
procédure entièrement manuelle. Quand un personnel du CNRS participe un jury de concours,
le service central des concours (SCC), rattaché au service recrutement intégration (SeRI) de la
DRH, prépare une attestation qu’il dépose sur un espace numérique partagé avec la délégation
régionale à laquelle appartient l’agent. Le SRH de la délégation régionale saisit manuellement
l’indemnité dans le système d’information SIRHUS, et y joint l’attestation comme justificatif.
Le service central de la paie réceptionne la demande et procède à un contrôle de chaque dossier
avant paiement en vérifiant l’exactitude des rubriques et la cohérence des pièces justificatives.
Da
ns le cas identifié lors du contrôle, le SeRI a indiqué que l’agent concerné a pris contact avec
le SCC afin de s’assurer d’être bien rémunéré dans le contexte de sa mutation. Au lieu de
s’accorder avec une des délégations régionales, un agent du SCC a alors pris l’initiative
malheureuse de déposer deux fois l’attestation sur les espaces partagés des deux délégations
régionales, qui ont donc instruit le dossier de manière successive et séparée (fin septembre et
mi-octobre 2023). Au surplus, une délégation régionale a daté le dossier du jour de début du
jury, l’autre du jour de fin du jury. Du fait de la non
-concordance des dates, les agents du service
central de la paie chargé de contrôler manuellement des primes n’ont pas identifié le doublon.
Cet exemple révèle la fragilité de la chaîne de contrôle des indemnités ponctuelles qui repose
sur des procédures manuelles, chronophages et peu sécurisées. Le CNRS avait déjà acté une
évolution depuis début 2024 en supprimant le rôle des délégations régionales dans la saisie.
Désormais, pour les primes de jury, le SCC centralise toutes les attestations de participation,
établit une
décision collective et l’état liquidatif et les transmet à
un autre service de la DRH
pour signature, saisie en masse dans SIRHUS et dépôt des pièces-jointes. Le contrôle du service
central de la paie s’en trouve facilité car il reçoit la donnée en masse et peut tout contrôler en
bloc et non plus au fil de l’eau. En complément, à la suite du contrôle, le CNRS a indiqué qu’un
contrôle spécifique des doublons sur toutes les indemnités ponctuelles sera effectué par le
service central de la paie via Excel. Ces mesures sont adaptées pour renforcer le contrôle.
L’ensemble de la littérature institutionnelle ainsi que
les interlocuteurs rencontrés lors
de ce contrôle conviennent que les niveaux de rémunérations offerts aux chercheurs en France
ne sont pas suffisamment compétitifs par rapport aux standards internationaux en particulier
dans certaines disciplines des sciences dures ou encore dans les
métiers de l’intelligence
artificielle. Au CNRS, la rémunération mensuelle brute moyenne est de 3
825 € pour un chargé
de recherche de classe normale, et de 5
966 € pour un directeur de recherche de première classe.
Le rapport de novembre 2023 du HCERES corrobore cet avis et souligne que les écarts de
rémunération vis-à-vis des principaux pays étrangers constitue un risque pour le maintien du
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
51
niveau d’excellence du CNRS
. Si toutes les personnes rencontrées ont insisté sur le fait que le
CNRS disposait d’importants atouts dans la compétition internationale, à commencer par le
statut de chercheur qui offre à son détenteur la liberté et le temps pour conduire ses recherches,
l’équipement des laboratoires ou encore la collaboration avec des collègues prestigieux, la
faiblesse des rémunérations et des dotations d’accueil apparaît comme un des talons d’Achille
de la recherche publique française, devant le « fardeau administratif ». Pour autant, les tests
conduits lors du contrôle ont aussi mis en évidence que le CNRS comptait en son sein quelques
rares chercheurs qui figurent parmi les agents publics les mieux payés de France car les
dispositions
du code de la propriété intellectuelle leur permettant de bénéficier d’un
intéressement pour peu que leurs découvertes aient pu être valorisées sur le marché par le
CNRS, intéressement qui peut dépasser le million d’eur
os.
La question du différentiel de rémunération entre les chercheurs exerçant en France et
leurs homologues d’autres pays développés
n’est pas documentée de façon suivie, ni de manière
ciblée sur les domaines stratégiques où s’exerce la concurrence interna
tionale. Quelques
données sont toutefois disponibles et permettent de se faire une idée générale de l’enjeu.
On
peut citer en particulier l’enquête publiée par la Commission européenne en 2013 (enquête
EKTIS) qui a souligné la faiblesse de la rémunération perçue en début de carrière par les
chercheurs en France, équivalente
à l’époque
en moyenne à 63 % des salaires comparables en
Europe et dans l’OCDE en parité de pouvoir d’achat. Le rapport préparatoire à la loi de
programmation pluriannuelle pour la reche
rche, préparé par le groupe de travail sur l’attractivité
des emplois et des carrières scientifiques, a approfondi cette enquête en interrogeant les postes
diplomatiques de plusieurs pays de l’OCDE, confirmant l’ordre de grandeur de ces écarts
, le
problème le plus aigu étant celui du début de carrière, insuffisamment valorisé
s’agissant de
personnels expérimentés
ayant réalisé de longues études et décrochant un concours à l’âge
moyen de 34 ans.
Une autre manière d’approcher le sujet consiste à comparer la s
atisfaction
des chercheurs européens quant à leur niveau de rémunération. C’est ce qu’a estimé
le sondage
MORE4 EU HE réalisé en 2019 par la Commission européenne auprès de 10 000 chercheurs :
les chercheurs en France sont 64 % à se déclarer satisfaits de leur rémunération, contre 71 %
pour l’ensemble des Européens.
Si les données disponibles concluent toutes à un décrochage de la France par rapport à
ses concurrents, il convient de les exploiter avec précaution. Premièrement, ces données ne sont
pas à jour des évolutions mises en place à partir de 2020, qui enclenchent un rattrapage.
Deuxièmement, il faut raisonner en parité de pouvoir d’achat et prendre en considération les
différences entre les systèmes socio-fiscaux : si un chercheur en France est moins bien rémunéré
qu’un chercheur aux Etats
-
Unis, il bénéficie de la Sécurité sociale ou encore d’un accès gratuit
à l’éducation pour ses enfants. Troisièmement, l’impact du salaire sur la fuite des cerveaux est
difficilement quantifiable tant ce phénomène est multifactoriel même si on peut observer que
les autres pays de l’OCDE avaient mis en œuvre avant la France des dispositifs spécifiques en
termes de rémunération et d’environnement de recherche pour attirer ou retenir les talents de
renommée internationale (
tenure track
, négociation des salaires…). Quatrièmement, la France
reste compétitive par rapport à certains pays (l’Italie sur les rémunérations, selon l’ambassade
de France à Rome en juillet 2024
; l’Allemagne en ce qui concerne le salaire minimal des
d
octorants selon une étude de l’ambassade de France à Berlin en 2018).
Cinquièmement, la
recherche n’est pas structurée de la même manière dans tous les pays
: schématiquement, un
directeur de laboratoire américain doit rechercher des financements y compris pour financer
son salaire
, ce qui n’est pas le cas en
France du fait du statut de fonctionnaire.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
52
Des comparaisons plus précises seraient utiles, car elles permettraient d’adapter les
réponses en fonction des disciplines où la concurrence s’exerce le plus
durement, par exemple
en donnant plus de marges de manœuvre aux recruteurs pour négocier des régimes
indemnitaires ou l’environnement de recherche. En effet, si la trajectoire de rattrapage engagée
depuis octobre 2020 vient corriger une sous-rémunération assez générale, il reste peu probable
qu’elle suffise à rendre compétitive la position de la recherche publique française dans certains
champs comme l’intelligence artificielle.
Le ministère de l’enseignement supérieur et de la
recherche pourrait utilement
se doter d’un suivi statistique sur ce point.
Malgré tout, il convient
de préciser que les interlocuteurs rencontrés lors du contrôle ont fait valoir
qu’au
-delà de leur
salaire, la préoccupation financière principale des chercheurs reste le niveau des moyens pour
engager des recherches rapidement, notamment en début de carrière.
2.3.2.2
Le CNRS n’a pas encore tiré toutes les potentialités du
rattrapage indemnitaire
significatif engagé dans le cadre de la LPR
Le régime indemnitaire des personnels du CNRS est assez complexe, et a connu des
évolutions au cours de la période
avant d’être simplifié et augmenté en 2021 à la faveur d’une
réforme d’ensemble
. Trois principales primes existaient
jusqu’en 2022
:
-
La prime de recherche destinée à encourager et récompenser les travaux de
recherche qui concourent à l’avancement de la science. Le montant de cette prime
est fixé par arrêté ministériel.
-
L’indemnité spécifique pour fonctions d’intérêt collectif (ISFIC)
, liée aux fonctions
et
servie aussi bien à des chercheurs qu’à de
s ingénieurs ou techniciens. Le CNRS a
fixé des niveaux d’ISFIC pour chaque poste à la suite d’un travail d’identification
des filières d’encadrement et de cotation des postes. Certains lauréats
des contrats
européens du conseil européen de la recherche la percevaient aussi.
-
La prime d’excellence scientifique (PES)
instituée en 2009 pour les personnels dont
l'activité scientifique la plus intensive, qui encadrent un doctorant, des lauréats de
distinctions ou encore des personnels apportant une contribution exceptionnelle à la
recherche. Son principe même avait été contesté par les organisations syndicales,
qui estimaient qu’il s’agissait d’une prime trop
« personnalisée » valorisant
l’excellen
ce au détriment des fonctions. À partir de 2014, y est substituée une prime
d’encadrement doctoral et de recherche d
ont seul le nom diffère réellement.
À partir de 2017, deux évolutions notables ont marqué la rémunération des chercheurs :
-
En
octobre
2017,
le
protocole
« Parcours
professionnels,
carrières
et
rémunérations » (PPCR),
commun à l’ensemble de la fonction publique, a conduit à
la revalorisation indiciaire des chargés de recherche et des directeurs de recherche ;
-
En octobre 2020, un accord spécifique relatif aux rémunérations et carrières dans la
recherche, conc
lu entre le Gouvernement, le CNRS, la CPU, l’INSERM, l’INRAE,
l’INRIA et
trois syndicats a acté la revalorisation sur sept ans des régimes
indemnitaires des personnels de la recherche, ces derniers étant harmonisés par le
haut dans le cadre de la création
d’un régime indemnitaire des personnels
enseignants et chercheurs (RIPEC) se substituant aux anciennes primes. Cet accord
a été traduit dans la LPR. Le RIPEC comprend une part liée au grade (RIPEC 1),
une aux fonctions (RIPEC 2) et une au mérite individuel (RIPEC 3). Les clauses
financières de l
’accord
sont ambitieuses : elles prévoient une augmentation des
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
53
régimes indemnitaires des chercheurs de 42 à 165
M€
par an au niveau national,
l’essentiel de la hausse étant concentrée sur la part liée au grade et no
n sur celles
liées aux fonctions ou au mérite individuel, traduisant le souhait de revaloriser le
statut de chercheur
lato sensu
plus que d’encourager à prendre
des fonctions
d’encadrement ou
à produire un dossier de mérite personnel.
Pour l’application d
e ces dispositions, le CNRS a adopté des lignes directrices de gestion
propres à l’établissement en complément des lignes directrices de gestion ministérielles.
La
mise en œuvre de ces orientations
en 2023
révèle tout d’abord que la part statutaire (RIPEC
1)
mobilise la majeure partie des montants, en l’occurrence
65 % du total, contre 19 % pour la part
fonctionnelle (RIPEC 2) et 16 % pour la part individuelle (RIPEC 3). Cet équilibre a déjà évolué
par rapport à la première année de mise en œuvre du RIPEC o
ù 85 % des montants avaient été
consacrés à la part statutaire
qui ne tient pas compte de l’investissement personnel ou des
responsabilités. Il devra encore évoluer les années suivantes pour se conformer aux lignes
directrices de gestion qui prévoient qu
’a
u moins 30 % des montants soient mobilisés sur la part
fonctionnelle et que la part individuelle représente au moins 30 % de la part statutaire. Un
rééquilibrage au profit des parts fonctionnelles et individuelles serait judicieux afin de valoriser
les che
rcheurs qui s’investissent dans
le fonctionnement du CNRS ou qui contribuent de
manière significative aux progrès de la recherche.
En outre, si certains aspects des lignes directrices de gestion du CNRS sont à saluer, en
particulier l’intégration de tous les directeurs d’unité et directeurs adjoint
s dans le groupe le
mieux primé du RIPEC 2, reconnaissant leur implication,
le CNRS ne s’est pas pleinement saisi
des possibilités de modulation prévues par les textes. Premièrement, le CNRS a fait le choix
d’un
RIPEC 3 forfaitaire (3
500 € par bénéficiaire), ce qui correspond simplement au montant
plancher prévu par les textes qui permettent d’aller jusqu’à 12
000 €. Deuxièmement, les lignes
directrices de gestion du CNRS permettent de moduler ce montant pour 5 % des bénéficiaires :
cette capacité a été mobilisée seulement dans 0,2 % des cas en 2023. Troisièmement, les lignes
directrices de gestion ministérielles prévoient que
« chaque organisme est libre d'ajouter
d'autres critères, comme l'engagement dans les appels d'offres européens, la recherche
partenariale, la participation aux projets de site, la coopération internationale, expertise, la
recherche sur la transition écologique, etc. »
. Les orientations retenues par le CNRS n
’ajoutent
aucun critère, alors même que certains sujets comme
l’engagement dans les appels d’offre
européen mobilisent fortement certains chercheurs. En somme, il
conviendrait d’assurer une
montée en puissance du RIPEC 3 et une individualisation plus nette de ses montants comme
levier comp
lémentaire d’attractivité
et de valorisation des parcours.
Le président du CNRS a relevé que la conception même du RIPEC ne permettait pas à
l’opérateur d’engager complètement une individualisation du régime indemnitaire. En effet,
l’accord d’octobre 2020 assigne un objectif qu’au moins 45% des chercheurs bénéficient d’une
part individuelle, ce qui engage donc l’enveloppe disponible au niveau de chaque établissement
tout en désincitant de moduler entre les bénéficiaires, la différenciation se faisant
ab initio
entre
ceux qui reçoivent la prime et les autres.
La relative faiblesse de la part individuelle est en partie compensée par le maintien de
la PEDR pour certaines distinctions parmi lesquelles le prix Nobel, la médaille Field, le prix
Abel, les prix scie
ntifiques de l’Institut de France ou encore les médailles d’or, d’argent et de
l’innovation du CNRS. En 2023, les PEDR représentaient près des deux tiers des montants de
RIPEC 3, ce qui n’est pas négligeable.
Le code de la propriété intellectuelle prévoit en outre
que les chercheurs auteurs d’une invention valorisée économiquement par le CNRS perçoive
une prime forfaitaire de brevet mais également, chaque année de la valorisation, une prime
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
54
d’intéressement. Celle
-ci correspond à un pourcentage des recettes
tirées de l’invention et n’est
pas plafonnée ce qui peut conduire certains inventeurs à percevoir des montants très
significatifs. Ainsi
, des primes d’intéressement et de brevet
à hauteur de plusieurs centaines de
milliers d’euros ont été versées en 2023 à
quelques personnels du CNRS, l’un d’eux ayant
même perçu plus de 2,8 M€.
Ce dispositif permet utilement de valoriser
l’inventivité des
chercheurs et des ingénieurs à la hauteur du succès de leur innovation.
Les évolutions déjà actées en termes de régimes indemnitaires ne sont pas sans
conséquences sur le budget du CNRS. En cumulé, le volume total des primes allouées aux
chercheurs dès la première année de mise en œuvre du RIPEC est très supérieur à celui servi
antérieurement : en 2023, les trois fractions
du RIPEC représentaient 58 M€ de frais de
personnel pour le CNRS, auxquels s’ajoutent 5 M€ de PEDR, contre moins de 30 M€ au total
avant
l’accord national
, soit un quasi-doublement des primes en trois ans.
Tableau n° 4 :
Évolution des primes destinées aux chercheurs (en
M€)
Primes
2013
2020
2021
2022
2023
Prime de recherche
10
11
21
-
-
ISFIC (chercheurs
et IT
14
)
7
9
9
-
-
Prime d’excellence
scientifique / PEDR
10
9
10
8
5
RIPEC
-
-
-
35
58
Dont part
statutaire
-
-
-
30
38
Dont part
fonctionnelle
-
-
-
4
11
Dont part
individuelle
-
-
-
1
8
Total
27
29
40
43
63
Source : rapports sociaux uniques du CNRS
Ces mesures indemnitaires ont eu un impact assez significatif sur la rémunération des
chercheurs du CNRS, qui a connu un rattrapage à compter
de l’entrée en vigueur
du RIPEC en
2022. En 2022, un chercheur titulaire du CNRS perçoit 4 001
€ net par mois, contre 3
450 € en
2014 et 3
614 € en 2021.
14
La part uniquement versée aux chercheurs n’est pas disponible. Les montants intègrent donc ceux des
ingénieurs et techniciens.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
55
Graphique n° 12 :
Rémunération mensuelle nette des chercheurs du CNRS
Source : rapports sociaux uniques du CNRS
La rémunération nette des chercheurs du CNRS a donc faiblement progressé entre 2014
et 2021 (+ 4,7 %
), avant d’augmenter
plus substantiellement
en 2022 sous l’effet du RIPEC
(+ 10,7 % sur un an, soit + 15,9 % en huit ans).
Afin de prolonger ces tendances pour les chercheurs les plus investis, le CNRS pourrait
toutefois activer davantage qu’il ne le fait aujourd’hui certaines des marges de manœuvre dont
il dispose, que ce soit à enveloppe constante ou dans le cadre d’une enveloppe dynamique
:
rééquilibrage de l’enveloppe de RIPEC 3 par rapport au RIPEC 1, remise en cause du caractère
forfaitaire du RIPEC 3, introduction de critères de différenciation supplémentaires, recours aux
capacités de modulation hors-barème.
Recommandation n°7 (CNRS, 2025) Activer plus résolument les capacités de
modulation individuelle des rémunérations des chercheurs
afin d’oriente
r les moyens
vers les personnels les plus investis.
2.3.3
Le financement
d’un
environnement de recherche est crucial au démarrage,
notamment dans les disciplines les plus instrumentées
Au-
delà leur rémunération, les chercheurs ont besoin d’un financement spécifi
que au
moment où ils sont recrutés afin de pouvoir commencer leurs recherches afin de recruter un
post-
doctorants, d’acheter du matériel ou encore de payer le recours à des équipements de
pointe. Les chercheurs rencontrés confirment les constats du rapport Gillet qui alertait sur le
fait
que l’absence de financement au démarrage conduit le chercheur à se consacrer pendant un
certain délai (l’étude d’impact de la loi de programmation
pluriannuelle de la recherche parle
de deux ou trois ans) à la recherche de financements via des appels à projet, ce qui retarde le
démarrage effectif de ses recherches.
En outre, la mise à disposition d’un fonds d’amorçage en
0 €
500 €
1
000 €
1
500 €
2
000 €
2
500 €
3
000 €
3
500 €
4
000 €
4
500 €
2014
2015
2016
2017
2018
2019
2020
2021
2022
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
56
début de carrière augmente
la capacité des chercheurs à prendre des risques, c’est
-à-dire à se
consacrer à des champs non immédiatement rentables, mais potentiellement féconds
. Il s’agit
enfin
d’un élément
de différenciation au moment du recrutement, que de nombreux organismes
ou universités étrangers ont mis en œuvre.
À
cet égard, la mise en œuvre par le CN
RS à partir de 2019
d’une
dotation de démarrage
versée systématiquement aux chercheurs récemment recrutés doit être saluée. La loi pour la
programmation pluriannuelle de la recherche
prévoit d’ailleurs de généraliser ce système, la
ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ayant précisé qu’il s’agirait d’un
montant moyen de 10
000 €, ce qui est en
-deçà du montant moyen servi par le CNRS en 2023
(17
500 €). Le CNRS a par ailleurs signalé son intention d’augmenter ce montant à
50
000 €
d’ici la fin du prochain COMP, un montant dont il indique qu’il
« restera bien loin des offres
internationales les plus compétitives mais semble une première étape. »
Ainsi, ces dotations initiales qui ont un caractère stratégique, restent souvent inférieures
aux besoins, à l’exception des dispositifs spécifiques
du type chaire de professeur junior (
cf.
partie 2.3.4) financés par le CNRS ou des offres existantes en biologie médicale (programme
Action thématique incitative sur programme
dit programme « ATIP-Avenir » porté avec
l’INSERM
, fondations
). La comparaison avec les Etats-Unis, souvent cités en exemple,
révèle d’importants écarts
: la recherche américaine est très centrée sur le projet du directeur de
laboratoire qui monte son équipe et bénéficie pour ce faire d’un financement initial sur trois à
cinq ans pouvant aller de 100 k$ à 2 M$, montants jamais atteints en France.
Aussi, la différenciation des montants des dotations en fonction des besoins serait
judicieuse,
d’une part pour adapter les ressources aux besoins, d’autre part pour
en maîtriser le
coût global. En effet,
en dehors du recrutement d’un post
-doctorant qui présente le même enjeu
financier dans toutes les disciplines,
les montants nécessaires sont très variables d’une
discipline à l’autre
: ainsi, un chercheur en mathématique ou en sciences humaines et sociales
a généralement des dépenses limitées (ordinateur, abonnements à des sociétés savantes ou à des
publications
, déplacements), ce qui n’est pas le cas d’un chercheur en sciences de l’univers
, en
physique, en chimie ou en biologie
15
dont les travaux vont
souvent exiger d’acquérir des
équipements ou de louer
pour des montants pouvant souvent excéder plusieurs milliers d’euros
des journées d’observation
sur des instruments de pointe.
Ainsi, l’objectif ne doit pas être que
tous les chercheurs reçoivent le mê
me montant mais qu’ils disposent tous d’un montant
suffisant pour s’équiper et commencer leur travail. Sinon, on crée une inégalité entre les
disciplines car celles qui nécessitent les plus d’instrumentations voient les jeunes chercheurs
dépendre des résultats de leurs premiers appels à projets, pour lesquels ils ne sont pas les mieux
placés, compte tenu de leur jeune expérience. Ainsi, le fait de doter les jeunes chercheurs d’une
dotation initiale va dans le sens de ce qui se pratique à l’étranger, mais il
faudrait que cette
dotation puisse être différenciée pour atteindre son but : permettre au chercheur de commencer
sa première recherche, faute de quoi il sera d’emblée plongé dans le «
fardeau administratif »
des appels à projets et devra parfois attendre plusieurs mois, avant de remporter un contrat de
recherche.
Le CNRS pourrait utilement mobiliser une partie de ses ressources propres disponibles
pour financer une augmentation très significative des
packages
d’arrivée, et ce afin d’envoyer
un signal fort aux communautés internationales de chercheurs. En termes de budgétisation,
15
. Même s’il est partiellement compensé pour certains d’entre eux par le dispositif ATIP
-Avenir mis en place par
le CNRS et l’INSERM qui permet aux lauréats d’avoir une dotation initiale de 60 K€ par an sur cinq ans.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
57
l’enveloppe votée au budget 2023
et imputée en FEI
s’établit à 7,5 M€, contre 2,5 M€ en 2021
et 2022. A
fin de disposer d’un ordre de grandeur, si la recommandation du rapport Gillet d’une
dotation de 50 000 à 300 000
était appliquée aux 238 recrutements du CNRS en 2023, cela
aurait impliqué un effort allant de 11,9
M€
à 71,4
M€
.
Cet effort devra s’articuler avec celui
que réalise par ailleurs l’
État dans le cadre du financement « Jeunes Chercheuses et Jeunes
Chercheurs
» adossé à l’appel à projets générique de l’ANR, dont l’objectif est de «
permettre
au
jeune chercheur ou à la jeune chercheuse d’acquérir une autonomie scientifique, de
développer sa propre thématique de recherche, de constituer ou de consolider sa propre équipe
au sein ou en dehors de son laboratoire, d’acquérir une culture de la recherch
e sur projet et
d’exprimer rapidement ses capacités d’innovation
», mais qui nécessite une candidature et
implique une procédure de sélection. La directrice du budget relève de son côté que si ce type
de financement est aujourd’hui cumulable avec une dotat
ion au démarrage
ce qui paraît
logique au regard de la modicité des montants en jeu
leur articulation devra être discutée entre
le CNRS, ses tutelles et l’ANR en cas de progression très significative des
packages
.
Recommandation n°8 (CNRS, MESR, 2025) Augmenter les dotations au démarrage
des chercheurs, afin de les aligner sur les standards internationaux en différenciant
les montants selon les besoins propres à chaque discipline, et en mobilisant à cette fin
les ressources propres.
2.3.4
Le CNRS mobilise de nombreux dispositifs dérogatoires au droit commun du
concours pour recruter ou fidéliser des chercheurs
Pour répondre aux problématiques d’attractivité, le CNRS a choisi de mobiliser de
nombreux dispositifs spécifiques, dérogatoires au recrutement par concours. Malgré la
complexité qui en résulte, chacun de ces mécanismes présentent des particularités qui les
rendent pertinents pour renforcer l’attractivité de l’établissement
.
L’accueil en délégation
.
L’accueil en «
délégation » consiste à ce que le CNRS
accueille temporairement un enseignant-chercheur. Une convention passée entre le CNRS et
l’université
prévoit les conditions dans lesquelles sont remboursées
les heures d’enseignement
dont l’enseignant
-chercheur est dégagé le temps de la délégation. Cette
modalité d’accueil
a
augmenté : elle est passée de 746 chercheurs accueillis en délégation ou en demi-délégation
(sur un semestre) lors de la campagne 2012-2013 à 812 lors de la campagne 2021-2022. Cette
souplesse est d’autant plus intéressante que cohabit
ent au sein des UMR des chercheurs et des
enseignants-chercheurs dont les différences de statut constituent parfois un irritant.
Programme ATIP-Avenir.
Le programme ATIP-Avenir porté conjointement par
CNRS Biologie
et l’INSERM
et accessible à 20 lauréats par an vise à recruter un chargé de
recherche doté d’un financement pluriannuel substantiel et d’un contrat d’appui.
Le coût du
programme ne permet pas son extension
même s’il porte des résultats avantageux
: 31 % des
équipes constituées dans ce programme ont été éligibles à un financement ERC.
Les chaires de professeur junior.
La loi de programmation pluriannuelle de la
recherche
a entendu répondre à la problématique d’âge moyen des recrutés et de retard dans le
déclenchement des recherches en créant une nouvelle voie de recrutement nommée chaire de
professeur junior (CPJ) permettant de recruter un jeune doctorant talentueux et ayant un projet
mais n’ayant pas encore forcément publié, et de doter ce contrat d’une dotation triennale de
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
58
200
000 €.
Le CPJ repose sur le principe d’un contrat donnant vocation à titularisation (
tenure
track
) directement dans le corps des directeurs de recherche, sur le modèle de ce qui existe dans
les pays anglo-saxons et en Allemagne. Le CNRS a ouvert 25 postes de CPJ en 2022 et 37 en
2023
ce qui représente environ 10 % du total des chercheurs recrutés, la loi limitant à 25 %
des recrutements dans un corps le nombre de CPJ. La projection pour 2024 est de 53 postes
ouverts. On note cependant
que jusqu’en 2023,
les créations de CPJ
n’étaient
pas suffisamment
fléchées sur les priorités scientifiques du CNRS
ni sur les secteurs où l’exigence de
différenciation dans la compétition internationale se fait le plus sentir : en 2022 et 2023, tous
les instituts recevaient entre 2 et 5 CPJ
; ce n’est
plus le cas en 2024, avec 11 CPJ pour CNRS
Biologie, sept pour CNRS Chimie,
etc
. Ce fléchage est à encourager. Si ce dispositif fait
l’unanimité parmi les instituts et laboratoires interrogés, il suscite des réserves des organi
sations
syndicales du CNRS qui y voient la marque d’une
« recherche publique à deux vitesses ». Sur
ce point, il est essentiel que le CNRS soit en capacité de fournir des offres différenciantes à des
talents dans un marché de l’emploi très internationalisé
. En outre,
l’augmentation des dotations
d’amorçage
gomme une partie des écarts entre les CPJ et le concours classique en offrant des
moyens à tous les chercheurs recrutés.
Concours externe de directeur de recherche.
Le CNRS a créé 2018 un concours
spécial reconduit chaque année depuis pour recruter des chercheurs, notamment venant de
l’étranger, directement dans le corps des directeurs de recherche. Le CNRS
est satisfait de cette
mesure qu’il souhaiterait étendre à 15
ou 20 recrutements par an (contre cinq en 2018 et 11 en
2023). Le HCERES soutient
cette option, qu’il décrit comme pertinente
, jugement corroboré
par les entretiens menés au titre du
contrôle. Le second avantage de ce dispositif est qu’il vient
avec une dotation d’amorçage substantielle (de l’
ordre de 150
k€ pour le nouvel arrivant).
Recrutement de doctorants.
En 2019, le
CNRS s’est fixé comme ambition de recruter
davantage de doctorants en appui de la recherche et a dégagé des moyens financiers pour ce
faire. Les contrats doctoraux permettent à de futurs chercheurs de se former à et par la recherche
mais aussi de « fidéliser » de futurs collaborateurs qui, après un post-doctorat en France ou à
l’étranger, pourraient passer les concours de chargé de recherche du CNRS
.
L’objectif
du
CNRS de 560 recrutements supplémentaires sur les trois derniers exercices est dépassé, puisque
le nombre de contrats doctoraux est passé de 1 844 en 2013 à 2 236 en 2019 et 3 209 en 2022,
soit une hausse de 973 en trois ans, et un quasi doublement sur une décennie. À noter que 38 %
des doctorants sont de nationalité étrangère
(les nationalités les plus représentées étant l’Italie,
l’Inde, la Chine, le Liban et l’Algérie), ce qui constitue un succès en termes d’attractivité.
L’activation par le CNRS de capacités de recr
utement sur la base de dispositifs
dérogatoires au droit commun en complément de l’ouverture de concours est particulièrement
adaptée dans le cadre d’une compétition internationale. Ces outils, en particulier les CPJ,
doivent être renforcés et orientés vers les priorités scientifiques nationales.
2.3.5
La
problématique d’attractivité sur les métiers de gestionnaires
met en tension
les activités de recherche
Le contrôle a mis en exergue d’importantes difficultés de recrutement sur les postes de
gestionnaires administratifs et techniques (ressources humaines, compatibilité, finances,
immobilier, informatique) touchant aussi bien le siège que les délégations régionales et les
laboratoires. Les raisons de fond en sont multiples et ne concernent pas que le CNRS : règles
de gestion de la fonction publique, régimes indemnitaires et/ou rythme de travail non-
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
59
concurrentiels avec les autres employeurs que sont par exemple les collectivités locales ou les
universités, surcharge administrative, problématique du coût de la vie à Paris et dans sa proche
banlieue.
Cependant, certaines procédures ou règles propres au CNRS génèrent des difficultés
supplémentaires pour les recruteurs
: c’est en particulier le cas des campagnes de recrutement
sur les postes d’ingénieurs, techniciens et
administratifs
appelées NOEMI (pour « nouveaux
emplois offerts à la mobilité interne »). Ces campagnes qui se déroulent deux fois par an ne
permettent pas toujours de pourvoir le poste au premier coup. Dans le ressort de la délégation
régionale de Paris centre, le taux de succès est inférieur à 50 % : sur les deux dernières
campagnes et affichages au fil de l’eau, 42 postes en filière administrative sont restés vacants
sur 80 affichés.
Une fois l’infructuosité du recrutement constatée, la NOEMI peut être
relancée
mais seulement après avoir fait l’objet d’un nouvel accord
formel
de l’institut.
Le processus de recrutement d’un contractuel sur un poste de titulaire vacant ou dans le
cadre d’un contrat souffre également de lourdeurs –
publication du poste, délais de rendez-vous.
Du fait de ces délais, il arrive fréquemment qu’un poste soit vacant pendant plusieurs mois
,
voire pendant un an.
Les difficultés de recrutement s’accompagnement d’un problème de
fidélisation des personnels entraînant un important
turnover
préjudiciable au fonctionnement
des services. La délégation régionale Occitanie ouest signale ainsi un taux de rotation annuel
de 24 % dans ses services, et de 73 % parmi ses collaborateurs contractuels. Ce renouvellement
trop important des personnels pose déjà diverses difficultés : vacances interstitielles des postes,
coût de la formation de nouveaux arrivants, perte de mémoire des dossiers, changements
fréquents d’interlocuteurs.
Ce constat partagé
avait justifié le lancement d’un
groupe de travail consacré aux
procédures de recrutement par la DRH, qui confirme
qu’une réflexion est en cours
sans plus de
précisions. Toutefois, des assouplissements ont déjà été
mis en œuvre
: à partir de 2023, une
procédure de recrutement au
fil de l’eau pour certains
postes « considérés comme sensibles en
termes de continuité »,
et la création d’une campagne annuelle d’
ouverture de fonctions
susceptibles d’être pourvues (FSEP)
réservée aux agents du CNRS, non-reliée au volume de
poste ouverts, et nécessitant donc l’accord des instituts de départ et d’arrivée. Si
le CNRS a
indiqué ne pas être favorable à
ce que le fil de l’eau soit
systématisé, force est de constater que
le phénomène de vacance ne se résorbe pas, et qu’une réflexion devrait être
a minima
engagée
pour év
aluer l’intérêt d’assouplir encore ces dispositifs
. En outre, des augmentations de
rémunérations ont été décidées, mais elles sont
trop récentes pour qu’il soit possible d’en
mesurer l’impact sur l’attractivité du CNRS
: réévaluation de la rémunération des
informaticiens dans le cadre d’une politique nationale (décembre 2021), prime de 150 € pour
les ingénieurs et techniciens des fonctions support (juillet 2024)
pour un coût de 9,4 M€
. Enfin,
le CNRS a présenté un « plan attractivité », dont les mesures ont été récapitulées dans une
circulaire aux délégations régionales du 4 novembre 2022. Les mesures décrites dans ce plan
sont presque toutes en cours de mise en œuvre.
D’autres leviers pourraient être activés de manière complémentaire.
Premièrement, la
simplification de procédures administratives vécues comme démotivantes peut rendre les
métiers plus attractifs et les agents nouvellement recrutés plus rapidement opérationnels (voir
la partie 3 sur le fardeau administratif et en particulier le 3.2.3). Deuxièmement, il serait
pertinent de
capitaliser sur l’expertise des agents contractuels recrutés en cas d’infructuosité du
recrutement titulaire en leur permettant d’accéder à la titularisation sur reconnaissance des
acquis de l’expérience, au lieu de relancer un
recrutement en « repartant à zéro » avec un nouvel
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
60
agent
16
. Troisièmement,
les coopérations sur les missions d’appui pourraient être renforcées à
l’échelle d’une ou de plusieurs UMR, notamment dans le cadre de politiques de site. Certains
pays comme les Etats-Unis et le Royaume-Uni choisissent parfois de mutualiser au niveau de
l’université le suivi des ressources financières des laboratoires afin de consolider les
compétences mises au service des chercheurs. De ce fait, les laboratoires ne disposent pas
toujours de « leur » gestionnaire financier, ce qui ne semble pas poser de difficultés majeures.
Dans le cas des Etats-
Unis, il peut arriver qu’un même service accompagne cinq ou six
laboratoires. À
cet égard, l’expérimentation d’une mission Europe impulsée
par le CNRS et
Aix-Marseille Université pour le suivi des contrats européens constitue une initiative
heureuse
17
, qu’il conviendrait de suivre et d’évaluer afin de la généraliser le cas échéant. Des
coopérations renforcées pourraient aussi être assumées sur les fonctions de support
informatique sur chaque site, d’autant plus que
toutes les UMR éprouvent les mêmes difficultés.
Quatrièmement, le recours aux ressources propres libres d’emploi doit être encouragé pour
recruter des gestionnaires dans les laboratoires obtenant le plus de succès aux appels à projet
dans une logique de mutualisation des moyens
comme cela se fait déjà ponctuellement.
Recommandation n°9 (CNRS, 2025)
Présenter au conseil d’administration
un bilan
et de nouvelles perspectives en matière de simplification du recrutement de
gestionnaires, de mutualisation de certaines fonctions avec les partenaires
universitaires et d
augmentation des capacités de recrutement
de personnels d’appui
sur ressources propres.
2.4
Le statut du chercheur, un atout qui présente aussi des
faiblesses
2.4.1
Certaines différences statutaires entre les chercheurs et les enseignants-
chercheurs sont préjudiciables à l’efficacité des UMR
La recherche publique est principalement conduite par des personnels relevant de deux
statuts distincts : les chercheurs et les enseignants-chercheurs. La différence fondamentale entre
ces deux statuts tient dans le fait que les enseignants-chercheurs exercent une
« double mission
d'enseignement et de recherche »
aux termes de l’article 2 du décret
n° 84-431 du 6 juin 1984,
ce qui implique une obligation d’enseignement aux côtés des activités de recherche proprement
dites.
L’article 7 du décret prévoit en effet que les enseignants
-chercheurs consacrent la moitié
de leur temps de travail à la recherche
et la moitié à l’enseignement, cette obligation
correspondant à une durée annuelle de référence de 128 heures de cours ou de 192 heures de
16
Les acquis de l’expérience peuvent être reconnus dans le cadre de concours, mais le droit ne permet pas de
s’appuyer directement sur eux pour titulariser un contractuel.
17
Un rapport de
la mission d’audit interne du CNRS d’avril 2020 recommandait, dans le même esprit, de constituer
un fonds pour la phase de montage de projets en coordination à l’échelle du CNRS afin d’octroyer des aides
financières (réseautage, mise à disposition d’un ing
énieur, projets européens, recours à un cabinet de consultants,
financement de réunions…). Selon ce rapport, l’affectation de ressources propres banalisées pouvait constituer
une piste de financement
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
61
travaux dirigés ou pratiques.
En revanche, les chercheurs n’ont pas une telle obligation
, même
s’ils
peuvent décide
r d’enseigner de manière facultative. Les chercheurs du CNRS
(corps des
directeurs de recherche et des chargés de recherche) relèvent de ce dernier statut.
L
’organisation de la recherche en
UMR
implique qu’au sein des unités du CNRS
coexistent des chercheurs et des enseignants-chercheurs. Dans les trois UMR visités lors du
contrôle, le rapport était le suivant : 51 % de chercheurs et 49
% d’enseignants
-chercheurs au
CEREGE, 58 % et 42
% à l’IPBS
, 22 % et 81 %
à l’IMJ. Au sein des UMR, les deux types de
personnels sont à égalité et rien ne distingue les missions confiées aux uns et aux autres, à
l’exception d
u service
d’enseignement que
doivent les enseignants-chercheurs. La diversité des
statuts ne constitue pas un problème en soi. Consubstantielle au fonctionnement en UMR, la
variété des statuts peut même constituer une richesse
en tant qu’elle pe
rmet
d’attirer
dans les
carrières de la recherche publique des profils différents, soit exclusivement tournés vers la
recherche soit ayant également une appétence p
our l’enseignement. Le lien avec l’université
facilite aussi le repérage des futurs talents par les professeurs ou les chargés de travaux dirigés.
Pour autant,
l’ensemble des enseignants
-chercheurs rencontrés dans les trois UMR
visitées font valoir que la
lourdeur des charges d’enseignement est vécue comme une contrainte
excessive. En effet, l’obligation ne se
limite pas aux heures d’enseignements proprement dites,
mais implique aussi la préparation des cours, la participation à de nombreuses réunions
pédagogiques ou encore des tâches administratives ou logistiques liées aux examens
le
référentiel annuel de 128h ou 192h est donc, en pratique, largement plus important ce qui est
au demeurant cohérent avec la réglementation qui prévoit une répartition à parité du temps de
travail des enseignants-chercheurs. De ce fait, les enseignants-chercheurs ont moins de temps
à consacrer aux recherches, mais surtout sont peu incités à se porter candidats à des
responsabilités chronophages comme celles de directeur d’unit
é. Par ailleurs, cette inégalité
peut désinciter les jeunes enseignants-
chercheurs de s’investir dans des travaux de recherche,
d’autant qu’aucune rémunération n’avantage ceux qui
mènent les deux activités en parallèle par
rapport à ceux qui mettent la recherche entre parenthèses.
Pour apporter de la souplesse, l’article 7 du décret du 6 juin 1984
offre une possibilité
de modulation des heures d’enseignement, à la hausse ou à la baisse,
« dans le cadre d'un projet
individuel ou collectif, scientifique, pédagogique ou lié à des tâches d'intérêt général »
, ce qui
recouvre la recherche au sein d’une
UMR.
Toutefois, cette faculté est limitée. D’abord, elle ne
peut conduire à supprimer entièrement le service d’enseignement qui doit rester supérieur à 42
heures de cours ou 64 heures de travaux dirigés par an. Ensuite, les modulations doivent être
acceptées par l’université dont dépend l’enseignant
-
chercheur, qui n’est pas tenue de l’accorder
au regard de la nécessité qui est la sienne d’assurer le service public d’
enseignement et de
formation qui lui est confiée. Enfin, si des décharges de droit existent, elles ne concernent que
certains postes à très haute responsabilité (directeur d’un institut ou d’une école, directeur d’un
établissement public, président d’unive
rsité,
etc.
) ou de directeur d’unité de recherche. Dans ce
dernier cas de figure, la décharge est de droit mais plafonnée aux deux tiers des heures
d’enseignement.
En revanche, aucune décharge n’est de droit pour un directeur adjoint d’unité
ou un chef d’é
quipe de recherche
missions pourtant chronophages.
L
a mission Gillet sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation a bien perçu cette
difficulté, et suggérait une solution radicale consistant à répartir la charge d’enseignement entre
tous les chercheurs indépendamment de leur statut, en évoquant une quotité de 32 à 64 heures
par an. Cette hypothèse a été testée par la Cour sur les chercheurs et enseignants-chercheurs
rencontrés, qui ne s’y sont presque jamais montrés favorables. En effet, selon eux,
l’élargissement de l’obligation d’enseignement remettrait en cause le
principal motif
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
62
d’attractivité des postes de chercheurs en France
(et donc des chercheurs du CNRS) où la
rémunération est moindre mais compensée par une grande liberté
d’organisation
. En revanche,
des évolutions du mécanisme de modulation seraient bien accueillies notamment pour permettre
que celle-ci puisse tenir compte de la réalité des enseignants-chercheurs qui
n’assurent plus de
travaux de recherche afin qu’ils puissent consacrer plus de temps à l’enseignement (proposition
également formulée par la mission Gillet). Une extension des décharges de droit aux
enseignants-chercheurs qui exercent des activités de management ou de responsabilité
scientifiques évaluables pourrait aussi être examinée. Enfin, le mécanisme des « délégations »
mis en œuvre par le CNRS est plébiscité et devrait continuer à être soutenu, voire étendu.
S’agissant des autres personnels, le contrôle a permis d’analyser
si les différences de
statut entre les ITA du CNRS et les
bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens,
personnels sociaux et de santé de l'enseignement supérieur (BIATSS) des universités, posait
des difficultés au sein des UMR. Les différences statutaires se traduisent dans quelques points :
les perspectives de carrière et de promotion sont plus avantageuses pour les ITA que pour les
BIATSS ; les BIATTS ont en revanche davantage de congés et travaillent généralement un peu
moins
18
; enfin, les régimes de télétravail ne sont pas toujours alignés entre les universités et le
CNRS qui est assez souple sur cette question. Hormis ce dernier sujet, qui appelle une
harmonisation dans le règlement de chaque UMR, les autres points ne sont pas vécus de manière
conflictuelle. Au demeurant, un repyramidage est en cours au sein des universités pour valoriser
les perspectives de carrière de ses agents, et la trajectoire salariale de la loi de programmation
pluriannuelle de la recherche
réaligne l’IFSE des ITA.
Ces constats ne préjugent pas d’éventuelles évolut
ions que pourrait connaître le statut
des personnels de recherche, dans un contexte où les enjeux d’attractivité et la diversification
des voies d’accès aux emplois pourrait justifier, comme le souligne la direction du budget, une
réflexion.
2.4.2
Les règles applicables en cas de départ de personnels du CNRS vers une autre
entité présentent des lacunes
qu’il conviendrait de corriger
Les chercheurs et ingénieurs du CNRS peuvent travailler dans un autre organisme public
ou privé au cours de leur carrière. Différents dispositifs existent encadrent ces mobilités
extérieures (mise à disposition, détachement, disponibilité), les personnels de recherche
bénéficiant de possibilités élargies par rapport aux
autres fonctionnaires d’
État notamment pour
encourager à la valorisation économique de la recherche. Le
CNRS a mis en œuvre un système
de contrôle pertinent des mobilités sujettes à un contrôle déontologique en matière de conflit
d’intérêt et de prise illégale d’intérêt.
Cependant, le champ d’application
de ce contrôle présente
des angles morts qui semblent problématiques en matière de protection des résultats de la
recherche publique française, voire de préservation du potentiel scientifique et technique de la
France.
Ainsi, le champ du contrôle déontologique prévu par le code de la fonction publique
permet au CNRS de
s’opposer à la mobilité
d’un agent
quand elle compromet le fonctionnement
18
La Cour a rappelé dans son référé du 19 octobre 2023 relatif au temps de travail des personnels non-enseignants
des universités que la durée de travail des BIATTS est de 1 467 heures en moyenne par an et par agent, la durée
légale étant fixée à 1 607 heures.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
63
normal, l’indépendance et la neutralité du service,
porte atteinte aux principes de la fonction
publique (dignité, impartialité, intégrité, probité, discrétion professionnelle) ou constitue un
conflit d’intérêt.
Mais, l
e CNRS ne peut pas s’opposer au départ d’un de
ses agents en raison
de la
sensibilité
de sa recherche ou de son intérêt stratégique pour la France. En outre, le contrôle
du conflit d’intérêt
ne concerne que les départs dans le privé lucratif. À ce titre, la mobilité
d’un
personnel du CNRS vers une entreprise peut être soumise à des réserves destinées à éviter que
l’entreprise
ne recrute le fonctionnaire pour profiter de ses contacts au CNRS. Ainsi,
l’autorisation de mobilité peut interdire
au personnel
d’entrer en contact avec
son ancien
laboratoire pendant un certain délai. Ce contrôle
s’applique
de manière identique à toutes les
entreprises. Ainsi, un chercheur visant une mobilité dans une entreprise publique française
subira le même contrôle que s’il décidait de partir dans une entreprise américaine ou chinoise.
En revanche, rien
n’est prévu
au-delà de la notion appréciée de manière restrictive par le juge
«
d’intérêt du
service » pour le départ dans un organisme public étranger, ce qui interroge.
Plus préoccupant enfin
est le fait qu’
un chercheur ou un ingénieur sorti des cadres
(retraite, démission)
n’a plus de lien avec le CNRS, et n’est
donc
soumis qu’à la prévention d
es
conflits d’intérêt
pendant une durée limitée dans le secteur privé lucratif, tout en étant
entièrement
libre d’aller travailler dans un laboratoire public
étranger, y compris pour des
puissances concurrentes comme la Chine. Ces « quatrièmes parties de carrières » constituent
un impensé de la réglementation, alors même qu’elles peuvent présenter des enjeux de
souveraineté. Or, ces cas de
départ à l’étranger
existent et pourraient
s’amplifier du fait de la
forte concurrence internationale et du vieillissem
ent de l’effectif du CNRS
: les chercheurs
partent en retraite à un
âge auquel un grand nombre d’entre eux sont
tout à fait capables de
poursuivre leurs recherches.
L’éméritat offre une
solution de maintien en emploi des directeurs
de recherche jusqu’à quinze ans après leur retraite, mais il nécessite que l’intéressé soit
volontaire et que le CNRS l’accepte.
Un contrôle plus directif des activités
post
sortie des
cadres, limité aux champs intéressant le potentiel scientifique et technique de la France, serait
pertinent, ce qui pourrait nécessiter une évolution du cadre législatif.
Cette faille
s’ajoute à celle identifiée lors des échanges avec l’IPBS de Toulouse
concernant les appels à projets de l’ANR. En effet, la procédure ANR prévoit que la
présentation détaillée des projets soit transmise lors des candidatures
afin d’éclairer le choix
du
jury à des experts de multiples nationalités, y compris d
États
en dehors de l’Union européenne.
Or, cette procédure n’est pas réciproque
: en d’autres termes,
seuls les laboratoires français
livrent des idées à la communauté mondiale des chercheurs, ouvrant la possibilité à ce que ceux
qui ne sont pas retenus par l’ANR soient exploités par des États étrangers.
Cette dissymétrie
interroge au regard des enjeux de souveraineté. Une manière de répondre à cela serait de limiter
la précision des informations transmises aux comités de pré-sélection.
Recommandation n°10 (MESR, SGDSN, 2025) Encadrer les activités des personnels
de recherche après leur radiation des cadres, et plus largement des personnels en
contact avec les laboratoires, dans une logique de protection du potentiel scientifique
et technique de la France.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
64
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Avec 2,865
Md€
de masse salariale soit 72 % des crédits engagés en 2023, les
ressources humaines constituent le principal poste de dépenses du CNRS. Deuxième opérateur
de l’
État
en termes d’effectifs
derrière France Travail avec plus de 34 000 agents, le CNRS fait
face à un triple enjeu : l
’attractivité des chercheurs, en particulier des profils à haut potentiel
dans les champs de recherche les plus stratégiques pour la France et, partant, les plus
concurrentiels au niveau international ; le maintien des compétences sur les missions de
soutien à la recherche qui jouent un rôle décisif dans la capacité à remporter des appels à
projets pourvoyeurs en ressources propres, mais qui font face à d’importantes difficultés de
recrutement ; le renouvellement des effectifs dans un contexte de vieillissement.
Pour y répondre, le CNRS
s’est saisi
des outils créés par la LPR pour renforcer son
attractivité (augmentation du régime indemnitaire des chercheurs, mise en place de dotations
de démarrage pour les chercheurs, modalités de recrutement dérogatoire pour attirer des
talents)
et a récemment mis en place d’autres mesures (primes pour les agents gestionnaire,
souplesses dans les recrutements). Pour autant, ces mesures sont extrêmement coûteuses et
doivent être conciliées avec l’impé
ratif de maîtrise de la masse salariale qui a connu une
dynamique très significative ces dernières années et qui devrait encore augmenter de manière
importante dans les années à venir sous l’effet des revalorisations décidées par la loi de
programmation de la recherche. En outre, elles sont encore peu ciblées. Enfin, le renforcement
des moyens consacrés aux personnels ne peut permettre de faire l’économie d’une réflexion sur
la mutualisation de certaines missions de soutien à la recherche.
Ainsi, le CNRS et ses tutelles devraient
partager une vision plus claire de l’évolution de
la masse salariale et des effectifs et y adosser une véritable planification des ressources
humaine
s cohérente avec les priorités scientifiques de l’établissement. Ce travail
permettrait
de cibler les moyens complémentaires par exemple en différenciant les dotations d’amorçage
en fonction des coûts propres à chaque discipline, ou en fléchant les dispositifs dérogatoires
sur les champs de recherche où la concurrence internationale est la plus rude. En outre, la
simplification des procédures et la mobilisation des ressources propres devrait aussi permettre
de mieux accompagner la recherche, pour lesquelles des regroupements devraient aussi être
encouragés par exemple sur l’expertise en m
atière de contrats européens. Enfin, les dispositifs
permettant de mieux protéger le potentiel scientifique national devraient être renforcés.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
65
3
UN « FARDEAU ADMINISTRATIF » POUR LES CHERCHEURS
A REDUIRE
3.1
Un « fardeau administratif » bien réel et en augmentation
depuis quelques années
3.1.1
Cette question est décrite comme une difficulté majeure dans plusieurs
rapports récents et dépasse le seul cas du CNRS
Le CNRS a bénéficié d’une évaluation du HCERES en 2023. La question du «
fardeau
administratif » y est évoquée dans des termes sévères : «
Le fardeau administratif est trop lourd
à tous les niveaux. De plus, la direction générale du CNRS ne semble pas apprécier à sa juste
mesure le profond niveau de frustration qui règne dans l’ensemble du système. Il existe un
contraste frappant entre les efforts déployés pour accroître l’agilité du transfert de technologie
et
le manque
d’engagement
apparent
pour
remédier d’urgence
aux
inefficacités
administratives. Le personnel administratif est soumis à une pression croissante en raison du
manque de ressources, de la complexité des procédures et du taux de renouvellement élevé.
Dans de nombreuses unités de recherche, l’insuffisance du soutien administratif et technique,
ainsi que les dysfonctionnements des structures administratives entravent le travail quotidien
et constitue un risque à long terme pour le système. »
Il ne faut pas pour autant en conclure que le « fardeau administratif » constitue une
spécificité du CNRS car nombre de ces aspects concernent l’ensemble de l’écos
ystème de la
recherche publique française.
Ainsi le rapport de la mission sur l’écosystème de la recherche et
de l’innovation
,
remis à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche le 15 juin
2023 (connu sous le nom de « rapport Gillet ») consacre cinq de s
es 14 propositions à l’objectif
«
Simplifier pour donner plus de temps et de sens à la recherche
». Ainsi, les fortes tensions
sur le marché du travail qui compliquent le recrutement et la fidélisation du personnel
administratif est un sujet national (
cf.
partie 2). Pour autant, dans les 1 130 unités de recherche,
le CNRS fournit 47 % des personnels ingénieurs et techniciens pour seulement 20 % des
chercheurs, post-doctorats et doctorants : il déploie donc davantage de moyens, notamment
administratif, pour appuyer les chercheurs que ne le font les autres partenaires, notamment
universitaires. Enfin, le CNRS intervient dans un cadre contraint où certaines mesures de
simplification nécessitent l’intervention de sa tutelle, voire des évolutions du
cadre juridique.
Pour autant, le « fardeau administratif » peut aussi avoir certains aspects spécifiques au
CNRS, notamment en lien avec son organisation qui est nécessairement complexe avec 1 130
unités de recherche et plus de 34 000 agents. Cela a ainsi conduit le conseil scientifique du
CNRS à consacrer un de ses rapports aux «
entraves administratives
» en mai 2023. Ce rapport
dresse aussi un constat sévère «
une exaspération croissante à l’encontre d’un alourdissement
régulier du cadre administratif
» et pointe le «
malaise des délégation régionales
» qui, dans
l’organisation matricielle du CNRS, jouent un rôle clé pour le suivi et le soutien administratif.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
66
3.1.2
Le « fardeau administratif
» s’aggrave depuis plusieurs années dans plusieurs
domaines (appels à projets, gestion publique, organisation)
Loin de rester inactif, le
CNRS s’est employé à mieux cerner les réalités qui recouvrait
le « fardeau administratif
», afin de pouvoir identifier les mesures de simplification qu’
il peut
prendre à son niveau et cel
les qui nécessitent l’appui de ses tutelles. Ce travail de diagnostic
s’appuie sur de nombreuses remontées interne, mais aussi sur des consultations plus larges des
agents, comme celle conduite à l’automne 2023 avec l’aide d’un l’institut de sondage. Les
14
324 réponses reçues confirment l’existence d’un problème de «
fardeau administratif ».
Ainsi, seuls 28 % des agents estiment bonne ou excellente «
l’organisation et le mode de
fonctionnement du CNRS »,
chiffre qui tombe à 13
% quand il s’agit d’apprécier
si «
on réussit
à simplifier les processus et les organisations pour gagner en efficacité
». Il s’agit de réponses
émanant d’agents très attachés au CNRS avec un chiffre qui atteint 68
% pour l’assertion «
si
c’était à refaire, je postulerai à nouveau au
CNRS
» et 72
% pour l’assertion «
nous travaillons
dans une ambiance de travail positive et stimulante
».
Dans le cadre du contrôle, la Cour a également sondé via un questionnaire 24 unités de
recherche liées au CNRS, parmi les plus grandes, ce qui représente environ 8
% de l’effectif de
l’ensemble des unités de recherche liées au CNRS. La synthèse des réponses est présentée en
annexe n°4 du présent
rapport. L’existence d’un «
fardeau administratif » excessif est
confirmé : il consommerait en moyenne 20 % à 30 % du temps des chercheurs, chiffre moins
élevé pour les jeunes chercheurs (5 %) mais pouvant atteindre 70 % à 80 % pour les directeurs
d’unités. Ce concept recouvre à la fois la charge administrative liée aux appels à projets des
contrats de recherche, les contraintes inhérentes à la gestion publique dans le domaine des
achats, des frais de mission et des ressources humaines et des éléments liés à l’organisation,
notamment dans sa dimension liée aux systèmes d’information et au soutien administratif
des
UMR. Les réponses confirment également que le problème ne se limite pas au seul CNRS,
qu’il
concerne l’ensemble de l’écosystème de recherche nationale et qu’il tend à s’accroître depuis
quelques années.
3.1.2.1
La charge administrative des appels à projets des contrats de recherche est en
augmentation depuis le début de la décennie 2020
Le système des appels à projets, consistant à candidater pour obtenir un financement via
un contrat de recherche, constitue une charge administrative importante pour les chercheurs. Il
s’agit, d’une part, de préparer les dossiers de candidature
,
dans un contexte où le succès n’est
pas garanti, même si le taux de succès en 2023 de 20,6 % pour le CNRS pour les projets
européens du conseil européen de la recherche et de 24,3 % au niveau national pour les projets
de l’
ANR sont supérieurs
à ce qui était observé au cours de la décennie précédente. Il s’agit,
d’autre part, d’assurer le suivi administratif et scientifique du contrat, pour pouvoir justifier de
l’utilisation des fonds, parfois plusieurs années après, dans le cadre d’audits qui peuvent être
assez intrusifs
s’agissant
de financements européens.
Cette charge administrative a augmenté depuis le début de la décennie 2000 du fait de
l’augmentation du nombre des appels à projets, lui
-même fruit de la volonté des pouvoirs
publics de consacrer davantage de moyens financiers à la recherche. Ainsi, en France, la loi de
programmation pluriannuelle de la recherche de décembre 2020 a prévu l’augmentation des
moyens de l’
ANR qui a pu ainsi la
ncer davantage d’appels à projets et augmenter le taux de
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
67
succès. Dans le même esprit, le programme pluriannuel Horizon Europe, qui couvre la période
2021-
2027 est doté d’un budget en croissance par rapport à son prédécesseur Horizon 2020.
Même si certains chercheurs estiment que ce système est inadapté pour les petits projets
et réclament une augmentation de la subvention d’État des unités de recherche pour leur garantir
une autonomie scientifique, il n’existe pas de volonté réelle de remettre en cause le
système des
appels à projets qui est devenu la norme au niveau international.
L’alternative serait en effet
une allocation discrétionnaire des crédits aux unités, elle-
même suivie d’une allocation
discrétionnaire par les directeurs
d’unités aux chercheurs,
système autrefois qualifié de
« mandarinat
» qui n’a pas laissé que des bons souvenirs. Il convient donc d’étudier comment
il est possible de diminuer la charge administrative dans le cadre des appels à projets et de
renforcer l’appui administratif des ch
ercheurs.
3.1.2.2
La charge administrative liée à la gestion publique du CNRS augmente également,
particulièrement dans le domaine des frais de missions
Le CNRS est un établissement public à caractère scientifique et technique (EPST), ce
qui implique que les règl
es de la gestion publique s’imposent à lui. Dans le domaine des achats,
cela implique le respect des règles de la commande publique (publicité et mise en concurrence
au-
delà d’un certain seuil,
etc.
) et de la gestion budgétaire et comptable (séparation entre
l’ordonnateur et le comptable, principe d’annualité budgétaire,
etc
.). Dans le domaine des frais
de mission, souvent nombreuses et concernant directement les chercheurs, cela implique
d’appliquer des dispositions interministérielles en matière de barème
s et de justificatifs et de
respecter les règles de la commande publique (marché pour les transports,
etc.
). Dans le
domaine des ressources humaines, cela implique de donner la primauté au recrutement des
fonctionnaires (via concours ou mobilité), d’appliq
uer une politique de rémunération contrainte
par les statuts et de disposer de modalités de recrutement des contractuels assez rigides.
Cette charge administrative constitue une contrainte croissante dans le domaine des
achats, le coût de certains équipements de recherche augmentant fortement du fait des
évolutions technologiques :
c’est notamment le cas pour CNRS Terre & Univers et pour CNRS
Biologie
, ce qui crée des contraintes en termes de mise en concurrence et d’annualité
budgétaire. Il en est de même au niveau des ressources humaines, où les modalités de gestion
publique nuisent à l’attractivité de l’offre du CNRS par rapport à celle du marché,
particulièrement sur les métiers en tension, notamment certaines fonctions techniques et
administratives sur
certains bassins d’emplois.
Pour autant, le CNRS n’envisage pas de transformations de son statut juridique comme
l’adoption de celui d’établissement public industriel et commercial (EPIC) dont disposent le
centre national d’études spatiales (CNES) et le commissariat à l’énergie atomique et aux
énergies alternatives (CEA). Au demeurant, le mode de financement du CNRS qui repose
aujourd’hui très majoritairement sur une subvention de l’
État et sur des ressources provenant
d’appels à projet publics et très peu
sur des financements d’origine privée (112 M€ en 2023
,
soit 12 % des ressources propres et moins de 3 % des ressources totales du CNRS) ne va pas
dans le sens de la qualification d’EPIC. D’ailleurs, le CNRS reste attaché à un mode de
financement public et
n’est pas prêt à adopter le modèle économique des instituts
Fraunhofer
allemand, dont le budget provient seulement pour 1/3 des subventions publiques, les deux autres
tiers étant apportés par les financements d’entreprises et les contrats de recherche.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
68
D
ès lors, il convient d’étudier ce qu’il est possible d’ajuster et de simplifier
à statut
constant
, à commencer par le domaine des frais de missions. En effet, c’est
dans ce domaine
que l’augmentation de la charge administrative est la plus spectaculaire de
puis 2019, comme
l’expose l’encadré ci
-après.
L’invraisemblable charge administrative liée aux frais de missions au CNRS
Le cas des frais de missions au CNRS constitue un bon exemple de ce qu’il convient d’éviter
de faire en gestion publique.
En 2019, la réécriture malheureuse, par le décret n° 2019-139,
de l’article 3 du décret
n° 2006-
781, fixant les conditions et les modalités de règlement des frais occasionnés par les
déplacements temporaires des personnels civils de l’État a
impliqué, pour le CNRS, la nécessité
de produire l’ensemble des pièces justificatives des repas, bien que ceux
-ci soient remboursés
au forfait. A
uparavant, la production de la justification des frais d’hébergement et de transport
suffisait à établir la durée de la mission pour déclencher le forfait. Il en est résulté un million
de pièces justificatives supplémentaires par an, sans aucune valeur ajoutée pour le contrôle,
mais créant une augmentation bien réelle de la charge administrative.
En 2023, voulant
dématérialiser l’ensemble
du processus des
frais de missions, le CNRS s’est
lancé dans un projet informatique qui a été mal conduit sur les systèmes Étamine, Notilus et
Goelett. Lors de la bascule le 10 juillet 2023, le nouveau système s’est avéré inopérant, avec
une impossibilité d
’y accéder. De nombreux bugs ont ensuite rapidement été identifiés et n’ont
pu être corrigés que plus de deux mois plus tard, à partir du 18 septembre 2023, en raison des
carences du prestataire, malgré la mobilisation du CNRS sur ce sujet. Les actions visant à rendre
ce nouveau système pleinement opérationnel, ce qui suppose des évolutions de son paramétrage
et de son
ergonomie se sont poursuivies jusqu’en 2024. C’est évidemment très pénalisant pour
les chercheurs pour qui les missions constituent une partie importante du travail, comme par
exemple pour CNRS Mathématiques dont les colloques sont réalisés en grande partie pendant
la période estivale.
Le 23 avril 2024, il a fallu que le Premier ministre lui-même se saisisse de cette question lors
du 8
ième
comité interministériel de transformation publique, pour annoncer la fin prochaine des
justifications des frais de repas pour les chercheurs, mesure qui
a été mise en œuvre par le
décret
du 8 juillet 2024.
Outre la question des justificatifs d’autres critique
s ont été exprimées sur la politique de
remboursement des frais de mission au CNRS
et mériteraient d’être traitées dans la mesure du
possible:
- les barèmes pour le remboursement forfaitaire ne reflètent pas la réalité des coûts. Si
les barèmes sont jugés insuffisants dans un nombre limité de cas (capitales internationales), ils
sont généralement supérieurs aux besoins. Les frais de mission contrôlés dans les UMR ont
montré que les chercheurs sollicitent très fréquemment un remboursement inférieur au forfait,
sur la base des frais réels ou en sous-déclarant le nombre de jours de
mission afin d’économiser
les crédits de leurs contrats de recherche. Or, la circulaire du CNRS sur les frais de mission ne
prévoit pas cette faculté au demeurant pertinente. Une évolution devrait être envisagée pour
permettre de procéder soit au remboursement au réel
s’il est inférieur au forfait
, soit à un
remboursement forfaitaire inférieur, pouvant être fixé
par le directeur d’unité
, ce qui pourrait
nécessiter une évolution règlementaire ;
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
69
- pour
un hébergement en chambre d’hôte, gîte ou meublé de tourisme
, parfois plus
économique que
l’hôtel
, le CNRS demande que soit vérifiée
le fait que l’hébergement est
couvert par une assurance responsabilité civile, ce qui est souvent compris comme la nécessité
de fournir
une copie de l’attestation d’assurance du bien
, formalité très difficile à satisfaire ;
- les
marchés d’hébergement ou de transport, commun au CNRS et à l’AMUE,
manquent de souplesse ;
- le régime des invitations de chercheurs étrangers est beaucoup plus rigide que ce qui
se pratique à l’étranger
. Ainsi, un chercheur invité au CNRS devra fournir les justificatifs de
frais de repas s’il souhaite se faire rembourser
et
le recours au marché national d’hébergement
proposera des hôtels situés hors des centres-villes
. L’instruction de juillet 2023 permet de
déroger, mais seulement sur décision expresse du président du CNRS, la lourdeur de la
procédure étant en soi assez dissuasive. Certains chercheurs von
t même jusqu’à mentionner un
« sentiment de honte
» quant aux conditions d’accueil de leurs collègues étrangers par rapport
à celles réservées aux chercheurs français quand ils se déplacent. Une politique spécifique
pourrait utilement être mise en œuvre pour les invitations en donnant
plus de marges de
manœuvre au directeur d’unité
, voire en prévoyant une dotation forfaitaire unique remise au
chercheur étranger, charge à lui de procéder aux réservations et dépenses selon ses besoins et
préférences. Cela nécessite des évolutions règlemen
taires, proposées d’ailleurs par le CNRS.
3.1.2.3
La charge administrative liée à l’organisation de la gestion des
UMR est également
en croissance
Les UMR
sont des entités dont la gestion administrative est complexe. S’y côtoient en
effet des agents provenant de différents partenaires (CNRS, universités, autres organismes de
recherche) qui travaillent grâce aux subventions d’État et aux
ressources propres, notamment
celles des contrats de recherche. Il en résulte une variété de règles, propres à chaque financeur,
à respecter dans pour la gestion comptable et budgétaire et dans le domaine des ressources
humaines, ainsi que multiples comptes-rendus
à réaliser avec des systèmes d’information non
uniformisés et non interfacés entre eux. Dans le cas du CNRS, la complexi
té de l’organisation
matricielle concourt inévitablement à l’importance
de la charge administrative.
Plus généralement, la complexité de l’écosystème de la recherche en France conduit à
des modalités différentes de gestion selon les unités de recherche. Certaines ont adopté le
système de la délégation globale de gestion
: par convention, les partenaires s’entendent pour
déléguer la gestion budgétaire et les achats
de l’unité
à l’un d’entre eux sur un périmètre
plus
ou moins large. Il y a ainsi des unités en délégation globale de gestion au CNRS, tandis que
d’autres sont en délégation globale de gestion à une université ou à un autre organisme de
recherche. Le système alternatif consiste à laisser le choix des modalités de gestion au directeur
de l’unité, con
trat par contrat, les modalités propres à chaque partenaire restant utilisées pour
la subvention d’État.
Cette charge administrative est également en croissance sous le double effet de la
pression du marché sur certaines spécialités de personnels administratifs qui rend leur
recrutement et leur fidélisation complexe et de l’augmentation
du nombre de contrats de
recherche. Elle n’a pu être réduite par la mise en place d’un système d’information unifié, après
l’abandon décidé en 2019 du projet SI Labo
(
cf.
partie 4.2)
, sans qu’aucune solution alternative
n’ait été
proposée à ce stade.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
70
Pour autant, il y a un attachement fort au maintien de l’organisation actuelle en lien avec
le CNRS. Ainsi, dans les réponses au sondage (
cf.
annexe n°4), la proposition de doter les UMR
de la personnalité juridique est de loin celle qui fait le moins recette. Il convient donc là-aussi
d’examiner quelles mesures de simplification, de meilleur partage de l’information et
d’homogénéisation des processus sont envisageables dans le cadre de l’organisation
actuelle
des UMR. De ce point de vue, il paraît illusoire de relancer à court terme un grand projet
informatique du type SI labo avec des chances raisonnable de succès (
cf.
partie 4.2) sans avoir
auparavant simplifié et harmonisé les procédures. En revanche, accroître le périmètre des
délégations globales de gestion à tous les crédits et tendre vers la généralisation de ce système,
comme cela est expérimenté dans la région de Marseille) et comme le souhaite le CNRS peut
constituer une solution pragmatique pour réduire la charge administrative dans les UMR, qui
appliqueraient ainsi un seul jeu de procédure avec un seul système d’information. Cela suppose
bien entendu un accord entre les tutelles des UMR pour désigner parmi elle la mieux placée
pour exercer la délégation globale de gestion. Dans la réponse à la contradiction, le CNRS
relève néanmoins que cette formule suscite une faible appétence de la plupart des universités,
même si son potentiel en termes de simplification de la gestion est fort. Pour autant, la
simplification de la gestion des UMR demeure une nécessité, comme le soulignait la Cour dans
sa note structurelle consacrée à l
’enseignement supérieur d’octobre 2021
19
.
Recommandation n°11 (CNRS, MESR, 2025) Promouvoir la généralisation des
délégations globales de gestion dans les UMR et étendre leur périmètre à l’ensemble
des crédits (subvention d’État et ressources propres).
3.1.3
Les comparaisons internationales indiquent que la question du « fardeau
administratif » est moins prégnante ailleurs
En s’appuyant sur les postes diplomatiques à Washington, Londres, Berlin et Rome
ainsi
que
sur la représentation permanente auprès de l’Union européenne, des comparaisons
internationales centrées sur la question du « fardeau administratif » ont été effectuées par la
Cour. Leur résultat est présenté en annexe n°5. Il montre que ce fardeau est une préoccupation
partagée qui conduit à la mise en place de plans de simplification. Pour autant, les Etats-Unis
et le Royaume-
Uni disposent d’un environne
ment de recherche qui les expose moins au
« fardeau administratif » car il est caractérisé par une grande confiance accordée aux chercheurs
qui disposent d’une large autonomie pour conduire leurs
travaux
, charge à eux d’être
compétitifs pour obtenir les financements nécessaires via les appels à projet. En outre, le
Royaume-Uni a beaucoup progressé dans les mesures de simplification, à la suite du rapport
Tickell en 2021. Par ailleurs, même si le « fardeau administratif » est prégnant en Allemagne,
du fait n
otamment de retards dans les programmes de digitalisation qui impliquent l’usage de
nombreux formulaires papiers, l’organisation de la recherche
outre Rhin laisse une large place
aux personnels administratifs et aux assistants de recherche dont la fonction est de décharger
autant que possible des chercheurs des tâches administratives.
Les mesures prises à l’étranger pour tenter de réduire le
« fardeau administratif » des
chercheurs peuvent constituer une source d’inspiration pour les décideurs publics franç
ais. Les
19
Cour des comptes,
Les Universités à l’horizon 203
0, plus de libertés, plus de responsabilités
, octobre 2021.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
71
principales concernent
le soutien administratif aux chercheurs, l’harmonisation et la
simplification des procédures de gestion et le plus grand recours aux systèmes d’information.
En outre
, la capacité à décharger les chercheurs d’une partie du fa
rdeau, en leur assurant le
soutien de personnels administratifs constitue un élément clé. Aux Etats-Unis, la
Defense
Advanced Research Programme Agency
(DARPA), réputée notamment pour épargner aux
chercheurs le « fardeau administratif »
, dispose ainsi d’un
e centaine de personnels spécifiques
au soutien administratif. En Italie, des bureaux internationaux ont été mis en place pour
accompagner les chercheurs dans les candidatures et la gestion des appels à projets européens.
Par ailleurs, les exigences croissantes non harmonisées des financeurs pour les appels à
projets constitue une source non négligeable de « fardeau administratif », tant pour les
candidatures que pour la gestion des contrats. Le Royaume-
Uni s’est lancé dans une action
volontariste d’harmonisation et de simplification des procédures, allant jusqu’à envisager des
mécanismes d’auto
-certification dans la phase de gestion, toujours dans un contexte de grande
confiance accordée aux chercheurs. L’Union Européenne a également souligné dans son
évaluation
ex post
du programme Horizon 2020 publiée le 29 janvier 2024 l’importance du
« fardeau administratif », qui consommerait à lui seul 5 % des financements pour la conception
des programmes de recherche, l’examen des candidatures et le contrôle de la g
estion, activités
qui occupe, outre la direction générale compétente, plusieurs agences créées à l’occasion ainsi
que de nombreux prestataires externes. La simplification est ainsi un des axes de travail retenu
par la Commission européenne, ce qui s’est no
tamment traduit, à partir de 2024, par la mise en
place de financements au forfait (de type «
lump sum
») permettant de réduire les justificatifs
a
posteriori
à produire, ainsi que par le lancement d’un projet visant à harmoniser les procédures
des différe
nts financements européens. Ce type d’évolutions pourrait être mises à l’étude par
exemple pour les financements français de l’
ANR. En outre
, disposer d’un système
d’information performant pour collecter et analyser les données, voire pour faciliter les
candidatures regroupant plusieurs partenaires constitue un axe fort des actions engagées au
Royaume-Uni. Enfin
, l’Italie a créé avec l’Institut italien de technologie une structure de droit
privé qui échappe aux règles contraignantes de la gestion publique e
n matière d’achats et de
ressources humaines.
3.2
Des mesures de simplification encore insuffisantes et
nécessitant l’appui de la tutelle dans certains cas
La direction générale du CNRS a entrepris depuis plusieurs années un travail de mise
en œuvre de mesures de simplification dans les domaines qui dépendait d’elle et a, à maintes
reprises, sollicité l’appui de la tutelle sur d’autres aspects, sans toujours recevoir le soutien
souhaité. Le résultat de ces actions peut être examiné pour chacun des grands domaines qui
concourent au « fardeau administratif » : les appels à projets, la gestion publique et
l’organisation.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
72
3.2.1
Pour les appels à projets, le CNRS les limite
lorsqu’il le p
eut, a
méliore l’appui
administratif au montage des dossiers et soutient les financements forfaitaires
Pour les programmes et équipements prioritaires de recherche (PEPR) dont le pilotage
scientifique et l’allocation des ressources financière ont été confiés au CNRS, il a été décidé de
limiter les appels à projets, en considérant que l’écos
ystème de recherche animé par le CNRS
était suffisamment connu pour identifier quelles unités seraient les mieux à même de travailler
sur ces projets. Dans le même esprit, le CNRS a milité auprès du secrétariat général pour
l’investissement pour augmenter
la part des projets ciblés.
Pour faciliter le montage des dossiers administratifs, le CNRS a généralisé à partir de
2012 l’utilisation de l’outil Webcontrat qui avait été développé par la
DR de Montpellier. Cet
outil permet aux laboratoires de disposer d’une vision instantanée de l’avancement des projets
et articule les volets contractuels, financiers et ressources humaines des projets. Il est interfacé
avec le système d’information financier du CNRS depuis 2016 et plus récemment, un module
d’aide au montage des projets de l’ANR et du conseil européen de la recherche a été développé.
Ainsi, 7 000 projets ANR et 450 projets européens ont été montés avec cet outil. En 2024, il est
prévu de déployer de nouveaux modules pour les projets collaboratifs.
Tirant pro
fit des évolutions récentes des projets européens qui permet d’allouer une
partie du financement au forfait («
lump sum
»)
et concerne la moitié des projets d’Horizon
Europe en 2024, le CNRS a réduit les justificatifs demandés en supprimant les feuilles de temps
sur ces projets.
Le président du CNRS a envoyé le 15 mars 2024 une lettre conjointe à l’ANR,
avec ces homologues de
l’INSERM et de l’Institut national pour la recherche pour l’agriculture,
l’alimentation et l’environnement (INRAE), pour demander à ce
que ce type de financement
forfaitaire soit également étendu en France, au titre des mesures de simplification. Enfin, le
CNRS a mis en place en 2023 un plan triennal de la tarification auditable pour élargir le champ
des dépenses de facturation interne éligibles aux différents financeurs.
L’accompagnement des chercheurs pour le montage et le suivi des contrats de recherche
est aussi plus développé que ce qui existe ailleurs, notamment dans les universités. Au-delà de
l’outil Webcontrat, le CNRS fournit davantage que ses partenaires de personnels d’appui,
notamment les ingénieurs de projets européens. Pour les mesures plus récentes, notamment
l’encouragement des financements au forfait, il est trop tôt pour mesurer les effets. Il est
possible d’en attendre r
aisonnablement une diminution de la charge administrative en aval,
puisque cela implique qu’il y aura moins de pièces administratives à présenter au financeur. Il
faudra néanmoins rendre compte de l’avancement scientifique des projets,
mais cela fait partie
du travail des chercheurs. Enfin, cela nécessite une très grande rigueur en amont, dans le
montage des dossiers de candidature, pour chiffrer précisément les coûts, afin d’éviter qu’un
financement forfaitaire, sur lequel on ne pourra pas revenir ultérieu
rement, n’ait pour
conséquence un contrat en perte à la fin de son exécution.
3.2.2
Pour la gestion, le CNRS propose des mesures de simplification, promeut une
organisation souple et déconcentrée et mise sur le numérique
Le CNRS propose régulièrement des mesures de simplification au ministère de
l’enseignement supérieur
et de la recherche. Le dernier document consolidé préparé dans cette
optique en juin 2023 comporte des propositions de simplification du cadre réglementaire : fin
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
73
de l’obligation de produire les
justificatifs des repas pour les frais de mission, suppression du
seuil de six ans pour les contrats à durée indéterminée de missions
qui empêche d’utiliser ce
régime pour les projets de recherche plus long, alignement du régime juridique des achats sur
celui des EPIC
20
, dispense de publication des données essentielles d’un marché public concerné
par la protection du potentiel scientifique et technique de la Nation,
etc
. Toutefois, la prise en
compte de ces propositions par les tutelles est parfois lente : le besoin de consolidation des
données financières des unités de recherche est identifié depuis au moins le
rapport d’Aubert
d’avril 2008, mais n’est toujours pas rempli
et faisait encore l’objet
de la recommandation n°7
du rapport Gillet en 2023.
Le CNRS essaye de promouvoir une organisation aussi souple et déconcentrée que
possible dans le cadre des règles de gestion publique applicable. En 2016, il a fait valider par
ses tutelles le principe des AGD dès que le contrat de recherche est signé, sans avoir à attendre
le versement des fonds. Cela répond à un besoin spécifique des projets qui nécessitent souvent
que l’équipement nécessaire soit acquis dès le lancement de la recherche
et que les crédits
puissent ensuite être mobilisés au cours des travaux sans se donner
a priori
de calendrier trop
contraignant. Depuis les années 1990, le CNRS
dispose d’une
organisation déconcentrée,
impliquant des délégations étendues de pouvoir et de signature aux délégués régionaux qui sont
ordonnateurs secondaires et ont auprè
s d’eux
les agents comptables secondaires, ainsi que des
délégations de signature aux directeurs d’unités. Le CNRS a obtenu en 2015 le statut de centrale
d’achat ce qui lui permet de faire bénéficier
164
partenaires des marchés qu’il conclut.
Le CNRS mise enfin sur la numérisation avec un accent mis sur la dématérialisation :
bulletins de salaires depuis 2021, campagnes de recrutement, de mobilité, de promotion et
d’évaluation depuis 2018
(outil Ariane), chaîne de dépense (outils Webcontrat, GESLAB et
BFC), signature électronique depuis 2021,
etc
. En 2020, le CNRS a été lauréat d’un appel à
projet interministériel de simplification avec son projet «
User first
», ce qui permet de financer
divers projets comme le cloud recherche sécurisé (première version en 2023), le portail RH
(première version en 2021) et l’outil d’aide au montage des contrats de recherche. Néanmoins,
ces projets de numérisation présentent par nature des risques, pouvant conduire, s’ils sont mal
conduits, à une aggravation du « fardeau administratif », comme cela été le cas pour le projet
de dématérialisation des frais de mission en 2023.
3.2.3
Pour l’organisation, le CNRS travaille à l’attractivité des talents, à la
mutualisation et promeut la délégation globale de gestion pour les UMR
Conscient du fait que la vacance de certains postes administratifs, combinée avec une
rotation élevée des personnels dans un contexte de marché de travail très concurrentiel, est
susceptible d’accroître le
« fardeau administratif » par dégradation de la qualité du soutien, le
CNRS a fait de l’attractivité et de la fidélisation des talents une de ses priorités principales
20
En tant qu’EPST, le CNRS est actuellement soumis à un double régime pour ses achats
: le régime général des
établissements publics administratif à titre principal (avec notamment une obligation
de publication d’un avis de
marché national (payant) en application de l’article R2131
-12 du code de la commande publique) et des procédures
allégées comme celle des EPIC pour les achats destinés à la conduite de leur activité de recherche (avec dispense
de publication de cet avis national payant). Contrairement aux EPIC, il reste dans les deux cas soumis aux règles
d’exécution financière des marchés, notamment l’article R2191
-1 du code de la commande publique avec
obligation de proposer des avances aux prestataires. Aligner les règles des EPST sur celles des EPIC apporteraient
à la fois de la simplification et des économies de publications qui coûtent au CNRS 5,5 M€ HT par an.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
74
(
cf.
partie 2 du rapport). Sur le plan organisationnel, cela se traduit par une réorganisation de la
direction des ressources humaines en 2023, par processus et non plus par catégorie de
personnels avec une attention accru à ce qui peut être amélioré, par exemple en termes de délais
de recrutement des contractuels. Sur le plan financier, le CNRS a déployé à compter du 1
er
juillet 2024 une prime d’attractivité de 150€ brut par mois pour l’ensemble des agents des
fonctions support. Il a également mis en place récemment plusieurs dispositifs non salariaux,
comme le plan attractivité de 2022 qui met l’accent sur le pré
-recrutement via les stages et
l’appr
entissage, le dispositif de télétravail qui a été actualisé en 2023, le plan managérial de
2020 mettant l’accent sur la formation des encadrants, l’identification des «
7 gestes
professionnels » dans les fonctions support, qui expose comment exercer les métiers support
transverses dans une optique de facilitation de l’activité scientifique. L’essentiel de ces
dispositifs étant récents, il est trop tôt pour apprécier s’ils porteront leurs fruits, mais ils
témoignent d’une volonté de traiter le sujet. Pour les fonctions support, l’attractivité du CNRS
repose davantage sur le prestige de sa marque employeur qui permet aux agents des fonctions
support de facilement se reconvertir ailleurs que sur sa politique de rémunération, compte tenu
de la concurrence du sec
teur privé et des collectivités locales. Il faut donc s’attendre à attirer
plutôt des agents en début de carrière qui connaîtront un taux de rotation élevé, d’où la nécessité
de pouvoir rapidement les intégrer et les rendre opérationnels sur leurs fonctions.
Le CNRS cherche aussi à optimiser son organisation matricielle en mutualisant les
compétences rares. La mutualisation naturelle est assurée au niveau des DR, avec le concours
du siège
, ce qui leur permet d’apporter un soutien administratif aux unités de
recherche. Ainsi,
fin 2023, chaque DR a formalisé une offre de services à destination des laboratoires aux termes
de groupes de travail conduits avec les unités de recherche. Au-delà, le CNRS a développé
d’autres mutualisation au niveau national, comme l’illustre l’existence d’une cellule nationale
d’appui aux opérations complexes pour les projets immobiliers et avec des partenaires, comme
en témoigne les cellules communes d’appui au montage des projets européens mise en place
avec Aix Marseille Université (cette expérimentation
mériterait d’être étendue).
Enfin, le CNRS
est favorable à l’extension
la délégation globale de gestion pour les
UMR, afin qu’elles n’aient qu’un seul établissement gestionnaire. Il a l’intention, sous réserve
de l’accord des tutell
es, de concentrer ensuite son allocation de moyens humains et financiers
sur les UMR dont la délégation globale de gestion aura été confiée au CNRS.
3.3
D’autres mesures pourraient être mises à l’étude par le
CNRS et sa tutelle en partant des besoins des chercheurs
Le CNRS a tout intérêt à tirer parti de l’excellence de ses chercheurs, de leur
connaissance fine de leurs difficultés administratives au quotidien et de leur attachement au
CNRS pour leur demander de
remonter les difficultés administratives qu’ils
jugent les plus
pénalisantes et à les traiter en priorité. Certes, il appartient ensuite à la direction générale du
CNRS d’apprécier ce qui est souhaitable et ce qui est réalisable en fonction du cadre contraint
dans lequel il évolue, de sa stratégie et de ses moyens. En outre, nombre de mesures de
simplifications nécessitent l’intervention et l’appui de la tutelle, voire des évolutions du cadre
juridique. Néanmoins, le contexte actuel paraît favorable à cette démarche. En effet, au niveau
national, le sujet du « fardeau administratif » des chercheurs a été mis en lumière par des
rapports récents (rapport Gillet et évaluation du HCERES en 2023
) et suscite l’attention au plus
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
75
haut niveau de l’État
. Par ailleurs, au niveau européen, les négociations qui vont s
’engager en
2025 pour définir le prochain programme européen qui succèdera à Horizon Europe
comporteront un important volet consacré à la simplification.
Dans ce cadre, il paraît souhaitable que le CNRS mette à l’étude les propositions qui
sont remontées via le questionnaire adressé à 24 unités de recherche dans le cadre du contrôle
(
cf
. annexe n°4). Cela permet de mieux comprendre la perception des chercheurs et par
exemple, de réaliser que le « tout numérique
» n’est pas toujours perçu comme la solution.
En
outre, certaines mesures proposées paraissent
aisées à mettre en œuvre (par exemple, celle
consistant à renforcer les liens avec les préfectures pour accélérer les recrutements des
étrangers
21
). D’autres sont beaucoup plus ambitieuse
s (par exemple celles relatives aux contrats
de recherche visant à adopter un règlement financier unique pour l’ensemble des financeurs
régionaux, nationaux et européens, uniformiser et simplifier les règles et des formats de
justification financière des projets (formulaires, calendriers), a
ssouplir les règles d’éligibilité
des dépenses et réduire les justificatifs demandés notamment pour les forfait) mais le contexte
national et européen évoqué plus haut offre l’occasion d’obtenir des avancées. Enfin, certaines
mesures réclamées pour alléger les demandes de justificatifs et le poids des audits, peuvent
utilement être reliées à des actions déjà prévues par le CNRS comme l’exercice de comparaison
initié en 2024 entre la norme et la pratique des gestionnaires en DR et en unité, pour vérifier
l’absence d’ajout inutile, en particulier pour les pièces justificatives.
En complément, les tutelles devraient faire évoluer la réglementation pour autoriser la
prise en charge des adhésions des chercheurs aux sociétés savantes. En effet, celle-ci revêt
aujourd’hui un caractère personnel qui n’autorise pas l’administration à en rembourser le coût
et ce alors même que les grandes universités étrangères le font. Cette mesure, d’ordre
symbolique, pourrait tout à fait être financée sous enveloppe sur les ressources propres.
Recommandation n°12 (MESR, CNRS, 2025) Étudier les simplifications proposées
par les chercheurs, en donnant en particulier plus de latitude aux délégations
régionales pour fixer des forfaits de remboursement des missions inférieurs au
barème national
et définir ceux applicables à l’invitation de chercheurs étrangers.
21
Le CNRS indique à ce propos que le passage désormais obligatoire par la plateforme dématérialisée compliquait
la démarche, ce qui l’a conduit à centraliser à la délégation régionale de Gif sur Yvette les contacts oraux avec le
ministère de l’intérieur sur les cas plus critiques.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
76
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Le « fardeau administratif »
qui pèse sur les chercheurs s’est accru depuis quelques
années dans plusieurs domaines. La montée en puissance des appels à projets, crée une charge
croissante tant pour les candidatures que pour la gestion des contrats de recherche, dans un
contexte où le marché de l’emploi est tendu pour attirer les personnels administratifs de soutien
nécessaires. Une évolution réglementaire regrettable, conjuguée à un projet de numérisation
laborieux a alourdi considérablement les procédures liées aux missions, tandis que les règles
de la commandes publiques sont mal adaptées aux achats de recherche dont les montants
indi
viduels croissent du fait de l’évolution des technologies. L’organisation des
UMR,
associant plusieurs partenaires aux
règles de gestion et aux systèmes d’information différents
constitue également une source de fardeau. Le sondage effectué dans le cadre du contrôle
auprès de 24 grandes UMR
montre qu’il constitue bel et bien une réalité mais qu’il n’est pas
propre au CNRS et concerne l’ensemble de l’enseignement supérieur et de la recherche. Les
comparaisons internationales effectuées montrent que le « fardeau administratif » constitue
une préoccupation partagée qui a conduit à la mise en place de plans de simplification, même
si les Etats-Unis et le Royaume-Uni, caractérisés par une grande confiance accordée aux
chercheurs sont moins touchés et si le Royaume-Uni a lancé des mesures fortes de
simplification à la suite du rapport Tickell de 2021.
Pour faire face à ce fardeau, le CNRS a lancé des actions pour ce qui relève de sa
compétence et identifié les points qui nécessitent une intervention de ses tutelles. Les résultats
les plus marquants de ses actions se traduisent par un volume plus important de personnels
d’appui administratif par rapport aux partenaires universitaires, un effort marqué de
numérisation, l’obtention à l’été 2024 d’une évolution r
églementaire allégeant fortement les
justificatifs à produire pour les frais de missions, la promotion des financements au forfait.
Pour aller plus loin, il serait utile de tendre vers la généralisation de délégations
globales de gestion étendues dans les UMR et de déconcentrer davantage de pouvoir de
décisions aux directeurs d’unités de recherche p
ar exemple pour les frais de mission. Au-delà
de cela, le CNRS pourrait tirer parti des remontées des UMR pour engager en priorité les
mesures de simplification demandées par les chercheurs, afin de tendre peu à peu vers la plus
grande confiance accordée aux chercheurs qui constitue une des forces du modèle anglo-saxon.
Certains exemples étrangers peuvent aussi constituer des sources d’inspiration, de même que
la comparaison avec les règles applicables en France aux EPIC.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
77
4
LES SYSTEMES D’INFOR
MATION : UN ENJEU MAJEUR DE
SECURITE, L’ECHEC DU
PROJET SI LABO
4.1
Une organisation déconcentrée qui ne permet pas une
gestion unifiée et homogène de la sécurité des SI
Le système d
’information (SI) du CNRS rassemble de nombreux partenaires internes et
externes à sa structure telles que les directions fonctionnelles du siège, les DR ou encore les
unités de recherche. Avec pour objectif de fournir aux utilisateurs les outils nécessaires à la
bonne gestion de l’établissement, ainsi qu’à l’excellence de la recherche scientifique, la
stratégie numérique du CNRS intègre un périmètre très important. Au sein de celui-ci, deux
niveaux de gestion ont pu être identifiés : le premier est celui appliqué par la direction des
systèmes d’information (DSI)
du CNRS aux SI des directions fonctionnelles et aux ressources
informatiques propres du CNRS ; le second niveau de gestion constaté est celui présent en DR,
en unités de recherche répartis sur l’ens
emble du territoire. Sur ce second périmètre, les UMR
et leurs SI fonctionnent généralement selon une organisation multi-tutelles (CNRS, universités,
autres ONR). Cette appartenance multiple crée une complexité dans la gestion du SI du CNRS.
Le CNRS et ses différentes strates déconcentrées sont très dépendants de leurs SI. Ils
travaillent dans des environnements variés et complexes pour remplir leurs missions. La
protection et la sécurisation des données et applications, ainsi que leur résilience, sont donc des
missions essentielles dans un contexte marqué par la montée des menaces cyber.
4.1.1
Un périmètre informatique central relevant directement de la DSI globalement
maîtrisé, même si des améliorations sont souhaitables
Formalisée à travers un plan d’action ac
tualisé chaque année, la stratégie numérique du
CNRS est présentée selon trois grands axes d’amélioration
: améliorer la satisfaction des
besoins utilisateurs à travers la modernisation et la simplification des SI en place ; résorber
l’obsolescence techniq
ue
22
des applications historiques du CNRS
23
; et, enfin, sécuriser
l’ensemble du SI
relevant de la
DSI. Ce plan d’action identifie
bien la sécurisation de
l’environnement informatique
24
, des mesures préventives et de limitations, la mise en place
d’un
plan de
reprise de l’activité (
PRA)
, ou encore la démarche d’homologation des SI.
Il a été constaté, lors de la comparaison des plans d’action 2023 et 2024, la reprise d’un
certain nombre d’éléments et de projets comme par exemple
: le développement de la nouvelle
plateforme de dématérialisation ; la dématérialisation des pièces justificatives de la dépense ; le
renforcement de la communication et de la sensibilisation auprès des personnels ; ou encore la
généralisation de
la démarche d’homologation des SI
. Afin d
’accompagner
l’avancée de chacun
22
L'obsolescence des systèmes d’information fait référe
nce à l'état où les technologies utilisées deviennent
obsolètes ou ne sont plus maintenues, ce qui présente des risques de sécurité.
23
L
’utilisation de technologies obsolètes peut induire la présence de CVE et des problèmes de compatibilité ont
été recensés avec les versions récentes des couches techniques matérielles et logicielles du CNRS.
24
L’environnement informatique est composé de matériels physiques et de logiciels.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
78
de ces projets, tous légitimes à figurer dans un
plan d’action informatique du CNRS, il
conviendrait de formaliser un schéma directeur informatique (SDI) à 3 ans. Ce SDI, différent
du plan d’action, permettrait de rappeler la stratégie de l’organisme, établir le système
d’information sous sa forme actuelle, identifier les opportunités et axes d’amélioration,
formaliser une stratégie SI adaptée, et enfin définir, pour chaque projet structurant, une
trajectoire calendaire et financière. En complément du
plan d’action
annuel, le SDI permettrait
d’obtenir une vision d’ensemble
pluriannuelle
sur la progression du système d’information
CNRS et
d’
identifier les projets nécessitant un soutien particulier.
Au sein du périmètre de la D
SI, plus de 200 systèmes d’information ont été recensés.
Certaines applications, considérées comme critiques pour l’activité du CNRS, doivent faire
l’objet d’une attention particulière sur leur capacité à fonctionner sans ou sous courte
interruption. D’aut
res services et outils annexes sont considérés comme sensibles, tels que les
systèmes d’intermédiation applicative
25
, ou
les infrastructures d’hébergement des applications
critiques.
La capacité à reprendre l’activité de ses différents outils
en cas de sinistre, est essentielle
pour assurer la résilience du CNRS. Elle doit également être démontrée à travers des tests de
PRA : le système d’authentification actuel détient un PRA limité, qui ne permet aux utilisateurs
que de s’authentifier au système, sans tout
efois pouvoir permettre une gestion de leurs comptes
et de leurs droits dans le système. Au-delà de certaines briques applicatives, il conviendrait de
mettre en place un PRA complet pour les
systèmes d’information
du CNRS permettant un
fonctionnement normal de ses systèmes.
Sur le périmètre de la DSI, les travaux conduits par les commissaires aux comptes du
CNRS en 2023 ont également pu démontrer un niveau de maîtrise satisfaisant sur les processus
de gestion applicative RH et financiers (droits, modifications, mots de passe) avec toutefois
l’identification de points d’amélioration tels que la nécessité de mettre en place une revue
exhaustive des accès fournis dans le progiciel de gestion, des changements développés et libérés
par un même utilisateur afin de
s’assurer que ceux
-ci sont bien justifiés et autorisés par le
CNRS, ou encore la mise à disposition de comptes nominatifs pour les prestataires intervenant
au CNRS.
Cette situation témoigne d’une amélioration de la situation
constatée par la Cour dix
ans auparavant, époque où les
pertes et vols d’ordinateurs, couplés à l’absence de
dispositifs de
sécurité logique (mots de passe robustes, chiffrement) engendraient des risques de perte de
données.
Bien que le périmètre des SI du CNRS apparaisse important, la formalisation
d’une
cartographie des risques informatiques permettrait de rappeler et de prioriser les nombreuses
failles présentes sur le système et déjà connues de la DSI. La maitrise de ces risques
informatiques devrait également
s’inscrire dans la dém
arche du comité des risques qui a été
créé en 2014.
La sécurité informatique, primordiale au sein d’une structure à forte exposition
internationale comme le CNRS, se traduit au sein de la DSI et des DR à travers la ligne
hiérarchique liée au responsable de la sécurité du SI (RSSI). Cette structure hiérarchique assure
l’application
des politiques de sécurité, en surveillant les menaces et en coordonnant les
réponses aux incidents. Le rattachement historique du RSSI à la DSI ne constituait pas une
25
Un système d’intermédiation applicative correspond à une plateforme d’échange de la
donnée entre deux
applications ou systèmes.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
79
bonne pratique et a pu être modifié lors du
le conseil d’administration
du 20 décembre 2024.
La fonction de RSSI national est distincte de celle de RSSI de la DSI.
4.1.2
Une absence de vision et de contrôle sur le périmètre informatique déconcentré
ne relevant pas de la DSI, source de risques importants
Au-delà de la DSI et des directions fonctionnelles du siège du CNRS, le périmètre
informatique s’étend aux délégations régionales
et aux unités de recherche.
C’est
à travers ces
entités que de nombreuses applications, logiciels, et matériels informatiques sont exploités et
que des masses de données importantes sont récoltées à des fins de recherche scientifique. Le
CNRS doit donc s’équiper pour traiter des notions comme celle de la souveraineté de la donnée,
de la résilience de son SI ou de la récupération de donnée.
Or, le CNRS ne possède pas actuellement de cartographie exhaustive de ses
applications, plateformes et logiciels utilisés en dehors du périmètre lié à la DSI.
Il n’existe pas
de liste présentant une vue exhaustive des moyens informatiques et ressources applicatives à
disposition du CNRS et de ses unités
. Bien qu’un exercice d’identification des ressources
applicatives ait été réalisé sur le périmètre direct de la DSI, le manque de transparence et de
recensement constaté sur les outils exploités et les développements réalisés dans les DR et dans
les unités de recherche ne permet pas de réaliser un inventaire complet des ressources
informatiques du SI. L
’estimation du
service informatique est de plus de 200 applicatifs sur le
périmètre « hors DSI », hébergés en interne
, ou auprès d’hébergeurs externes
. Un inventaire
précis
permettrait seul d’engager la rationalisation des applications, des logiciels et des
plateformes. En outre, les coûts liés à certains développement
s et à l’exploitation d’applicatifs
demeurent une variable inconnue pour le service informatique et rendent alors la gestion globale
des ressources SI impraticable. L’optimisation des projets SI peut en être durement impactée
:
certains de ces projets peuvent être abandonnés au cours du développement,
d’autres
représentent un coût trop important pour leur fonction et certaines solutions indiquent un risque
significatif pour les données des utilisateurs.
Construite en cascade, la structure de la sécurité du
SI (SSI) est composée d’un RSSI
national, s’appuyant sur
17 RSSI présents en délégations régionales. Ces derniers doivent
s’assurer de l’application des politiques nationales informatiques
au sein des DR. Enfin, plus
de 850 chargés de sécurité SI (CSSI) sont nommés au sein des unités de recherche. Le caractère
mixte des unités de recherche représente toutefois une difficulté de poids dans la sécurité des
systèmes d’information
: les UMR doivent appliquer les règles de politique de sécurité
informatique de leurs tutelles, qui ne respectent pas un cadre commun uniformisé. En 2022,
l
ors d’une cyber
-attaque de type rançongiciel
, l’absence de sauvegarde au sein d’une UMR
a
eu un impact sur son activité de recherche ainsi que sur celle de la demi-
douzaine d’unités
qui
étaient clientes des services informatiques de cette UMR. La reconstruction du SI aura nécessité
l’acquisition de matériels et l’intervention de prestataires de services, à hauteur de
plus de
60 000
.
L’absence de sauvegarde a
également généré dans certaines unités des pertes de
données, certaines
d’entre elles
ne pouvant être reconstruites du tout. Aucun recensement précis
de ces pertes
n’a pu être réalisé
. Le délai de rétablissement des services les plus importants a
été de plus de trois mois, sans
mentionner l’impact humain ressenti au niveau des équipes
informatiques. Une seconde cyberattaque
par vol d’identité
en 2022 a touché une UMR à
laquelle participe le CNRS, via une attaque ayant visée une université partenaire. Cette
cyberattaque importante a touché plus de cinquante UMR et a conduit à
l’
arrêt total du SI
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
80
pendant
plus d’une semaine, impactant fortement l’activité
. Suite au vol des identités de
l’annuaire, il ne peut être exclu que des données
personnelles et scientifiques aient pu être
exfiltrées des unités. Lors de cette gestion de crise, des débats conflictuels entre les tutelles pour
déterminer le
modus operandi
suite à cette attaque ont participé à une inefficience et à des
tensions inopportunes.
L’uniformatisation et l’
application de politiques de sécurité et de
sauvegardes au sein des unités permettrait une meilleure prévention face à ce type
d’
événements. En outre, certaines unités, en proie à un manque de compétence interne, confient
la gestion de la sécurité informatique à leurs hébergeurs informatiques, sans pouvoir éprouver
la pertinence des choix opérés.
La protection informatique des unités de recherche étant un enjeu majeur pour le CNRS
et son SI, des moyens humains et financiers doivent y être consacrés. Avec son rôle de conseil
auprès du directeur d’unité
, le CSSI doit également lui rapporter ces principaux constats, afin
d’orienter la
prise de décision en matière de sécurité des SI.
D’après la
PSSI du CNRS, un
rapport annuel ainsi qu’un rapport détaillé doivent être fournis par
le CSSI auprès du directeur
d’unité
.
Lors du contrôle, il a pu être constaté que ces rapports n’étaient pas systématiquement
réalisés. Ces rapports permettraient
de s’assurer qu’un
e identification des technologies utilisées
dans les unités de recherche est réalisé, ce qui à terme participerait au recensement national.
L’action de la chaîne SSI (Sécurité du Système d’Information) est actuellement limitée
: le
développement et
l’
exploitation des outils redondants au sein des différentes DR et unités de
recherche est probable et les ressources accordées aux SI ne pourront être correctement
exploitées sans un premier inventaire complet du parc SI. Une fois seulement ce travail réalisé,
la rationalisation des applications, des logiciels et des plateformes pourra alors être possible.
De par ces lacunes, une analyse des risques pertinente n’a pas pu être réalisée par le CNRS sur
ce périmètre. Afin
de sécuriser les systèmes d’information utilisés par le personnel CNRS,
il
conviendrait donc de les recenser de manière exhaustive (sur le périmètre DSI et hors-DSI)
dans les délégations régionales et les UMR. Ce recensement des applications exploitées par le
CNRS,
la formalisation d’une cartographie des risques
informatiques, ainsi que la révision du
cadre de cohérence technique et de sécurité permettraient à terme
d’améliorer la sécurité des
SI
du CNRS.
4.1.3
De nouvelles exigences ré
glementaires en matière d’
homologation de sécurité à
appliquer rigoureusement
Le décret n° 2022-513 du 8 avril 2022 relatif à la sécurité numérique du système
d’information et de communication de l’État et de ses établissements publics renforce
l’exigence d’inventaire
en introduisant une homologation de sécurité des infrastructures et des
services logiciels informatiques. Tous les chantiers SI en cours et à venir au sein du CNRS
devraient donc être répertoriés auprès de la DSI, pour visa et envoi auprès d’une autorité
d’homologation.
Un ralentissement des projets informatiques est à prévoir : encore peu
d’entreprises sont
qualifiées pour offrir des prestations nécessaires aux homologations. La
priorité d’homologation doit donc être donnée aux solutions ouvertes à Internet et aux réseaux
extérieurs, celles stockées en interne pourront alors ensuite être ciblées.
En raison de l’organisation déconcentrée
du CNRS, les projets informatiques sont
majoritairement gérés en autonomie, sans inclure un interlocuteur SSI en capacité de centraliser
les demandes et
d’
inclure les bonnes pratiques de sécurité. La DSI constate alors le
développement et l’exploitation de
logiciels en interne une fois seulement l’apparition de coûts
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
81
associés en DR et en UMR, ou d’un besoin en maintenance de la solution développée.
Cette
situation ne facilite pas le rôle de la DSI pour se conformer aux dispositions du décret.
Le décret prévoit toutefois différentes strates d'homologation afin de différencier les
exigences en fonction des niveaux de risques. Les strates d'homologation peuvent varier en
fonction de plusieurs critères, tels que la sensibilité des données traitées par l'application,
l'impact potentiel sur la vie privée des utilisateurs, ou encore la criticité des fonctionnalités de
l'application. Chaque strate étant soumise à des exigences spécifiques (sécurité, qualité,
performance, documentation), les applications avec des strates plus élevées sont susceptibles
de nécessiter des contrôles et des évaluations plus approfondis avant d'obtenir leur
homologation. Pour des homologations relativement simples, les délais sont estimés entre 1 et
2 mois.
L’application de ce décret a donc pour objectif d’adapter les exigences réglementaires
en fonction du niveau de risque associé à chaque application, tout en garantissant un niveau de
sécurité et de protection des utilisateurs approprié. Il facilitera également le développement et
la mise sur le marché des applications moins sensibles, tout en assurant un niveau de contrôle
adéquat pour les applications plus critiques.
Recommandation n°13 (CNRS, 2025) Sécuriser les
systèmes d’information
utilisés
par le CNRS en procédant à leur recensement exhaustif dans les directions régionales
et les unités mixtes de recherche, en établissant une cartographie des risques ainsi
qu’
un cadre de cohérence technique et de sécurité.
4.2
L’échec du projet
SI labo de plateforme informatique
unifiée des UMR : 15
M€ investis
pour un objectif raté
4.2.1
Un projet pour faciliter la gestion des UMR en consolidant les données des
différentes tutelles, besoin qui perdure cinq ans
après l’arrêt de SI Labo
Le projet « SI Labo » visait à déployer dans les UMR une plateforme informatique
unifiée avec des systèmes d'information partagés entre le CNRS et les autres tutelles,
notamment les universités, pour faciliter la gestion et le pilotage des activités de recherche. En
effet, la
multiplicité de systèmes d’information ne communiq
uant pas entre eux (internes au
CNRS ou partagés avec les partenaires universitaires) ne permettait pas la consolidation, la
fiabilisation et l’exploitation des
données des activités de recherche. De plus, la multiplication
des outils spécifiques à chaque partenaire engendre naturellement un « fardeau administratif »
accru pour les personnels chercheurs et administratifs qui doivent utiliser plusieurs jeux de
systèmes d’information ne communiquant pas entre eux.
Déjà préconisé
dans le rapport d’Aubert de
2008
26
, le projet SI Labo avait pour objectif
de répondre au besoin «
d’harmonisation des règles et des pratiques de gestion et la mise en
26
Rapport d'Aubert intitulé « Vers un partenariat renouvelé entre organismes de recherche, universités et grandes
écoles ».
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
82
cohérence des systèmes d'information (SI) de gestion des laboratoires de recherche
». C’est
dans ce cadre qu’en 2010, le
CNRS et la
conférence des présidents d’universités
(CPU)
signent
un accord sur les SI des laboratoires, puis qu’en 2011, l'
agence de mutualisation des universités
et des établissements (AMUE)
se joint à l’accord pour
le lancement du projet.
Composé de cinq briques, le projet SI Labo comportait trois projets de SI destinés à être
directement déployés dans les laboratoires et établissements :
-
l
’outil Dialog du CNRS
devait être étendu
aux autres tutelles, afin qu’
il puisse servir
de support de dialogue de gestion annuelle entre un laboratoire et ses établissements
de rattachement. L’outil Dialog permettrait alors de gérer les demandes de
ressources exprimées par les unités de recherche et les décisions d'attribution de
moyens prises par les établissements ;
-
l
’application
Geslab visait à déployer dans les laboratoires, à partir de l'outil lui aussi
déjà existant au CNRS, une application de gestion financière interfacée avec le
système de gestion financière et comptable de l’A
MUE, SIFAC, déployée dans
environ 90 établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Cette nouvelle
plateforme interfacée aurait permis une ergonomie améliorée et un déversement
automatique dans SIFAC en évitant ainsi une double saisie dans GESLAB et dans
SIFAC ;
-
le système Caplab visait à développer et déployer dans les laboratoires un nouvel
outil applicatif spécifique au suivi des activités, des projets et des productions du
laboratoire.
Deux autres projets d'ampleur nationale ont été menés en parallèle : REFP (référentiel
national des structures de recherche et de leurs personnels) qui visait à développer un système
national de gestion de données de référence relatives aux structures de recherche et aux
personnels qui y sont affectés
; et Plateforme, la construction d’une solution
nationale pour
l'hébergement - ainsi que l'authentification et la gestion des échanges - des SI des laboratoires
sur une plateforme centralisée, au centre de calcul de l'IN2P3 à Lyon.
Les travaux conduits dans les UMR dans le cadre du contrôle montrent que ce besoin
d’une meilleure gestion consolidée des données de gestion des
UMR
demeure aujourd’hui, plus
de cinq
années après l’abandon du projet SI Labo en 2019. Ce besoin est même accru dans un
contexte de montée en puissance des financements sur ressources propres du fait de la
croissance des appels à projets pour les contrats de recherche et des facturations de l’usage des
plateformes technologiques. Faute d’un tel système, lorsque les délégations globales de gestion
ne sont pas étendues, les UMR sont contraintes de faire de la multi-saisie dans les différentes
solutions informatiques imposées par leurs tutelles. La pauvreté des interfaces entre ces
différents jeux de systèmes d’information
ne permet alors pas une vision consolidée de leurs
données de gestion, sauf à mettre en place des outils ad hoc, par exemple
via
des feuilles de
calcul Excel
. L’usage de tels moyens
rend extrêmement complexe la fiabilisation et la
conservation des données ainsi que leur partage en temps réel avec les tutelles. La persistance
du besoin est d’ailleurs confirmée dans le rapport Gillet de 2023 qui formule à ce
propos la
proposition n°7, ainsi rédigée : «
Organiser la consolidation des données de gestion, de
pilotage et d’évaluation d’une unité de recherche
» et affectée d’une priorité d’ordre 1.
Pour tenter de pallier à cela, le CNRS a proposé au printemps 2022 un projet moins
ambitieux d’interfaçage des systèmes existants
(projet CFAP), sans recevoir de réponse de la
DGRI à ce stade.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
83
4.2.2
Un projet abandonné en 2019 sur décision
de la DGRI, contre l’avis du
président du CNRS, entraînant une perte estimée à plusieurs
M€
En octobre 2018, pressentant que le projet était mal engagé, la DGRI a lancé, en
associant la DGESIP qui assure la tutelle des universités, un état des lieux de l'avancement des
différentes briques du projet SI labo. Compte tenu de la faiblesse de ses moyens de pilotage
d’un projet informatique de cette ampleur
, la DGRI a, à juste titre, sollicité la direction
interministérielle du numérique de l’
État (DINUM) pour participer à cette démarche.
Cette démarche a donné lieu
dans un premier temps à la présentation d’un diagnostic
aux parties prenantes (notamment le CNRS et l’AMUE) le 22 février 2019 et à l’arrêt des projets
REFP et Plateforme, notifié aux parties prenantes par un courrier du 7 mars 2019 cosigné par
la DGRI et la DGESIP. Cette décision était principalement motivée
par l’absence d’avancée
nette sur ces deux projets malgré leur lancement dès 2013.
Le projet Geslab, souffrant d’une feuille de route lacunaire, de l’absence de vision
financière et budgétaire pluriannuelle, et d’un seul calendrier de clôture budgétaire (celui du
CNRS) ne présentait pas les attributs nécessaires à une expérimentation réussie auprès des
partenaires du projet (laboratoires et universités). Le projet Caplab, lancé en 2018, a été
construit sous un format « agile », avec une construction par paliers sur cinq ans, proposant une
nouvelle version majeure chaque année. Cette méthode de projet n’a pas permis d’établir
un
cahier des charges précis sur les attentes de la nouvelle solution.
Bien que les projets Geslab et Caplab impliquaient les différentes parties prenantes, ils
étaient respectivement et séparément réalisés par le CNRS et l’AMUE. La création d’une
direction de projet mixte, mobili
sant des ressources communes aux deux maîtrises d’ouvrage,
aurait permis la prise en compte de leurs contraintes respectives et un arbitrage équilibré.
Après une tentative de réorienter les briques Dialog, Geslab et Caplab vers des objectifs
plus limités mais plus réalistes, dont les parties prenantes ont été informées par lettre conjointe
de la DGRI et de la DGESIP du 19 novembre 2019, l’arrêt définitif du projet SI Labo a été acté
au premier semestre 2020. Cette décision prise par le DGRI, en accord avec la DGESIP, mais
contre l’avis du président du CNRS, est conforme à la recommandation de la DINUM adressée
à la Ministre. Parmi les raisons mentionnées à l’appui de ce diagnostic figurent un certain
nombre d’écueils qui ont été rencontrés sur d’autres grands projets informatiques de l’État en
difficulté :
-
une
absence d’accord réel entre les parties
(CNRS, AMUE, universités) sur les
objectifs et le périmètre du projet ;
-
une
faible appétence des acteurs pour s’approprier l’ancien outil du CNRS,
Geslab :
hormis celles participant à sa construction,
aucune université ne s’est ainsi portée
volontaire pour
l’expérimenter avant son passage à l’échelle
;
-
la
croyance fausse que le lancement d’un grand projet informatique serait à lui seul
suffisant pour contraindre les acteurs à harmoniser et à simplifier leurs processus de
gestion, alors que cette harmonisation et simplification doit constituer un préalable ;
-
des dérives calendaires et budgétaires sans certitude de succès : pour la mise au point
et le passage à l’éche
lle du seul GESLAB, un délai supplémentaire de deux ans et
un surcoût de 15 M€ étai
ent avancés ;
-
l’absence
de gouvernance robuste pour un projet informatique de cette ampleur.
À la suite de cet échec du projet SI Labo, les systèmes Dialog et Geslab, demeuraient
déployés au sein du seul CNRS et Caplab restait
en service à l’AMUE.
Seule brique finalisée
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
84
du projet SI Labo, le projet Dialog a pu être déployé dans la bibliothèque applicative de
l’AMUE et des UMR depuis
son développement réalisé par le CNRS.
L’
a
rrêt du projet SI Labo a entraîné l’abandon de l’interfaçage entre GESLAB et SIFAC
en 2019, objectif principal du projet pour lequel près de 15
M€
de fonds publics avaient déjà
été engagés
, dont 6,1 M€ à la charge du CNRS comme le montre le tableau ci
-après. Ces
données sont des chiffres
a minima
ne couvrant que les coûts externes et ne prenant pas en
compte le coût du temps consacré au projets par les agents du CNRS et des autres parties
prenantes impliquées.
Tableau n° 5 :
Coûts de SI Labo par projet et par financeur (en
M€
)
PROJETS
CNRS
AMUE
TOTAL
GESLAB
3,79
6,46
10,25
DIALOG
0,74
1,25
1,99
CAPLAB
0,65
1,11
1,76
INFRASTRUCTURE
0,96
-
0,96
TOTAL SI LABO
6,14
8,82
14,96
Source : Données obtenues auprès du CNRS
Compte tenu de ces éléments, il apparaît pertinent de préciser que :
-
le
CNRS a dépensé 6,1 M€ au titre du projet
abandonné SI labo, mais a quand même
bénéficié
via
ce projet, de la modernisation de son outil Geslab, utilisé dans les
unités de recherche.
Il ne s’agit donc pas d’une perte sèche pour le CNRS
;
-
la
situation de l’AMUE n’a pas été examinée dans le cadre du contrôle du CNRS
mais les 8,8 M€ engagés semblent n’avoir que peu de contreparties,
puisque
l’outil
Caplab n’a pas été déployé. L’AMUE aura finalement bénéficié du seul déploiement
de l’outil Dialog
dans son catalogue applicatif. Dialog reste toutefois peu utilisé au
sein des UMR, d’après le HCERES dans son évaluation de 2023
;
-
en lançant une démarche de diagnostic associant les parties prenantes et en
s’appuyant sur l’expertise de la DINUM
, le ministère été en capacité de décider de
l
’arrêt de SI Labo
, décision bien documentée
en l’état
.
Le diagnostic réalisé par la DGRI et confirmé par la DINUM soulignait
un déficit de
vision partagée du contenu du programme « SI Labo » au sein du dispositif national de
l'enseignement supérieur et de la recherche, et une faiblesse de l'adhésion des établissements et
un élargissement important des objectifs poursuivis et des travaux menés dans le cadre du
programme. Pour la DGRI, le projet souffrait en 2019 de lacunes très substantielles, les travaux
en cours étant presque uniquement centrés sur les aspects techniques et n'ayant pas abordé
jusqu'ici des aspects essentiels comme l'harmonisation des règles de gestion entre les
établissements de rattachement des unités de recherche, la préparation du déploiement des
systèmes d'information et l'accompagnement des acteurs, ou encore les attentes des universités
en matière de « SI décisionnel ». Enfin, pour une partie des projets, des difficultés sérieuses en
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
85
matière de maîtrise des couts et des calendriers étaient mise en avant. La répartition dans le
temps des coûts réellement engagés jusqu’à la décision d’arrêter le projet est présentée ci
-après.
Graphique 12 : Couts de SI Labo par projet et au cours du temps
Source :
Cour des comptes, d’après les données
du CNRS
Contrairement à d’autres grands projets informatiques de l’État qui ont échoué, du fait
de difficultés techniques non surmontées (comme par exemple le système de paie Louvois du
ministère des armées dans les années 2010), le projet SI Labo a été arrêté principalement pour
une question
d’absence de volonté des
parties prenantes sur l’harmonisation de leurs procédures
de gestion et le rattachement des unités de recherche. Il aurait été préférable de considérer cet
accord comme un préalable au lancement du projet pour éviter l’engagement de 15 M€ sur un
projet informatique
à l’objectif non atteint et que certaines parties prenantes n’avaient pas
l’intention de mener à terme.
À présent, il
paraît inopportun de lancer un nouveau projet d’informatique d’ampleur
pour prendre le relais de SI Labo, du moins tant qu’un certain nombre de préalables
indispensables ne seront pas remplis (harmonisation et simplification des processus de gestion,
capa
cité robuste de pilotage d’un grand projet informatique au ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche, accord entre les parties prenantes sur des objectifs limités et
atteignables). Il est également indispensable de faire précéder tout projet
d’unification des SI
de gestion d’une analyse des risques à présenter en conseil d’administration.
0
2 000 000
4 000 000
6 000 000
8 000 000
10 000 000
12 000 000
14 000 000
16 000 000
2015
2016
2017
2018
2019
2020
Coûts en €
GESLAB
DIALOG
CAPLAB
Infrastructure
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
86
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
La stratégie numérique du CNRS
a pour objectif de permettre l’excellence de la
recherche scientifique à travers ses SI de gestion et ses SI scientifiques. Deux niveaux de gestion
ont été identifiés : les SI des directions fonctionnelles dit « de gestion » et les ressources
informatiques propres au CNRS sont gérées directement par la DSI du CNRS. En revanche, les
SI scientifiques, présents au second niveau, sont ceux des DR, des unités de recherche répartis
sur l’ensemble du territoire.
Ce second périmètre inclut les UMR dont la particularité est
d’être
multi-tutelles (CNRS, universités, autres). Cette appartenance multiple crée une complexité
dans la gestion informatique du CNRS
car la DSI n’
a
pas la vision d’ensemble de ces SI.
Le périmètre relevant directement de la DSI est bien défini et ses éléments sont bien
suivis. Les grands enjeux sont bien identifiés comme la formalisation et le
test d’un plan de
reprise d’activité, l’urbanisation
, ou encore
le traitement de l’obsolescence SI
. En revanche, la
gouvernance de ce périmètre
doit encore s’améliorer avec la création d’un schéma directeur
informatique, qui permet d’identifier sur
le moyen terme des évolutions structurantes du SI ; le
rattachement de la fonction de responsable sécurité SI au directeur général délégué
ressources
; ou encore la formalisation d’une cartographie des risques informatiques.
En revanche, le contrôle constate sur le second périmètre, fonctionnant en multi-
tutelles,
l’
absence de vision et de contrôle
sur le système d’information
.
En effet, l’absence de
cartographie applicative ne permet pas de recenser l’existant, et le développement en «shadow
IT» d’applica
tifs dans certains centres rend le contrôle informatique extrêmement difficile. La
mise en place du décret du 8 avril 2022 sur l’homologation de sécurité
engage le CNRS à
contrôler son périmètre informatique et à en identifier les composants.
Ceci est d’au
tant plus
important que la montée de la menace cyber, illustrée par plusieurs attaques dont ont été
victimes certaines UMR du CNRS, met clairement en évidence l’ampleur des risques.
En 2011, un projet pour faciliter la gestion des UMR en consolidant les données des
différentes tutelles a été lancé. Ce projet « SI Labo », composé de trois briques applicatives,
d’un référentiel et d’une solution d’hébergement mutualisé, était également multi
-tutelles avec
le CNRS et l’AMUE en pilotes du projet.
Ce projet a été interrompu en 2020
à l’initiative de
la
DGRI,
conformément à l’avis de la DINUM, mais contre l’avis du CNRS
. Le diagnostic réalisé
du projet soulignait une absence de capacité de pilotage robuste pour un projet de cette
ampleur, un déficit de vision partagée entre les parties prenantes sur le projet, une faiblesse de
l'adhésion des établissements et un élargissement important des objectifs poursuivis et des
travaux menés dans le cadre du programme faisant courir le risque de dérives budgétaires et
calenda
ires sans assurance de succès. Le projet avait été aussi construit sur l’idée fausse qu’il
suffirait par son existence même à contraindre les acteurs à harmoniser et à simplifier leurs
procédures de gestion. Malgré cet arrêt et les 15
M€
engagés, le besoin initialement identifié
des systèmes d'information partagés entre le CNRS et les autres tutelles universitaires facilitant
la gestion et le pilotage des activités de recherche - perdure cinq ans après son arrêt. Pour
autant, il ne paraît pas pertinent de
lancer un projet informatique d’ampleur tant que les
lacunes relevées dans le diagnostic de l’échec de SI Labo ne seront pas traitées.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
87
5
LES ACHATS, DES AMELIORATIONS CONSTATEES
5.1
Un acheteur hors norme
doté d’une organisation
déconcentrée
tournée vers l’a
chat scientifique
Le CNRS est un acheteur hors-norme tant au regard du volume de ses achats, qui
s’élèvent à 771 M€ en 2023, et concernent plusieurs milliers de donneurs d’ordre potentiels,
qu’au regard des procédures
, qui les régissent, qui relèvent à la
fois du droit commun de l’achat
public et de règles spécifiques à la recherche publique.
5.1.1
Une organisation de la fonction achat à la fois déconcentrée et décentralisée
La fonction achats du CNRS est en large partie déconcentrée. La direction déléguée aux
ac
hats et à l’innovation (DDAI) ne joue un rôle opérationnel qu’à l’égard d’un nombre restreint
de marchés, accords-cadres pour la plupart, dits « transversaux », en raison du grand nombre
d’utilisateurs potentiels
: il en va ainsi des marchés et accords relatifs aux voyages et
déplacements ou à la restauration collective. Assez logiquement, cet échelon national représente
une faible part du nombre de marchés annuels (moins de 3 %), même si à raison de leur
dimension ils regroupent plus du tiers des volumes financiers contractés.
Symétriquement, 97 % des marchés sont passés au niveau déconcentré des délégations
régionales et à celui, décentralisé, des unités de recherche. Sont comptabilisés dans ces achats
ceux effectués par l’IFSeM
27
en Île-de-France ainsi que ceux qui satisfont les besoins exprimés
par le siège et les services centraux qui sont passés par la DR16 Paris-Normandie. Les
délégations régionales assument donc la responsabilité opérationnelle de la commande publique
pour leurs propres besoins et pour ceux du siège, mais aussi une co-responsabilité, dans la
mesure où elles doivent accompagner les unités de recherche, troisième et dernier niveau
décisionnel en matière de dépense, dans l’exercice de leurs fonctions d’acheteurs. Les données
transmises révèlent que les délégations régionales ont passé près de 45 % des marchés, contre
49 % pour les unités, mais pour des montants très différents : les marchés, passés au niveau des
délégations régionales, représentent près de 47 % des volumes financiers en jeu, auxquels il
faut ajouter 6 %
pour les achats de l’IFSeM
, tandis que les unités de recherche ont engagé moins
de 15 % des montants concernés. Ces écarts reflètent la répartition des rôles entre les personnes
responsables des marchés prévue par l’instruction du CNRS (les unités n’étant compétentes que
pour les marchés inférieurs à 143
000 €).
27
Île-de-France Services mutualisés : une plateforme de services mutualisés au bénéfice des délégations régionales
franciliennes.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
88
Tableau n° 6 :
Marchés du CNRS en 2023 par service responsable
Nombre de marchés
Montant (en M€)
Marché national
36
172
Marché IFSEM
41
30
Marché délégation régionale
574
245
Marché local unité
628
77
Total
1 279
523
28
Source : DDAI du CNRS (données BFC)
Une organisation aussi déconcentrée et en partie décentralisée est inévitable, étant donné
la quantité et la diversité des besoins scientifiques,
exprimés par plus d’un millier d’unités voire
par plusieurs milliers de donneurs d’ordre, situation qui exclut
a priori
toute organisation trop
centralisée de la commande publique. Elle appelle toutefois compétence et rigueur, de la part
de l’échelon opérationnel déconcentré, et mo
dalités adaptées de supervision, de la part de
l’échelon central, qui demeure responsable en dernier ressort. Or, les constats effectués au cours
et à la fin de la décennie précédente, signalaient des marges de progrès importantes dans le
contrôle par les DR des procédures de commande publique réalisées dans les unités de
recherche, sur lesquelles les DR disposaient d’une visibilité insuffisante. Dans le même temps
les contrôles
a posteriori
réalisés par les DR apparaissaient trop restreints au vu des non-
c
onformités identifiées et de l’enjeu financier représenté par le poids des marchés laissés à
l’initiative du niveau déconcentré
et des laboratoires.
5.1.2
Des achats spécifiques dominés par un objectif scientifique mais pour lesquels
les souplesses réglementaires sont peu mobilisées
Le CNRS
bénéficie d’un régime partiellement dérogatoire en matière de
décompte des
seuils, ainsi qu’en dispose l’article R. 2100
-1 du code de la commande publique
29
, pour «
les
achats destinés à la conduite de (ses) activités de recherche
» exclusivement. Cette dérogation,
dont bénéficient également quelques établissements publics
de l’
État permet essentiellement à
ces acheteurs, «
pour leurs marchés passés selon une procédure adaptée
» (MAPA), de choisir
28
Les 523 M€ correspondent aux marchés conclus en 2023, ayant fait l’objet d’une contractualisation adaptée ou
formalisée et sais
is, par le CNRS, dans son application BFC. Il peut s’agir d’achats réalisés l’année même ou
pluriannuels. Ils ne sont donc pas exactement superposables sur les 771 M€ évoqués plus haut et qui regroupent le
volume total des achats effectués en 2023, indépen
damment de l’année du marché concerné, de la procédure
employée ou de la saisine dans BFC.
29
«
[…]
pour leurs achats destinés à la conduite de leurs activités de recherche, les établissements publics de
l'État à caractère administratif ayant dans leurs statuts une mission de recherche appliquent les règles relatives
aux acheteurs autres que l'État, ses établissements publics à caractère autre qu'industriel et commercial, les
collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements.
»
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
89
«
librement les modalités de publicité adaptées en fonction des caractéristiques du marché
»
30
et, très accessoirement, de bénéficier de souplesses, limitées en nombre, pour leur exécution
financière
31
.
Au CNRS, la dérogation admise et pratiquée se limite, pour ce type d’achats
scientif
iques, à l’accomplissement des formalités de publicité et de consultation via la
plateforme PUMA
32
, pour ce qui regarde non seulement les marchés (achats homogènes) dont
le montant est inférieur à 40
000€ (en
-
deçà l’absence de formalisme est admise depuis l
e 1
er
janvier 2020), et ceux compris entre 90
000€ et le seuil des procédures formalisées (pour
lesquels le CNRS a édicté en outre un contrôle
a priori
interne exercé par le délégué régional).
Pour les acquisitions non scientifiques, une publicité dans un bulletin officiel est requise dès
que le seuil de 90
000€ est atteint.
La plateforme PUMA est utilisée avant tout par les unités de
recherche, principaux acteurs concernés par les achats n’atteignant pas le seuil des procédures
formalisées : son utilisatio
n n’appelle pas de remarques particulières.
En outre,
deux dispositions d’allègement des procédures
, qui ont été introduites dans le
code de la commande publique, pour faciliter les procédures des opérateurs de recherche
semblent peu, voire pas, utilisées
. L’article
R. 2122-3
permet de s’affranchir des règles de
publicité et de mise en concurrence «
lorsque les travaux, fournitures ou services ne peuvent
être fournis que par un opérateur économique déterminé, pour l’une des raisons suivantes
33
»
parmi lesquelles «
l’existence de
droits
d’exclusivité
». La preuve des droits exclusifs incombe
alors à
l’acheteur public
, qui doit pouvoir démontrer
qu’il
«
n’existe aucune solution de
remplacement raisonnable
» et
que le recours à cette procédure d’achat n’est pas
dicté par sa
préférence subjective.
Quant à l’article R. 2122
-10, il autorise le «
pouvoir adjudicateur
(à)
passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalable
» pour «
l’achat de produits
fabriqués uniquement à des fins de recherche, d’expérimentation ou d’étude
et de
développement,
sans objectif de rentabilité ou d’amortissement des coûts
[…]
». Or cette
dernière condition, si elle venait à être interprétée trop strictement par une juridiction ou par un
financeur, tel
l’Union européenne
, a p
aru tellement restrictive (l’assurance qu’un bien ainsi
acquis ne contribuera jamais, ne serait-ce qu
e très indirectement, au dépôt d’un brevet
ne peut
être donnée
a priori
) que le CNRS
34
dissuade
ses donneurs d’ordre
de recourir à cette
disposition.
La dir
ection des affaires juridiques (DAJ) du ministère de l’économie et des finances
signale par ailleurs trois autres dispositifs en vigueur porteurs de souplesse : la possibilité de
passer de gré à gré des marchés de service portant sur des projets de recherche dans le cas où le
pouvoir adjudicateur n’est pas le seul financeur ou s’il partage la propriété intellectuelle issue
des recherches menées dans ce cadre (article L. 2512-5) ; la possibilité de passer de gré à gré
des marchés portant sur des achats innovants inférieurs à 100
000 € (article R. 2122
-9-1) ; le
partenariat d’innovation dans lequel un acheteur confie à des opérateurs économiques une
mission de recherche et de développement de produits, services ou travaux innovants mais
également l’acquisition
ultérieure de produits, services ou travaux en découlant (R. 2172-20 à
R. 2172-32).
Ces dérogations, dont le cadre d’emploi est
assez particulier et ne résout pas la
30
Article R. 2131-13 du CMP.
31
Article R. 2191-1 du CMP.
32
Plateforme éditée par l’opérateur économique ATEXO.
33
Les autres cas de figure visent l’acquisition d’une œuvre ou d’une performance artistiques et des raisons
techniques impérieuses et avérées, notamment en matière immobilière.
34
Le CNRS a pris des avis, notamment auprès de la DAJ du ministère de l’économie et des finances, avant de se
forger une doctrine de non recours à l’article R. 2122
-10 du CMP.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
90
question du non-recours aux « exceptions recherche »,
n’ont pas
justifié de diligences
particulières dans le cadre de ce contrôle.
S’agissant des dérogations plus structurelles liées à l’achat scientifique, il
est dommage
que par un souci de prudence légitime le premier opérateur de recherche de France soit privé
de dispositions qui lui permet
traient d’alléger le fardeau de procédures qui sont ressenties
comme pesantes par bon nombre de laboratoires. Une réécriture de ces dispositions, afin de
lever les ambiguïtés qu’elles recèleraient et qui contribuent à en limiter l’utilisation
, paraît
s’imp
oser, et ce sans préjuger de la capacité des acheteurs du CNRS à bien distinguer ce qui
relève de l’achat scientifique de ce qui n’en relève pas.
En outre, d
ans un contexte caractérisé par l’augmentation d
u coût des équipements de
recherche et par la concu
rrence internationale, il devrait être possible d’envisager de limiter les
règles de publicité, notamment lorsqu
’elle
risque de compromettre la protection du potentiel
scientifique et technique de la Nation ou encore dans le cadre d’un partenariat ciblé, o
ù le CNRS
aurait codéveloppé un prototype qui deviendrait l’équipement de recherche souhaité,
notamment si des impératifs de souveraineté sont en jeu. Il en va de même des achats
scientifiques
d’occasion
réalisés
auprès d’une autre entité publique, pratiqu
e très souhaitée dans
l
’univers de
la recherche mais dont sont exclus «
de jure
», en tant qu’acheteurs,
nombre
d’opérateurs publics de recherche (le CNRS parmi les autres), d’écoles et d’universités, limités
dans leur possibilité de conclure un achat de gré à gré.
Enfin, une réflexion inspirée par «
l’exception défense
», qui
permet d’
assouplir les
règles de mise en concurrence dans certaines hypothèses.
Cet enjeu est d’autant plus stratégique
que le CNRS évalue
35
à plus de 330 M€ (soit un minimum de 42,8
%), le volume des achats
qu’il a consacré à du matériel ou à des fournitures
scientifiques (hors informatique scientifique).
Ce type de dérogation serait particulièrement adaptée en particulier pour les équipements
scientifiques qui dépassent les seuils de mise en concurrence du code des marchés publics.
Le CNRS a porté à la connaissance de la Cour que
l’Union européenne
, pour les fonds
FEDER
, interdit généralement d’acheter en même temps qu’un équipement la maint
enance de
celui-ci, ce qui placerait
l’opérateur
en situation défavorable vis-à-
vis du fabricant lorsqu’il doit
acquérir cette maintenance plusieurs années après
et ce alors même qu’une maintenance est
indispensable et souvent difficile à financer sur des appels à projets. Ce nouvel exemple de
lourdeur juridique justifie les réflexions visant à alléger les règles de gestion publique dans le
secteur de la recherche.
La DAJ
du ministère de l’économie et des finances adopte
quant à elle une posture
prudente
sur une telle évolution. Tout en signalant qu’elle associera le CNRS et d’autres
établissements de recherche aux travaux de renégociation des directives européennes sur les
marchés publics, elle s’interroge sur la réalité des difficultés exprimées par les
acheteurs
auxquels elle suggère de se saisir pleinement des dérogations existantes, sous la responsabilité
du juge. C
ette position reflète parfaitement l’état du droit, tout en confirmant l’intérêt d’une
réflexion permettant de faire évoluer le cadre norma
tif dans un sens plus favorable à l’achat
scientifique, à la rapidité et à l’économie de moyen des procédures
et à la protection du
patrimoine scientifique et technique de la Nation.
35
Pour obtenir ce résultat, le CNRS totalise les dépenses, enregistrées dans ses applications, relatives aux codes
Nacres les plus pertinents (gaz de laboratoire, instrumentation et consommables de laboratoires, hygiène etc.)
augmentées des frais (frais de port, douanes …) y afférents.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
91
De façon plus précise, il serait souhaitable de tirer parti de la révision des directives
européennes en cours pour obtenir pour les achats de recherche, en particulier de gros
équipements, les mêmes souplesses que celles consenties pour les achats de sécurité et de
défense par la directive 2009/81/CE du 13 juillet 2009 sur les marchés dans le domaine de la
défense et de la sécurité, au nom de la protection du potentiel technologique et de recherche
européen, à un moment où le rapport Draghi de septembre 2024 a montré un décrochage de
l’Union par rapport à ses compétiteurs. Si
une telle souplesse était obtenue, il faudrait
l’accompagner de mécanismes compensatoires pour garantir la qualité de l’achat public, en
s’inspirant par exemple des dispositifs d’enquête de coût mis en place pour les achats de défense
par le
d
écret n° 2024-308 du 4 avril 2024 relatif au contrôle du coût de revient des marchés de
défense ou de sécurité de l'État et de ses établissements publics.
Recommandation n°14 (MESR, MEF, CNRS, 2025) Mieux utiliser les possibilités
dérogatoires aux règles de la commande publique prévues ou adaptées pour la
recherche publique, et le cas échéant, tirer parti de la consultation européenne en
cours sur la commande publique pour les faire évoluer
en s’inspirant de ce qui existe
pour les achats de matériel de sécurité et de défense.
5.2
Un renforcement significatif du contrôle des achats
depuis 2021 et une réduction des zones de risque
5.2.1
La consolidation de la fonction achats a permis au CNRS de gagner en vigilance
et en compétence
5.2.1.1
Le rôle d’animation de la DDAI a été consolidé
La DDAI, rattachée à la DSFIM, joue un rôle central dans le domaine de la commande
publique au sein du CNRS. Elle est composée
d’agents
, majoritairement recrutés pour leurs
compétences juridiques en matière de passation de marchés publics,
qu’l est de plus en p
lus
difficile d’
employer dans la durée, dans un contexte très concurrentiel. Or, il est essentiel que
la direction des ressources humaines du CNRS maintienne une « marque employeur »
valorisante qui lui permette de fidéliser des employés et des cadres expérimentés.
La DDAI est officiellement chargée de passer les marchés dits transversaux, de
contribuer à définir la politique générale des achats du CNRS, de procéder aux audits
stratégiques sur le secteur et de venir en appui des DR pour la commande publique. Elle joue
un rôle central dans l’élaboration des normes internes applicables à la commande publique au
sein du CNRS, dans leur diffusion au sein de la chaîne de décisions, largement déconcentrée,
ainsi que dans l’animation d’un réseau des donneurs d’ordre à l’échelle de tout l’établissement
et des quelque 1 130 unités de recherche dont le CNRS assure la « cotutelle ». La direction des
affaires juridiques (DAJ) vient en appui de la DDAI dans des cas limités liés à l’apparition ou
au traitement d’un problè
me contentieux. Pour les quelques marchés passés au niveau national
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
92
par la DDAI, celle-
ci s’appuie sur la DSI et sur la direction charg
é
e de l’immobilier,
respectivement pour les marchés informatiques et pour les marchés liés aux travaux.
Une fonction essentielle de la DDAI consiste à se saisir très en amont des interrogations
et des besoins exprimés par les responsables d’achat et à instaurer un climat de confiance
associant les DR et les unités
, étant admis, voire posé comme inévitable, qu’acheteurs et
fournisseurs potentiels « vivent » dans un écosystème scientifique partagé, fait de rencontres
professionnelles, de salons établissant une évidente communauté de pensée. Cette question, qui
est celle du sourçage des achats, pose le problème de l’identificat
ion par les acteurs de la
communauté scientifique des différentes sources d’approvisionnement à même de répondre à
leurs besoins
: les y aider demeure la principale raison d’être de cette direction. L’action de la
DDAI s’est intensifiée à dater de 2021 sur
injonction de la présidence du CNRS. Cette
intensification se traduit par des initiatives nombreuses, incitatives et préventives plus que
coercitives, qui ont joué un rôle positif en matière de professionnalisation des acheteurs et de
prévention des risqu
es d’irrégularités.
La diffusion des bonnes pratiques en matière d’achat au CNRS
La DDAI diffuse de bonnes pratiques en matière de commande publique, au travers de
divers canaux et instruments. Une rubrique « faire un achat » sur le portail intranet du
CN
RS, destinée aux personnels des unités de recherche dont les fonctions incluent l’achat
fournit l’essentiel des informations pratiques, réglementaires et éthiques, nécessaires,
notamment pour les acquisitions de prestations intellectuelles. Un espace partagé («
Core
achat
») plutôt destiné aux acheteurs des délégations régionales, ainsi qu’aux référents du
réseau achats flotte automobile, fournit, outre la documentation pratique et théorique
nécessaire à la commande, des informations sur le suivi de la performance de toutes les
délégations et invite au partage des bonnes pratiques.
À ces supports, s’ajoutent des actions d’information et de formation diverses et
systématiques : les « entretiens achats » menés par les pôles achats des DR à destinations
des un
ités se traduisent par de véritables revues d’achat régulières portant sur des
acquisitions passées (échantillons), revues dont les résultats sont communiqués aux
directeurs d’unité
; les actions de formation proprement dites sont proposées aux
gestionnaires achats de ces mêmes unités ; des actions nationales de formation organisées
par la DDAI les complètent. En outre, une réunion mensuelle rassemble le directeur délégué
aux achats et à l’innovation, les acheteurs et responsables des pôles achats dans les
DR ainsi
que les agents comptables secondaires dans le but de diffuser les nouvelles règles d’achat
ainsi que les informations sur le déploiement de nouveaux contrats nationaux. Au cours de
ces réunions est abordé le suivi des contrats en cours qui appelleraient des observations.
Enfin
, une information est transmise régulièrement par courriel à l’ensemble de la
communauté achat. Les directeurs d’UMR et leurs équipes disent apprécier ces efforts ainsi
que le service rendu par les DR.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
93
5.2.1.2
Des procédures de régulation orientées vers la détection des non-conformités
Tout d’abord, les projets de marché qui atteignent ou dépassent 90
000€ HT
36
sont
obligatoirement soumis à un avis du délégué régional. Tous les projets de marché supérieurs à
2 M€ (travaux, gros invest
issements, informatiques) sont soumis à un examen
a priori
de la
commission permanente des achats
37
(CPA) qui se réunit au moins une fois par mois : cet
examen porte sur le dossier de consultation des entreprises (DCE), donc sur le respect par
l’acheteur de
règles de nature à garantir la neutralité de la consultation. Bien entendu, la CPA
peut être saisie de tout marché présentant un risque quelconque
38
, ce qui n’est toutefois pas
produit ces dernières années
. Le marché ne peut donner lieu à un début d’exécut
ion tant que la
CPA ne s’est pas prononcée. La fonction régulatrice de la CPA se manifeste par la détection de
25 à 30 non-conformités par an
, d’importance variable, par la détection des points faibles de
certaines unités, conduisant à une mise sous surveillance, source de progrès, surtout si le
dialogue annuel de gestion fournit bien l’occasion d’aborder la question des procédures
d’achats et de leur mutualisation. En outre, le respect au quotidien des seuils et des procédures
associées est désormais assur
é par une série d’outils générant des alertes automatiques.
L’interface GESLAB (
cf.
supra
) a évolué en ce sens, mais dépend de la correcte saisie des codes
permettant d’identifier les besoins homogènes
et ceux
référencés auprès d’un marché national
(sans o
ublier l’UGAP) ou local. Enfin, la DCIF (dirigée par l’agente comptable)
procède à des
audits réguliers
a posteriori
, dont la finalité est plus curative que préventive. En matière de
contrôle
a posteriori
, outre les « entretiens achats » déjà mentionnés, la DCIF réalise des
« audits achats » portant sur la présence de tous les justificatifs de dépense requis. Ses contrôles
portent aussi sur l’utilisation de la carte achats par ses différents détenteurs. Des contrôles
externes sont par ailleurs réalisés par
l’ANR pour les dépenses relevant de ses financements
; il
en va de même pour les contrats européens.
5.2.2
Des procédures mieux documentées et des outils en voie de rénovation
Le CNRS est désormais doté de procédures bien documentées, mises à disposition de
tous les acheteurs sur une variété de supports, accompagnés des formulaires-types facilitant les
différentes étapes d’une procédure d’acquisition.
En outre, s
ans disposer d’une application
unique permettant la gestion d’un marché, depuis la définition du besoin jusqu’à la fin de
l’exécution du contrat, le CNRS utilise une succession de logiciels qui couvrent les différentes
phases d’un marché. Parmi les plus utiles et les plus utilisés, il faut mentionner PROMIS, outil
de programmation des marchés d’investissement et de service qui, s’il est bien servi, permet de
planifier les achats au niveau de chaque délégation régionale. La phase essentielle de la
publicité passe aujourd’hui par la mise en ligne du
dossier de consultation de entreprises, sur la
plateforme PUMA, pour les achats en dessous du seuil des procédures formalisées. Réputée
pour sa facilité d’utilisation, elle a toutefois vocation à disparaître au profit de la plateforme de
l’
État, PLACE, déjà utilisée pour les achats au-dessus du dudit seuil. Réputée moins
ergonomique, sinon parfois dysfonctionnelle, PLACE présente l’avantage d’une plus grande
36
Montant inférieur aux seuils des procédures formalisées.
37
Elle réunit, outre le DSFIM ou son représentant, la DDAI, un représentant de la DAJ, un délégué régional et un
rapporteur extérieur chargé d’examiner les dossiers soumis.
38
Juridique, économique, environnemental.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
94
sécurité juridique. L’outil GESLAB, mis en place dans le cadre du projet SI Labo (
cf.
infra
)
permet de suivre précisément
l’exécution des contrats.
Ces outils
donnent satisfaction mais demeurent d’autant
plus perfectibles, que certains
sont voués à disparaître : leur évolution ne dépend toutefois pas de la volonté du seul opérateur
qu’est le CNRS. Toutefois, à l’instar de tous les établissements publics, opérant
en réseau
comme le CNRS, les procédures d’acquisition donnent encore lieu à la production de pièces
contractuelles (dont les pièces justificatives exigibles en vue du paiement des contrats) sur
support papier, posant la question de leur archivage et de leur traçabilité, durant une période
transitoire qui n’en finit pas de se prolonger.
5.2.3
Le CNRS a constitué une centrale d’achat pour réduire ses coûts
La mutualisation est une des clefs de la montée en compétence de la fonction achats. Au
CNRS, la mutualisatio
n s’opère d’abord au niveau des délégations régionales pour le compte
des unités. Pour autant, d’autres actions d’importance ont été initiées en la matière.
L’obtention par le CNRS de la qualité de centrale d’achat
, qui résulte de dispositions
réglementaires de 2015
39
,
était destinée à
faciliter le recours à des procédures d’acquisition
allégées. Ce statut permet au CNRS, de faire bénéficier ses nombreuses UMR, mais aussi
d’autres organismes publics, à la condition qu’ils appartiennent au monde de l’enseigne
ment
supérieur et de la recherche, de ses compétences en matière d’achat afin de réaliser des
économies d’échelle et d’améliorer le coût des commandes mutualisés, mais aussi de simplifier
la gestion des UMR en recourant à un même véhicule contractuel commun aux différentes
tutelles. Dans ce cadre, le CNRS met à disposition de ses partenaires plusieurs marchés
nationaux ou accords-
cadres portant principalement sur l’équipement informatique,
l’information scientifique
40
et les prestations d’assistance à l’étra
nger, mais aussi dans de
nombreux domaines relatifs à l’instrumentation scientifique encore que l’instrumentation
« courante
» fasse encore l’objet de nombreux achats au niveau des UMR.
Les résultats sont plutôt satisfaisants, puisque 164 établissements ont signé une
convention avec le CNRS en 2023 (soit 74 de plus par rapport à 2016 et 17 de plus sur la
dernière année). Le volume des achats des bénéficiaires
réalisés par l’entremise de
la centrale
représentait 18 M€ en 2018 et 42 M€ en 2023, pour quelque
460 marchés subséquents à bons
de commande et plusieurs dizaines de marchés subséquents s’exécutant au forfait (accords
-
cadres d’instrumentation scientifique).
D’autres expériences de mutualisation ont été conduites à l’image de l’
IFSeM, créé en
2015 au bénéfice des différentes délégations régionales et unités de recherche présentes en
région parisienne. Cette structure, portée par la délégation Île-de-France Villejuif, fournit une
offre de services mutualisés notamment dans le domaine des achats. Au total, une partie de plus
en plus importante des marchés est passée sous une forme mutualisée avec une autre entité
publique
: 110 marchés étaient concernés en 2023, pour un total de près de 168 M€, un montant
en hausse par rapport à 2021 (99 M€) et 2022 (124 M€).
39
Décret n° 2015-1151 du 16 septembre 2015
40
Le premier support contractuel a concerné l’accès aux bases de données bibliométriques Clarivate et Elsevier.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
95
5.3
Des actions à poursuivre et à amplifier
5.3.1
Un volume d’achats réalisés sur facture qui
demeure important
Le volume des achats réalisés sur facture reste important, ce qui crée des risques de non-
conformité, notamment au niveau déconcentré où se trouvent la plupart des acheteurs et des
prescripteurs. Cependant,
le CNRS ne dispose pas de statistiques d’ensemble sur ce sujet. En
effet, seuls certains marchés, négociés sans publicité ni mise en concurrence préalable, ainsi
que les marchés subséquents sans remise en concurrence (suite à un accord cadre) sont suivis
dans BFC : ces achats sont
évalués en 2023 à 43 M€
(5,6 % des procédures inscrites dans BFC
en 2023 et 8% des dépenses), mais concernent 248 procédures sur 1 279. Pour mieux cerner le
volume total des achats inférieurs aux seuils de 90
000 € et principalement réalisés dans les
unités sans saisie dans BFC, le CNRS se livre donc désormais à une étude statistique annuelle.
Celle-
ci révèle qu’en 2023, 366 M€ sur les 771 M€ engagés le seraient au titre d’achats passés
sans procédure, ce taux étant en diminution sur plusieurs exercices.
Tableau n° 7 :
Part des achats réalisés hors procédure de marché public
Année
Pourcentage en volume des dépenses « hors-marché »
2023
48 %
2022
48 %
2021
50 %
2019
52 %
Source : DDAI du CNRS
Cette évolution traduit les efforts menés par le CNRS afin de couvrir le maximum de
besoins mutualisables par des supports contractuels nationaux ou régionaux. Même si les
contrôles
sur échantillon réalisés n’ont pas détecté d’anomalie flagrante, on ne peut totalement
exclure que le v
olume important d’achats sur facture
ne soit l’indice
d’une mauvaise
appréhension, par les acheteurs locaux, des règles de la commande publique, notamment en
matière de computation des seuils, signalant ainsi un point de vigilance
qu’il convient de
surveiller.
Les ressources et l’expertise indispensables à la maîtrise des règles de la commande
publique sont parfois insuffisantes dans les unités de recherche.
Une autre zone d’amélioration possible concerne la cartographie des achats qui révèle
des situations qui pourraient encore être améliorées. En effet, la question de la définition des
achats à caractère scientifique et de la répartition des achats selon leur finalité demeure une des
plus importantes pour garantir la sécurité et la performance des achats r
éalisés. C’est aussi une
des plus complexes à résoudre du fait de l’atomisation des donneurs d’ordre
au sein du CNRS.
Enfin, la problématique de la relation prescripteur/acheteur, du dialogue entre le
chercheur qui exprime son besoin et le responsable des achats à qui il incombe de le mettre en
forme est à prendre en compte. Les efforts de la formation devront être intensifiés afin de
combler le niveau d’expertise parfois insuffisant observée dans certaines unités scientifiques.
D’autres
situations nécessit
ent d’être
surveillées, sans pour autant constituer des non-
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
96
conformités : il en va ainsi de
l’utilisation de la carte achats,
et plus encore de la
carte d’affaires
,
dans les délégations mais surtout par les unités de recherche, qui peut présenter des risques.
5.3.2
Au-
delà de la conformité, la qualité de l’achat public
doit devenir une priorité
Certains marchés nationaux, irréprochables du point de vue de la régularité, appellent
de sérieuses réserves au regard d’un objectif de qualité de l’achat public. Il est rappelé qu’un
marché doit avant tout répondre de façon satisfaisante au besoin réel de l’utilisateur
par une
prestation facturée au prix le plus juste. Tel n’est pas le cas actuellement du marché relatif aux
déplacements qui, non seulement, ne garantit pas les tarifs les plus économiques, mais encore
ne permet pas de couvrir tous les besoins, notamment les déplacements ferroviaires au-delà des
frontières de la France métropolitaine. Ce marché est vécu comme un facteur de complexité par
ses bénéficiaires, qui
ne constatent pas forcément d’économie par rapport à un achat direct ou
qui signalent son caractère inadapté par rapport aux besoins (par exemple avec la réservation
d’hébergements
éloignés du centre-ville ou du lieu de réunion
à l’occasion d’invitations
de
chercheurs étrangers).
Pour remarquables que soient les efforts constants fournis par la direction du CNRS afin
de sécuriser juridiquement la pratique de la commande publique au sein d’un ensemble aussi
complexe, efforts qui méritent d’être poursuivis
et parfois amplifiés, il faudrait aussi placer la
qualité et la performance de la commande publique au même niveau que sa régularité, parmi
les objectifs à atteindre. La multitude des prescripteurs et des acheteurs répartis dans les unités
adhérerait d’aut
ant plus aisément aux contraintes imposées par la réglementation
qu’elles
s’accompagneraient d’une performance accrue de la fonction achat. Sur ce point, il convient de
noter que le CNRS
s’est doté
d’objectifs concernant la performance
et la qualité de ses achats
publics dans le cadre de sa démarche de responsabilité sociale et environnementale. Ainsi, le
CNRS indique que la performance de l’achat public constitue une des quatre briques de son
plan de transition écologique annoncé en 2022 (
« acheter mieux et moins »
) dans la mesure où
les achats représentent 74
% des émissions de gaz à effet de serre de l’opérateur.
Le CNRS suit
plusieurs objectifs de qualité, qui ne sont pas tous atteints mais pour lesquels on dénote une
amélioration continue. On peut relever en particulier la progression rapide du taux de marchés
comprenant une disposition environnementale, qui est passé de 20 % en 2022 à 33 % en 2023,
qui résulte en grande partie du fait que le CNRS ait anticipé de trois ans l’obligation de retenir
au moin
s un critère d’attribution prenant en compte les caractéristiques environnementales de
l’offre prévue à compter de 2026 par la loi
« Climat et résilience » du 22 août 2021.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
97
Tableau n° 8 :
Indicateurs de performance des achats du CNRS
Part des achats
Objectif 2023
Taux 2023
Moyenne 2019-2023
Passés avec une PME ou une ETI
30%
53%
48,8%
Comprenant une clause environnementale
40%
33%
18,6%
Comprenant une clause sociale
15%
6%
4,2%
Source : DDAI du CNRS
La poursuite de ces objectifs de qualité de l’achat peut entrer en
contradiction avec la
recherche du moindre coût. De fait, on observe que la part des achats ayant dégagé un gain
41
s’effrite en 2023 (25
%) par rapport aux quatre années antérieures (entre 28 % et 35 %), mais
c
e constat n’est pas propre au CNRS. Plus large
ment, une stratégie est à construire en matière
d’achats à caractère scientifique, dont les enjeux organisationnels et réglementaires, dépassent
d’ailleurs
le cadre du CNRS.
D’un point de vue très pratique,
enfin, la recherche de coopérations
renforcées, avec les universités et autres établissements publics partenaires, dans le cadre des
« cotutelles
» assumées sur les laboratoires, devrait s’intensifier. Lorsqu’il existe, ce climat de
coopération contribue à une meilleure satisfaction des besoins exprimés par les chercheurs
______________________ CONCLUSION INTERMÉDIAIRE ______________________
Depuis le dernier contrôle de la Cour, le CNRS a déployé des efforts notables pour
améliorer ses chaînes de contrôle avec pour résultat le renforcement de la robustesse de ces
procédures d’achats afin d’
assurer leur conformité au cadre juridique applicable. En outre,
toute recommandation pour l’avenir doit être
prudemment
évaluée à l’aune des particularités
qui caractérisent la commande publique au sein d’un opérateur de recherche national charg
é
d’un budget de 4 Md €
: des règles de procédure spécifique, un volume annuel d’achat de plus
de 770 M€, des milliers de prescripteurs potentiels répartis entre le siège les délégations et plus
de 1 000 unités. Des améliorations sont toutefois encore possibles, dans plusieurs directions.
Les raisons qui conduisent à une sous-utilisation manifeste des dispositions réglementaires qui
permettraient d’alléger les procédures d’achat à caractère scientifique devraient être
an
alysées, et déboucher s’il y a lieu sur des modifications textuelles, voire sur l’insertion
d’exceptions recherche, utilisables sans risque dans le code de la commande publique.
À cet
enjeu de simplification, s’ajoute un effort supplémentaire à fournir afin de continuer à faire
diminuer la part des achats dits « hors-marché » qui demeure trop élevée. Enfin la qualité de
l’achat, sur laquelle le CNRS s’est dotée d’objectifs,
doit devenir une priorité de même niveau
que sa régularité.
41
Différence à l’avantage de l’acheteur entre le prix historique et le prix nouveau.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
98
CONCLUSION GENERALE
Ces observations, issues du contrôle de la Cour sur les comptes et la gestion du CNRS
de 2013 à 2023, portent délibérément sur un nombre limité de thèmes,
choisis parce qu’ils
constituent des ressorts efficaces au service de la performance de recherche publique :
comptabilité, budget, ressources humaines, « fardeau administratif
», systèmes d’information
et achats.
Les 14 recommandations, qui ont été tirées des principaux constats effectués par la Cour,
poursuivent une même orientation : aider le CNRS à optimiser les moyens importants (et en
croissance) dont il dispose afin de maintenir son attractivité et
d’élever encore le haut niveau
atteint par la recherche publique française, notamment dans sa dimension interdisciplinaire.
Elles tiennent compte de l’organisation matricielle complexe de la recherche publique
française
en général et du CNRS en particulier, structuré par 10 instituts thématiques, 17 délégations
régionales assurant une gestion déconcentrée des ressources, et dont relèvent 1 130 unités de
recherche qui constituent autant des entités chapeautées par le CNRS que des partenaires.
Il en résulte le tableau d’un opérateur de recherche unique en son genre, dont
l’excellence est universellement reconnue et dont les comptes sont sains, mais qui doit aussi
veiller à justifier l’emploi d’une trésorerie abonda
nte,
quoiqu’en partie fléchée, continuer à
attirer et surtout à retenir les meilleurs talents, mieux sécuriser ses nombreuses applications
informatiques et, enfin, veiller à la satisfaction des besoins de plusieurs milliers de chercheurs,
dans le respect de règles complexes. À cet égard, la lourdeur de certaines réglementations peut
conduire le monde de la recherche à y voir un « fardeau
» plutôt qu’une protection. Des
réformes allant dans le sens d’un allègement souhaité par les chercheurs et bienvenu en t
ermes
d’efficacité des moyens publics de recherche, doivent être poursuivies, avec l’appui des
ministères concernés.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
99
LISTE DES ABREVIATIONS
AGD : Autorisation globales de dépenses
AGDi : Autorisation globale de dépenses individualisée
AGDg : Autorisation globale de dépenses globalisée
AMUE : Agence de mutualisation des universités et des établissements
ATIP-Avenir : Action thématique incitative sur programme
BIATSS :
Bibliothécaires, ingénieurs, administratifs, techniciens, personnels sociaux et de
santé de l'enseignement supérieur
CEA
: Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives
CEREGE
: Centre de recherche et d’enseignement des géosciences de l’Univers
CFAP : Projet informatique de
Consolidation des données Financières pour l’Aide au
Pilotage
des UMR
CNES
: Centre national d’études spatiales
CNRS : Centre national de la recherche scientifique
COMP
: Contrat d’objectifs de moyens et de performance
COP
: Contrat d’objectifs et de performance
CoNRS : Comité national de la recherche scientifique
CPJ : Chaire de professeur junior
CPU
: Conférence des présidents d’université
CSSI
: Correspondant sécurité des systèmes d’information
DCIF
: Direction des comptes et de l’information financière
DDAI
: Direction déléguée aux achats et à l’innovati
on
DGRI
: Direction générale de la recherche et de l’innovation
DINUM :
Direction interministérielle du numérique de l’État
DR : Délégation régionale
DRH : Direction des ressources humaines
DSFIM :
Direction de la stratégie financière, de l’immobilier et d
e la modernisation
DSI
: Direction des systèmes d’information
DU
: Directeur d’unité
EPIC : Établissement public industriel et commercial
EPST : Établissement public à caractère scientifique et technique
ETPT : Équivalent temps plein travaillé
GBCP : Gestion budgétaire et comptable publique
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
100
HCERES
: Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur
IMJ : Institut de mathématiques de Jussieu
IPBS : Institut de pharmacologie et de biologie structurale de Toulouse
INRAE : Institut national d
e recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement
InSB : Institut des sciences biologiques
INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale
INSMI : Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions
INSU
: Institut national des sciences de l’Univers
IPBS : Institut de pharmacologie et de biologie structurale
ITA : Ingénieurs et personnels techniques de la recherche
LOLF : Loi organique relative aux lois de finances
PEPR : Programmes et équipements prioritaires de recherche
PRA
: Plan de reprise de l’activité
RPb : Ressource propre banalisée
RIFSEEP
: Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et
de l’engagement professionnel
RIPEC : Régime indemnitaire des personnels enseignants et chercheurs
RSSI : Responsable de la sécurité informatique
SCSP : Subvention pour charges de service public
SI
: Système d’information
SDI : Schéma directeur informatique
UMR : Unité mixte de Recherche
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
101
ANNEXES
Annexe n° 1. Les comptes du CNRS
..................................................................................
102
Annexe n° 2. Exécution budgétaire 2023
............................................................................
110
Annexe n° 3. Données chiffrées sur les ressources humaines (2013-2023)
........................
114
Annexe n° 4. Le « fardeau administratif » vu depuis 24 unités de recherche
.....................
116
Annexe n° 5. Comparaisons internationales sur le « fardeau administratif »
.....................
120
Annexe n° 6. Trois instituts du CNRS
................................................................................
126
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
102
Annexe n° 1.
Les comptes du CNRS
Les comptes individuels du CNRS
Tableau n° 9 :
Bilan du CNRS (données agrégées)
En M€
31 12 13
31 12 19
31 12 20
31 12 21
31 12 22
31 12 23
ACTIF
Immobilisations incorporelles
67
68
18
19
20
23
Terrains et constructions
444
559
520
578
581
637
Matériel technique
414
346
309
304
336
350
Autres immos. corporelles
265
261
246
204
214
169
Immobilisations financières
16
13
24
27
23
17
Créances et autres actifs
1 329
946
1 029
1 107
1 197
1 361
Disponibilités
500
897
995
1 184
1 278
1 399
Total actif
3 035
3 090
3 139
3 423
3 649
3 956
PASSIF
Capitaux propres
1 500
1 489
1 278
1 425
1 456
1 403
Provisions pour remise en état
40
121
119
123
174
184
Autres provisions
177
206
310
298
239
313
Dettes financières
14
4
5
24
18
13
Avances et acomptes
908
972
1 103
1 245
1 385
1 606
Autres passifs circulants
396
298
324
308
377
437
Total passif
3 035
3 090
3 139
3 423
3 649
3 956
Source : comptes individuels du CNRS ( norme recueil des normes comptables des établissements publics)
Les principaux postes de l’actif immobilisé du CNRS c
oncernent les immobilisations
corporelles, avec notamment les locaux (terrains et constructions) et le matériel scientifique
(installations techniques, matériels et outillages). La valeur comptable des locaux est en
augmentation en fin de période, en raison des travaux réalisés à partir de 2021 au titre du plan
de relance énergétique, destiné notamment à permettre une meilleure isolation des bâtiments et
des investissements réalisés en 2018 pour les besoins des projets du centre de nanosciences et
de nanotechnologies.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
103
Les immobilisations incorporelles représentent une valeur plus modeste, liée
principalement aux logiciels, qui a diminué en 2020 du fait du transfert des brevets à la filiale
CNRS innovation. Concernant, les frais de développement, le CNRS, ne
disposant pas d’un
suivi précis du temps consacré par ses chercheurs aux différents projets
, considère qu’il ne
dispose pas des moyens de les évaluer de façon fiable, ce qui conduit à ne reconnaître à l’actif
que les couts externes liés aux frais juridiques de protection des brevets déposés.
Les immobilisations financières concernent principalement les titres de participation
dans les filiales du CNRS, détenues majoritairement qui sont CNRS Éditions, CNRS
innovation, CNRS Create, Thémis (télescope héliogra
phique pour l’étude du magnétisme et de
l’instabilité solaire)
, Synchrotron Soleil et les autres participations minoritaires, notamment
dans les sociétés d’accélération du transfert technologique
(SATT) en régions et dans les entités
portant des projets scientifiques en coopération dont les principales sont
l’European
gravitational observatory
, l’Institut de radio
-astronomie millimétrique, le
Canada France
Hawaï telescope corporation
, le Centre européen de recherche en biologie et en médecine, le
Grand équi
pement national de calcul intensif, l’Institut Max von Laue
- Paul Langevin et
l’
European synchrotron radiation facility
.
Les créances et autres actifs sont constitués principalement des créances sur des entités
publiques, État et Union européenne notamment. Entre 2013 et 2019, la diminution du poste
s’explique principalement par un paiement plus rapide de la subvention pour service public
(qui
à elle seule explique une diminution de 145 M€ du solde du poste entre la fin 2016 et la fin
2017). Depuis 2019, le poste est à nouveau en augmentation en raison de la croissance des
produits à recevoir sur les projets à long terme, qu’il s’agisse des projets financés par l’Union
européenne dans le cadre du programme Horizon 2020 et Horizon Europe ou de ceux financés
au niveau national au titre des projets d’équipements prioritaires de recherche
financés au titre
de France 2030. Ces produits à recevoi
r sont passés de 726 M€ à la fin de 2019 (794 M€ fin
2013) à 1
040 M€ à la fin de 2023, évolution
liée à
l’augmentation du volume
de ce type de
projets
pluriannuels qui sont comptabilisés selon la méthode de l’avancement par les coûts.
Les disponibilités du CNRS ont
fortement augmenté pour passer de 500 M€ à la fin de
2013 à 1
399 M€ à la fin de 2023. Cette forte augmentation est corrélée avec la forte
augmentation des avances et acomptes reçus qui sont passés de 908 M€ fin
2013 à 1
606 M€
fin 2023. Cette
trésorerie figure sur un compte de dépôt du Trésor public et n’est pas rémunérée.
Les fonds propres sont restés relativement stables avec, fin 2023, un solde de 1
403 M€
(35 % du total bilan) contre 1
500 M€ à la fin de 2013.
Ils ont toutefois connu un point bas à la
fin de 2020, du fait notamment de la perte de 108 M€ enregistrée cette année
-là, situation
redressée en 2021 avec la réalisation d’un résultat positif de 133 M€.
Les provisions pour risques et charges ont augmenté sur la période, sous le double effet
de l’augmentation des provisions pour démantèlement qui sont passées de 40 M€ à fin 2013 à
184 M€ à la fin de 2023 et de l’augmentation des provisions constituées au titre du compte
épargne temps qui sont passées de 96 M€ à la fin de 2013 à 249 M€ à
la fin de 2023.
L’augmentation des provisions pour démantèlement
résulte des progrès réalisés dans
l’élaboration d’analyses externes permettant de mieux évaluer les obligations du CNRS en
matière de démantèlement de ses grandes infrastructures. Ce travail
a encore besoin d’être
complété par
l’évaluation d
e la part du coût du démantèlement du télescope exploité par
Canada
France Hawaï telescope corporation
qui n’a pas encore été finalisée.
Quant
à l’augmentation
de la provision pour compte épargne temps, el
le résulte en partie d’une décision de gestion
ayant conduit à ne pas imposer aux agents de prendre des congés pendant la période de la crise
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
104
sanitaire de 2020, ce qui a conduit à une augmentation de la provision pour compte épargne
temps de 50 M€ pour cette seule année.
L’évolution du poste avances et acomptes reçus est à mettre en relation avec l’évolution
de la trésorerie et concerne principalement les financements reçus en avance pour le
financement des projets de recherche résultant d’appels à projets nationaux ou européens.
L’évolution des autres postes du passif circulant qui compr
ennent notamment les dettes
fournisseurs n’appellent pas de commentaire particulier.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
105
Tableau n° 10 :
Compte de résultat du CNRS (données agrégées)
En M€
2013
2019
2020
2021
2022
2023
PRODUITS D’EXPLOITATION
Subvention CSP
2 594
2 632
2 641
2 749
2 816
2952
Financement ANR
179
185
178
209
242
284
Financement UE
79
123
135
151
158
164
Sub. interventions
0
0
0
66
81
90
Autres subventions
357
189
180
197
173
164
Produits d’activité
111
203
166
201
212
246
Reprise de provisions
45
112
97
72
122
71
Total produits
3 365
3 444
3 397
3 645
3 804
3 973
CHARGES D’EXPLOITATION
Fourniture des labos
(97)
(101)
(98)
(110)
(110)
(119)
Achats d’énergie
(25)
(25)
(26)
(26)
(30)
(61)
Déplac. et missions
(108)
(117)
(29)
(42)
(105)
(119)
Entretien et réparat.
(54)
(55)
(58)
(61)
(64)
(68)
Charges d’intervent.
0
0
0
(63)
(76)
(81)
Financ. des particip.
(146)
(133)
(133)
(88)
(84)
(91)
Charges personnel
(2 271)
(2 375)
(2 414)
(2 473)
(2 574)
(2 702)
Impôts et taxes (a)
(157)
(172)
(179)
(182)
(190)
(201)
Dot. amort. et prov.
(290)
(294)
(359)
(221)
(231)
(267)
Autres
(184)
(214)
(206)
(253)
(264)
(284)
Total charges
(3 332)
(3 486)
(3 502)
(3 519)
(3 728)
(3 993)
Résul. fin et except.r
(8)
0
(3)
7
1
7
RESULTAT NET
25
(42)
(108)
133
77
(13)
Source : comptes individuels du CNRS (recueil des normes comptables des établissements publics)
Les produits du CNRS ont augmenté en fin de période grâce aux effets de la loi de
programmation pluriannuelle de la recherche de décembre 2020 qui a prévu un effort important
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
106
au profit de la recherche publique : la subvention pour charges de services public du CNRS a
augmenté
(+311 M€ entre 2020 et 2023)
, ainsi que les crédits disponibles pour les appels à
projets lancés par l’
Agence nationale de la recherche (ANR) (les produits reçus à ce titre par le
CNRS ont augmenté de 106 M€ entre 2020 et 2023 avec un taux de succès des c
andidatures
dépassant les 25 %, contre moins de 15 % auparavant). Dans le même temps, le programme
pluriannuel de recherche de l’Union Européenne pour la période 2021
-2027, Horizon Europe,
a également vu ses moyens augmenter par rapport au précédent programme Horizon 2020, ce
qui a permis au CNRS, leader européen des organismes de recherche bénéficiaire, d’augmenter
ses produits en la matière de
85 M€ entre 2013 et 2023.
Les charges du CNRS ont dans l’ensemble augmenté sur la période selon une tendance
coh
érente avec l’inflation et l’activité de l’organisme, à l’exception des postes consacrés aux
frais de missions, qui ont connu une forte diminution en 2020 et en 2021 du fait des restrictions
de déplacements liés à la crise sanitaire et des frais d’énergie,
notamment électricité, qui ont
connu une forte hausse à partir de 2022, du fait de la forte inflation constatée sur le marché de
l’énergie. Le principal poste de charges concerne la masse salariale qui entraîne avec lui le poste
des impôts et taxes qui so
nt pour l’essentiel des taxes assises sur les salaires. L’évolution de ce
poste est
à mettre en relation avec l’évolution
des effectifs, reprise dans le tableau ci-après :
Tableau n° 11 :
Évolution des effectifs moyens du CNRS (hors stagiaires)
En M€
2013
2019
2020
2021
2022
2023
Effectif moyen
32 743
32 683
32 731
33 327
33 909
34 330
Source : comptes individuels du CNRS (norme recueil des normes comptables des établissements publics)
Globalement stables
jusqu’en 2020
, les effectifs ont connu une croissance à partir de cette date,
ce qui est à mettre en relation avec les moyens accrus alloués à la recherche par la loi de
programmation pluriannuelle de la recherche. Le CNRS a par ailleurs dû financer sur sa
substance les effets en 2022 de l’augmentation de 3,5
% du po
int d’indice décidé au 1
er
juillet
de cette année, ainsi que les effets en 2023 de l’augmentation de 1,5
% du point d’indice décidé
au 1
er
juillet de cette année.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
107
Les comptes consolidés du CNRS
Le périmètre de consolidation comprend le CNRS et ses filiales CNRS Éditions, CNRS
Innovation et CNRS @ create qui sont consolidées par intégration globale et les participations
contrôlées conjointement dans les sociétés Grand accélérateur d’ions lourds, Institut de radio
astronomie millimétrique, Synchrotron soleil, Centre européen de recherche en biologie et en
médecine, Observatoire européen gravitationnel et
Canada France Hawaï Telescope
corporation qui sont consolidées par intégration proportionnelle. Le CNRS est de loin le
principal contributeur du périmètre consolidé avec un total bilan de 3 956 M
€ à la fin de 2023
,
pour un total de bilan consolidé de 4
310 M€
.
Tableau n° 12 :
Bilan consolidé (données agrégées)
En M€
31 12 13
31 12 19
31 12 20
31 12 21
31 12 22
31 12 23
ACTIF
Immobilisations
1 455
1 458
1 417
1 415
1 451
1 468
Créances et stocks
1 359
966
1 049
1 144
1 230
1 386
Disponibilités
559
949
1 049
1 242
1 334
1 456
Total actif
3 373
3 373
3 515
3 801
4 015
4 310
PASSIF
Capitaux propres
1 773
1 695
1 565
1 703
1 749
1 680
Provisions
225
357
457
453
420
500
Dettes
1 375
1 321
1 493
1 645
1846
2 130
Total passif
3 373
3 373
3 515
3 801
4 015
4 310
Source : comptes consolidés du CNRS établi en normes françaises (règlement 99-02 du CRC)
Les principaux postes d’immobilisations sont les immobilisations corporelles avec les
constructions (632
M€ de valeur nette à fin 202
3) et les matériels et outillages (483
M€).Le
principal poste de créances concerne les autres créances pour 1 223
M€ à fin 202
3, détenues
principalement sur des entités publiques (État, Union européenne,
etc.
). Les principaux postes
de provisions concernent les congés payés et le compte épargne temps (296 M€ à fin 2023) et
le démantèlement des grandes infrastructures de recherche (184 M€)
.
La période est marquée par une nette augmentation de la trésorerie du périmètre
consolidé
qui est passé de 559 M€ à fin 2013 à 1
456 M€ à fin 2023.
Cette forte hausse est à
mettre en relation avec l’évolution de moindre ampleur du
principal poste de dettes qui concerne
les avances et acomptes reçus principalement au titre des contrats de recherche dont le solde est
passé de 911 M€ en 2013 à
1 609
M€ à fin 202
3.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
108
Tableau n° 13 :
Compte de résultat consolidé (données agrégées)
En M€
2013
2019
2020
2021
2022
2023
PRODUITS
D’EXPLOITATION
Subventions
2 691
3 139
3 153
3 292
3 388
3 562
Autres produits
648
220
196
371
404
457
Total produits
3 339
3 359
3 349
3 663
3792
4 019
CHARGES
D’EXPLOITATION
Personnel
(2 464)
(2 417)
(2 458)
(2 574)
(2 623)
(2 756)
Achats et autres
(647)
(632)
(546)
(605)
(700)
(807)
Impôts et taxes
(6)
(174)
(178)
(184)
(193)
(204)
Dotation nette
(191)
(182)
(229)
(223)
(190)
(271)
Total charges
(3 308)
(3 405)
(3 411)
(3 530)
(3 706)
(4 038)
Résultat financier
1
(10)
(6)
0
(3)°
(2)
Impôt
0
0
(9)
(1)
0
1
RESULTAT NET
26
(53)
(85)
132
83
(20)
Source : comptes consolidés du CNRS établi en normes françaises (règlement 99-02 du CRC)
L’augmentation de 311 M€ entre 2020 et 2023 de
la subvention pour charges pour
service public, engendrée par les décisions prises par les pouvoirs publics de consacrer
davantage de moyens à la recherche selon les dispositions de la loi pluriannuelle de
programmation de la recherche de 2020 a permis au CNRS d’afficher des résultats positifs
en
2021 et 2022. Cela n’a pas
cependant pas
été le cas en 2023, en raison d’une augmentati
on plus
rapide des charges, notamment de personnel
et d’achat ainsi que d’une évolution défavorable
de la dotation nette aux provisions pour compte épargne tem
ps (reprise nette de 39 M€ en 2022,
dotation nette de 31 M€ en 2023), poste entachée par une erreur dans les comptes 2022, sous
estimant la dotation de 45 M€, erreur corrigée en 2023, faisant l’objet d’une observation dans
le rapport des commissaires aux comptes.
Les autres produits comportaient en 2013 un chiffre d’affaires de 479 M€, montant qui
est tombé à 158 M€ en 2014 et est resté à un niveau comparable les années suivantes (175 M€
en 2023), sous l’effet d’un changement de présentation demandé par la
direction générale des
finances publiques le 20 novembre 2023, afin que le chiffre d’affaires sur les contrats de
recherche réalisés au titre des appels à projets de l’A
NR et du programme de recherche
européen Horizon 2020 soit désormais enregistré au titre des subventions.
Le principal poste de charges correspond aux dépenses de personnels avec une
augmentation des effectifs qui sont passés de 35 202 en 2013 à 35 577 en 2023 sur le périmètre
consolidé.
L’augmentation
plus sensible observée en fin de période, avec un effectif du
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
109
périmètre consolidé, hors stagiaires, qui est passé de 33395 en 2020 à 35 577 en 2023. La
principale contribution à cette évolution concerne le CNRS lui-même.
Parmi les achats et autres charges, le poste qui a le plus varié sur la période récente
concerne les transports, déplacements et réceptions qui ont été fortement réduits en 2020 et en
2021 sous l’effet de la crise sanitaire (122 M€ en 2019, 34 M€ en 2020, 47 M€ en 2021 et 111
M€ en 2022, 124 M€ en 2023
).
Toutefois, le montant de 124 M€ de 20
23 est de même niveau
que celui de 123 M€ observé en 2013, ce qui, compte tenu de l’inflation sur la période et de
l’augmentation des effectifs, témoigne d’une bonne maîtrise de ce poste.
Le principal poste contribuant aux impôts et taxes concerne les impôts et taxes sur les
rémunérations pour 200
M€ en 202
3. Sur les exercices antérieurs à 2019, les taxes sur les
rémunérations étaient présentées sur la ligne de charge de personnel, d’où le faible montant du
poste impôts et taxes en 2013.
Les dotations net
tes comprennent pour l’essentiel les dotations aux amortissements des
immobilisations (232
M€ en 202
3), le solde du poste étant constitué des dotations nettes aux
provisions.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
110
Annexe n° 2.
Exécution budgétaire 2023
En 2023, le CNRS a adopté un budget initial et trois budgets rectificatifs au cours de
l’exercice (un premier dès le mois de février, un second en mars et un troisième en octobre
ci-après BR1, BR2 et BR3).
Habituellement, il n’y a que deux budgets rectificatifs, l’année
2023 étant exceptionnelle avec un BR
1 uniquement consacré à la prise en compte de l’opération
immobilière de cession du site de Meudon. La partie 1.3 du rapport examine les écarts entre le
dernier budget révisé et l’exécution finale. En complément, cette annexe présente les clefs de
passage
entre chaque budget présenté au conseil d’administration
(budget initial, BR1, BR2 et
BR3)
, jusqu’à l’exécution.
De ce fait, il en résulte une évolution très importante du solde budgétaire qui passe d’un
résultat négatif à un résultat positif en exécution.
Tableau n° 1 :
Solde budgétaire du CNRS en 2023 (en CP et en M€)
En M€
Recettes
Dépenses
Solde budgétaire
Budget initial
3 964,9
3 994,1
- 29,2
BR1
4 003,7
4 004,1
- 0,4
BR2
4 003,7
4 362,5
- 358,8
BR3
4 052,6
4 428
- 375,4
Exécution
4 097,1
3 985,9
+ 111,2
Source : budgets et compte financier du CNRS
En recettes, les budgets rectificatifs conduisent à des évolutions quasi exclusivement sur
la partie ressources propres. Les recettes liées aux contrats de recherche sont réévaluées au BR3
(+ 40,1 M€), m
ême si le montant réalisé
reste supérieur de 34,8 M€ à ce dernier montant estimé.
Les autres produits (recettes de gestion courante, résultats
d’
opérations financières, subventions
diverses)
ont été réévalués dès le BR1 (+38,8 M€
en lien avec la cession de Meudon), puis au
BR3 (+8,4 M€)
; le montant réalisé reste là aussi supérieur de 10,9 M€ au montant estimé en
octobre. Enfin, au BR3
la subvention d’
État évolue de manière très marginale (-
0,7 M€), de
même que les recettes valorisées de la recherche ou liées à des pres
tations (+ 1 M€)
, avec des
résultats d’exécution proches du budget
voté. Ces constats sont cohérents avec le mécanisme
d’évaluation des recettes
: celles qui dépendent des tutelles (
subvention d’
État
) ou d’une activité
connue (
recettes d’utilisation des éq
uipements) sont bien estimées ; les recettes variables sont
réévaluées au fur et à mesure de la gestion et définitivement connues à la clôture des comptes.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
111
Graphique n° 13 :
Recettes du CNRS en 2023 (en M€)
Source : budgets et compte financier du CNRS
En dépenses, les év
olutions d’un budget à l’autre sont
très significatives. Les dépenses
sont regroupées en trois grandes catégories : activités conduites par les unités de recherche,
actions communes (incluant notamment les très grandes infrastructures de recherche) et
fonctions support. Le BR1 ajuste à la marge les crédits des fonctions support. En revanche, dès
le BR2, toutes les dépenses sont fortement réévaluées à la hausse : en CP, les dépenses des
unités de recherche sont redressées de 206,3 M€, celles des actions communes de 44,3 M€ et
celles des fonctions support de 107,8 M€ soit une augmentation de 358,4 M€ au total.
Le BR3
prolonge cette tendance en réévaluant à la hausse les dépenses des unités de recherche (+ 53
M€), des actions communes (+ 3,2 M€ et des fonctions support (+ 9,3 M€), soit 65,5 M€ de
dépenses supplémentaires au total.
Pourtant, comme le souligne la partie 1.3 du rapport, ces ajustements dans la
programmation en cours ne sont pas vérifiés en exécution.
En effet, l’exécution
est inférieure
de 442 M€ en
CP aux montants votés en BR3. En revanche, les montants exécutés sont proches
des montants votés dans le budget initial, la sous-exécution globale se limitant ici
à 8 M€
.
-
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
BI
BR1
BR2
BR3
Exécution
Subvention d'Etat
Contrats de recherche
Recettes valorisées de la recherche et prestations
Autres recettes et subventions
Recettes totales
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
112
Graphique n° 14 :
Dépenses du CNRS en 2023 (en CP et en M€)
Source : budgets et compte financier du CNRS
En termes de nature de dépenses, la sous-exécution par rapport au budget initial
concerne des dépenses hors masse salariale pour les unités de recherche (- 6
M€) et les actions
communes (-
8 M€, dont 5 M€ sur les très grandes infrastructures de recherche
), les fonctions
support sur-
exécutant par rapport à la prévision initiale (+ 6 M€).
Ces décalages restent très
faibles au regard des volumes en jeu et n’appell
ent pas de remarques particulières.
En termes
d’origine de financement, les dépenses financées par la subvention d’
État
représentent en exécution 9 M€ de plus qu’au moment de la programmation initiale
, avec en
cours d’exercice une réaffectation de moyens
des fonctions support et des actions communes
vers les unités de recherche (dépenses de personnel, fonctionnement et investissement des
laboratoires).
Comme, dans le même temps, la subvention n’a pas été réévaluée à la hausse –
elle a même très légèrement diminué
il en résulte un déficit budgétaire de 10 M€ que le CNRS
compense par prélèvement sur le fonds de roulement. Par la suite les dépenses sur subventions
d’État sont fortement réévaluées à la hausse de
126,3 M€ en BR2 et de 34,5 M€ BR3, et ce sans
ajustement concomitant des recettes. En effet, le CNRS intègre lors du BR2 le reste à payer de
l’année précédente qu’il connaît de façon plus précise au mois de mars lors de l’établissement
du BR2.
Comme il n’a pas de recette en face et qu’il engage les dépenses sur subventions d’État
programmées par le budget initiale, il termine l’année avec un nouveau reste à payer significatif.
Afin de réduire ce phénomène, le CNRS a entrepris en 2024 une analyse fine du reste à payer,
afin d’éliminer les éventuels montan
ts qui auraient été surévalués dans ce cadre, action qui
mérite d’être poursuivie.
En revanche les dépenses programmées en AE restent pour leur part
dans le même ordre de grandeur que les montants inscrits au budget initial.
Les dépenses financées sur res
sources propres sont inférieures de 17 M€ en exécution à
la programmation initiale. Cette sous-
exécution s’explique par un double mouvement de sous
-
exécution massive des dépenses de fonctionnement et l’investissement des unités de recherches
et des actions communes (- 66
M€
) et des opérations immobilières (-
10 M€)
, compensé en
-
500
1 000
1 500
2 000
2 500
3 000
3 500
4 000
4 500
5 000
Activités conduites par les unités de recherche
Actions communes
Fonctions support
Dépenses totales
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
113
partie par le financement sur ressources propres de dépenses de personnel (+ 32
M€) et des
fonctions support (+ 27
M€)
.
Comme pour la subvention d’
État, ces réallocations entre les
p
ostes de dépenses ne posent pas en soi de difficultés autres que l’étalement dans le temps des
restes à payer sur les opérations pluriannuelles. Toutefois, les budgets rectificatifs procèdent à
des évolutions sans commune mesure en réévaluant de 232 M€ au BR2 et de 31 M€ au BR3 les
dépenses financées sur ressources propres, réévaluations en CP qui
s’accompagnent également
de réévaluations en AE. En effet, le CNRS intègre au BR2 la totalité des ressources propres
banalisées (RPb) disponibles (avec les reports des années précédentes), ressources provenant
notamment des facturations des plateformes technologues, sans se soucier de savoir ce qui va
être consommé dans l’année et ce qui va être reporté aux années suivantes. Cette pratique s’est
poursuivie en 2024
(286 M€ de dépenses supplémentaires programmées en budget rectificatif
au titre des RPb), alors que l’engagement de la totalité de ce montant en 2024 est très
improbable.
Ainsi, comme le souligne la partie 1.3 du rapport, la sous-exécution massive des
dépenses sur ressources propres trouve
d’abord son origine dans le mécanisme d’autorisation
globale de dépenses, rendant immédiatement disponibles indéfiniment reportable les ressources
propres obtenues au titre des contrats de recherche : le budget initial comprend ainsi la première
annuité de dépenses programmée par les chercheurs au titre des autorisations globales de
dépenses individualisées (AGDi) et la totalité des dépenses qui sont réalisables en employant
les autorisations globales de dépense globalisées (AGDg) associées. Ensuite, le CNRS injecte
son budget rectificatif des dépenses supplémentaires correspondant à l’ensemble des
RPb
disponibles indéfiniment reportables, sans tenir compte de la consommation probable,
aggravant ainsi le phénomène de sous-
exécution budgétaire en fin d’année
.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
114
Annexe n° 3.
Données chiffrées sur les ressources humaines (2013-2023)
Entre 2013 et 2023, les effectifs totaux du CNRS ont connu une augmentation, avec une
diminution du nombre d’agents titulaires et une progression du nombre d
e contractuels. En
outre, le nombre de chercheurs a évolué favorablement (la réduction des personnels permanents
étant surcompensée par l’évolution des contractuels), ce qui n’est pas le cas des ingénieurs,
techniciens et administratifs dont le nombre a di
minué s’agissant des titulaires sans que la
hausse, légère, des contractuels ne compense l’écart.
Tableau n° 2 :
Évolution des effectifs du CNRS (en ETPT)
2013
2022
2023
Effectifs totaux
33 993
33 976
34 289
Effectifs titulaires
24 548
23 532
23 255
Effectifs contractuels
9 445
10 445
11 034
Composition par statut
Chercheurs
15 674
16 459
NC
Dont titulaires
11 150
10 999
NC
Dont contractuels
4 523
5 460
NC
Ingénieurs,
techniciens
et
administratifs
16 707
15 898
NC
Dont titulaires
13 445
12 583
NC
Dont contractuels
3 262
3 314
NC
Stagiaires et apprentis
1 559
1 620
NC
Sources : comptes financiers et rapports sociaux uniques
En 2023, le CNRS participait à 1 130 structures de recherche (UMR, unités propres de
recherche, unités d’appui à la recherche e
t fédérations de recherche). La communauté de travail
formée par ces structures comprenait plus de 111 000 agents au total, dont 26,8 % relevaient du
CNRS
23,2 % pour les chercheurs et 47,7 % pour les ingénieurs, techniciens et administratifs
qui constitue bien le premier employeur de la recherche publique française. Cependant, le
CNRS est présent de manière inégale selon les thématiques, et les effectifs rattachés à ses dix
instituts ont évolué de manière différentielle.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
115
Tableau n° 3 :
Effectifs permanents par institut
2013
42
2023
Part des chercheurs
CNRS dans les
laboratoires liés au
CNRS
Part des ingénieurs et
techniciens CNRS
dans les laboratoires
liés au CNRS
CNRS Nucléaire & particules
1 826
1 627
54,8 %
84,2 %
CNRS Chimie
3 003
2 878
30,0 %
52,4 %
CNRS Écologie &
environnement
1 257
1 347
22,7 %
36,3 %
CNRS Physique
2 215
2 086
40,9 %
64,7 %
CNRS Sciences informatiques
1 030
999
13,9 %
49,7 %
CNRS Biologie
4 791
4 544
32,3 %
39,7 %
CNRS Sciences humaines &
Sociales
3 141
2 957
17,2 %
50,3 %
CNRS Ingénierie
1 899
1 834
14,6 %
32,8 %
CNRS Mathématiques
602
626
11,8 %
51,7 %
CNRS Terre & Univers
2 455
2 271
28,2 %
48,4%
Ressources communes
43
2 377
2 089
-
-
Source : rapports sociaux uniques et documents fournis par la DRH du CNRS
42
En ETPT.
43
Les ressources communes comprennent les effectifs affectés au siège ou aux délégations régionales.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
116
Annexe n° 4.
Le « fardeau administratif » vu depuis 24 unités de recherche
Vingt-quatre laboratoires liés au CNRS (22 UMR et 2 unités propres de recherche) ont
été sollicités par questionnaire sur la question du « fardeau administratif » qui pesait sur leurs
équipes. Cela représente une communauté humaine de 8 618 personnes à la fin de 2023, au sein
de laquelle 2 369 chercheurs du CNRS côtoient 3 399 chercheurs provenant des universités et
organismes partenaires. Cet échantillon représente environ 8
% des effectifs de l’ensemble des
unités de recherche auxquelles participe le CNRS.
Un « fardeau administratif » important, en augmentation depuis
quelques années, qui ne concerne pas que le CNRS
Le « fardeau administratif » couvre des tâches administratives assez diverses liées aux
normes publiques applicables à la gestion des achats et des ressources humaines, aux appels à
projets pour les contrats de recherche,
à l’animation et à la représentation
de
l’unité de
recherche,
ainsi qu’aux
reporting
demandés et aux contrôles effectués par les différentes
tutelles et financeurs
qui utilisent des pratiques, des procédures et des systèmes d’information
non harmonisés.
Il s’agit d’une réalité complexe
, dont la définition et la perception peuvent
varier selon les répondants. Néanmoins, plusieurs grandes tendances se dégagent des réponses :
-
le « fardeau administratif » est jugé importan
t et consomme un temps de
chercheur qui peut varier selon le niveau de responsabilité (de l’ordre de 5
% du
temps pour les jeunes chercheurs avec un volume pouvant atteindre 70 % à 80 %
pour les directeurs d’unité). Le temps moyen consacré par les chercheurs aux tâches
administratives le plus communément cité est de l’ordre de 20
% à 30 %, même si
ce chiffre doit être interprété avec prudence, en
l’absence de feuilles de temps
généralisées et compte tenu des perceptions différentes de la définition des tâches
administratives ;
-
ce « fardeau », en augmentation,
concerne l’ensemble du monde de
l’enseignement supérieur et de la
recherche
pour la majorité des répondants. Pour
autant, un quart des réponses note que certains éléments sont spécifiques au CNRS
avec des «
outils informatiques nombreux, parfois peu efficaces
», «
une application
stricte des règles là où d’autres organismes peuvent se permettre de la souplesse
»
44
,
« une articulation locale/nationale pas toujours fluide
», «
des procédures qui ne
sont pas les mêmes selon les délégations régionales
» avec des différences dans
«
l’interprétation des règlements entre les différentes strates administratives
»,
«
une multiplication des contrôles depuis quatre à cinq ans
»;
-
La multiplication des appels à projets, la complexité croissante du paysage
institutionnel et des processus associés, ainsi que la défaillance des systèmes
d’information
contribuent au « fardeau administratif ».
Ces trois facteurs,
suggérés dans le questionnaire, sont largement confirmés, avec une quasi-unanimité
pour
la défaillance des systèmes d’information. D’autres éléments sont aussi mis en
avant comme le nombre croissant des pièces justificatives demandées.
44
Pour limiter ce risqué, l
e CNRS indique avoir mis en place en mai 2024 un plan d’action sur la problématique
« normes et pratiques » et la DCIF a émis une cir
culaire le 22 mai 2024 pour cadrer dans ce sens les audits qu’elle
effectue.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
117
-
les projets européens sont lourds, pour la candidature, mais surtout pour la
gestion administrative
a posteriori
.
Pour autant, le quart des répondants estiment
qu’il n’y a pas
de réels freins à
ces candidatures, tandis que d’autres mettent en
lumière d’autres
freins, comme le taux de succès trop faible, au regard du temps
qu’il est nécessaire de mobiliser
.
Ce point est à nuancer par le fait que l’échantillon
interrogé concerne des grandes unités de recherche, par nature mieux armées pour
s’engager dans une déma
rche de candidature aux appels à projets européens.
Les mesures jugées prioritaires pour alléger le fardeau
Le questionnaire a été l’occasion de sonder les répondants sur quatre mesures
possibles,
afin d’apprécier si, à leurs yeux
,
elles permettraient d’al
léger le fardeau. Les résultats sont
présentés dans le tableau ci-après
Tableau n° 4 :
Résultat du questionnaire sur quelques mesures
Mesures testées dans le questionnaire
Avis favorable
Un plus grand recours aux personnels administratifs
55%
Une harmonisation des demandes de reporting
83%
Des unités de recherche dotées de la personnalité juridique
25%
Un système d’information unifié
38%
Source : Cour des comptes à partir des réponses aux questionnaires adressés à 24 unités de recherche
La mesure qui reçoit le plu
s d’avis favorable concerne l’harmonisation des demandes
de
reporting
des tutelles, surtout si cela est étendu aux financeurs des contrats de recherche et
s’accompagne de mesures de simplification. Vient ensuite, le recours à davantage de personnels
administratifs, même si de nombreux répondants estiment que la priorité doit aller à la réduction
de la charge administrative plutôt qu’à son transfert vers d’autres catégories de personnel. Quant
au système d’information unifié, il ne recueille pas une majorité
favorable, car ce projet est
souvent perçu comme peu réaliste, l’arrêt du projet SI Labo en 2019 ayant sans doute laissé des
traces. Enfin, doter les unités de recherche de la personnalité juridique
ne recueille l’avis
favorable que d’une minorité de répo
ndants, souvent pour les plus grosses unités de recherche.
L’ensemble des répondants ont
par ailleurs été invités à formuler des propositions au
titre des mesures qui devraient prioritairement être mises en œuvre, de leur point de vue, pour
alléger le « fardeau administratif »
. Ces propositions nombreuses, fruit de l’expérience, sont
synthétisées ci-
après par grandes thématiques. Elles méritent d’être mises à l’étude
par le CNRS
et ses tutelles
, si ce n’est pas déjà le cas au titre des actions de simplifica
tion en cours.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
118
Appels à projets des contrats de recherche :
-
Adopter un règlement financier unique pour l’ensemble des financeurs, uniformiser
et simplifier les règles et des formats de justification financière des projets
(formulaires, calendriers), asso
uplir les règles d’éligibilité des dépenses,
-
Développer les financements forfaitaires (du type «
lump sump funding
» mis en
œuvre par l’Union européenne
) et alléger le
reporting
associé,
-
Mieux faire connaître les outils utiles et les services proposés par les tutelles pour
répondre aux appels à projets,
définir des canaux d’appui à respecter pour monter
les dossiers, limiter le
nombre d’interlocuteurs et de guichets pour les projets
,
-
Augmenter le taux de succès des appels à projet et assurer la continuité des
financements des projets qui ont déjà commencé à être financés,
-
Augmenter les dotations budgétaires sur subvention d’État pour permettre aux
laboratoires de se concentrer sur les appels à projets importants et structurants en
termes de financement, couv
rir les dépenses d’infrastructures et éviter le transfert
du financement des dépenses communes sur les contrats de recherche,
-
Mettre en adéquation le niveau d’exigence administrative des différents appels à
projets avec le niveau effectif du financement (procédure de
l’ANR
trop complexe
en regard des montants en jeu), pour les
faibles financements (<50 K€) préférer une
augmentation du soutien de base aux laboratoires plutôt que les appels à projets, ne
pas candidater lorsque le coût de gestion est supérieur au financement distribué.
Gestion des ressources humaines :
-
Simplifier les recrutements en ouvrant la possibilité de recruter en contrat à durée
indéterminée des personnels sur les ressources propres des unités et des projets,
-
Harmoniser les règles d’emp
loi (temps de travail, télétravail),
-
Renforcer les liens avec les préfectures pour accélérer le recrutement des étrangers,
-
Réduire drastiquement les délais pour les recrutements et les collaborations
(problème aggravé par les modalités spécifiques prévues pour les zones à régime
restrictif mises en place pour protéger le potentiel scientifique et technique),
-
Affecter régulièrement les personnels du siège et des DR dans les UMR,
Gestion des achats
-
Assouplir les règles de marché public et la rigidité associée pour tenir compte des
spécificités de la recherche, relever les seuils de marché public ou alléger les
contraintes pour les équipements de recherche, réserver les marchés publics pour les
produits de la vie courante et les éviter pour les petits et moyens équipements
scientifiques, supprimer les contraintes pour les achats inférieurs à 10 K€,
-
Mettre en place un budget pluriannuel pour prévoir des évolutions et des
investissements en cours de mandat,
-
Étendre (voire généraliser) et harmoniser
l’utilisation
des cartes achats,
-
Permettre aux chercheurs de gérer les missions de manière autonome ou assouplir
et simplifier les règles en vigueur, supprimer les pièces justificatives pour les repas
et l’utilisation des transports en commun
, ne pas contraindre les gestionnaires à
conserver les pièces papier (restaurant, hôtel), adopter une forfaitisation
per diem
,
laisser les chercheurs libres d’organiser leurs miss
ions,
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
119
-
Réduire le nombre des pièces justificatives administratives demandées, le nombre
de
reporting
et
d’audit, p
rivilégier les contrôles
a posteriori
, faire davantage
confiance aux chercheurs, mais punir réellement et fortement les infractions.
Organisation
-
Mettre en place un gestionnaire unique dans les unités de recherche pour toutes les
tutelles, qui utiliserait les outils de pilotage de la tutelle gestionnaire,
-
Améliorer la communication entre les tutelles,
se mettre d’accord sur les documents
à produire pour leur besoin et pour le HCERES,
mettre en œuvre des outils communs
pour répondre aux enquêtes,
-
Mieux communiquer sur les
règles afin qu’elles soient appliquées de façon
harmonisée, définir des procédures claires et uniformes, simplifier les procédures,
-
Harmoniser les délégations de signature, conclure une convention pour permettre la
signature d’un
ordre de mission unique lorsque le financeur de la mission est
différent de l’employeur,
-
Limiter les étages administratifs, sortir du contrôle et de la défiance systématique,
éviter les validations multiples souvent effectuées à l’aveugle (feuilles de tem
ps,
contrats), restreindre la chaîne de décision entre UMR et tutelles à un seul étage,
réduire les mandats des directions fonctionnelles,
-
Limiter le travail administratif au niveau des laboratoires à ce qui n’est accessible
qu’à ce niveau,
décharger les chercheurs des missions administratives en confiant
ces tâches à des agents administratifs, doter les DR des ressources adéquates pour
accomplir efficacement leurs missions,
-
Maintenir ou amplifier le soutien administratif, maintenir les postes en gestion, voire
renforcer les équipes administratives et le soutien de base des unités de recherche,
renforcer les compétences dans les métiers sous tension dans les fonctions support.
Systèmes
d’information
-
Uniformiser les systèmes d’information
avec u
n système d’i
nformation unique
lorsque cela est possible, des outils spécifiques à chaque tutelle qui s’alimentent
entre eux sinon, automatiser le
reporting
,
-
Virtualiser un maximum d’opérations, d
éployer la signature numérique pour tous
les actes à tous les niveaux,
-
Ét
endre le périmètre de l’application DIALOG du CNRS pour permettant le soutien
unifié au dialogue de gestion,
-
Unifier les outils de suivi des missions (Étamine, Goelett, Notilus),
-
Utiliser le même outil (GESLAB/ BFC) pour la comptabilité en DR et en UMR,
-
Rendre les outils informatiques plus conviviaux (éviter les validations multiples,
hotline
24h/24 pour aider les usagers), améliorer les logiciels disponibles,
-
Disposer
de systèmes d’information qui fonctionnent, adaptés à chaque niveau
d’utilisation (central, local, laboratoire)
et capables de prendre en charge le volume
de données nécessaires et réactifs.
L
e CNRS indique étudier avec attention l’ensemble de ces élément
s en distinguant ce qui
dépende de lui et ce qui nécessite l’intervention d’autres acteurs.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
120
Annexe n° 5.
Comparaisons internationales sur le « fardeau administratif »
Le cas des Etats-Unis
Les laboratoires de recherche constituent l’unité opérationnelle de base de la
recherche
américaine. Ils sont dirigés par un chercheur (
Principal Investigator
),
qui dispose d’une large
autonomie pour la gestion de ses moyens humains et financiers, mais qui doit en contrepartie
être compétitif pour obtenir des financements (y compris pour couvrir son propre salaire et celui
de ces équipes) via des réponses à appels à projets, dans un contexte de grande concurrence
entre les laboratoires. Une autre différence majeure qui existe entre la France et les Etats-Unis
réside dans les moyens bien plus importants disponibles pour la recherche outre Atlantique,
qu’il s’agisse de financements publics ou de financements de fondations et de mécènes. Ainsi
les laboratoires de recherche sont rattachés, soit à
l’
une des huit agences fédérales
45
finançant
la recherche, soit à
l’
une des 425 universités de recherche
46
du pays. Le système américain se
caractérise donc par une très grande abondance de ressources et une structure très décentralisée,
laissant une très large autonomie de gestion aux laboratoires,
même s’ils ne disposent pas de la
personnalité juridique.
De très nombreux chercheurs français travaillent aux Etats-Unis. Certains, interrogés
par l’Ambassade
, soulignent que le « fardeau administratif » est bien moindre dans ce pays
qu’en France, notamm
ent en matière de
reporting,
et que les chercheurs y
bénéficient d’une
autonomie de gestion bien plus grande, notamment pour recruter leurs équipes et conduire leur
recherche. En contrepartie, il faut
qu’ils soient compétitifs pour obtenir les financements
nécessaires dans un environnement très concurrentiel. Pour autant, ce « fardeau administratif »
jugé bien plus faible n’est pas la seule raison conduisant ces chercheurs français à effectuer une
partie de leur carrière aux Etats-
Unis. D’autres facteurs ex
plicatifs peuvent être avancés : des
ressources bien plus importantes et des postes de recherche bien plus nombreux aux Etats-Unis,
des salaires beaucoup plus élevés pour les chercheurs aux Etats-Unis et la perception que les
chercheurs sont davantage reco
nnus et bénéficient d’une plus grande confiance aux Etats
-Unis.
Pour autant, le « fardeau administratif » existe aussi aux Etats-Unis, en raison
notamment du système très décentralisé, qui produit une grande hétérogénéité de règles pour
les appels à projets en fonction des financeurs et, pour les laboratoires rattachés à une agence
fédérale,
des règles d’achats imposant la présentation de trois devis pour les achats de plus de
10 000 USD par exemple. Les autorités publiques en ont conscience et ont pris des mesures
pour tenter de l’alléger. Ainsi, l’administration Biden
-Harris a ainsi proposé de réviser les
directives de
l’Office of Management and Budget
pour simplifier les procédures de demande et
de gestion des subventions fédérales. Par ailleurs,
l’Office
of Science and Technology Policy
a
mis en place des
Research Business Models Working Groups
pour réduire la bureaucratie et
rationaliser les processus de gestion des subventions. Enfin, la plupart des agences fédérales
ont lancé des initiatives de simplification.
Néanmoins, les Etats-Unis, au-
delà de l’abondance de moyens qui les caractérisent, ont
su créer un environnement propice à la recherche, qui se fonde sur la grande liberté et autonomie
45
Department of Defense, Department of Health and Human Service, National Aeronautics and Space
Administration, Department of Energy, National Science Foundation, Department of Agriculture, Department of
Commerce
et
Department of Homeland Security.
46
Les plus prestigieuses étant Harvard, le MIT, Yale, Stanford et Princeton.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
121
de gestion laissée aux laboratoires et aux chercheurs qui les dirigent. Deux exemples pour
illustrer cela. La
Defense Advanced Projects Research Agency
(DARPA), réputée notamment
pour décharger les chercheurs du « fardeau administratif »
, dispose d’une centaine de personnes
à temps plein qui ne traitent que les aspects administratifs de gestion en appui de la recherche.
Les universités américaines sont capables d’allouer une enveloppe initiale
(« Startup
package »),
comprise entre 0,1 et 2 MUSD selon les disciplines, pour permettre à un chercheur
de créer son laboratoire, de recruter son équipe et de le rendre compétitif pour pouvoir remporter
les premiers appels à projets pour obtenir des financements.
Le cas du Royaume-Uni
Les unités de recherche au Royaume-Uni sont majoritairement concentrées dans les
universités. Pour autant, au-delà des universités, le paysage de la recherche britannique
recouvre une grande variété de structures avec :
-
environ 50
Public Sector Research Establishments,
qui sont des organismes publics
de recherche travaillant dans des domaines correspondant aux priorités
gouvernementales. Leur taille est cependant plus modeste que leurs homologues
français, les plus grands (environ 5 000 personnes) étant le
Public Health England
et
l’Atomic Weapons Establishment
;
-
environ 30
Research Council Institutes,
qui bénéficient
d’un investissement
à long
terme du principal financeur public de la recherche britannique :
l’United Kingdom
Research and Innovation
(UKIP), qui alloue 8 MdGDP chaque année sur appels à
projets. Certains de ces instituts sont associés à des universités ;
-
les
Medical Research Centres
, souvent intégrés aux universités, qui sont créés pour
répondre à un besoin scientifique spécifique ;
-
les centres
Catapult,
qui sont un réseau d’organismes technologiques spécialisées
dans le transfert des résultats de la recherche en vue de leur application dans le
monde de l’entreprise,
-
environ 63
Independant Research Organisation,
qui satisfont certains critères leur
permettant d’accéder aux financements d’UKIP,
-
de nombreux organismes de recherche privés à but non lucratifs.
Le système britannique se caractérise aussi par le soutien administratif apporté aux
chercheurs. Les universités disposent d’un
Research Office,
qui décharge les chercheurs de
nombreuses tâches administratives (préparation des rapports, aide à la prévision et au montage
de dossiers, suivi des dépenses,
etc.
). Dans la plupart des cas, le traitement des missions (achats
des billets, logistique, réservation d’hôtels,
etc
.) est centralisé au niveau de chaque unité de
recherche, sans que le ch
ercheur n’ait à faire l’avance des fonds.
La question du « fardeau administratif » existe néanmoins au Royaume-Uni et fait
l’objet de diverses mesures de simplifications depuis le rapport du Professeur Adam Tickell du
22 mars 2021, intitulé
Independant Review of Research Bureaucracy
. Ainsi, UKIP a décidé de
faire de la réduction du « fardeau » dans les laboratoires une des priorités de sa stratégie pour
2022-2027
Transforming tomorrow together
.
L’organisme
a notamment entrepris de
transformer ces procédures administratives pour les rationaliser et les simplifier et prévoit de
mettre en place un nouveau système d’information destiné à faciliter les candidatures conjointes
aux appels à projets. Le gouvernement britannique a également annoncé en février 2024 une
série d’actions rapides pour remédier aux problèmes les plus urgents liés au
« fardeau
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
122
administratif », avec des mesures de simplification et de rationalisation des procédures, un
meilleur système de collecte et d’analyse de données en faisant en sorte
que les organismes
financeurs harmonisent leurs pratiques, le recours à des approches innovantes pour réduire la
bureaucratie, le renforcement de la confiance avec la mise à l’étude d’une possibilité d’auto
-
certification pour limiter les contrôles onéreux et fastidieux et la possibilité de démarrer les
projets avant leur date de lancement officiel et une meilleure communication des financeurs sur
leurs procédures.
Si le « fardeau » existe outre-Manche, ce qui a déclenché depuis le rapport Tickell une
import
ante mobilisation pour tenter de le réduire, l’importante communauté de chercheurs
français travaillant au Royaume-Uni (3 160 selon les données du poste diplomatique) indique,
à travers ses témoignages, que ce « fardeau »
est moins prégnant qu’en France, c
e qui peut jouer
dans les choix de carrière. Toutefois, le choix pour un Français d’exercer au Royaume
-Uni tient
aussi beaucoup aux opportunités en termes de postes et à la plus grande proximité du système
de recherche britannique avec les entreprises pour les chercheurs qui souhaitent passer de la
recherche au transfert de technologie. La perception générale est que les chercheurs au
Royaume-
Uni bénéficient d’une plus grande autonomie, charge à eux d’aller chercher aux cas
par cas les financements nécessaires à leurs recherches.
Le cas de l’Allemagne
La recherche publique allemande s’articule autour des universités, qui comprennent de
nombreux laboratoires, partie intégrante de l’université et ne disposant pas de personnalité
juridique, et de grands instituts de recherche (société Max Planck, communauté Helmhotz,
société Fraunhofer, association Leibniz), qui peuvent être comparés à nos organismes nationaux
de recherche, mais obéissent à des fonctionnements plus ou moins centralisés. Ainsi, les
instituts ou u
nités de recherche relevant de l’association Leibniz sont des entités juridiques
distinctes, tandis que ceux appartenant à la société Max Planck en sont des démembrements.
Ces différences d’organisation sont sans impact sur le système de financement de la
recherche,
qui repose sur les subventions de l’État fédéral et des
Länder
, les appels à projets européens et,
pour une part notable, sur les contrats avec les entreprises (un tiers du financement dans le cas
de la société Fraunhofer, dont le budget total est équivalent aux trois quarts de celui du CNRS).
Au demeurant, la facilité des réallocations de moyens entre les budgets et les personnels est
considérée comme un des points forts du système allemand de recherche publique.
Les critiques se concentrent sur
d’autres aspects, en particulier un
« fardeau
administratif »
perçu comme un facteur majeur d’inefficacité et une problématique en termes
d’attractivité (selon une enquête menée par la fondation Humboldt auprès de 1
800 chercheurs
étrangers s’étant rendus
en Allemagne). Ce fardeau se matérialise par exemple par le recours
massif aux formulaires papier (dans un contexte où les projets de numérisation ont pris du
retard) pour obtenir des remboursements de frais, ou encore, comme en France, par la montée
en puissance du financement par appels à projets et le suivi qui en résulte. La prise en compte
de cette problématique par les décideurs publics semble encore largement incantatoire, comme
en témoigne la comparaison de deux vagues d’enquête menées en 2016 et e
n 2020
par l’institut
de sondage Allenbach : la part du temps de travail des enseignants-chercheurs consacrée à
l’administratif serait passée de 28
% à 41 % en quatre ans. De fait, malgré les déclarations, les
projets de numérisation ou de réduction des pr
océdures relèvent encore d’initiatives locales.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
123
En revanche, l’Allemagne se distingue par un haut niveau de soutien administratif aux
chercheurs, avec des personnels plus nombreux et mieux payés qu’en France (les professeurs
disposent par exemple d’un secrétariat et d’assistants personnels –
ce dernier point reflétant
d’ailleurs la prégnance du mandarinat universitaire en Allemagne), réseau qui tend à s’étoffer
de professionnels spécialisés dans la recherche de financement. On peut citer à cet égard les
coo
rdinateurs de recherches de l’institut Max Planck, chargés de préparer et de
gérer les appels
à projets et
d’
assurer le suivi scientifique et administratif. De même, des EU
Referenten
(référents pour l’Union européenne) placés dans les universités accompag
nent les unités et les
chercheurs pour obtenir des financements européens y compris sur leur gestion. Des universités
comme celle de Dresde ou encore l’institut de technologie de Karlsruhe ont monté des services
mutualisés au service de leurs équipes. La professionnalisation de ces équipes repose en partie
sur des relations denses avec les points de contact nationaux du programme Horizon Europe.
Enfin, la recherche publique allemande diffère de la recherche publique française sur un
point : la grande majorité des chercheurs sont contractuels, les postes permanents étant rares et
très concurrentiels. Cette organisation présente un avantage en ce
qu’elle
offre de la souplesse
aux instituts et unités de recherche pour ajuster les recrutements et les salaires en fonction de
leurs priorités scientifiques et de leurs financements, le professeur à la tête d’un institut ou d’une
équipe étant responsable de ses moyens (tradition mandarinale). Il suscite toutefois des
mécontentements dans la communauté scientifique allemande en raison de la précarité qui en
découle et
qui vient d’être renforcée en 2024 par une nouvelle loi sur les contrats de recherche
limitant à 10 ans au lieu de 12 ans la période postdoctorale,
sans promesse d’embauche sur un
poste de titulaire (ces derniers étant rares).
Le cas de l’Italie
Les unités de recherche italiennes disposent de la personnalité juridique et sont
rattachées soit à un organisme de recherche, comme le Conseil national de la recherche, ou à
une université. Il n’y a pas l’équivalen
t français des UMR multi-tutelles et dépourvues de la
personnalité juridique, ce qui évite le « fardeau administratif » lié à la juxtaposition de
procédures, systèmes d’information et règles de gestion différentes. Il peut cependant arriver
que plusieurs universités créent des centres interuniversitaires de recherche communs.
Pour autant, il arrive que les chercheurs se plaignent d’un «
fardeau administratif » en
lien avec les contraintes liées à la gestion publique : le contrôle de légalité et de performance
effectué par le ministère de la recherche (MUR), les
rapports d’
évaluation et de transparence
demandés
par l’agence d’évaluation de la recherche (ANVUR)
qui sont jugés trop lourds et
jouent un rôle majeur pour l’allocation des budgets en fonction des pe
rformances, le contrôle
comptable du collège des commissaires aux comptes composé de deux membres de la Cour des
comptes italienne (
Corte dei Conti
)
et la procédure jugée trop lourde pour l’accréditation des
doctorats auprès des ministères.
Ceci est d’auta
nt plus le cas que les unités de recherche
italiennes disposent de peu de personnels administratifs et que ce sont en général des chercheurs
qui assurent les tâches de gestion.
Pour tenter de remédier à cela, l’Italie a créé
) en 2003 un institut au statut particulier,
l’institut italien de technologie (ITT. Il s’agit d’une fondation de droit privée, généreusement
financée par l’État, qui peut également recevoir des financements privés et qui échappe aux
contraintes de la gestion publique. Au sein des universités italiennes, il existe aussi des bureaux
d’internationalisation de la recherche
, qui aident les chercheurs à candidater aux fonds
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
124
européens, tandis qu’au niveau national, une agence pour la promotion de la recherche
européenne a été mise en place (APRE) pour soutenir administrativement ces candidatures.
Ainsi, l’Italie dispose d’une organisation de la recherche qui, par certains aspects,
rappelle celle de la France, avec des unités de recherche rattachés aux universités, mais aussi à
des organismes nationaux de recherche et une lourdeur administrative inhérente aux règles de
la gestion publique. Néanmoins, l’Italie échappe à la complexité des
UMR disposant de
plusieurs tutelles aux règles de gestion différentes et n’hésite pas à envisager des organisati
ons
alternatives s’appuyant sur un statut de fondation privé. Enfin, un effort particulier est effectué
pour l’accompagnement administratif des candidatures aux fonds européens de la recherche,
tant au niveau national qu’au sein des universités.
Le « fardeau administratif » au niveau des projets de recherche
financés par l’Union européenne
47
Le « fardeau administratif » lié aux appels à projets européens des programmes-cadres
Horizon 2020 et Horizon Europe est perçu dans l’ensemble des États membres, tant po
ur la
constitution des dossiers de candidatures pour répondre aux appels à projets que pour la gestion
des projets proprement dite, qui est très exigeante pour être en mesure de répondre aux audits
déclenchés par l’Union européenne pour vérifier le bon emp
loi des fonds. En raison de ce
« fardeau »
, les principaux lauréats d’Horizon Europe, comme d’Horizon 2020 sont souvent de
grands organismes de recherche, de grandes universités et de grandes entreprises familières des
procédures européennes. Nombre de candidats doivent désormais avoir recours à des cabinets
spécialisés pour les aider pour leurs candidatures, illustration du fait qu’il existe un marché pour
accompagner les acteurs au sein de la complexité européenne. Toujours en raison de ce
« fardeau », la Commission européenne estime consommer 5
% des 95 Md€ des fonds du
programme Horizon Europe pour la gestion administrative (conception du programme,
sélection des candidats et suivi de l’exécution des projets). La direction générale charg
ée de la
recherch
e, de la technologie et du développement (DG RTD) a d’ailleurs dû, pour faire face à
la charge de travail que cela représente, sous-traiter le traitement des dossiers de candidatures
à trois agences exécutives, qui elles-
mêmes s’appuient sur de nombreux co
nsultants et experts
externes.
La Commission européenne a conscience de ce fardeau et prévoit de faire de la
simplification un de ces cinq axes de travail prioritaire, dans son analyse
ex post
du programme
de recherche Horizon 2020, rendue publique le 29 j
anvier 2024. D’ores et déjà poussée par les
initiatives bienvenues de certains États membres comme la France et l’Allemagne, la
Commission européenne s’est lancée dans une démarche de simplification, dont le volet le plus
avancé repose sur une dématérialisation croissante des processus et dont une autre dimension
non négligeable en cours de déploiement porte sur des harmonisations de processus et de
procédures entre les différents fonds de l’Union européenne lorsque cela est possible. En 2024,
une autre évolution tendant à allouer des sommes forfaitaires de type, «
lump sum
» pour les
projets financés par le Conseil européen de la recherche (ERC) dans le cadre d’Horizon Europe
,
47
La Cour a publié en janvier 2025 un rapport sur le financement européen de la recherche consacré aux
programmes Horizon 2020 et Horizon Europe à la demande de la commission des finances de l’Assemblée
nationale, en application de l’article 58
-2 de la loi organique des lois de finances.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
125
vise à alléger les obligations de justifications lors de la gestion des projets, en supprimant par
exemple l’obligation de produire des feuilles de temps.
Certains États membres ont également pris diverses initiatives pour aider leurs
chercheurs à faire face au « fardeau administratif » européen. Ainsi, en Irlande,
Enterprise
Ireland,
qui dirige le réseau national de soutien aux projets européens alloue aux chercheurs
des subventions allant de 6 000 à 16
000 € pour se faire aider pour la préparation des
candidatures. Un système similaire existe au Pays-Bas afin de permettre aux chercheurs de se
faire appuyer par des personnels administratifs pour le montage des candidatures et la gestion
des projets de recherche. Par ailleurs, l’Allemagne a mis en place un réseau d’
EU Referenten
qui accompagne les chercheurs sur l’ensemble du cycle, allant de l’amont de la candidature à
la gestion de projet proprement dite, tandis que certaines universités ont créé des structures
ad
hoc
comme le centre de projets européens de l’Université de Dresde. Enfin, le Portugal a créé
des structures de soutien aux dépôts des candidatures aux programmes européens et a spécialisé
certains personnels administratifs dans l’appui à ces candidatures.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
126
Annexe n° 6.
Trois instituts du CNRS
Dans le cadre du contrôle de la Cour conduit au titre du présent rapport, les unités de
recherche
ayant bénéficié d’un contrôle sur place relevaient de trois des 10 instituts du CNRS,
dont les grandes caractéristiques et leurs implications en matière de gestion sont rappelées ci-
après.
L’institut
national des
sciences mathématiques
et de
leurs
interactions (CNRS Mathématiques)
L’Institut national des sciences mathématiques et de leurs interactions (INSMI) est à la
fois l’institut du CNRS charg
é des mathématiques, désormais dénommé CNRS Mathématiques,
et l’institut national, auquel l’arrêté ministériel d
u 28 juin 2010 confie la mission de fédérer la
communauté de recherche scientifique française dans le domaine des mathématiques. Plus petit
institut du CNRS par sa taille, l’INSMI comprend 407 chercheurs en 2023, auxquels s’ajoutent
131 chercheurs non-permanents financés sur ressources propres, et 225 ingénieurs et
techniciens permanents, auxquels s’ajoutent 131 non permanents financés sur ressources
propres. Toutefois, les structures auxquelles participe l’INSMI regroupent 6
200 personnes
(3 800 chercheurs, 1 500 doctorants, 350 post-doc et 550 ingénieurs et techniciens), et
rassemblent donc l’essentiel de la communauté mathématique française estimée à environ 7
000
personnes. Les structures animées par l’INSMI sont :
-
44 UMR au sein desquelles travaillent des chercheurs du CNRS, au côté des
chercheurs d’autres partenaires, principalement des enseignants chercheurs des
universités,
-
13 fédérations de recherche regroupant des laboratoires de recherche,
-
13 laboratoires de recherche internationaux, implantés au Canada, en Amérique
latine, en Europe occidentale et en Asie,
l’absence de laboratoires aux
États-Unis
est compensée par des échanges importants entre équipes de recherche, initiés par
les équipes de recherche,
-
sept unités d’appui à la recherche
: (trois centres de conférence, deux services de
documentation, un centre de calcul et une agence chargée des interactions des
mathématiques avec les autres disciplines scientifiques).
L’école française des mathématiques, ainsi rassemblée, obtient d’excellents résul
tats au
niveau mondial, illustrés par la présence de trois universités françaises parmi les sept premières
du classement de Shanghai pour les mathématiques (Paris Saclay n°2, Sorbonne Université n°4
et Paris Cités n°7), l’obtention de 12 médailles Fields,
le premier rang européen pour les succès
aux appels d’offres européens du conseil européen de la recherche et un volume très important
de publications dans les revues internationales de premier plan. En particulier, la région Ile de
France est une des régions du monde qui concentre le plus de mathématiciens de haut niveau.
Il est caractérisé par une forte présence des universitaires, y compris au sein de la
direction, ce qui illustre son rôle fédérateur de la communauté scientifique française dans le
domain
e des mathématiques qui se trouve largement dans l’enseignement supérieur (seuls 12
%
sont des chercheurs du CNRS). Le CNRS fournit, en revanche, la plus grande part des
ingénieurs et techniciens (52 %), dans un contexte où cette ressource manque au sein des
universités et où l’appui à la recherche revêt une importance croissante dans un contexte marqué
par la forte augmentation du volume des appels à projets, qu’ils soient émis par l’
ANR ou par
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
127
l’Union européenne dans le cadre du conseil européen de la rec
herche du programme Horizon
Europe. Au niveau de l’INSMI, la part des ingénieurs et techniciens demeure faible par rapport
aux autres instituts, les mathématiques étant une science qui nécessite moins d’appui que
d’autres disciplines. L’institut estime par
ailleurs fournir une part suffisamment déterminante
des soutiens administratifs aux UMR, par rapport à la participation des autres partenaires,
notamment les universités.
Le CNRS fournit é
galement 7,3 M€ du budget de fonctionnement et d’investissement
de l’INSMI en 2023, montant en croissance du fait des revalorisations prévues par la loi de
programmation pluriannuelle de la recherche de décembre 2020 (ce chiffre était de 5,5 M€ en
2017). Cela représente un montant estimé à environ un tiers du financement alloué par
l’ensemble des partenaires aux unités de l’INSMI, même si ce montant est mal connu, du fait
de l’absence d’un outil fiable de consolidation, dans un contexte où chaque UMR report
e à ses
financeurs les éléments financiers, selon les règles qui sont spécifiques à chacun d’entre eux.
C’est là aussi la contribution financière la plus faible des instituts du CNRS, les mathématiques
ne nécessitant pas des dépenses importantes, à l’excep
tion du domaine des frais de missions ou
d’organisation de rencontres et colloques car les échanges entre chercheurs au niveau
international sont essentiels pour les progrès de cette discipline.
C’est néanmoins l’institut qui
a connu la plus forte croissance des dotations sur les dix dernières années. Dans les UMR, le
budget alloué par l’ISMI représenterait entre 50 % (chiffres déclarés dans Dialog) et 2/3 des
dotations (estimation sur la base des RDV de gestion avec les autres tutelles). Les UMR
disposent par ailleurs de ressources propres importantes, qui sont supérieures aux dotations.
Plusieurs caractéristiques propres à l’INSMI le distingue des autres instituts du CNRS
et entraînent des enjeux spécifiques en matière de gestion :
-
Le choix a été fait il y
a une quinzaine d’années de regrouper les UMR, afin de
disposer d’UMR généralistes où se côtoient des chercheurs travaillant dans les
différents domaines des mathématiques. Il y a donc un nombre réduits d’UMR qui
peuvent bénéficier de contacts plus réguli
ers avec l’INSMI, avec notamment une
visite systématique de la direction de l’INSMI une fois tous les trois ans pour chacun
d’entre eux. Il y a cependant quelques exceptions à ce principe à Paris, à Lyon et à
Grenoble, où il existe des UMR non regroupées, mais de grande taille. La plus
importante par ses effectifs est l’institut des mathématiques de Jussieu
(IMJ) qui a
fait l’objet d’un contrôle sur place dans le cadre du présent contrôle
;
-
Le poids des chercheurs est prédominant par rapport aux ingénieurs et techniciens
et les problématiques liées à leur attractivité et à leur fidélisation sont majeures dans
ce contexte. Si l’INMSI indique ne pas avoir de difficulté à recruter des chercheurs
talentueux, la question des départs est très sensible. En particulier, le développement
des applications dans le domaine de l’intelligence artificielle suscite des
opportunités qui entraînent quelques départs en cours de carrière vers le secteur
privé. Les règles de gestion de la fonction publique n’offrent quasiment auc
un levier
à l’INSMI pour dissuader un chercheur de quitter l’institut. L’INSMI favorise
l’emploi des jeunes, avec un volume élevé de post docs pour assurer le
renouvellement des générations et utilise largement pour cela les ressources propres
issues des a
ppels à projets, d’où une importance forte accordée à ces appels à projets,
notamment ceux du conseil européen de la recherche. Or, pour répondre
efficacement à ces appels d’offres, un surcroît d’appui administratif serait utile.
-
La culture universitaire a
u sein de l’INSMI est très forte, ce qu’illustre le fait que
l’institut se mobilise prioritairement sur ses résultats scientifiques. Il pâtit en
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
128
revanche d’un soutien administratif faible, notamment pour les personnels
administratifs les plus qualifiés et
d’une visibilité insuffisante sur le pilotage
financiers des UMR, dès lors que les fonds proviennent d’autres partenaires. Ainsi,
la faible exécution observée (86 % des AE et 87 % des CP exécutés en 2023 au
niveau de l’INSMI) s’explique en partie à cause de cette faible visibilité. L’essentiel
des dépenses des unités de recherche étant liés aux frais de mission des grands
colloques de l’été, la direction attend l’automne avant de s’interroger sur un éventuel
redéploiement des crédits vers d’autres dépenses qu’il est ensuite difficile d’engager
avant la clôture annuelle. De ce fait, l’institut ne peut pas profiter des sous
-exécution
sur certaines UMR pour soutenir des besoins sur d’autres UMR. Le seul véritable
redéploiement en faveur des investissements a pu intervenir en 2020, en raison des
contraintes de la crise sanitaire qui avaient conduit à annuler nombre de
déplacements.
-
Dans un champ disciplinaire internationalisé et concurrentiel, l’INSMI s’interroge
sur la manière de renforcer sa visibilité notamment en ce qui concerne les conditions
matérielles d’accueil de chercheurs étrangers prestigieux («
format VIP ») pour une
conférence ou un enseignement.
L’Institut national des sciences de l’Univers
(CNRS Terre & Univers)
L’Institut national des sciences de l’Univers (INSU) est à la fois l’institut du CNRS
chargée
de la Terre (Terre solide, Océans, zones critiques) et de l’Univers
, désormais dénommé
CNRS Terre & Univers
, et l’institut national, auquel l’arrêté ministériel du
29 avril 2016 confie
la mission de définir la stratégie nationale de la discipline, coordonner la recherche et gérer les
infrastructures de recherche particulièrement nombreuses dans ce domaine (moyens
d’observations spatiales, base polaire, avion instrumenté,
etc.
).
Au sein du CNRS
, l’IN
SU
est l’institut qui a perdu le plus d’effectif depuis 10 ans
(perte
de 140 postes permanents). À la fin de 2022, il comptait 932 chercheurs permanents, 299
chercheurs et 244 doctorants financés sur ressources propres, 1 433 ingénieurs et techniciens
permanents et 408 ingénieurs et techniciens
financés sur ressources propres, l’ensemble
provenant du CNRS.
Toutefois, les structures que coordonne l’INSU regroupe l’essentiel de la
communauté française de recherche de la discipline, soit environ 9 500 personnes au total
(3 300 chercheurs permanents, 2 400 chercheurs et doctorants non permanents, 3 000
ingénieurs et techniciens permanents, 890 ingénieurs et techniciens non permanents), près des
deux tiers provenant des universités et des autres organismes de recherche.
L’INSU a été
contraint de gérer cette décroissance d’effectifs, particulièrement sensible pour les ingénieurs
et techniciens, en renonçant à remplacer des départs de chercheurs pour réaffecter les postes
aux ingénieurs et aux techniciens
arbitrag
e qui semble trouver aujourd’hui ses limites
.
Les choix effectués en termes d’allocation de ressources au détriment de l’INSU sont
surprenants s’agissant d’un domaine dont certaines applications sont particulièrement visibles
dans le monde actuel. L’INSU
est ainsi le premier contributeur de publications scientifiques
pour le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat
(1369 publications sur
13 000)
grâce aux mesures qu’il a été le premier à initier dès les années 1980 et qui ont permis
d
e montrer que le taux de CO2 dans l’atmosphère augmentait. Il est également à l’origine de la
première image d’un trou noir
, a instrumenté la tête du robot envoyé sur la planète Mars par la
National Aeronautics and Space Administration
et affiche des taux de réussite aux appels à
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
129
projets de
l’Européen Research Council
supérieurs à la moyenne (22,5 % contre 16 % en
moyenne au CNRS). Ses chercheurs peuvent s’appuyer sur un réseau international et des
instruments de recherche de premier plan.
Le CNRS fournit é
galement 41 M€ du budget de fonctionnement et d’investissement de
l’INSU en 2023, sachant que le
s unités de recherche bénéficient aussi de ressources propres
s’élevant à 87,4 M€ cette année
-
là. Le budget de fonctionnement et d’investissement finance à
hauteur de 38 % les très grandes infrastructures de recherche, 21 % les infrastructures de
recherche, 21 % les laboratoires et 9
% les programmes de recherche nationaux de l’INSU.
Structuré autour de 24 observatoires scientifiques de l’Univers qui coordonnent
l’activité de recherche et organisent l’accès aux équipements de recherche, dont certains font
l’objet de coopérations internationales (
Canada France Hawaï Telescope
, Observatoire
gravitationnel européen), de 62 UMR (65
% d’entre elles ayant plus de deux
pourvoyeurs de
ressources
) regroupant des chercheurs du CNRS, d’autres organismes et de l’Université et de
10 unités d’appui à la recherche, l’INSU joue véritablement son rôle de stratège et de
coordonnateur de la recherche de la discipline avec une démarche prospective sur des champs
d’études considérés comme stratégiques
, réitérée tous les cinq ans, une démarche
programmatique en place depuis une trentaine d’années et une attention particulière accordée
au financement des infrastructures de recherche et des unités de recherche. Cette démarche très
organisée dans le temps long est indispensable compte tenu du caractère lourd et coûteux des
équipements de recherche et des thématiques étudiées. Cela préfigure en quelque sorte ce qui
est attendu des agences de
programme en cours de déploiement, même si, en l’espèce, la
création d’une agence de recherche climat diversité qui ne couvre qu’une partie du périmètre
de l’INSU (en ne reprenant pas le domaine spatial et le domaine de la Terre solide) fait craindre
une certaine désoptimisation du système.
La principale caractéristique qui distingue l’
INSU des autres instituts du CNRS réside
dans le fait que ses équipements de recherche scientifiques sont majeurs, complexes, hautement
technologiques et parfois très coûteux. Cela emporte plusieurs conséquences en matière de
gestion :
-
Le financement de ces équipements est difficile dans le cadre de règles budgétaires
fondées sur le principe de l’annualité. Cela s’est traduit par des difficultés
importantes pour financer le r
enouvellement de l’avion instrumenté (61 M€ au total
,
dont seulement 20 M€ financés par l’INSU, le solde ayant fait l’objet de
financements exceptionnels) qui a pris du retard. Cela
pose aujourd’hui des
difficultés par exemple pour la rénovation de la base
polaire Dumont d’
Urville
estimée
à environ 71 M€
. Grâce à sa démarche prospective et programmatique,
l’INSU serait pourtant en mesure de programmer
à horizon 10 ans les
investissements majeurs, pour peu que soit mis en place une programmation
budgétaire pluriannuelle de moyen terme, du type de celles qui existent au CEA et
au CNES et qui permettent de mieux anticiper et sécuriser les financements des
équipements majeurs
. Ce sujet est d’autant plus important que la modernité des
outils et équipements disponibles dans les laboratoires
de l’INSU constitue, aux
côtés des rémunérations qui sont considérées comme peu concurrentielles, un
élément d’attractivité clef pour la France
;
-
La conciliation des règles de mise en concurrence prévues par le code des marchés
publics et de la préservation des intérêts technologiques et industriels français est
complexe, surtout lorsque le fournisseur est unique et a été engagé précédemment
dans un cofinancement d’une recherche pour développer un prototype. Dans ce
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
130
domaine, il pourrait être utile d
e s’inspirer d
es pratiques en vigueur pour les
programmes d’armement qui connaissent des problématiques similaires, ce qui
pourrait nécessiter le renforcement et la
plus grande utilisation de l’
exception
recherche aux règles générales de la commande publique quand il existe un intérêt
partagé entre l’organisme de recherche l’entreprise à collaborer dans le durée,
quitte
à disposer d’un dispositif d’enquête de coûts pour vérifier, et le cas échéant ajuster,
les marges des fournisseurs en situation de monopole pour certains équipements.
-
La complexité et la charge administrative liées aux règles applicables pour ces
achats créent des tensions fortes sur les personnels administratifs avec des risques
psychos sociaux jugés importants dans au moins un quart des unités de recherche
par la direction de l’INSU. Pour prendre en compte cette situation, il pourrait être
utile de renforcer l’expertise juridique sur ces sujets et de la rapprocher du terrain,
par exemple en la positionnant au niveau des 19 sites qui regroupent les
observatoires scientifiques de l’Univers et les UMR de l’INSU.
Il pourrait aussi être
judicieux d’harmoniser les règles de justification des dépenses afin de faciliter la
passation des marchés et leur suivi par les gestionnaires.
-
L’exploitation de ces équipements de recherche a conduit à la constitution d’un
corps spécifique administré par l’INSU
: le conseil national des astronomes et
physiciens, dont la particularité réside dans le fait que ses membres consacrent 1/3
de leur te
mps à l’observation, 1/3 à la recherche et 1/3 à l’enseignement.
-
Le meilleur usage souhaitable des équipements a conduit très tôt l’INSU
à adopter
une démarche prospective et coordinatrice des programmes de recherche, en
associant l’ensemble des partenaire
s, préfigurant ce qui est attendu des futures
agences de programmes. L’absence de systèmes d’information permettant la
consolidation des données financières dans les unités de recherche constitue de fait
un handicap pour cette démarche.
L’Institut des scie
nces biologiques (CNRS Biologie)
L’Institut des sciences biologiques (InSB)
, désormais CNRS Biologie,
est l’institut du
CNRS chargé de la science du vivant, désormais dénommé CNRS Biologie. Contrairement à
l’INSMI et à l’INSU, il ne s’agit pas d’un institut national, fonction qui n’existe pas dans le
domaine de la biologie où se côtoient de nombreux acteurs de la recherche en dehors du CNRS,
le principal étant l’institut national de la santé et de la recherche médicale
(INSERM), où a été
positionnée l’agenc
e de programme pour la recherche de santé.
Au sein du CNRS, l’I
nSB est le plus grand institut du CNRS par ses effectifs avec
l’institut des sciences humaines et sociales. Il regroupe plus de 19
000 personnes dont près de
12 000 chercheurs. Dans cet effectif, le CNRS compte plus de 3 300 chercheurs dont plus de
2 200 permanents et environ 3 300 ingénieurs et techniciens dont près de 2 200 permanents.
Cela représente environ 1 000 équipes de recherche réparties dans environ 217 unités, dont 172
unités de recherche, notamment les 145 UMR et 45
unités d’appui à la recherche. Le CNRS
met à disposition un budget de fonctionnement et d’investissement de
5
9 M€ en 2023.
En dépit
de cette grande taille, il y a une forte concentration géographique en région parisienne, à Lyon,
Aix-Marseille, Bordeaux, Toulouse et Strasbourg, puisque 93 % des agents sont situés sur 12
sites principaux. Cette communauté a produit des résultats majeurs avec quatre prix Nobels, le
dernier datant de 2011, 19 médailles d’or du CNRS par exemple et 13 projets lauréats du conseil
européen de la recherche en 2023.
LE CENTRE NATIONAL DE LA RECHERCHE SCIENTIFIQUE (CNRS)
131
Le principal enjeu
de l’InSB est le renforcement de sa place
au sein de la communauté
scientifique des sciences du vivant, en jouant la complémentarité avec les partenaires français
(au-
delà de l’INSERM, les partenariats sont variés avec des universités, le
CEA
, l’Institut
Pasteur, l’Institut Curie,
etc.
) et en développant la p
résence à l’international. Pour cela, il doit
faire face à plusieurs défis qui ont des conséquences importantes pour sa gestion :
-
Le premier défi est celui de la gestion des talents, de leur attractivité et de leur
affectation dans les laboratoires qui en
ont besoin. CNRS Biologie n’a pas hésité à
conduire une politique de rationalisation de ces implantations, conduisant au
regroupement et à des fermetures d’unités depuis une dizaine d’années et à des
affectations des chercheurs lauréats du concours dans les laboratoires en fonction de
la politique scientifique qui conduit à flécher certains postes. CNRS Biologie
dispose en outre d’outils d’attractivité spécifique comme le programme ATIP
-avenir
développé avec l’INSERM
depuis 2009 qui permet d’offrir chaque a
nnée à 20
équipes (dont 10 pour CNRS Biologie) de jeunes chercheurs un financement de
60K€ par an sur cinq ans. Cela permet à ces
jeunes
équipes de s’acculturer à la
pratique des appels à projets et de disposer d’un financement pour lancer leurs
premières recherches. Cette acculturation est utile dans un environnement de plus
en plus marqué par les appels à projets
: les lauréats d’ATIP
-Avenir représentent
ainsi 40 % des lauréats des appels à projets européens du conseil européen de la
recherche. Enfin, CNRS Biologie a incité avec succès à un rajeunissement des
chercheurs lauréats du concours, afin notamment de réduire le décalage entre le
niveau de rémunération proposé aux chercheurs en début de carrière et les
espérances salariales des candidats.
CNRS biologie fait état d’une difficulté
importante pour les jeunes chercheurs qui ont besoin de gagner un appel à projet
pour disposer des moyens de commencer leur première recherche, leur dotation
initiale étant insuffisante y compris avec les
packages
améliorés du type CPJ.
-
Le second défi est celui des moyens nécessaires à la recherche, qui sont relativement
importants dans le domaine de la biologie. Il s’agit,
d’une part, par des moyens
technologiques de plus en plus coûteux (comme les microscopes électroniques
cryogéniques
qui peuvent coûter de 3 à 5 M€) et nécessitent la mise en place de
plateaux techniques de sites, voire des infrastructures nationales de recherche ou des
mutualisations européennes. Au-delà du financement des nouvelles infrastructures,
qui pose la question
de la mise en place d’une programmation à moyen terme, CNRS
biologie doit aussi assurer la jouvence de ses équipements.
Il s’agit, d’autre part, de
la nécessité de réaliser des expériences sur le vivant, ce qui implique de disposer
d’animalerie dans un contexte de niveau d’exigence croissant de la règlementation
et des règles éthiques.