Chapitre III
La compensation démographique entre
régimes de retraite : un dispositif
complexe, artificiel et mal géré
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_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La compensation démographique entre régimes de retraites a été
instaurée en 1974, en l’absence d’autres mécanismes de solidarité, pour
une durée limitée de quatre ans. Cinquante ans plus tard, elle perdure et
représente 6 Md€ de transferts.
La Cour a contrôlé ce mécanisme pour la dernière fois en 2010
129
.
Elle avait relevé l’absence d’équité de certains de ses paramètres de
calcul, notamment la différence de traitement entre les régimes de salariés
et de non-salariés. La compensation démographique est depuis restée,
pour l’essentiel, inchangée dans ses principes, dans un contexte de
réformes successives des régimes de retraite, avec notamment l’intégration
des travailleurs indépendants au régime général et la mise en extinction
des principaux
régimes spéciaux.
Après ces réformes, il est apparu nécessaire à la Cour de
s’interroger
à
nouveau
sur
la
pertinence
de
la
compensation
démographique, son adéquation avec l’objectif poursuivi et ses modalités
de mise
en œuvre. De ce contrôle, portant sur les années 2017 à 2023, il
ressort que les lacunes relevées en 2010 n’ont pas été corrigées et se sont
même accentuées, ce qui conduit à préconiser des solutions plus radicales
que celles recommandées à l’époque.
Le dispositif apparaît complexe, artificiel et mal géré (I). De
l’examen des différents scénarios pour l’avenir, celui de la suppression
complète apparaît à privilégier par rapport à celui d’une refonte générale
des paramètres de calcul ou à celui d’une réforme
de portée limitée (II).
129
Ralfss 2010, chapitre III,
Les compensations inter-régimes
.
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124
Chiffres clés en 2022
Montant total des transferts de la compensation démographique :
6
Md€ (chiffres définitifs), en légère hausse par rapport à 2021 (+
0,1
Md€).
17 régimes de base de retraite participants au système de
compensation.
18,3 millions de retraités de droit direct, âgés de plus de 65 ans et
plus, pris en compte pour le calcul des transferts de compensation entre
régimes.
Pension de référence prise en compte pour les régimes de salariés :
2 313
€ par an.
Pension de référence prise en compte pour les régimes de non-
salariés et de salariés : 3 518
€ par an.
I -
Un dispositif de plus en plus artificiel
et mal piloté
La compensation démographique poursuit des objectifs qui se
justifient toujours, cinquante ans après sa créa
tion, mais elle s’insère
désormais dans un ensemble étoffé de mécanismes de solidarité entre
régimes (A). Son architecture est de plus en plus artificielle au regard des
évolutions démographiques et de la différenciation qu’elle établit entre les
régimes de non-salariés et de salariés (B). Sa gestion souffre de graves
lacunes, qui se sont accentuées depuis le dernier contrôle de la Cour (C).
A -
Un dispositif justifié mais progressivement vidé
de sa substance par d’autres mécanismes de solidarité
Prévue initialement pour prendre en compte les mutations
économiques qui affectent l’affiliation des actifs entre les différents
régimes, la compensation démographique a été organisée en construisant
un
régime
unique
fictif,
retenant
des
hypothèses
minimales.
Progressiv
ement, d’autres mécanismes de solidarité se sont développés
pour assurer l’équilibre financier des régimes de retraite de base, dont le
nombre s’est réduit au fil des années.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
125
1 -
Un dispositif conçu en 1974 pour organiser une solidarité
interprofessionnelle face aux mutations économiques
La
compensation
démographique
retraite,
encore
appelée
compensation généralisée vieillesse, a été créée par la loi n° 74-1094 du
24 décembre 1974, qui visait à instituer «
un système de protection sociale
commun à tous les Français
».
Le dispositif alors mis en place visait à remédier à deux catégories
d’inégalités entre régimes de retraite
130
:
-
celles découlant des déséquilibres démographiques, en particulier du
rapport très dégradé entre cotisants et retraités des régimes des
exploitants et des salariés agricoles, dans un contexte d’érosion de la
part du secteur primaire dans l’emploi
;
-
celles découlant des disparités de capacités contributives (autrement
dit des revenus soumis à cotisation) entre les cotisants des différents
régimes.
Il s’agissait donc d’organiser, face aux mutations économiques, une
solidarité interprofessionnelle pour la retraite de base. Le dispositif était
conçu comme transitoire, dans l’attente de rapprochements plus profonds
permettant de répondre aux difficultés nées du cloisonnement des régimes
sociaux.
Dans ce contexte, il a été choisi d’établir la compensation sur la base
de prestations et de cotisations minimales, principe toujours en vigueur. Le
but était de mettre les régimes de base sur un pied d’égalité après les
transferts de compensation
afin qu’
ils puissent apprécier leur situation
relative et, en cas de déficit, prendre les mesures de redressement en
agissant sur les paramètres relevant de leurs propres règles. Le dispositif
de compensation a été différencié pour les non-salariés dont les revenus
n
’étaient
pas connus dans les mêmes conditions que les salariés.
Une commission de compensation a été instituée, regroupant les
régimes concernés, avec pour missions de contrôler les informations à
l’appui des calculs et de formuler des avis sur les mon
tants annuels de la
compensation et sur les règles régissant le dispositif.
130
Article L. 134.1 du code de la sécurité sociale.
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126
2 -
Une architecture qui repose sur un régime fictif de référence
distinguant salariés et non-salariés
Limité par la loi aux régimes dont l’effectif de cotisants et de retraités
est supérieur à un nombre minimum fixé par décret (20 000 actuellement,
apprécié au 1
er
juillet), le mécanisme de compensation repose sur un
ensemble de règles conventionnelles, dont l’architecture générale n’a pas été
modifiée depuis 1974. Elle s’appuie sur deux étages de compensation :
-
le premier étage, limité aux régimes de salariés, suit une logique
démographique et contributive, retenant comme éléments-pivots les
effectifs de retraités rapportés à la masse salariale des cotisants ;
-
le second étage concerne les régimes de non-salariés et de salariés et
ne tient compte que des effectifs de cotisants et de retraités des
régimes, suivant une logique uniquement démographique.
Pour chacun des deux étages, la compensation est calculée à partir
d’une pension de référence minimale
131
. Elle est établie de sorte que les
transferts entre régimes soient à somme nulle. Au sein de chaque régime,
seuls les retraités de droit direct (hors bénéficiaires de pensions de
réversion) âgés de 65 ans et plus sont pris en compte pour le calcul.
Le calcul de la compensation
La compensation est calculée sur la base d’u
n régime unique fictif de
retraite à deux étages (articles D. 134.2 et 3 du code de la sécurité sociale) :
Entre régimes de salariés (mécanisme démographique et contributif)
Le régime fictif est équilibré par la formule : (nombre total de
retraités de 65 ans ou plus) x (pension de référence des salariés) = (masse
salariale sous plafond) x (taux de cotisation de référence). Pour les acomptes
de 2023, la pension annuelle de référence utilisée est de 2 313
€
; le taux de
cotisation qui s’en déduit pour équilibrer le régime s’établit à 4,75
%. On
peut alors calculer, régime par régime, les cotisations fictives perçues (C) et
les retraites fictives versées (R). Le solde (C-R) correspond à la
compensation versée (C ˃ R) ou reçue (C ˂ R).
131
Pour le premier étage, la référence est la pension moyenne la plus basse versée par
les régimes de salariés participant à la compensation, soit celle des salariés agricoles en
2017 revalorisée comme les retraites de base. Pour le second étage, la référence est la
pension de l’ex
-régime des commerçants, établie dans les mêmes conditions.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
127
Entre
régimes
de
non-salariés
et
de
salariés
(mécanisme
démographique)
Le régime fictif est équilibré par la formule : (nombre total de
retraités de 65 ans ou plus) x (pension de référence des non-salariés) =
(nombre total de cotisants) x (cotisation de référence). Pour les acomptes de
2023, la pension annuelle de référence est de 3 518
€
; la cotisation de
référence
qui s’en déduit pour équilibrer le régime
de 2 068
€. On en déduit
pareillement la situation des régimes
132
.
Les montants issus de ces deux calculs (éventuellement de sens
contraires au sein d’un même régime) sont additionnés de
manière à aboutir
au montant du transfert de compensation de chaque régime de retraite.
En 2023
133
, 17 régimes ont participé à la compensation, dont 13 de
salariés et 4 de non-salariés.
Liste des 17 régimes pris en compte pour la compensation en 2023
-
Régimes de salariés
-
Cnav Salariés
134
: Caisse nationale d'assurance vieillesse.
-
Salariés agricoles : Régime des salariés agricoles (géré par la caisse
centrale de la mutualité sociale agricole).
-
État-
Personnels civils : Régime de retraite des personnels civils de l’État.
-
État - Personnels militaires : Régime de retraite des personnels militaires.
-
FSPOEIE : Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements
industriels de l'État.
-
CNRACL : Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
-
CANSSM : Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.
-
CPRP SNCF : Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la
Société nationale des chemins de fer français.
132
Les régimes de salariés sont considérés globalement et les montants qu’ils versent
aux régimes de non-salariés sont répartis au prorata de leur masse salariale sous plafond.
133
Arrêté annuel du 22 décembre 2022.
Le même périmètre a été retenu par l’arrêté du
15 décembre 2023.
134
La compensation distingue les cotisants et retraités affiliés à
l’ancien régime social
des indépendants, ce qui conduit à isoler au sein de la Cnav ceux relevant du salariat.
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128
-
CRP RATP : Caisse de retraites du personnel de la Régie autonome des
transports parisiens.
-
Énim : Établissement national des invalides de la marine.
-
CNIEG : Caisse nationale des industries électriques et gazières.
-
CRPCEN : Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de
notaires.
-
Banque de France : Caisse de retraite de la Banque de France.
-
Régimes de non-salariés
-
Exploitants agricoles : Régime des exploitants agricoles (géré par la caisse
centrale de la mutualité sociale agricole).
-
CNAVPL : Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions
libérales.
-
SSI (ex-RSI) : Sécurité sociale des indépendants (ex- régime social des
indépendants).
-
CNBF : Caisse nationale des barreaux français.
En 2022, dernière année pour laquelle les chiffres sont définitifs, la
compensation s’établit à 3,4 Md€ au titre du premier étage entre régimes
de salariés et à 2,8 Md€ au titre du second étage entre régimes de salariés
et de non-salariés. Les régimes de salariés étant contributeurs au second
étage et une partie de ces régimes étant bénéficiaires au titre du premier
étage, le montant total de la compensation est inférieur à la somme des
deux étages et s’élève à
6
Md€. 9
régimes sont bénéficiaires et
8 contributeurs.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
129
Graphique n° 12 :
transferts de compensation démographique
entre régimes de retraites (montants définitifs 2022, en M€)
Source : Cour des comptes
3 -
D’autres mécanismes de solidarité de plus en plus étoffés
Conçue pour intervenir après toutes les autres formes de
compensation, la compensation démograp
hique s’insère dans un ensemble
de mécanismes de solidarité et d’agrégation financière de plus en plus
étoffé, ce qui rend sa portée plus difficile à établir.
a)
Des mécanismes d’équilibrage entre régimes
Lors de la création de la compensation démographique, il existait
déjà des mécanismes d’équilibrage financier, assurés par la Cnav en faveur
des salariés agricoles et par l’État en faveur de certains régimes spéciaux.
Ces mécanismes se sont développés au point que seuls sept régimes
participant à la compensation démographique y échappent encore en 2023.
L’État équilibre ainsi, sous forme de dotation
s ou de subventions,
sept régimes
135
. La
Cnav assure l’équilibre du régime des salariés agricoles.
Elle gère la retraite de base de l’ex
-régime des travailleurs indépendants
qu’elle équilibrait auparavant. Ces mécanismes modifient l’impact de la
135
Fonction publique civile, fonction publique militaire, FSPOEIE, CPRP SNCF,
CANSSM, CRP RATP, Énim.
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130
compensation démographique sur les comptes de l’État et de la Cnav. Si la
Cnav au titre des salariés contribue à la compensation démographique à
hauteur de 4,1
Md€ en 2022, l’
impact sur ses comptes se réduit à 2
Md€
après prise en compte des transferts de compensation perçus par l’ex
-RSI
(inclus dans le régime général) et par le régime des salariés agricoles (dont
la Cnav équilibre les comptes). L
’État, attributaire de 261
M€ d
e
compensation au titre des fonctionnaires civils et militaires, bénéficie
également de l’effet des transferts de compensation perçus par les régimes
dont il assure l’équilibre, soit 665
M€ au total.
b)
Des mécanismes spécifiques lors de la fermeture de régimes
La loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 qui a réformé les retraites a
prévu la mise en extinction de cinq régimes spéciaux (RATP, mines,
industries électriques et gazières, CRPCEN, Banque de France).Celui de la
SNCF
avait déjà été fermé par la loi n° 2018-515 du 27 juin 2018. En
conséquence, les nouveaux assurés de ces régimes sont désormais affiliés
à la Cnav, avec pour effet mécanique une détérioration des ratios
démographiques des régimes spéciaux, qui compteront de moins en moins
de cotisants jusqu’à l
eur disparition.
Après la fermeture de l’accès au régime de retraite de la SNCF, une
convention avait été conclue entre ce régime, la Cnav pour les retraites de
base et l’Agirc
-Arrco pour les retraites complémentaires, aux termes de
laquelle ces caisses r
eversaient à celle de la SNCF les cotisations qu’elles
percevaient au titre du personnel qui leur était désormais affilié. Ce
mécanisme complétait le surcroît de compensation démographique perçu
par le régime en raison de la baisse de son nombre de cotisants.
L’article 15 de la LFSS pour 2024 a
mis en place un dispositif
différent, qui concerne la SNCF et les cinq régimes mis en extinction par
la loi d’avril 2023
. Il
prévoit que le régime général assure l’équilibre de
ces
régimes dès lors que leurs fonds propres seront négatifs. Concernant la
compensation démographique, ces régimes formeront, à partir de 2025 un
ensemble unique, le régime général devenant seul redevable (ou
bénéficiaire) de la compensation.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
131
Le schéma de financement prévu par la LFSS pour 2024
L’article
15
de
la
LFSS
pour
2024
prévoit
d’intégrer
progressivement au régime général, à partir de 2025, les régimes spéciaux
mis en extinction. Une dotation d’équilibre du régime général remplacera
trois dispositifs :
-
la compensation démographique désormais établie au niveau consolidé de
ces régimes et du régime général ;
-
le mécanisme de compensation de la perte de cotisants tel qu’il avait été
mis en place par convention pour la SNCF en 2020 ;
-
la subvention d’équilibre de l’État, versée chaque année aux régimes
déficitaires, remplacée par une dotation d’équilibre de la Cnav. Elle sera
compensée par l’attribution d’une fraction du produit de la TVA
136
,
calculée à partir du montant actuel des subventions d’équilibr
e financées
par la mission
Régimes sociaux et de retraite
du budget de l’État, dont le
montant pourra être revu après présentation d’un rapport au Parlement.
À l’issue de la réforme,
seuls quatre régimes participant à la
compensation démographique ne seront pas concernés par un autre
mécanisme démographique spécifique ou d’équilibrage
: ceux des
exploitants agricoles, des professions libérales (CNAVPL), des avocats
(CNBF) et, enfin, des agents territoriaux et hospitaliers (CNRACL).
Enfin, pour la présentation des comptes de la sécurité sociale,
notamment pour les tableaux d’équilibre soumis à l’approbation du
Parlement, les comptes des régimes sont agrégés au niveau de la branche
vieillesse. La compensation démographique est donc neutralisée. Elle est
égal
ement sans effet sur l’équilibre financier global des retraites. Si
l’objectif de la compensation démographique était d’inciter les régimes à
agir sur ce qui relevait de leur gestion, les agrégats de synthèse par branche
font passer cet élément à un second plan.
B -
Un mode de calcul de plus en plus arbitraire
Fondée sur des règles minimales dès l’origine, la compensation a vu
son caractère arbitraire se renforcer. Ses modalités de calcul ont été ajustées
pour encadrer les variations de ses montants au regard des évolutions
économiques, tout en maintenant la différence entre salariés et non-salariés.
136
La direction du budget a indiqué à la Cour que la compensation pourrait aussi faire
l’objet d’une subvention budgétaire de l’État à la Cnav.
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132
1 -
Au regard des évolutions démographiques
Entre 2017 et 2022, les transferts de compensation ont baissé de
20 %, passant de 7,45
Md€ à 6
Md€. Cette diminution est c
ohérente avec
l’évolution des rapports entre les cotisants et les retraités, qui
se sont
rapprochés de la moyenne pour la plus grande part des régimes. Entre 2018
et 2022, 10 des 17 régimes participant à la compensation ont vu leur écart
par rapport à la moyenne se résorber.
Graphique n° 13 :
rapport moyen entre cotisants et retraités
des principaux régimes en 2018, 2020 et 2022
Note de lecture : on compare, par année, le rapport entre cotisants et retraités des régimes au
rapport moyen de l’ensemble des régimes participa
nt à la compensation (retraités de droit direct
d’au moins 65 ans). En 2018, la CNAVPL se situait 1,5 point au
-dessus du rapport moyen ; en
2022, l’écart est tombé à 0,6 point.
Source : Cour des comptes, à partir des données de suivi DB/DSS
Les données sur une période de trente ans confirment le
rapprochement des situations démographiques des différents régimes,
même si c’est autour d’un ratio moyen qui se dégrade
: 1,7 cotisant par
retraité d’au moins 65 ans en 2022.
Bien que ces ratios aient continué à converger après 2021, la
tendance à la baisse des montants de compensation s’est inversée pour les
acomptes de 2022 et de 2023. La nouvelle règle de calcul de la
compensation retenue depuis 2018 indexe les pensions de référence sur
l’inflation.
Dans un cont
exte de reprise de l’inflation,
cette règle
s’est
traduite par une augmentation de la
compensation, qui n’a pas été anticipée.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
133
Cette nouvelle règle est une conséquence non souhaitée de la fusion
des régimes des artisans et commerçants, appliquée depuis le 1
er
janvier
2018 en vertu de l’article 50 de la LFSS pour 2017. Cette fusion conduisait
à un net ressaut de la pension de référence des non-salariés, et donc à une
forte augmentation des compensations entre non-salariés et salariés. Pour
éviter un tel ress
aut, il a été décidé dans l’urgence de modifier les règles de
calcul et de figer les pensions de référence des non-salariés à leur niveau
de 2017, revalorisé chaque année en fonction de l’augmentation des
pensions de base, soit l’inflation.
2 -
Au regard de la différence entre régimes de salariés
et de non-salariés
La différenciation entre régimes de salariés et de non-salariés
introduit un traitement inégal entre les régimes. Établie sur des bases de
plus en plus artificielles, elle est de moins en moins justifiée.
a)
Une pension de référence des non-salariés de moitié supérieure
à celle des salariés, sans que cela soit justifié
Deux pensions de référence sont utilisées pour le calcul de la
compensation : une première pour la compensation entre régimes de
salariés (2 313
€) et une deuxième
pour la compensation entre régimes de
salariés et de non-salariés (3 518
€ en 202
2
). L’écart en euros entre ces
deux pensions de référence sur la période va en s’accroissant.
Cette
différence entre les deux valeurs de pension de référence n’a
aucune
justification, ni démographique ni contributive.
La suppression du recours à une pension de référence différente pour
les deux catégories rétablirait une forme d’égalité de traitem
ent (cf.
infra
,
partie II, scénario B).
b)
Un dispositif qui n’a pas été adapté à la suppression
du régime social des indépendants (RSI)
L’intégration du RSI au sein du régime général pour la couverture
vieillesse de base était une occasion de simplifier le mécanisme de
compensation. Tel n’a pas été le cas. Le choix a été fait de maintenir une
existence fictive du régime des indépendants pour les seuls besoins de la
compensation, ce qui a rendu nécessaire l’adoption d’une disposition
législative dans la LFSS pour 2018.
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COUR DES COMPTES
134
Depuis lors, la Cnav doit reconstituer l’effectif des anciens cotisants
et retraités du RSI pour les seuls besoins de la compensation. Si cela a pu
être réalisé sans trop de difficultés lors de l’intégration du RSI à la Cnav,
la base de données p
erd de sa robustesse au fil du temps, l’identification
des nouveaux retraités et des nouveaux cotisants dans l’une des deux
catégories ajoutant un degré supplémentaire de complexité à un dispositif
déjà artificiel
137
.
c)
Une connaissance des revenus non-salariés qui ne justifie plus
un traitement différencié en matière de compensation
La compensation s’exerce entre les régimes de non
-salariés et de
salariés uniquement au regard de considérations démographiques. Cette
limitation a été introduite en 1974 « tant que les capacités contributives de
l’ensemble des non
-salariés ne pourront être définies dans les mêmes
conditions que celles des salariés »
138
. Sa justification a aujourd’hui
disparu.
Dans les dix dernières années, la connaissance des revenus des non-
salariés, et donc de l
’assiette de
leurs cotisations retraites, a franchi un cap,
en particulier avec la mise en place de la déclaration sociale et fiscale
unifiée pour les travailleurs indépendants et de la déclaration des revenus
professionnels pour les exploitants agricoles et les professions libérales.
Ces bases, à la fois fiscales et sociales, sont solides et peuvent être utilisées
pour connaître les capacités contributives des non-salariés dans des
conditions comparables à celles des salariés.
Le fait que ces bases ne représentent pas nécessairement la totalité
des revenus des non-salariés ne saurait justifier une différence de traitement
avec les salariés
: d’une part, les données disponibles sont représentatives
de la totalité du revenu qui donne droit à pension de base, champ couvert
par la compensation, d’autre part, les masses salariales prises en compte
pour établir les capacités contributives des salariés ne comprennent pas non
plus l’ensemble de leurs revenus
139
.
137
L
’article 15 de l
a LFSS pour 2024 maintient la
distinction entre les affiliés de l’ex
-
RSI et les autres affiliés du régime général pour les calculs de compensation.
138
Article 2, alinéa 2 de la loi du 24 décembre 1974 relative à la protection sociale
commune à tous les Français et instituant une compensation entre régimes de base de
sécurité sociale obligatoires.
139
Les masses salariales ne sont décomptées que sous le plafond ouvrant des droits à la
retraite de base et les salariés peuvent percevoir des revenus non-salariaux.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
135
C -
Des montants importants établis sur des bases
fragiles et comportant des erreurs
La mise en œuvre du dispositif se traduit par des transferts fortement
concentrés. Elle est sensible aux paramètres utilisés et est affectée de
nombreuses erreurs, voire d’irrégularités.
1 -
Des montants importants pour les régimes concernés
Les transferts de compensation sont fortement concentrés. Entre
2017 et 2021, le régime général a apporté en moyenne 65 % des montants
dus ; les régimes agricoles (salariés et exploitants) ont été bénéficiaires de
plus de 80 % des transferts, à parts sensiblement égales.
Les montants sont plus limités pour les autres régimes mais restent
substantiels au regard des pensions qu’ils versent et de leur situation
financière. C’est en particulier le cas pour la
CNRACL et pour la
CNAVPL, qui abondent la compensation démographique à hauteur, en
moyenne, de 1,1
Md€ pour la première et de 750
M€ pour la seconde.
Graphique n° 14 :
principaux transferts de compensation
démographique entre 2017 et 2023 (en M€)
Source : Cour des comp
tes à partir des arrêtés de compensation (niveaux définitifs jusqu’en 2021,
puis acomptes provisoires)
Parmi les mouvements significatifs, la compensation due à l’ex
-RSI
est passée entre 2017 et 2022 de 1,5
Md€ à
430
M€ en raison de la forte
croissance de ses effectifs de cotisants, notamment des auto-entrepreneurs.
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COUR DES COMPTES
136
Le régime des personnels civils de l’État, qui abondait la compensation à
hauteur de 300
M€ en 2017,
en a bénéficié en 2022 de plus de 360
M€, en
raison notamment d
e l’
augmentation rapide de ses effectifs de retraités. Ce
mouvement se poursuit en 2023 et 2024, années pour lesquelles les
montants sont encore provisoires.
La compensation démographique a des incidences fortes en gestion
pour tous les régimes, tant en raison des montants transférés que de leur
variation d’une année sur l’autre. Résultant du dispositif d’acomptes et de
régularisations
retenu,
les
écarts
significatifs
entre
les
niveaux
prévisionnels de compensation (qui fondent les transferts mensuels versés
ou perçus) et leurs niveaux définitifs, arrêtés deux ans plus tard, perturbent
la gestion de régimes dont la situation financière est par ailleurs tendue.
2 -
Des niveaux sensibles aux paramètres retenus
La Cour a mesuré, pour chaque régime, la variation des montants
transférés induite par une variation de 1 % de la valeur de chaque paramètre
en 2021, toutes choses égales par ailleurs. Les effets sont très différents
d’un régime à l’autre.
Une hausse de 1 % de la valeur de la pension de référence produit
des effets compris entre
–
1,8 % et + 0,8 % pour le premier étage et entre
–
1 % et + 1 % pour le deuxième étage. Les impacts sont plus conséquents
pour les paramètres démographiques et contributifs (hausse de 1 % du
nombre de retraités pris en compte, de cotisants ou de la masse salariale).
Tableau n° 19 :
variation des transferts à la suite d’une hausse de
1 % de la valeur de trois paramètres, en 2021
Régimes
Retraités de droit direct
âgés d’au moins 65 ans
Cotisants
Masse salariale
plafonnée
Cnav Salariés
- 2,23 %
1,26 %*
1,54 %
Salariés agricoles
- 1,44 %
0,08 %*
0,46 %
État - Personnels civils
- 14,27 %
2,40 %*
13,14 %
CNRACL
- 1,99 %
0,53 %*
2,89 %
Exploitants agricoles
- 1,31 %
0,32 %
Sans objet
SSI (ex-RSI)
- 40,71 %
39,75 %
Sans objet
CNAVPL
- 2,13 %
3,11 %
Sans objet
Note : rapport entre la variation du transfert et son montant initial. Un
–
pourcentage négatif
signifie un gain (le régime verse moins ou reçoit plus) ; un pourcentage positif une perte (il verse
plus ou reçoit moins).
* à la suite d’une hausse de 1 % du nombre de cotisants de l’ensemble des régimes de salariés.
Source : Cour des comptes
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
137
La forte sensibilité des transferts à ces paramètres renforce le besoin
d’un contrôle de l’exactitude des valeurs utilisées, les données étant
produites par chaque régime.
3
- Une gestion insatisfaisante de la compensation
qui fait apparaître des erreurs
Au titre des améliorations, le déploiement de la déclaration sociale
nominative (DSN) a fiabilisé le décompte des cotisants et de la masse
salariale des régimes. Toutefois, la gestion du dispositif, qui est assurée par
la direction de la sécurité sociale (DSS), présente toujours des lacunes ;
celles-ci se sont nettement amplifiées depuis 2010.
a)
Un dispositif géré en marge du cadre législatif
et règlementaire existant
La loi de 1974 a prévu
qu’une commission, réunissant l’ensemble
des régimes concernés, contrôle le dispositif et émette un avis sur les textes
le régissant, ainsi que sur les montants annuels de compensation arrêtés par
les ministres chargés de la sécurité sociale et du budget. Cette commission
ne se réunit plus depuis 2016, n’a plus de président depuis de nombreuses
années, et ne produit aucun procès-verbal des consultations effectuées
auprès de ses membres. Toutefois, les arrêtés fixant les montants de
compensation continuent à mentionner ses avis.
Par ailleurs, le nouveau mode de calcul des pensions de référence,
qui prévoit leur indexation sur l’inflation, a été pris en compte dès 2017
pour le calcul des montants de 2018, par un simple arrêté du
20 décembre
2017, alors qu’une
telle évolution relevait d’un décret. Ce
décret n’a été publié qu’un an plus tard, fin décembre 2018.
b)
Des calculs imprécis conduisant à des erreurs
En 2010, la Cour avait relevé des erreurs dans les calculs de
compensation
qui
résultaient,
pour
une
part,
de
problèmes
méthodologiques. Un manuel de l’utilisateur devait garantir un
renseignement homogène des informations nécessaires aux calculs. Ce
projet a été abandonné. Les contrôles de cohérence effectués sur les
données définitives pour 2021 font apparaître certaines améliorations mais
aussi des difficultés persistantes et de nouveaux problèmes.
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COUR DES COMPTES
138
Le décompte des retraités de droit direct âgés d’au moi
ns 65 ans est
l’objet de difficultés persistantes. La liquidation unique des régimes alignés
en 2017 a supprimé les doubles comptes pour les retraites versées par la
Cnav et par le régime des salariés agricoles. Le problème des doublons
pour les retraités
affiliés aux autres caisses n’a pas été traité. Outre la
difficulté, déjà mentionnée, à maintenir un décompte fiable des retraités de
l’ex
-RSI, ces derniers ne sont pas décomptés conformément à la liquidation
unique : leur nombre inclut indûment les retraités percevant une pension
du régime complémentaire des indépendants sans
pension de base de l’ex
-
RSI. En 2021, cela a conduit à majorer de 2,5 % le nombre de retraités de
l’ex
-RSI au titre de la compensation et
l’ex
-RSI aurait dû contribuer à la
compensation dès 2021, à hauteur de 1
M€, au lieu de recevoir 112
M€
140
.
Des fragilités demeurent aussi dans le décompte des cotisants,
salariés
141
et non-salariés, ainsi que des masses salariales. Le régime des
exploitants agricoles continue à s’appuyer sur une estimation reposant sur
la moyenne du nombre de cotisants au début de l’année en cours et au début
de l’année suivante, alors qu’il devrait retenir l’effectif de cotisants au
1
er
janvier de l’année. La CNAVPL retraite ses effectifs de cotisants des
radiations rétroactives mais pas des affiliations rétroactives. Les masses
salariales sous plafond établies par le régime des marins et par la CNRACL
présentent toujours des faiblesses.
Une erreur sur le nombre de retraités communiqué par le régime des
marins, qui a eu pour effet de réduire de 4
M€ la compensation versée à ce
régime en 2021, n
’a pas été détectée alors qu’elle faisait apparaître une
chute brutale du nombre de retraités. La pension de référence est
déterminée par la direction de la sécurité sociale depuis 2018 à partir de
l’indice des prix à la consommation hors tabac publié par l’Insee en
novembre, mais sans appliquer les règles d’arro
ndi prévues par le code de
la sécurité sociale
142
.
S’agissant enfin du champ de la compensation démographique, la
direction de la sécurité sociale demande aux régimes des données hors
départements et régions d’outre
-mer. Cette exclusion, liée sans doute à
l’
origine
à des questions de mise en œuvre, n’est prévue par aucun texte
;
140
Identifiée en 2022, cette erreur devait faire l’objet d’une correction dans les comptes
des régimes concernés.
141
Ce décompte
s’effectue, pour les cotisants actifs salariés, à partir d’une estimation
encore provisoire de l’emploi salarié par l’Insee,
à laquelle
s’ajoute une estimation
fournie par le Fonds de solidarité vieillesse du nombre de ses cotisants.
142
La DSS a indiqué à la Cour qu’elle mettrait en œuvre le calcul prévu par le décret.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
139
elle est donc irrégulière. En outre, les retraitements effectués par les
régimes ne sont pas harmonisés
143
.
Toujours en matière de périmètre, le régime de la Banque de France
continue à
être intégré à la compensation démographique alors qu’il ne
remplit plus, depuis 2019, le critère du nombre de cotisants et de retraités
fixé par le code de la sécurité sociale. Ce régime a ainsi bénéficié de
transferts irréguliers, représentant plus de 41
M€ entre 2019 et 2022.
Qu’il s’agisse des conditions de gestion de la compensation
démographique, de ses modalités de calcul ou de sa substance au regard du
système de répartition, la situation s’est dégradée par rapport à 2010.
II -
Un dispositif à supprimer,
une solidarité à repenser
Selon les projections du Conseil d’orientation des retraites (COR),
la compensation démographique devrait atteindre 7
Md€ constants en
2035
144
. Conjuguée aux défaillances relevées dans l’architecture et dans la
mise en œuvre du d
ispositif, cette perspective rend indispensable une
révision du mécanisme actuel.
Alors que les recommandations de la Cour de 2010 pour fiabiliser
et moderniser la compensation démographique n’ont pas été appliquées
145
,
les faiblesses du dispositif se sont accentuées. La manière dont son mode
de calcul a été modifié fin 2017 et mis en œuvre en 2018 en témoigne. En
outre, depuis 2020, la détermination des montants de compensation conduit
à maintenir, pour le seul usage du dispositif et par la voie d’une dispo
sition
législative expresse, l’existence d’un régime fictif de retraite des
indépendants. Ce système ne pourra perdurer sans affecter la fiabilité des
informations servant aux calculs de la compensation.
Le rapprochement de la qualité des informations sur les revenus des
salariés et des non-salariés rend injustifiable le traitement différent opéré
143
L
a DSS recommande d’utiliser l’adresse postale du retraité
. L
a Cnav retient l’adresse
de la caisse qui a liquidé ses droits. Faute de mention explicite de ce retraitement, le régime
des marins n’établit pas sa masse salariale hors départements et régions d’outre
-mer.
144
Projections du rapport annuel du COR de juin 2023, quelles que soient les
hypothèses de gains de productivité retenues. Le montant de la compensation
diminuerait ensuite entre 2035 et 2070. Les montants sont exprimés en euros de 2022.
145
De même, les simulations réalisées par le COR en 2011 et par le Haut Conseil du
financement de la protection s
ociale en 2015 n’ont pas eu de suites
.
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COUR DES COMPTES
140
entre les deux étages de la compensation. Le dispositif ne saurait non plus
perdurer sans être mieux contrôlé par la direction de la sécurité sociale ou
par
la
commission
de
compensation.
Enfin,
la
compensation
démographique n’a pas d’équivalent dans les autres États européens, bien
que plusieurs caisses de retraite coexistent généralement dans chacun
d’eux. Elle prend place, en France, dans un ensemble de mécanism
es de
solidarité entre régimes de retraite bien plus étoffé qu’en 1974 et son effet
est neutralisé dans les agrégations financières de la branche vieillesse des
régimes de base de sécurité sociale.
Dans ce contexte, la Cour a simulé l’effet de trois scéna
rios
d’évolution
:
-
un maintien de la compensation avec une réforme d’ampleur de ses
paramètres (A), qu’elle écarte au regard de sa complexité et de
l’importance des variations des montants de transferts que cette
évolution induirait ;
-
un maintien de la compensation avec une réforme de ses paramètres
de portée plus limitée (B), qui n’est pas à écarter.
-
la suppression du mécanisme de compensation (C), qui, après analyse,
retient sa préférence ;
Pour ces scénarios, la Cour n’a pas retenu l’hypothèse d’une
extension du périmètre de la compensation aux régimes complémentaires
ni aux pensions de réversion. Elle a privilégié l’hypothèse d’un mécanisme
unifié de compensation, traitant les régimes de salariés et de non-salariés
sur des bases identiques (pension de référence unique et mode de calcul
unifié). Cela est plus équitable et permet de mettre fin à la distinction
artificielle des cotisants et retraités de l’ex
-RSI au sein de la Cnav.
Alors que la Cour a relevé un consensus sur les constats qu’elle tire
de cette enquête, elle note aussi, face à tout changement proposé, les
inquiétudes de certains régimes qui restent attachés à la compensation.
Les retraitements effectués pour établir la base de comparaison
et les simulations
Les simulations ont été réalisées à partir des dernières données
définitives de compensation démographique disponibles au moment de
l’instruction, à savoir l’année 2021. La sensibilité des transferts aux
paramètres retenus confère un caractère illustratif à leur résultat.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
141
La base de comparaison a été corrigée des erreurs relevées lors du
contrôle : suppression du régime de la Banque de France de la liste des
régimes participant à la compensation démographique
146
, correction de
l’erreur concernant le nombre de retraités du régime des mar
ins
147
, mise en
cohérence du nombre de retraités de l’ex
-RSI avec la liquidation unique
148
.
Avec ces correctifs, la compensation passe de 5 907
M€ à 5
802
M€.
Les doubles comptes dans le dénombrement des retraités de la Cnav
Salariés et de l’ex
-RSI ont été su
pprimés, la plupart des retraités de l’ex
-
RSI ayant des droits à la Cnav Salariés. Le nombre de retraités a été estimé
par la Cnav à 12 293
500, soit un effectif réduit de plus d’un million par
rapport à celui pris en compte dans les calculs actuels.
Les
revenus d’activité plafonnés des non
-salariés ont été établis à
partir des assiettes de cotisation sous le plafond de la sécurité sociale des
régimes de non-salariés, jugées suffisamment fiables.
A -
Un maintien de la compensation avec une réforme
d’ampleur d
e ses paramètres (scénario A)
Le premier scénario simulé par la Cour consiste à donner toute sa
portée et sa cohérence à la compensation démographique :
-
elle ne comporterait plus qu’un étage avec des paramètres identiques
pour les régimes de salariés et de non-salariés (pension de référence,
mode de calcul)
; la Cnav serait considérée globalement, sans qu’il
soit besoin d’identifier les ressortissants de l’ex
-RSI ;
-
les durées d’affiliation des retraités, qui diffèrent fortement selon les
régimes, seraient prises en compte.
Ce second point répond à l’une des principales critiques de la Cour
en 2010 et du Conseil d’orientation des retraites en 2011. Il consisterait à
pondérer le nombre de retraités de chaque régime par leur durée moyenne
d’affiliation
, afin de mieux refléter les différences entre les régimes.
De fait, la faiblesse de la pension moyenne servie par le régime des
salariés agricoles ou par l’ancien régime des commerçants, qui ont été pris
comme pension de référence, résulte surtout des courtes durées d'affiliation
à ces régimes et non de montants minimaux de retraite servis.
146
Soit une réduction de la compensation de 11
M€, le régime n’atteignant plus le seuil
réglementaire de 20 000 cotisants et retraités âgés
d’au moins 65 ans.
147
Soit une augmentation de la compensation versée à ce régime de 4
M€.
148
Soit une réduction de la compensation
versée à l’ex
-RSI de 112
M€.
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COUR DES COMPTES
142
Dans la simulation, la pension moyenne de chaque régime a été
rapportée au produit de la durée d’affiliation moyenne par le revenu de
carrière moyen des retraités, en retenant le rapport le plus faible. Avec cette
formule de calcul, les transferts de compensation seraient moins sensibles
à des réformes visant à fusionner des régimes aux règles comparables mais
dans lesquels les durées d’affiliation sont différentes.
Méthode d
’estimation des durées d’affiliation des retraités
La simulation s’appuie sur les durées d’affiliation moyennes en 2021
communiquées par les régimes, retraitées pour se limiter à la durée par
rapport à laquelle la pension est proportionnelle (durée validée et écrêtée).
Pour le régime général, cette durée a été estimée à 110,9 trimestres.
Sept régimes ont des durées plus élevées. Trois régimes présentent des
durées allant de 84,3 à 106,9 trimestres. Quatre ont des durées plus courtes,
avec un minimum pour le régime des salariés agricoles (34 trimestres).
Le régime des salariés agricoles resterait le régime de référence,
mais, compte tenu de la faible durée d’affiliation dans ce régime, la pension
de référence triplerait par rapport à celle utilisée pour les salariés en 2021
et passerait à 6 748
€. En conséquence, le volume des transferts
augmenterait fortement.
Le montant total des transferts de compensation calculés dans ce
scénario atteindrait 15
Md€,
conduisant à des modifications de plus de
11
Md€ par ra
pport au
dispositif en vigueur. Les régimes contributeurs
contribueraient davantage, au bénéfice du régime des exploitants agricoles
et, surtout, du régime des fonctionnaires de l’État
. En tenant compte des
mécanismes de solidarité financière, la Cnav supporterait une charge de
compensation de 11
Md€ au lieu d
e 1,6
Md€ (soit près de 9,5
Md€
supplémentaires). L
’État
percevrait près de 11 Md€ au lieu de
500
M€ (soit
près de 10,4
Md€ supplémentaires).
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
143
Tableau n° 20 :
réforme d’ampleur tenant compte des écarts
de durée
d’affiliation, en M€ (scénario A)
Effet du
scénario
d'ampleur (
A
)
Effet des
mécanismes
d'équilibrage
Effet
total
Cnav (salariés et ex-RSI)
- 7 588
- 1 836
- 9 424
Salariés agricoles
- 1 836
1 836
0
État - Fonctionnaires
8 821
1572
10 393
FSPOEIE
488
- 488
0
CNRACL
- 1 131
- 1 131
CANSSM
256
- 256
0
CPRP SNCF
723
- 723
0
CPR RATP
82
- 82
0
Énim
23
- 23
0
CNIEG
575
575
CRPCEN
- 43
- 43
Exploitants agricoles
335
335
CNAVPL
- 570
- 570
CNBF
- 136
- 136
Total des variations
11 303
Retraitements : corrections erreur de saisie Énim et nombre de retraités ex-RSI ; Banque de
France hors compensation ; ex-RSI intégré à la Cnav avec suppression des doubles comptes pour
les retraités.
Note de lecture : un montant positif correspond à un gain pour le régime ; un montant négatif à
un moindre transfert de compensation ou d’équilibrage.
Source : Cour des comptes
Ce
scénario apparaît difficile à mettre en œuvre
: il donnerait lieu à
des transferts importants entre régimes et déséquilibrerait le régime
général
149
. Outre ces effets financiers, ce scénario ajouterait un niveau de
complexité supplémentaire, demandant de nouveaux recueils de données
aux régimes.
149
La DSS a estimé l’impact de ce scénario sur le solde du régime général à l’équivalent
de deux points de taux de cotisation salariale plafonnée pour les salariés du secteur privé.
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COUR DES COMPTES
144
B -
Un maintien de la compensation avec une réforme
de ses paramètres de portée plus limitée (scénario B)
Le deuxième scénario prend en compte, comme le premier, une
pension de référence unique pour tous les régimes de salariés et de non-
salariés : la pension la plus faible des deux pensions de référence, soit la
pension moyenne des salariés agricoles en 2017, revalorisée depuis sur les
prix. La formule utilisée est celle des régimes de salariés, tenant compte
des écarts de situation démographique et des capacités contributives des
cotisants.
Tableau n° 21 :
réforme avec un mécanisme unique limité aux écarts
de situation démographique et contributive, en M€ (scénario B)
Effet du
scénario
B
Effet des
mécanismes
d'équilibrage
Effet
total
Cnav (salariés et ex-RSI)
56
62
118
Salariés agricoles
62
- 62
0
État - Fonctionnaires
173
20
193
FSPOEIE
2
- 2
0
CNRACL
156
156
CANSSM
1
- 1
0
CPRP SNCF
11
- 11
0
CPR RATP
4
- 4
0
Énim
2
-2
0
CNIEG -
14
14
CRPCEN
5
5
Exploitants agricoles
- 696
- 696
CNAVPL
203
203
CNBF
9
9
Total des variations
696
Retraitements : corrections erreur de saisie Énim et nombre de retraités ex-RSI ; Banque de
France hors compensation ; ex-RSI intégré à la Cnav avec suppression des doubles comptes.
Note : Pension de référence : 2 183,695
€. Taux de cotisation de
4,86 %.
Note de lecture : un montant positif correspond à un gain pour le régime ; un montant négatif à
un moindre transfert de compensation ou d’équilibrage.
Source : Cour des comptes
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
145
Avec ce deuxième
scénario, la compensation s’établirait à 5,3
Md€
au lieu de 5,9
Md€ dans le dispositif en vigueur. Cette diminution
résulterait en particulier d’une diminution du montant de transfert reçu par
le régime des exploitants agricoles, en contrepartie de moindres
contributions notamment de la CNAVPL et de la CNRACL.
Après prise en compte des mécanismes d’équilibrage, la charge de
compensation serait réduite de plus de 100
M€ pour le régime général et le
produit de compensation perçu par l’État augmenterait d’environ 200
M€.
Toutefois un tel scénario resterait largement artificiel. Ce scénario
supposerait que soit renforcée la commission de compensation ou qu’elle
soit définitivement supprimée, le
statu quo
actuel, irrégulier, ne pouvant
perdurer. Son application impliquerait en outre de profondes évolutions en
terme
s de gestion du dispositif, pour assurer l’homogénéité et la qualité des
informations utilisées dans le calcul des transferts.
C -
Une suppression du dispositif devant laisser place
à une autre forme de solidarité (scénario C)
La suppression de la compensatio
n a été prévue dès l’origine, le
dispositif ayant été conçu comme provisoire. Elle a, depuis, été
régulièrement envisagée. Au regard des enjeux en matière de solidarité
inter-
régimes qu’elle porte et des effets sur les comptes des régimes que sa
suppression entraînerait, la Cour estime que la compensation devrait être
supprimée pour privilégier des transferts de solidarité plus simples et
davantage intégrés dans les évolutions en cours des régimes de retraite.
1 -
Un dispositif conçu comme provisoire dont la suppression
a été régulièrement envisagée
En 2013, la direction de la sécurité sociale considérait que, « au vu
des défauts de ce mécanisme, c'est sans doute sa suppression qui devrait
être visée plutôt qu'un énième toilettage »
150
. Dans son rapport de 2015, le
Haut Conseil du financement de la protection sociale s’était interrogé sur
son maintien pour les régimes intégrés financièrement. En 2017, la
direction de la sécurité sociale a, de nouveau, émis l’hypothèse d’une
suppression de la compensation.
150
Réponse de la DSS au suivi des recommandations du rapport de la Cour de 2010.
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COUR DES COMPTES
146
La Cour
a mesuré l’effet de la suppression de la compensation sur
les résultats de chaque régime. Elle a également pris en compte l’effet de
cette suppression sur les mécanismes d’équilibrage assurés par la Cnav et
par l’État. Les résultats de cette simulation so
nt fournis pour une année
donnée, les transferts de compensation et les soldes des régimes pouvant
varier dans le temps.
Tableau n° 22 :
effet de la suppression de la compensation
sur les comptes des régimes, en M€ (scénario C)
Effet de la
suppression de
la compensation
Effet des
mécanismes
d'équilibrage
Effet
total
Cnav (salariés et ex-RSI)
4 031
- 2 489
1 542
Salariés agricoles
- 2 489
2 489
0
État
–
Fonctionnaires
- 68
- 373
- 441
FSPOEIE
- 82
82
0
CNRACL
945
0
945
CANSSM
- 200
200
0
CPRP SNCF
- 48
48
0
CPR RATP
26
- 26
0
Énim
- 69
69
0
CNIEG
42
42
CRPCEN
- 31
- 31
Banque de France
- 11
- 11
Exploitants agricoles
- 2 668
- 2 668
CNAVPL
528
528
CNBF
96
96
Total des variations
5 907
Note de lecture : un montant positif correspond à un gain pour le régime ; un montant négatif à
un moindre transfert de compensation ou d’équilibrage.
Source : Cour des comptes
La suppression de la compensation démographique aurait pour
effet mécanique d’alléger les charges du régime général et de creuser c
elles
de l’État, en raison de la perte, d’une part, du transfert de compensation
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
147
pour les fonctionnaires
151
et d’autre part, des transferts aux régimes dont il
assure l’équilibre financier.
Compte tenu des effets de la suppression du dispositif, notamment
sur le financement du régime des exploitants agricoles, la Cour propose de
revoir l’ensemble des systèmes de compensation et d’équilibrage des
régimes pour mettre en place un système plus simple qui tienne compte de
leur évolution.
2 -
La mise en place de transferts de solidarité plus simples
et prenant en compte l’évolution des régimes
Le scénario de suppression tire les conséquences du caractère
devenu de plus en plus arbitraire de la compensation, des mesures de
rapprochement progressif des régimes (par leur suppression ou leur mise
en extinction), des dysfonctionnements qui affectent la gouvernance de la
compensation, et des faiblesses de la gestion du dispositif.
Dès lors que la compensation démographique serait supprimée, la
CNRACL, la CNAVPL et le régime des exploitants agricoles ne
participeraient plus à un mécanisme de solidarité organisé annuellement
entre les régimes de base de retraite. La CNRACL et la CNAVPL y
gagneraient mais le régime des exploitants agricoles, fragile sur le plan
financier, serait particulièrement affecté.
La CNRACL contribue depuis des années à la compensation
démographique de manière significative et connaît des déficits répétés
(1,4
Md€ en 2020, 1,2 Md€ en 2021, 1,8 Md€ en 2022), qui ont conduit à
des capitaux propres négatifs depuis 2021. Sa contribution à la
compensation démographique, toutefois, diminue rapidement et la caisse
deviendra bientôt bénéficiaire net. Pour autant, la question de la
compensation démographique constitue pour la CNRACL un sujet de
second rang par rapport à la dégradation continue de ses comptes et aux
inévitables mesures de redressement à venir. À cet égard, une réflexion sur
des pistes d’équilibrage à moyen et long terme est en cours
152
et pourrait
prendre en compte la proposition de suppression de la compensation.
151
Équilibré par une subvention du budget général de l’État.
152
Le Gouvernement a indiqué au Sénat le 23 novembre 2023 qu’il a demandé à
l'inspection générale des finances, à l'inspection générale de l'administration et
l'inspection générale des affaires sociales d’établir un diagnostic et de «
tracer des
pistes d'équilibrage de cette caisse de retraite à moyen et long terme
».
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COUR DES COMPTES
148
La suppression de la compensation démographique aurait un effet
favorable sur les comptes des régimes vieillesse des professions libérales
et des avocats.
S’agissant des régimes agricoles, celui des salariés ne serait pas
affecté par une suppression de la compensation, son équilibre étant déjà
assuré par le régime général. Tel ne serait pas le cas du régime des
exploitants agricoles. Ainsi que la Cour l’a relevé
153
, ce régime a pour
particularité d’être largement financé par la solidarité national
e, qui
assurait plus de 83 % de ses ressources en 2018, pour un montant de
13
Md€
154
. Moins d’un quart de ces montants provenait de la compensation
démographique, les autres ressources étant essentiellement apportées par
des impôts et taxes affectées, dans des proportions qui ont varié dans le
temps. En cas de suppression de la compensation démographique, d’autres
moyens devront assurer l’expression du principe de solidarité entre régimes
au bénéfice du monde agricole, par un transfert de ressources de la Cnav.
Au total, la suppression de la compensation démographique devrait
s’intégrer dans une approche plus large de l’évolution des régimes, de la
mise en cohérence des transferts, de l’éventuel adossement de régimes au
régime général, en articulant mieux les transferts de solidarité, simplifiés,
avec les autres mécanismes d’équilibrage.
153
Cour des comptes,
La Mutualité sociale agricole
, rapport public thématique, mai 2020.
154
Lors des deux derniers épisodes de reprise de dettes
par la Caisse d’amortissement
de la dette sociale, les déficits du régime des exploitants agricoles ont été en outre repris
à hauteur de 2,5 Md€
en 2012 et de
près de 3,6 Md€
en 2020.
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LA COMPENSATION DÉMOGRAPHIQUE ENTRE RÉGIMES DE RETRAITE :
UN DISPOSITIF COMPLEXE, ARTIFICIEL ET MAL GÉRÉ
149
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L’architecture de plus en plus artificielle de la compensation
démographique retraite et les multiples défaillances constatées dans sa
mise en
œuvre ne peuvent pas rester sans réponse. Les modalités de mise
en œuvre de ce mécanisme se sont encore détériorées depuis 2010 et ses
règles de calcul aboutissent à des montants de compensation croissants
entre régimes alors que leurs situations démographiques se rapprochent.
Dans ce contexte, la Cour a simulé l’effet de trois scénarios
d’évolution
: le premier consiste à supprimer la compensation et à
repenser les mécanismes de solidarité permettant d’équilibrer les régimes
déficitaires ; le deuxième est
une refonte d’ampleur, conduisant à traiter
les régimes de salariés et de non-
salariés sur un pied d’égalité et à tenir
compte de la durée d’affiliation des assurés
; le troisième se limite à traiter
de façon égale les régimes de salariés et de non-salarié
s, ce qui n’est pas
le cas aujourd’hui. Au regard de ses effets et de la complexité
supplémentaire qu’il induit, le scénario d’ampleur est écarté par la Cour.
À l’issue de ses travaux, la Cour recommande d’appliquer le
scénario de suppression complète du dispositif, qui avait été conçu en 1974
comme transitoire. Cette suppression, sans impact sur le solde global de
la branche vieillesse des régimes de base de sécurité sociale, s’inscrirait
dans le cadre d’une révision d’ensemble des mécanismes d’équilibrage
des
régimes de retraite de base, plus simple et adaptée aux évolutions récentes
(suppression du RSI, mise en extinction de régimes spéciaux).
La Cour formule ainsi la recommandation de politique publique et
la recommandation de gestion suivantes, qui sont adressées à la ministre
du travail, de la santé et des solidarités
et au ministre de l’économie, des
finances et de la souveraineté industrielle et numérique :
8.
supprimer la compensation et en tirer les conséquences pour les régimes
les plus concernés (régime des exploitants agricoles, CNRACL) ;
À défaut, établir la compensation sur des bases identiques pour les
régimes de salariés et de non-salariés sans maintenir un régime social
des indépendants pour les seuls besoins de la compensation ; prendre
en com
pte les affiliés d’outre
-mer ;
a)
dans l’hypothèse d’un maintien de la compensation,
b ) sécuriser le processus de gestion et de contrôle en harmonisant les
données fournies par les régimes de retraite ;
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150
9.
renforcer les moyens de la commission de compensatio
n afin qu’elle
puisse remplir l’ensemble de ses missions ou, à défaut, la supprimer,
procéder à la consultation des régimes sur les projets de texte dans les
conditions de droit commun et organiser un contrôle des données
périodique en faisant appel aux corps de contrôle.
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