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5
L’adapta
tion des cultures céréalières
au changement climatique
_____________________ PRÉSENTATION_____________________
La France est le principal producteur de céréales de l’Union
européenne, dont elle assurait, en 2021, 27 % de la production de blé
tendre, 21 % de celle de maïs grain et 22
% de l’orge.
Les céréales
couvraient en 2020 dans notre pays une surface de 8,9 M ha, dont 48 %
pour le blé tendre, 22
% pour l’orge, 19
% pour le maïs grain et 8 % pour
les autres céréales, dont le blé dur. Il faut ajouter le maïs fourrage (récolté
vert, plante entière) qui occupait 1,4 Mha supplémentaires, le total des
cultures céréalières représentant 36 % de la surface agricole utilisée
(SAU). La culture des céréales est largement présente en France
métropolitaine, excepté en zone de montagne et sur le pourtour
méditerranéen (voir carte n°
1) ainsi qu’en outre
-mer.
Les cultures céréalières ont commencé à subir depuis une vingtaine
d’années les conséquences du changement climatique
. Cette évolution a
conduit
les exploitants à chercher les moyens d’adapter leurs cultu
res. La
recherche publique et privée est
l’
un des moteurs de cette adaptation. Elle
a identifié des techniques susceptibles de réduire les risques liés au climat :
sélection variétale, diversification des cultures, conservation de l’humidité
des sols, irrigation maîtrisée et de précision, pratiques agroécologiques,
agroforesterie, etc. Isolées ou combinées entre elles, ces techniques
d’adaptation
doivent être conçues et mises en œuvre en cohérence avec les
objectifs d’atténuation du changement climatique et
de maintien de la
biodiversité. Elles doivent aussi être planifiées et relever d’une stratégie
de long terme afin de sécuriser pour l’avenir cette composante essentielle
de l’agriculture française.
COUR DES COMPTES
182
Carte n° 7 :
production des trois principales céréales en France
Source : recensement 2020, Agreste, MASA
Plus de la moitié des céréales consommées en France est destinée à
nourrir les animaux d’élevage : les différentes filières agricoles sont donc
interdépendantes entre elles, y compris dans leur évolution.
La filière céréalière française exporte environ la moitié de sa
production : elle présente le deuxième excédent agricole (6,8
Md€ en
2021) derrière les boissons alcoolisées. Les exportations de préparations
à base de céréales représentent 4,2
Md€ et
celles de semences 2
Md€,
plaçant la France au premier rang mondial.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
183
Ces performances doivent désormais être aussi considérées en regard
du climat. L’agriculture est en effet un secteur émetteur de gaz à effet de
serre, mais aussi un puits de carbone et se caractérise par une particulière
sensibilité au changement climatique. Il existe par ailleurs un lien étroit
entre l’action climatique et la sécurité alimentaire. Il est donc important
d’examiner la manière dont l’État peut renforcer l’accompagnement et le
suivi de l’
adaptation des cultures céréalières au changement climatique.
Le présent chapitre rend compte des effets du changement
climatique, déjà perceptibles, sur les rendements des cultures céréalières
et fait état de difficultés d’adaptation à prévoir, plus marq
uées dans le sud
de la France (I)
. Il analyse ensuite l’action de l’État et présente le système
de recherche et d’innovation permettant de mettre au point des solutions
pour les cultivateurs (II)
. Pour l’avenir, il insiste sur l’enjeu de la diffusion
de ce
s solutions et de l’adoption par les agriculteurs des transformations
les plus systémiques (III).
I -
Des risques accrus sur les cultures céréalières
et des enjeux identifiés
En France, l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des
évènements extrêmes
sécheresses ou précipitations en excès
est une
menace pour les cultures,
qui se combine avec la difficulté d’anticiper ces
évènements. Cependant, le CO
2
étant un nutriment des végétaux, la plus
forte concentration de gaz carbonique dans l’atmosphère po
urrait
augmenter les rendements, sous réserve de pluies satisfaisantes.
A -
Des effets déjà perceptibles sur les rendements
Comme le montre le graphique n° 1, les rendements du blé tendre
stagnent en France depuis la fin des années 1990, après une hausse
régulière (+ 1,2 q/ha/an) depuis le milieu du XX
e
siècle.
COUR DES COMPTES
184
Graphique n° 5 :
évolution des rendements du blé tendre d’hiver
et
du maïs entre 1950 et aujourd’hui
Source : Arvalis - Institut du végétal
Les ajustements linéaires permettent de visualiser la stagnation des rendements.
Les experts de l’
I
nstitut national de recherche pour l’agriculture,
l’alimentation et l’environnement (INRAE) et d’Arvalis,
institut du végétal
chargé des recherches dans le domaine des céréales, ont établi que cette
stagnation résulte de plusieurs effets
222
(voir le graphique n°
2). L’impact de
l’amélioration des espèces par sélection génétique, qui se poursuit comme
lors des décennies précédentes, est désormais compensé par les aléas dus au
changement climatique, qui rendent les conditions de culture de plus en plus
difficiles à anticiper, et par la diminution de l’azote disponible pour la plante,
en raison de l’abandon des légumineuses dans certaines rotations ou de la
baisse de la fertilisation azotée. La dégradation de la qualité des sols induite
par la simplification des rotations, mais aussi par une intensification des
pratiques (intrants non dégradables, tassement des terres, érosion, moindre
222
Brisson et al.,
Why are wheat yields stagnating in Europe? A comprehensive data
analysis for France
,
Field Crops Research
, vol. 119, 2010.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
185
biodiversité et qualités organiques), peut également pénaliser les
rendements
223
. S’y ajoutent l’irrégularité des précipitations et l’ampleur des
aléas en général. Ainsi, les points bas de 2003 et 2011 pour le blé tendre ont
résulté de fortes sécheresses, alors que celui de 2007 ou la baisse record des
rendements de 2016 s’expliquent au contraire par un excès de pr
écipitations
et un rayonnement solaire trop faible au printemps. Les mêmes stagnations
des rendements sont observées sur l’orge et sur le maïs, avec les mêmes
facteurs explicatifs identifiés par Arvalis.
Graphique n° 6 :
les différentes contributions à
l’évolu
tion
des rendements
Source : Cour des comptes
À cette variabilité interannuelle des aléas climatiques s’ajoute leur
variabilité selon les territoires. En 2016, pire année observée entre 1983 et
2022, le rendement du blé tendre a baissé en moyenne de 32 % par rapport à
2015, ce qui a conduit à une perte de valeur hors subventions estimée à 4
Md€.
Une vingtaine de départements ont toutefois subi des pertes supérieures à
40
%. Le risque pour l’agriculture, si de tels épisodes se répètent, est de
fragiliser les exploitat
ions, d’où la nécessité d’une politique d’adaptation.
223
Ademe, Les sols : un trésor à protéger.
COUR DES COMPTES
186
B -
Des difficultés d’adaptation en perspective
dans le sud de la France
Pour anticiper les effets futurs du changement climatique, il
convient de distinguer les effets au long cours sur les rendements moyens
des cultures et les effets ponctuels dus aux aléas, les mauvaises années.
Les rendements moyens ne devraient pas être beaucoup affectés en
France, selon les simulations, sauf dans le sud du pays où devraient se concentrer
les évolutions les plus marquées. Là aussi, différents effets se compensent. Les
simulations accessibles sur le portail DRIAS (portail d’accès aux données
climatiques, présenté dans le chapitre introductif du RPA) prévoient des baisses
de précipitations de 40 à 120 mm entre avril et octobre en 2050 (dans le cadre du
scénario RCP 4.5, scénario médian du cinquième rapport du GIEC). Les plus
fortes baisses touchent le sud-ouest, où elles pourraient représenter 20 % des
précipitations sur la période. Déplacer plus tôt dans l’année les cycl
es culturaux
permettrait cependant de limiter l’impact de ces baisses, que pourrait aussi
modérer la hausse du niveau de CO
2
, responsable du réchauffement climatique
mais aussi favorable à la croissance des végétaux, tel le blé tendre (mais pas pour
le maïs). Le consortium scientifique international AGMIP
224
n’exclut pas, selon
les conditions, des hausses des rendements moyens de quelques pourcents dans
la moitié nord de la France pour le blé. Comme tout exercice fondé sur des
probabilités, ces différentes modélisations comportent des incertitudes. Elles
offrent néanmoins des informations précieuses pour anticiper l’avenir.
Pour le maïs, les modélisations agro-climatiques ne prévoient pas
d’impact significatif sur le rendement moyen dans le nord de la France à
l’horizon 2050. En revanche, dans le sud, les rendements vont baisser, en
raison du stress hydrique
(manque d’eau)
estival, qui ne pourra pas être
partout compensé par l’irrigation. Les changements probables concernant
les caractéristiques et la durée des saisons pourraient également amener des
changements d’espèces. Le sorgho, espèce plus résistante au stress
hydrique, pourrait devenir plus intéressant au fil des années si sa filière se
développe. Le sujet principal de préoccupation se concentrera alors sur le
revenu des cultivateurs
: il dépendra de l’évolution de
s cours mondiaux.
Au-delà de ces tendances moyennes, les variations interannuelles
liées aux aléas climatiques devraient s’accroître. La carte n°
2 montre que les
pertes de récoltes moyennes annu
elles de blé tendre d’hiver en 2050, sont
plus importantes dans le sud que dans le nord de la France : les
25 départements pour lesquels les pertes moyennes annuelles atteignent des
niveaux supérieurs à 3,5 % sont tous situés dans la partie sud de la France.
224
L’
Agricultural Model Intercomparison and Improvement Project
est un consortium
scientifique international qui regroupe plus de 50 équipes de modélisation agro-
climatique à travers le monde. Il propose une carte interactive de ses résultats :
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
187
Carte n° 8 :
simulations des pertes de récoltes moyennes annuelles
en blé tendre en climat 2050 (dans le cadre du scénario RCP 8.5
du 5
ème
rapport du GIEC)
Source : données provenant du travail de thèse de Dorothée Kapsambelis, lauréate du prix de
thèse de la Cour des comptes 2023. Simulations de la Caisse Centrale de Réassurance (CCR)
en partenariat avec l’institut Agro Rennes
-Angers et Météo-France.
Ces pertes, calculées dans le cadre le plus pessimiste envisagé par le
5
ème
rapport du GIEC (le scénario RCP 8.5), peuvent paraître modérées. Il
convient toutefois de prendre également en compte les pertes en cas
d’événement plus rare, pour mesurer l’importance des aléas liés au
changement climatique et l’impact des mauvaises années. En cas
d’événement décennal, les m
odélisations de la Caisse centrale de
réassurance estiment à 6,9 % le nombre de producteurs de blé tendre
subissant, en 2050, des pertes supérieures à 30 % (contre 4,3 %
aujourd’hui), ce qui mène
rait alors à une augmentation globale de ces
pertes sur le territoire de 75 %, toutes choses égales par ailleurs.
COUR DES COMPTES
188
C -
Des enjeux difficiles à concilier notamment
pour la préservation de la ressource en eau
L’agriculture française doit concilier différents enjeux : la
souveraineté alimentaire, la production pour l’export
ation, la transition
agroécologique et le partage de la ressource en eau.
Premier exportateur de l’Union européenne, la France joue un rôle
important dans le commerce mondial des céréales et des semences,
notamment en Afrique-du-
Nord. Selon l’Organisation
des Nations unies
pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’insécurité alimentaire frappait,
en 2020, 30 % de la population mondiale. La compétitivité de la filière
contribue positivement à la balance commerciale de la France, qui tire
bénéfice de sa surface agricole utilisée (SAU), la plus importante de
l’Union européenne. La quantité et la qualité de la production restent, de
ce fait, des objectifs majeurs de la filière céréalière française.
Après la seconde guerre mondiale et jusqu’à la fin du XX
e
siècle,
la productivité a été l’objectif dominant de l’agriculture. Le rendement
du blé a ainsi été multiplié par sept entre 1945 et 2000. Mais cette
agriculture intensive, soutenue par la politique agricole commune (PAC),
a produit des effets défavorables
à l’environnement et progressivement
conduit les autorités à introduire de nouveaux objectifs, conformes aux
attentes sociales : diminuer l’usage des intrants fertilisants ou
phytosanitaires, responsables de pollutions, d’altération de la biodiversité
ou de risques pour la santé humaine, limiter les émissions de gaz à effet
de serre et contribuer à l’atténuation des émissions par la captation du
carbone dans les sols ou par la production d’énergies renouvelables.
S’ajoutent à cela des exigences accrues des
consommateurs sur la qualité
et la traçabilité de ce qu’ils mangent.
La diversité de ces objectifs est rappelée par l’article L.
1 du code
rural depuis la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture,
l’alimentation et la forêt
:
« Les politiques publiques visent à promouvoir
et à pérenniser les systèmes de production agroécologiques, dont le mode
de production biologique, qui combinent performance économique,
sociale, notamment à travers un haut niveau de protection sociale,
environnementale et sanitaire
».
Ces objectifs sont difficiles à concilier. L’Union européenne s’est
par exemple fixé comme objectif d’atteindre 25
% des surfaces en
agriculture biologique en 2030. Le développement de l’agriculture
biologique constitue en effet l’une des voies de
réduction des intrants.
Les rendements moyens du blé tendre en agriculture biologique étant
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
189
inférieurs aujourd’hui de 57
% à ceux de l’agriculture conventionnelle
225
,
si la part des surfaces de céréales cultivées en agriculture biologique
passait de 5 % auj
ourd’hui à 25
% demain, il en résulterait une baisse des
rendements globaux.
L’interdépendance des filières rend plus difficile encore la
conciliation de tous ces enjeux. Le tableau n° 1 montre par exemple la
part importante de la consommation intérieure des céréales réservée à
l’alimentation animale. Les céréales étant toujours insérées dans des
rotations culturales, les liens avec les filières oléoprotéagineuses sont
également forts.
Tableau n° 5 :
bilan français de trois céréales
moyenne des campagnes 2019-2020 et 2020-2021 en milliers de tonnes
Blé tendre
Maïs grain
Orge
Production
34 388
13 460
12 072
Consommation intérieure
17 266
8 472
4 454
Dont alimentation animale
46 %
68 %
94 %
Dont alimentation humaine et usages industriels
54 %
32 %
6 %
Exportations
17 453
4 391
7 964
Dont UE à 27
40 %
89 %
48 %
Source : Cour des comptes à partir de GraphAgri 2021 et 2022
Le partage de la ressource en eau illustre également la nécessité de
trouver des compromis difficiles. Cultures essentiellement pluviales, les
céréales occupaient en 2020 la moitié des 1,8 Mha de cultures irriguées en
France, soit 6,8 % de la surface agricole utilisée totale
226
. À titre de
comparaison, en 2016, selon Eurostat, l’Espagne et l’Italie irriguaient
beaucoup plus qu’en France
: 20 % et 13 % de leur surface agricole utilisée
respectivement. L’irrigation concerne davantage le maïs en raison de sa
forte croissance estivale : en 2020, 34 % du maïs (grain et semence) étaient
issus de surfaces irriguées, ce qui représente plus des deux tiers des
irrigations de céréales.
225
Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire,
Des rendements en
grande culture inférieurs en agriculture biologique à ceux en conventionnel
, note
Agreste n° 8, juin 2023.
226
Source
: Graph’agri 2022.
COUR DES COMPTES
190
Un consensus se dégage sur la diminution à venir de la ressource en
eau, plus ou moins marquée selon les territoires. En France, dans certains
bassins, l’usage agricole en période estivale représente plus de 90
% de
l’eau consommée. La diminution des pluies d’été se cumulant avec
l’augmentation de l’évapotranspiration des plantes (de 10 à 15
% pour
chaque degré C° d’augmentation de la température moyenne) et donc de
leur besoin d’eau, les cultures, si elles restent identiques et s
i les objectifs
de rendement sont maintenus, vont devoir faire face à un « effet ciseau ».
Les conflits d’usage de l’eau vont se durcir et, au
-
delà d’une nécessaire
amélioration de la connaissance de la ressource, récemment mise en
exergue par la Cour
227
, la gouvernance nécessitera, pour être efficace,
d’être mieux structurée autour des périmètres des sous
-bassins versants.
Les recherches en hydrologie devront être soutenues.
Aujourd’hui, les ouvrages de stockage destinés à l’irrigation (plans
d’eau, retenues collinaires alimentées par l’eau de ruissellement ou
réserves de substitution alimentées par pompage dans les nappes
souterraines) sont souvent «
contestés au nom du partage équitable de la
ressource
» (Cf. note de bas de page 6). Présentés comme une réponse face
à la raréfaction de la ressource, ils peuvent dans certains cas présenter un
risque de mal-adaptation au changement climatique, selon leur taille, leur
situation et leur mode de remplissage.
D’autres pistes sont envisagées. Le département de Haut
e-Garonne
a lancé une expérimentation visant à recharger la nappe phréatique grâce à
une centaine de kilomètres de rigoles et de fossés avec l’eau de la Garonne
pour apporter un soutien d’étiage naturel supplémentaire en période sèche
(projet R’Garonne). Avec ce projet d’infiltration vers les nappes,
l’ambition est de stocker entre 5 et 10
millions de mètres cubes par an. Les
risques notamment sanitaires de ce projet, dont le coût est estimé à
1,8
M€
228
, seront évalués sur quatre ans.
Par ailleurs, la part des eaux usées qui sont réutilisées, y compris
pour irriguer les cultures, reste inférieure en France à 1 % des volumes
traités (alors qu’elle est de 8
% en Italie, de 14 % en Espagne et de 80 %
en Israël). Cette technique fait l’objet de recherches depuis q
uelques années
sur une plateforme expérimentale d’INRAE à Montpellier, financée par
l’agence de l’eau Rhône
-Méditerranée-Corse. Un projet connexe vise à
évaluer la perception de la réutilisation des eaux usées par les décideurs,
227
Cour des comptes,
La gestion quantitative de l’eau en période de changement
climatique
, rapport public thématique, juillet 2023.
228
F
inancé par l’agence de l’eau Adour
-
Garonne, le conseil régional d’Occitanie, le
conseil départemental de la Haute-Garonne, Réseau 31 et le BRGM.
L’ADAPTA
TION DES CULTURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
191
usagers et consommateurs finaux (projet SOPOLO
229
). Autre exemple, le
projet Rur’eaux de l’entreprise Ecofilae, auquel participent la chambre
d’agriculture de l’Hérault et INRAE, porte sur la possibilité de mettre en
place des filières intégrées de réutilisation qui soient rentables et
acceptables en zone rurale. Lors de l’annonce du plan eau en mars 2023, le
Gouvernement a indiqué que la part du volume d'eau réutilisée pourrait
passer à 10 % en 2030, grâce à une évolution du cadre réglementaire
230
.
Ainsi, face à ces risques accrus, des solutions se profilent qui restent
à mieux diffuser.
II -
Des solutions en gestation à mieux diffuser
et coordonner
par l’État
Les pouvoirs publics sont des acteurs-
clés de l’adaptation de
l’agriculture au changement climatique par les stratégies, le cadre
réglementaire et le financement des dispositifs de recherche et
développement qu’ils prévoient.
A -
Un long cheminement jusqu’au
«
Varenne agricole de l’eau
» en 2021
Avant 2020, il était difficile d’identifier les moyens consacrés aux
politiques publiques spécifi
quement conçues en faveur de l’adaptation au
changement climatique. L’approche politique a longtemps privilégié la notion
d’atténuation à celle d’adaptation. Cela ne signifie pas que des actions n’ont pas
été réalisées. Cependant rares étaient celles orien
tées vers l’adaptation, hormis
le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC). Le ministère
de l’agriculture ne dispose pas d’un tableau de bord permettant de connaître le
montant investi par l'État dans l’adaptation et de mieux documenter l’effort
229
INRAE coordonne ce
projet de recherche sur l’évalua
tion sociale et économique de
la réutilisation
financé par l’Agence de l’eau
Rhône-Méditerranée-Corse. Les méthodes
et analyses du comportement des acteurs sont notamment appliquées aux territoires de
Montpellier Méditerranée Métropole et de la communauté de communes de Grand Pic
Saint-Loup, dans le département
de l’Hérault.
230
N
otamment l’entrée en vigueur en juin 2023 du règlement 2020/41 du 25 mai 2020,
décret du 10 mars 2022 et arrêté du 28 juillet 2022.
COUR DES COMPTES
192
environnemental, notamment pour le budget vert de l’État. De même, bien que
l’adaptation de l’agriculture au changement climatique constitue l’un des
métaprogrammes
231
d’INRAE depuis 2011,
L
’institut ne tient pas de
comptabilité analytique identifiant les financements spécifiques à ce seul sujet.
Suite à la publication, en 2006, de la première stratégie nationale
d’adaptation française, le volet agricole du PNACC 2011
-2015 a porté
l’effort dans cinq directions : la recherche et la diffusion des résul
tats, une
approche territoriale, des systèmes de surveillance et d’alerte, une gestion
durable des ressources naturelles et enfin une gestion des risques inhérents
à la variabilité climatique par l’assurance et la mutualisation.
Le bilan du premier PNACC
a révélé en 2015 un bon taux d’exécution
des quinze mesures prévues dans ces cinq directions et souligné les
principaux résultats obtenus. Des systèmes de surveillance et d’alerte
sanitaire ont été créés (le centre national d’expertise des vecteurs, une
pl
ateforme nationale d’épidémio
-surveillance en santé animale), un fonds
national de mutualisation des risques sanitaires a été mis au point et 100
M€
par an de crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural
(FEADER) ont été affectés à la gestion des risques climatiques. Le
développement
des
connaissances
a
été
soutenu :
la
prospective
«
Agriculture, forêt, climat
: vers des stratégies d’adaptation
» (AFClim)
232
menée par le ministère de l’agriculture et le métaprogramme d’adaptation au
changeme
nt climatique élaboré au sein d’I
NRAE
233
, révèlent les leviers
d’adaptation possibles pour l’agriculture. Tout en relevant l’impossibilité de
chiffrer les moyens engagés, les difficultés à mobiliser les acteurs concernés
et une préparation encore insuffisante de la France, le bilan du premier plan
a mis en évidence des perspectives prometteuses : diffusion de services agro-
hydro-climatiques très localisés, priorité aux actions combinant atténuation
et adaptation, recherche variétale, développement d’outils de
diagnostic des
capacités d’adaptation des exploitations et d’expérimentations, associant les
filières et accompagnées par l’assurance.
231
Les métaprogrammes sont un dispositif d
animation et de programmation scientifique
sur quelques sujets n
é
cessitant des approches syst
é
miques et interdisciplinaires.
232
La prospective
Agriculture, forêt, climat
: vers des stratégies d’adaptation
(AFClim)
donne à voir de manière concrète les principaux effets du changement climatique sur
l’agriculture et la forêt en France métropolitaine, à réfléchir aux stratégies d’adaptation
possibles et à sensibiliser l’ensemble des acteurs concernés.
233
INRAE est né le 1
er
janvier 2020 de la fusion
entre l’Inra et l’Irstea.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
193
Publié en 2018 et évalué à mi-parcours en 2021, le PNACC 2
(2018-2022) a soutenu six actions propres au secteur agricole, certaines
prolongeant les orientations du premier plan. C’est le cas, par exemple,
d’une action phare destinée à soutenir financièrement le changement de
pratiques et l’investissement (financement de haies, diagnostics carbone
,
etc.
). D’autres portent sur la conservation et l’utilisation de ressources
génétiques pour s’adapter à demain ou sur des analyses comparées des
stratégies d’adaptation.
Avec le
«
Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au
changement climatique »
(le « Varenne ») en 2021
234
, l’
adaptation est
devenue une priorité de l’action publique. Le plan d’investissement
France 2030, qui englobe tous les secteurs agricoles, doit contribuer à
renforcer leur résilience et leur adaptation au changement climatique en
finançant des agroéquipements (212
M€) et des mesures de protection
contre les aléas climatiques (175
M€) sous forme d’appels à projets. En
2023, France 2030 devrait permettre le versement de 63
M€ d’aides
individuelles aux agriculteurs.
Le programme national pour le développement agricole et rural
2022-
2027 cible diverses actions d’adaptation au changement climatique.
L’adaptation des systèmes de production, avec en particulier une gestion
économe et efficiente de l’eau, devient l’un des trois thèmes prioritaires et
le numérique cons
titue un enjeu transversal. Les chambres d’agriculture
ont présenté leur plan d’adaptation pour
« aller dans la cour de la ferme »
,
financé par le compte d’affectation spéciale
« développement agricole et
rural »
(CASDAR) avec l’objectif d’offrir des conseils d’adaptation au
changement climatique à 10 000 exploitations par an. Les actions ou
objectifs d’adaptation des derniers contrats d’objectifs et de performance
(COP) signés entre le ministère chargé de l’agriculture et les organismes
publics ont été renforcés
235
.
L’adaptation de l’agriculture au changement climatique est aussi
appréhendée par la PAC depuis 2014, conformément à l’objectif
thématique assigné à tous les fonds européens par l’article 9 du
règlement
(UE) n° 1303/2013
«
Promouvoir l’adaptation
au changement climatique
et la prévention et la gestion des risques »
. La PAC 2023-2027 prolonge
234
La concertation a réuni près de 1 400 participants sur six mois. Elle avait pour
objectif de trouver des solutions concrètes pour aider les agriculteurs à faire face aux
aléas climatiques, en protégeant la ressource et en assur
ant un partage de l’eau qui
n’
affecte pas les milieux aquatiques. Les conclusions ont été publiées en février 2022.
235
COP 2021-2025 avec
Chambres d’agriculture France, COP 2022
-2027 avec
l’ACTA, CO
MP 2022-2026 avec INRAE.
COUR DES COMPTES
194
cette dynamique par les articles 5 et 6 du règlement (UE) 2021/2115
: l’un
de ses trois objectifs généraux consiste à renforcer l’action en faveur du
climat et
l’un de ses neufs objectifs spécifiques est de contribuer à
l’atténuation et à l’adaptation. En France, le plan stratégique national
affiche «
un faible niveau d’ambitio
n », selon le Haut conseil pour le
climat
236
, avec seulement 24 % du total des crédits de la PAC affectés à des
actions « de verdissement (climat, environnement, bien-être animal) ».
La consultation engagée par l’État en mai 2023 concernant la
trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement
climatique (TRACC) conduira ensuite à une étude de vulnérabilité de
l’agriculture et à la définition d’un plan spécifique d’adaptation. Au vu de
tous ces cadres d’intervention, le ministère de l’agriculture devra
s’organiser pour suivre les actions en faveur de l’adaptation, leu
rs
financements et leurs résultats, et en permettre une évaluation.
B -
Une réforme récente mais limitée
du système assurantiel
Le plan stratégique national pour la mise en œuvre de la PAC prévoit
deux types de soutien à la gestion des risques
: i) l’aide à l’as
surance
multirisques climatique (MRC) des récoltes, pour les pertes liées au
climat et ii) l’aide au fonds national agricole de mutualisation du risque
sanitaire et environnemental (FMSE), pour les pertes liées à des maladies,
à des ravageurs, à des pollut
ions, etc. L’affiliation à ce fonds est
obligatoire pour tous les agriculteurs tandis que l’assurance risque
climatique reste facultative. En 2021,
le taux d’assurance pour les
céréales était de 33
% des surfaces cultivées, alors qu’il était de 18
%,
toutes filières confondues.
236
Haut conseil pour le climat, rapport annuel de juin 2023.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
195
Schéma n° 7 :
nouvelle assurance récoltes
Source : MASA/DGPE
Au cours de la période 2017-2020, le rapport sinistralité sur
cotisation pour les grandes cultures a été de 126 %. Les conséquences de
l’augmentation des événements climatiques sur le
coût des sinistres
agricoles et la dégradation des résultats de l’assurance
multirisques
climatique ont conduit à réformer le système assurantiel. La loi
n° 2022-298 du 2 mars 2022 a ainsi instauré à compter du 1
er
janvier 2023
un système d’indemnisation des pertes à trois étages
(voir schéma n° 1) :
les pertes faibles sont à la charge de l’agriculteur
;
celles qui sont plus significatives sont couvertes par une assurance
contractée par l’agriculteur (cotisation subventionnée à 70
%) ;
les plus importantes sont couvertes à 90
% par l’État.
Très incitative à l’assurance, cette réforme crée aussi un filet de
sécurité pour les agriculteurs non assurés en cas de pertes importantes, à
hauteur de 45 % de ces pertes (35 % en 2025).
Selon l’étude d’
impact de la loi, le budget public de subvention de
l’assurance et d’indemnisation des pertes passera d’environ 300 à 600
M€
par an, en moyenne, à partir de 2025, dont 184,5 M€ au titre du FEADER.
La réforme est toutefois récente et le chiffrage devra être
affiné à l’avenir.
COUR DES COMPTES
196
La réforme du système assurantiel va encourager les agriculteurs à
investir pour équiper leurs exploitations et ainsi à se protéger à court terme
des aléas climatiques. Elle ne s’accompagne toutefois pas d’une incitation
des assurés à réaliser des transformations systémiques. Pourtant, au-delà
de l’assurance contre les pertes, il serait nécessaire de protéger les
agriculteurs qui prennent des risques supplémentaires en mettant en œuvre
les véritables transformations nécessaires à l’adapt
ation au changement
climatique : cela mettrait en confiance les cultivateurs « pionniers » dans
l’expérimentation des nouvelles pratiques préconisées par la recherche et
en permettrait une diffusion plus large et rapide. Les futures évolutions de
la PAC, q
ui reste l’outil de loin le plus puissant pour accompagner
l’agriculture, pourraient encourager ces agriculteurs pionniers. Car ces
derniers disposent de nombreuses solutions techniques, parfois directement
applicables (transformations incrémentales), parfois plus complexes
(transformations systémiques), mises au point par un dispositif de
recherche et d’innovation complet.
C -
Un dispositif complet de recherche
et d’innovation
Maintenir une production agricole de qualité, en mesure d’assurer
la
souveraineté alimentaire de la France
, capable de participer à l’objectif de
développement durable « Faim zéro
» de l’ONU, tout en réduisant les
émissions de gaz à effet de serre
, les impacts négatifs sur l’environnement,
dans des conditions climatiques qui changent au cours des années,
nécessite une recherche et des innovations au meilleur niveau. La France
mobilise au service de ces nouvelles priorités l’ensemble de son système
de recherche et d’innovation public et privé (voir schéma n°
2).
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
197
Schéma n° 8 :
système de recherche et d’
innovation
dans le domaine des cultures céréalières en France
Source : schéma inspiré des résultats du programme Européen i2connect, Cour des comptes
Dans le secteur public, INRAE
237
développe des connaissances
fondamentales aussi bien que des innovations appliquées (dépôt de brevets,
création de start-
ups). L’Institut dispose d’un budget de l’ordre de
1
Md€ et
de 18 centres régionaux répartis sur tout le territoire. Le Centre de coopération
internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)
237
INRAE mène également des recherches dans d’autres domaines comme
l’alimentation, la forêt, l’environnement, l’eau, la biodiversité ou la bioéconomie.
COUR DES COMPTES
198
dispose d’un budget de 200
M€. Sa connaissance des terrains méridionaux,
dont les climats sont semi-
arides et arides, s’avère précieuse dans le contexte
de l’adaptation. Il travaille par exemple sur le sorgho et le mil
238
, qui pourraient
être davantage utilisés pour diversifier les cultures en cas de stress hydrique.
Les universités (notamment Paris-Saclay et Montpellier), les établissements
d’enseignement supérieur agricole (tels AgroParisTech ou l’Institut Agro) et
d’autres organismes de recherche (le c
entre national de la recherche
scientifique
CNRS, le C
ommissariat à l’énergie atomique
et aux énergies
alternatives
CEA, l’
Institut de recherche pour le développement
IRD)
contribuent à ces travaux, le plus souvent en étroite coopération. Ainsi, le
dispositif
« Innovation et amélioration variétale en Afrique de
l’Ouest
»
associe depuis six ans le CIRAD, l’IRD et l’Institut Agro à des partenaires au
Sénégal, au Mali, au Burkina-Faso, au Togo et au Niger pour étudier
l’adaptation dans ces pays, dans un
programme susceptible de trouver des
applications au nord de la Méditerranée.
La recherche et l’innovation privée
s sont réalisées par des
entreprises et des instituts techniques au service de la filière.
Les industriels semenciers sont des acteurs majeurs
de l’innovation
dans le domaine des céréales. SEMAE (l’interprofession des industriels des
semences) estime que le budget recherche de la filière céréales et protéagineux
représente 24
% de son chiffre d’affaire et évalue celui de la filière maïs et
sorgho à 9 % (soit 165
M€ en 2021 pour ces deux filières). Ces ratios
d’investissements correspondent à ceux des entreprises de haute technologie.
De nombreuses
start-ups
voient également le jour dans le secteur de
l’innovation pour l’agriculture, l’Ag
riTech. BpiFrance consacre ainsi 200
M€
sur cinq ans à soutenir ces jeunes pousses
239
. Dans le domaine des céréales,
l’innovation concerne par exemple des outils d’aide à la décision en matière de
fertilisation raisonnée, à partir d’analyses d’images de la plante pri
ses par
satellites ou par drones. Se développent aussi des robots de désherbage
mécanique, ou des outils d’analyse météo et d’échanges de conseils.
Les instituts techniques agricoles (ITA), spécialisés dans les
différentes filières de production, mènent des recherches appliquées, en
association avec les producteurs et les interprofessions qui les financent.
Arvalis disposait d’un budget de 62
M€ en 2021, ses recettes provenant pour
55 % des interprofessions, pour 27 % de crédits publics à travers des appels
à projets et pour 18 % de valorisation de ses innovations. Il possède 29 sites
de recherche répartis sur le territoire, ce qui permet de prendre en compte la
variété des conditions pédoclimatiques (sols, climat etc.). Il n’existe pas dans
238
Le sorgho fait par exemple l’objet du projet «
Biomass for the future
», qui réunit
INRAE, le CIRAD et différents industriels et semenciers. Plus de mille accessions de
sorgho ont été séquencées et caractérisées.
239
Voir le rapport
La French Agr
iT
ech de la Ferme Digitale
.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
199
l’Union européenne d’institut technique consacré à la recherche appliquée
sur les céréales équivalent à Arvalis. L’interprofession céréale consacre 72
%
de ses contributions volontaires obligatoires
240
à la recherche, ce qui permet
à Arvalis d’être, de loin, l’institut tech
nique agricole le plus important.
Le réseau des chambres d’agriculture occupe une position
d’interface entre la recherche et les agriculteurs. Doté de services de
recherche, de développement et d’innovation, il déploie sur tout le territoire
des conseillers chargés de diffuser les connaissances ou les nouvelles
pratiques auprès des exploitants. Ces activités de diffusion et de conseil
sont également réalisées par les coopératives et les négoces agricoles,
auxquelles trois agriculteurs sur quatre adhèrent, ou par les organismes
nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR) qui œuvrent au
développement agricole, par une activité spécifique en réseau
241
.
Enfin, de nombreuses structures partenariales assurent la bonne
coopération des différents acteurs : réseaux et unités mixtes technologiques
ou groupements d’intérêt scientifique (GIS) permettent aux scientifiques
de coopérer sur des problématiques spécifiques. Le GIS « blé dur », par
exemple, fédère les acteurs de la filière pour mutualiser les moyens et les
connaissances au service de la création de nouvelles variétés. Le réseau
mixte technologique ClimA rassemble un collectif d’experts des
différentes structures de recherche et développement pour accélérer la
conduite et le transfert de leurs travaux sur l’ada
ptation des exploitations
au changement climatique, en co-développant des outils pour le conseil et
des ressources pédagogiques. Les partenariats avec les entreprises sont
également renforcés à travers deux instituts Carnot pilotés par INRAE ou
le pôle de compétitivité VEGEPOLYS Valley
242
. Dans le cadre du
partenariat
européen
pour
l’innovation,
de
nombreux
groupes
opérationnels permettent des échanges internationaux.
L’ensemble de ce dispositif de recherche
, largement bâti avec le
concours des pouvoirs publics,
œuvre depuis deux décennies
à développer des
solutions techniques pour s’adapter au changement climatique. Les avancées
scientifiques et techniques sont nombreuses et doivent être diffusées.
240
La contribution volontaire obligatoire (CVO) est une cotisation prélevée sur les
volumes produits (
céréales vendues par l’agriculteur, farine par le meunier
etc.) dont
s’acquittent obligatoirement les professionnels de chaque filière agricole et qui permet
de financer le fonctionnement de l’interprofession.
241
Par exemple, la FNAB fédère les réseaux d’exploitants en agriculture biologique, la
FNCUMA fédère les réseaux de coopératives d’utilisation de matériel agricole (les
CUMA), Solidarité paysans accompagne les agriculteurs en difficulté, etc.
242
VEGEPOLYS Valley est un pôle de compétitivité rassemblant des entreprises, des
centres de recherche et de formation du domaine du végétal autour de projets innovants pour
des agricultures plus compétitives, plus qualitatives, respectueuses de l’environnement et de
la santé. Ses équipes sont implantées dans quatre régions françaises (Pays de la Loire,
Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val-de-Loire). Il compte 600 adhérents.
COUR DES COMPTES
200
III -
L’enjeu de la diffusion des solutions
et de
l’adoption des b
onnes pratiques
La recherche et les nombreuses innovations scientifiques et
techniques orientées vers l’adaptation des cultures au changement
climatique doivent, pour porter leurs fruits, être diffusées auprès des
agriculteurs et mises en œuvre
concrètement. Simultanément, des
transformations
plus
structurelles
des
pratiques
agricoles
et
agroalimentaires demandent à être expérimentées et déployées.
A -
Les recherches au début du XXI
e
siècle
Dès la fin des années 1990, les chercheurs de l’
Institut national de
la recherche agronomique (Inra) ont étudié les impacts attendus du
changement
climatique
sur
l’agriculture
française
et
prévu
le
raccourcissement des cycles de culture, une «
possible augmentation de la
variabilité temporelle du climat
», mais aussi les effets positifs de la
concentration en CO
2
sur la croissance des plantes
243
. Une mission
« changement climatique et effet de serre
» a été créée en 2002 à l’I
nra.
En 2006, alors que les rendements des céréales étaient décevants
depuis le début des années 2000, à la demande du ministère chargé de
l’agriculture, une expertise scientifique collective réalisée par l’I
nra a établi
que «
le changement climatique associe à l’augmentation prévue de
température une plus grande fréquence d’événements extrêmes
» et envisagé
différentes voies d’adaptation
,
telles que l’esquive (consistant à avancer les
cycles culturaux), le progrès génétique (sans
s’
attendre à ce
qu’il suffise à
régler tous les problèmes) ou la diversification des systèmes de culture.
L’année suivante, à la
suite de cette expertise, l’I
nra a piloté le premier projet
d’envergure étudiant les effets du climat sur les céréales et réunissant
17 équipes de recherche provenant de sept organismes (Climator - voir le
schéma n° 3). Ce projet a permis de comprendre le phénomène de stagnation
des rendements dès 2010 et de prévoir l’augmentation de la variabilité
interannuelle des rendements
une situation préoccupante pour le maïs
irrigué dans le sud-ouest
et l’accroissement du risque de stress hydrique.
243
R. Delécolle, J.F. Soussana, J.P. Legros, C.R. Acad. Agric. Fr, vol. 85, n° 4, page 45,
séance du 5 mai 1999.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
201
Schéma n° 9 :
résumé de l
’adaptation de la culture des céréales
au changement climatique 2000
2023
Source : Cour des comptes
L’observation et les simulations ont aussi été développées. Les régions
disposent d’observatoires régionaux sur l’agriculture et le changement
climatique
(ORACLE, proposés par les chambres d’agriculture) qui
contribuent à caractériser les relations entre agriculture et climat dans leurs
territoires. Les chambres d’agriculture ont aussi mis au point l’outil
COUR DES COMPTES
202
ClimA XXI qui permet de prévoir des indicateurs agro-
climatiques à l’échelle
locale, et déployé des conseillers formés pour l’utiliser. Différentes options
d’adaptation ont été inventoriées en fonction des territoires et des filières dans
l’étude prospective AFClim, en 2013
244
, qui comprend 14 études de cas avec
un territoire et une filière spécifique. Par exemple, pour les grandes cultures
dans le département du Cher, sont déjà avancées les solutions d’adaptation
consistant à décaler les cycles de culture pour esquiver le stress hydrique, avec
des dates de
semis plus tôt dans l’année ou avec des variétés précoces, et à
diversifier l’assolement avec des rotations plus complexes, en introduisant des
légumineuses ou en maintenant une couverture permanente.
L’innovation génétique des espèces, qui a permis à l’ag
riculture de
progresser depuis son origine, a contribué à l’adaptation des cultures au
changement climatique. Le
leadership
de la France en matière de sélection
variétale (voir encadré
infra
) est à ce titre un atout important. Les projets
financés entre 2010 et 2020 par le programme d'investissements d'avenir,
Phenome,
Breedwheat
(sur le blé) et
Amaizing
(sur le maïs)
245
, ont permis
ces dix dernières années de progresser dans la compréhension de la
génomique
246
des plantes et des conséquences phénotypiques
247
du
changement climatique, et ainsi constituer un corpus de connaissances
précieuses pour l’adaptation au changement climatique.
Les certificats d’obtention végétale,
un levier indispensable pour faire évoluer les cultures
Les sélectionneurs, publics ou privés, créent des variétés présentant de
nouvelles caractéristiques : résistance à une maladie, meilleur rendement,
précocité dans le développement, etc. La création de nouvelles variétés est
dynamique : le catalogue français compte entre 30 et 50 variétés de blé tendre
chaque année, et entre 50 et 100 nouvelles variétés de maïs. La majorité du
pain que nous mangeons est issue de blés qui n’existaient pas il y a dix ans.
Par exemple, la variété de blé tendre « Chevignon » a de nos jours beaucoup
de succès, en raison de ses qualités de résistance aux agressions, ses propriétés
de panification et sa bonne résilience agronomique. Les centres de ressources
biologiques conservent pas moins de 14 000 accessions de blé tendre, autant
de sources de biodiversité mobilisables si besoin.
244
Centre d’études et de prospective du ministère en charge de l’agriculture,
Agriculture, Forêt, Climat
: vers des stratégies d’adaptation
, 2013.
245
Phenome a financé des structures de phénotypage avec 24
M€ d’aide publique,
Breedwheat
10
M€ sur neuf ans pour un investissement total (avec les partenaires
privés) de 34
M€,
Amaizing
9
M€ sur huit ans pour un investissement total de 27,5
M€.
246
La génomique étudie le fonctionnement d’un organisme, en l’espèce,
d’un végétal, à
l’échelle du génome, c’est
-à-
dire de l’ensemble du matériel génétique encodé dans son ADN.
247
Les caractéristiques phénotypiques sont celles que l’on observe sur l’ensemble des
traits d’un organisme, et pas seulement à l’échelle du génome.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
203
Dans l’Union européenne, ces variétés ne sont pas brevetées mais
font l’objet de certificats d’obtention végétale (les COV). Ce modèle
protège le propriétaire comme les utilisateurs. Tous ont en effet le droit de
réutiliser les semences existantes pour en créer de nouvelles, ce qui
encourage l’innovation variétale et évite la captation que permet le brevet.
Les agriculteurs peuvent également utiliser leurs propres semences de
ferme, en échange d’une taxe pour le détenteur
de ce certificat.
Pour obtenir un
certificat d’obtention végétale
, un obtenteur doit
remplir un cahier des charges qui garantit la nouveauté de la variété qu’il
a
créée, sa stabilité, son homogénéité et démontrer ses performances
environnementales et agronomiques. Le Comité technique permanent de la
sélection (CTPS) fait progresser les cahiers des charges et les tests en
introduisant de nouvelles exigences. C’est un moyen de faire évoluer les
semences dans la direction de l’agroécologie. Les tests techniques sont
réalisés par
le GEVES (groupe d’études et de contrôle des variétés et des
semences) ou par des laboratoires partenaires. Le CTPS propose au
ministère en charge de l’agriculture d’inscrire au catalogue une nouvelle
variété par arrêté. Avec le
certificat d’obtention vég
étale, la semence a une
«
double nature de bien public et de bien marchand
»
248
, constituant un
cadre de propriété intellectuelle équilibré.
Tous les acteurs, publics comme privés, contribuant au développement
de la culture des céréales, font désormais de l
’adaptation au changement
climatique une des composantes principales de leurs actions. Les stratégies
d’adaptation au changement climatique figurent au premier plan des
orientations d’INRAE dans son plan stratégique INRAE 2030, comme dans
le projet 2023-20
27 d’Arvalis. Le réseau des chambres d’agriculture a choisi
comme premier axe de son contrat d’objectifs, signé avec l’État en novembre
2021, d’«
accompagner l’agriculture dans ses transitions économiques,
sociétales et climatiques
». Leur travail commun a permis, dans le cadre du
« Varenne
» en 2021, de dresser un inventaire des solutions pour s’adapter.
B -
Un ensemble de leviers techniques à déployer
pour faire face au changement climatique
Les réponses pour une culture résiliente des céréales sont désormais
multiples. Pour faire face aussi bien à l’évolution tendancielle (un climat
plus chaud et moins d’eau disponible) qu’aux événements extrêmes
(sécheresses record, gels tardifs, fortes pluies hivernales ou printanières),
certaines solutions d’adaptation de
nature incrémentale ont commencé à
248
La filière semencière française : état des lieux et perspectives
,
rapport de l’Office
parlementaire des choix scientifiques et technologiques, 2015.
COUR DES COMPTES
204
être mises en œuvre. D’autres font appel à des transformations systémiques
beaucoup plus ambitieuses. INRAE
, l’
Association de coordination
technique agricole (ACTA)
et le réseau des chambres d’agriculture ont
publié dans le cadre de la cellule Recherche-Innovation-Transfert (RIT)
qu'ils co-animent, un ensemble de leviers techniques à mobiliser.
Les solutions d’adaptation incrémentale consistent par exemple à
avancer les dates de semis pour esquiver les périodes trop chaudes, à
sélectionner des variétés dont la résistance au stress hydrique est accrue,
ou des variétés dites précoces. Selon INRAE, face aux évolutions du climat
prévues pour la seconde moitié du XXI
e
siècle, les adaptations
incrémentales ne seront probablement pas suffisantes. Il sera nécessaire de
renforcer la résilience des systèmes de production, à l’aide de
transformations de plus grande ampleur.
En cohérence avec les objectifs de la transition agroécologique,
l’agroforesterie ou la mise en place de haies permettent d’apporter de
l’ombre ou de préserver l’humidité du sol. Il est également possible de
développer une agriculture de conservation des sols (en évitant de labourer,
avec des sols toujours couverts), et surtout de diversifier les cultures
249
grâce à d
es rotations plus complexes, qui permettent d’améliorer la
résilience des systèmes de production
250
.
La diversification des cultures représente une rupture par rapport à
la tendance historique, le productivisme soutenu par la PAC ayant mené à
une simplification des assolements au cours des dernières décennies. Les
principes
de l’agroécologie et la nécessité de s’adapter au changement
climatique appellent des systèmes culturaux plus diversifiés et plus
résilients, selon des formes
multiples dépendant des conditions
pédoclimatiques locales. Le changement climatique présente aussi des
opportunités, telles que la possibilité de réaliser trois cultures en deux ans.
Le possible développement de nouveaux bio-agresseurs avec la hausse des
températures nécessitera un surcroît de recherche. Au-delà des cultures
elles-mêmes, le stockage et la conservation des grains pourraient
également être affectés et nécessiter des investissements spécifiques.
La sélection génétique sera toujours nécessaire pour créer les
variétés les mieux adaptées aux systèmes agronomiques nouveaux. Selon
les experts, les nouveaux outils NBT (
new breeding techniques
) offriront
249
INRAE,
Protéger les cultures en augmentant la diversité végétale des espaces
agricoles
, expertise scientifique collective, 2022.
250
Diversification des cultures, allongement des rotations, sélection variétale,
infrastructures agroécologiques et conservation des sols, se retrouvent dans les
nombreux travaux de synthèse sur l’adaptation, dont ceux du GIEC, TYFA de l’IDDRI,
Afterres 2050 de Solagro, le
shift project
, CGAAER et CGEDD, etc.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
205
des capacités d’adaptation décisives, même s’il ne faut pas placer en elles
l’espoir de résoudre tous les problèmes. La réglem
entation européenne doit
prendre position sur le sujet prochainement, en clarifiant la différence entre
les NBT qui modifient le génome exactement de la même manière que les
mutations naturelles, et celles qui opèrent des modifications plus
substantielles, produisant
de facto
des organismes génétiquement modifiés.
Dans tous les cas, le sujet de l’eau restera crucial car il n’existe pas
d’agriculture sans eau. Des solutions techniques ont été développées pour
mieux planifier l’irrigation, au meilleur moment
pour la plante, ou pour
utiliser des dispositifs d’irrigation innovants, plus économes.
C -
Des transformations plus structurelles à anticiper
La stratégie de l’exploitant et la combinaison des leviers techniques
mobilisables dépendront de ses sols, du climat attendu, de son matériel, des
débouchés, etc. Les agriculteurs sont ainsi appelés à devenir de plus en plus
de véritables ingénieurs pour combiner au mieux tous ces paramètres. Le
système de formation initiale et continue joue donc un rôle majeur. Le plan
«
Enseigner à produire autrement pour les transitions et l’agroécologie
»
,
piloté par la
direction générale de l’enseignement et de la recherche
(DGER
) du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
,
œuvre dans cette direction.
De plus, l
’agriculteur ne décide pas seul des innovations à adopter.
Il est inséré au sein d’un écosystème d’acteurs économiques et politiques.
Les chambres d’agriculture et les coopératives conseillent les exploitants.
Les industries de la transformation et de l’ag
roalimentaire fixent leurs
cahiers des charges, en lien avec les aspirations alimentaires et les moyens
financiers des consommateurs. Certaines techniques innovantes peuvent ne
pas être portées à la connaissance des exploitants ou ne pas être acceptées
par
leurs partenaires parce qu’elles remettent en cause leurs modes de
production, leurs habitudes ou leurs modèles économiques. Les exemples
de freins à l’innovation venant de l’industrie agroalimentaire ou de la
réglementation sont ainsi nombreux. Des mélanges de blé aux résistances
complémentaires pourraient être utilisés, mais la pratique habituelle des
meuniers est plutôt de procéder aux mélanges après récolte, pour être sûrs
de reproduire la qualité de farine à laquelle les consommateurs sont
habitués. Le sorgho, réputé pour sa résistance aux climats secs, pourrait
trouver un débouché pour l’alimentation des volailles
, mais il ne figure pas
dans les céréales autorisées en Label Rouge. Un mélange pois-blé peut
s’avérer intéressant en termes de résilience,
mais nécessite un
investissement prohibitif pour faire le tri lors de la récolte, etc.
COUR DES COMPTES
206
Cet ensemble d’habitudes, de normes ou d’intérêts des acteurs –
le
consommateur en premier lieu
, est parfois qualifié de « verrouillage » du
régime sociotechnique de production agricole
251
, qui s’oppose aux
transformations systémiques dont l’agriculture a besoin. La difficulté de
transformer les pratiques agricoles est à la mesure de la complexité de cet
enchevêtrement d’intérêts croisés.
Lorsque les leviers de transformation bouleversent les pratiques
agricoles de manière systémique (par une modification profonde des
rotations, des itinéraires techniques, des espèces cultivées, avec
potentiellement des déplacements des zones de culture) ou même le
système d’exploitation (développement d’ateliers non agricoles, évolution
de la main d’œuvre
, etc.), les risques deviennent plus importants pour les
agriculteurs. Pour pouvoir prendre ces risques, l’exploitant a besoin d’être
conforté par des expériences qui ont réussi et/ou de
pouvoir s’appuyer sur
des « références système » reproductibles ou adaptables. Dans ce contexte,
les démonstrations expérimentales, où la recherche appliquée va jusqu’à
démontrer le succès d’innovations systémiques en prenant ainsi les risques
à la place d
e l’exploitant, sont à multiplier. Des dizaines de fermes
expérimentales existent à INRAE, à Arvalis, dans les chambres
d’agriculture ou dans l’enseignement agricole. Elles ont des objectifs
variés, allant de la recherche à la formation, mais peu sont des fermes
pilotes engagées dans des essais de transformations systémiques. Le
dispositif SYPPRE
252
(qui associe Arvalis,
l’i
nstitut technique de la
betterave et Terres Inovia) teste par exemple depuis 2014 des systèmes
innovants de grandes cultures dans des plateformes expérimentales dédiées
et met en réseau des exploitants participant aux tests. Les rotations
complexes et longues (sur neuf ans, en introduisant des légumineuses en
culture associée ou en interculture, en pratiquant certaines cultures sans
labour, avec des cultures intermédiaires de différents types) nécessitent
autant d’années pour évaluer leurs résultats.
Ces dispositifs devraient être développés pour soutenir localement
un réseau d’agriculteurs en pointe dans l’adaptation au changement
climatique, notamment grâce à des financements par Horizon Europe
(programme-cadre de recherche et d'innovation de l
Union européenne) et
les futurs supports de financement européens. Ils pourraient être élargis en
situation réelle à des fermes souhaitant y participer afin de permettre une
meilleure identification des agriculteurs à des modèles novateurs.
251
Jean-Marc Meynard et al.,
Freins et leviers à la diversification des cultures
, rapport
Inra 2013.
252
SYPPRE
: Systèmes de production performants et respectueux de l’environne
ment.
L’ADAPTATION DES CUL
TURES CÉRÉALIÈRES AU CHANGEMENT CLIMATIQUE
207
__________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS __________
L
a définition et la mise en œuvre de stratégies coordonnées
d
’adaptation de l’agriculture au changement climatique
sont encore
récentes et leurs enjeux diffèrent selon les filières et les territoires. Les
agriculteurs et les laboratoires s’y sont intéressés dès les premières
manifestations des modifications climatiques mais les politiques publiques
ont tardé à structurer leurs interv
entions. Ce n’est toujours pas une clef
d’analyse ou de répartition des financements publics pour l’agriculture.
Désormais, l’enjeu de l’adaptation requiert un meilleur suivi par l’État.
Le
«
Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement
climatique »
a permis de mettre en évidence trois domaines d’actions pour
adapter la culture des céréales au changement climatique : la réforme du
système des assurances, qui répond à une nécessité de court terme ; une
gestion plus économe de la ressource en eau, qui nécessitera des arbitrages
politiques à l’échelle des sous
-bassins versants ; enfin un ensemble de leviers
techniques, qui a été mis à disposition des exploitants par les acteurs de la
recherche et de l’innovation pour faire face au changement clima
tique.
La réforme des assurances, qui s’est traduite par une modification
législative et un effort accru de l’État, renforce la protection des
agriculteurs contre les risques. Il existe cependant un risque de mal-
adaptation si certains modes de production actuels perdurent sans les
transformations nécessaires.
Parmi les leviers techniques pour développer une agriculture
climato-résiliente, certains, de nature incrémentale, poursuivent la longue
histoire du progrès de l’agriculture, sans transformations en p
rofondeur
des modes d’exploitation.
D’autres transformations sont beaucoup plus systémiques et compatibles
avec la transition agroécologique. Elles sont aussi plus risquées et demandent
davantage d’accompagnement de la part de l’État, par exemple dans des
fermes
expérimentales. Elles nécessitent donc d’être soutenues et évaluées.
Au vu de l’ensemble de ces constatations, la Cour formule les
recommandations suivantes :
1.
concevoir et mettre à jour un tableau de bord afin de suivre
spécifiquement les actions e
t les financements liés à l’adaptation de
l’agriculture au changement climatique (ministère de l’agriculture et
de la souveraineté alimentaire - 2025) ;
2.
soutenir financièrement et labelliser les expérimentations de
transformations structurelles visant à adapter les cultures au
changement climatique (ministère de l’agriculture et de la
souveraineté alimentaire - 2025).
Réponse reçue
à la date de la publication
Réponse du ministre de la transition écologique et de la cohésion
des territoires
..........................................................................................
210
Destinataires n’ayant pas d’observation
Monsieur le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
Monsieur le président-
directeur général de l’Institut nationa
l de recherche
pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE)
Madame la présidente d’Arvalis
COUR DES COMPTES
210
RÉPONSE DU MINISTRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES
Je partage votre proposition de créer un soutien
ad hoc
à travers la
politique agricole commune (PAC) pour couvrir les risques pris par les
pionniers qui se lancent dans des changements profonds de leur système
de production. La PAC, qui reste l
outil de structuration le plus fort de
l
activité agricole, doit rapidement et mieux intégrer l
enjeu de
l’
adaptation et de la transformation des systèmes de production. La
révision du plan stratégique national de la France en 2025 pourrait
répondre à cette recommandation. Elle permettrait également de soutenir
le rehaussement des critères et des aides allouées dans le cadre de l
éco-
régime, qui conditionne 25 % des aides du premier pilier de la PAC à la
rémunération des services environnementaux rendus par les agriculteurs
mettant en œuvre des pratiques vertueuses
. Ce dispositif constitue le seul
outil d'orientation massif pouvant contribuer significativement à
l
évolution des pratiques favorables à
l’
adaptation des exploitations
(diversité des assolements, maintien des prairies, couverture végétale,
développement des haies).
L
évaluation de la vulnérabilité des exploitations ou des systèmes
de production est également utile pour réaliser les transformations
structurelles que vous identifiez. L
élaboration d
un cadre national visant
le diagnostic de vulnérabilité des exploitations au changement climatique,
(mesure 17 du pacte d
orientation pour le renouvellement des générations
en agriculture), permettra d'assurer l
information nécessaire aux
agriculteurs, la cohérence générale du contenu, ainsi que le suivi de la
mesure, tout en
offrant une flexibilité sur les outils mis en œuvre sur le
terrain. Il ne doit toutefois pas constituer une contrainte pour les
agriculteurs en terme financier ou de procédure mais être un jalon
nécessaire et utile à l
adaptation de leurs activités.