La dotation de continuité territoriale
aérienne avec l’outre-mer
_____________________
PRESENTATION
____________________
La dotation de continuité territoriale aérienne a été créée par
l’article 60 de la loi de programme pour l’outre-mer n° 2003-660 du
21 juillet 2003 (LOPOM). Elle prévoit l’octroi aux collectivités d’outre-
mer d'une dotation de l’Etat destinée à faciliter les déplacements de leurs
résidents, sous la forme d’une aide à la personne et concernant les
liaisons aériennes avec la métropole, dans des conditions déterminées
par la collectivité.
Dans un rapport établi à la demande de la commission des
finances du Sénat, en décembre 2005, en vertu des dispositions de
l’article 58-2 de la loi organique sur les lois de finances, la Cour avait
examiné la mise en place du dispositif du point de vue de l’Etat, ce qui
l’avait
conduit à souligner : le recours à la seule dotation de l’État, qui
compromet l’objectif affiché au départ (réduction significative du prix du
billet pour chaque résident, d’environ 30 %), le risque d’une dérive des
dépenses, les ordonnateurs (collectivités) n’étant pas les payeurs (l’État
est seul à payer), l’absence d’évaluation du système, faute d’un
indicateur pertinent pour en mesurer les effets.
Deux ans après, cette fois avec le concours des chambres
régionales et territoriales des comptes compétentes
119
, la Cour, a établi
un premier bilan de l’application effective de ce dispositif et a cherché à
établir s’il répondait bien aux objectifs visés par le législateur.
119)
Guadeloupe-Guyane-Martinique,
Réunion,
Nouvelle-Calédonie,
Polynésie
française, St-Pierre et Miquelon.
324
COUR DES COMPTES
I
-
Un dispositif au montage financier incertain
A - Le régime juridique du dispositif
1 -
Une subvention encadrée
La subvention d’aide au passage aérien est attribuée aux
collectivités dans un but déterminé et pour l'exercice d'une compétence
facultative. Elle n'a pour objet ni de créer ni de transférer à ces dernières
de
nouvelles
compétences,
ainsi
que
l’a
rappelé
le
Conseil
Constitutionnel dans sa décision n°2003-474 DC du 17 juillet 2003.
Pour autant, elle revêt pour l’Etat un caractère obligatoire. L’Etat
est tenu d’effectuer le versement aux collectivités qui remplissent les
conditions posées par la loi, celles-ci étant tenues, en retour, de justifier
l’emploi des fonds reçus de l’Etat.
Par ailleurs, la validité des dispositifs adoptés par les départements
d’outre-mer est soumise à réglementation européenne. En effet, si la loi
programme pour l'outre-mer ne prévoit pas de limitation dans le temps du
dispositif de dotation de continuité territoriale, la validation des régimes
d'aide adoptés par les départements d’outre-mer est soumise à un
réexamen périodique de la Commission européenne.
2 -
Des modalités de répartition fixées par l’Etat
La dotation fixée au titre d’un exercice budgétaire fait l’objet d’une
répartition entre les collectivités dans les conditions fixées par le décret
n°2004-100 du 30 janvier 2004, en tenant compte notamment de
l’éloignement de chacune d’entre elles avec la métropole. La moitié de la
dotation est attribuée proportionnellement au produit de la distance par la
population ; l’autre moitié proportionnellement au produit de la distance
par le trafic. Ce produit est affecté d’un coefficient correcteur (basé sur le
critère de facilité d’accès à l’aéroport et une condition de concurrence
entre les compagnies aériennes).
Ce mode de calcul est peu contesté, sauf à Mayotte, où la plupart
des communes de l’île n’ont pas accès à l’aéroport par la route.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
325
B - Un montage financier incertain
1 -
Des financements complémentaires défaillants
La dotation, à l’origine imputée sur un compte d’affectation
spéciale (FIATA) est désormais inscrite sur le budget général de l’Etat et
classée dans la mission Outre-mer, programme 123 « conditions de vie
outre-mer » (action 3). Son montant, fixé à 30 M€ en 2004, est indexé sur
la dotation globale de fonctionnement de l’Etat aux collectivités locales.
Il atteint 32,6 M€ en 2007.
Il était prévu à l’origine que l’enveloppe de l’Etat soit abondée à
parité par des crédits européens et une contribution des collectivités
concernées, portant ainsi le financement total du dispositif à 90 M€. Ce
principe
de
financement
tripartite
a
été
repris
par
le
Conseil
constitutionnel, dans les considérants de sa décision susmentionnée.
Or, aucune collectivité d’outre-mer n’a souhaité participer
financièrement et l’Union européenne n’a pas donné suite aux attentes
des autorités françaises.
L’objectif initial était de permettre à 200 000 voyageurs de
bénéficier d’une aide moyenne de 150 €. Les résultats observés pour les
années 2005 et 2006 sont sensiblement inférieurs aux estimations :
(55 478 passagers aidés à hauteur de 22,4 M€ de crédits consommés, soit
400 €/passager en 2005 et de 63 776 passagers aidés à hauteur de
22,7 M€, soit 356 €/passager en 2006).
La Cour relève à la fois l’improvisation du mode de financement
initial, ainsi que l’absence des abondements additionnels, et par voie de
conséquence la remise en cause de l’économie du dispositif lui-même,
dès lors que l’effet de seuil escompté n’est pas atteint pour répondre au
public ciblé. Ainsi, la région Guyane refuse le bénéfice du dispositif en
invoquant l’insuffisance de la subvention au regard des besoins et
l’impossibilité de définir des critères objectifs et non discriminatoires
entre les résidents. La région estimerait en outre plus adéquat d’aider les
déplacements à l’intérieur de son propre territoire.
En outre, si certains éléments récemment introduits dans le
dispositif de gestion de la dotation sont de nature à assouplir la gestion
budgétaire de la dotation par l’Etat (fongibilité des crédits à l’intérieur du
programme 123, échelonnement des versements),
l’ouverture du bénéfice
de l’aide aux ultramarins résidant en métropole (à la condition que la
collectivité le décide) paraît à l’inverse propre à déstabiliser davantage le
dispositif et à l’éloigner des objectifs initiaux.
326
COUR DES COMPTES
2 -
Un contexte de hausse des tarifs aériens
La hausse des tarifs aériens observée au cours des dernières années
est en partie liée à des décisions de la puissance publique :
−
les obligations de service public dont l’instauration a été
autorisée par les instances européennes, parmi lesquelles
figurent notamment l’exploitation des lignes tout au long de
l’année,
avec
au
moins
une
fréquence
hebdomadaire,
l’existence d’un tarif enfant et l’acceptation des évacuations
sanitaires ;
−
les taxes sur le transport aérien, notamment les taxes
d’aéroport, alourdies par les nouvelles mesures de sûreté
imposées
par
la
réglementation
communautaire
et
internationale, relativement élevées dans les aéroports d’outre-
mer (leur taux dépasse d’environ 50 % celui de l’aéroport
d’Orly).
Ces prélèvements, qui s’ajoutent à la très forte hausse du prix du
kérosène, influent directement sur le coût du transport aérien, au point
qu’on est en droit de se demander si une part significative de l’aide à la
personne liée à la dotation de continuité territoriale n’a pas pour seul effet
de compenser l’augmentation de l’ensemble de ces charges.
3 -
La lente mise en place du dispositif
L’action 3 du
programme
123 « conditions de vie outre-mer » de
la mission « outre-mer » est dotée, en loi de finances pour 2006, de
52,57 M€ en AE et en CP, dont 31,8 M€ pour la dotation de continuité
territoriale aérienne avec l’outre-mer.
Le régime des aides s’est mis en place tardivement, les
délibérations des collectivités s’échelonnant du 6 janvier 2004 pour la
Guadeloupe au 18 novembre 2004 pour Saint-Pierre et Miquelon, la
notification de la délibération de la Réunion n’ayant elle-même été
notifiée qu’en juillet 2005. Cette situation a induit des lenteurs dans la
délégation et la consommation des crédits, conduisant à de nombreux
reports de crédits en 2004 et 2005. Ainsi, au cours de l’année 2005,
Mayotte et la Guadeloupe avaient consommé la presque totalité de leurs
crédits, alors que la Martinique et la Réunion avaient utilisé moins de 4 %
des crédits attribués, le taux de consommation des quatre autres
collectivités se situant entre 63 et 83 %.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
327
Comme l’indique le tableau ci-dessous, la Martinique a commencé
à rattraper son retard en 2006, la Réunion restant quant à elle encore très
en
retrait avec le plus faible taux de consommation de l’ensemble :
en €
Crédits
attribués
(1)
Crédits
délégués
(2)
Crédits
consommés
(3)
Taux
(3)/(2)
Martinique
5 047 554
3 370 989
2 762 810
82 %
Guadeloupe
6 056 938
6 064 225
3 782 364
62 %
Guyane
1 948 910
0
0
0
Réunion
8 611 697
5 893 225
3 442 590
58 %
Mayotte
1 664 915
1 664 915
1 719 241
103 %
St Pierre et
Miquelon
122 115
122 115
173 270
142 %
Wallis et Futuna
280 240
280 240
354 755
127 %
Nouvelle
Calédonie
3 952 445
3 952 445
4 425 897
112 %
Polynésie
française
4 147 295
4 147 295
6 038 265
146 %
Total
31 832 109
25 495 449
22 699 192
89 %
Source MEDETOM
II
-
Des collectivités peu impliquées
A - Les critères d’attribution et la gestion des aides
La lente appropriation du dispositif de la dotation de continuité
territoriale
par
les
collectivités
s’est
accompagnée
de
fréquents
ajustements des critères d’admission au bénéfice de l’aide.
1 -
Des régimes d’aides au contenu disparate
Les régimes adoptés par l’ensemble des collectivités reposent sur
un panachage des critères de sélection des bénéficiaires et des taux de
prise en charge.
328
COUR DES COMPTES
La liberté laissée aux collectivités de déterminer les critères
d’attribution de l’aide a conduit, dès la mise en place du dispositif, à
l’adoption de deux types différents de régimes : une aide bénéficiant à
tous les résidents (Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna) et une
approche catégorielle qui réserve l’aide à certains publics cibles (les
autres collectivités). De sensibles disparités en résultent pour les
bénéficiaires selon leur collectivité d’appartenance.
Par ailleurs, deux types de barème d’aides ont également été
adoptés : le forfait en deniers (système le plus répandu), et le pourcentage
de réduction du prix du billet pour certaines catégories particulières de
bénéficiaires (jusqu’à 90 % du prix du billet)(cf. annexe).
La région Guyane a dès l’origine refusé le bénéfice du dispositif.
Bien que la position de la région n’ait pas évolué, le ministère de l’outre-
mer a provisionné, année après année, les crédits qui lui étaient réservés.
Dans l’espoir de contourner cette situation de blocage, le gouvernement a
introduit dans la loi du 17 février 2007 portant diverses dispositions pour
les DOM la possibilité pour le département de se substituer à la région si
celle-ci persiste dans son rejet.
Un blocage comparable est intervenu à l’été 2007 à la Réunion, le
conseil régional contestant le régime appliqué aux collectivités d’outre-
mer par rapport à la Corse et le non versement de la subvention au titre de
2007 par le représentant de l’Etat, en attente de données sur la gestion du
dispositif. La situation a, semble-t-il, été débloquée en septembre avec le
versement des crédits attendu.
2 -
Une gestion parfois critiquable
Dans la mesure où la gestion administrative et financière de l’aide
relative à la continuité territoriale relève de la responsabilité exclusive des
collectivités territoriales concernées, celles-ci ont défini elles-mêmes les
procédures et modalités de mise en oeuvre, aucune instruction ou
circulaire de l’Etat n’étant intervenue à cet effet.
Il en est de même pour la gestion des aides, qui peut être assurée
en régie directe par les services des collectivités ou faire l’objet d’une
externalisation, en tout ou partie, au profit d’un opérateur désigné à cet
effet. En fait, toutes les collectivités ont opté pour une gestion du
dispositif par leurs propres services.
Les huit collectivités concernées ont toutes adopté la procédure du
bon de réduction : l’aide est versée au résident sous la forme d'un bon de
réduction à valoir sur l'achat d'un billet d'avion, la collectivité
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
329
remboursant ensuite à la compagnie aérienne ou à l'agence de voyages le
montant de la réduction correspondante.
Le rôle des émetteurs de billets doit faire l'objet d'un descriptif
détaillé concernant la remise du bon à la caisse par le service gestionnaire,
les normes de validité du bon et ses conditions d'acceptation, les effets sur
le prix du titre de transport, la comptabilisation et la conservation des bons
utilisés ainsi que la confection des états de remboursement.
Plusieurs aspects de cette gestion par les collectivités méritent d’être
évoqués, certains appelant des critiques sévères :
a)
La consommation de la subvention
La consommation des crédits s’avère, selon les régimes d’aide
adoptés et le mode de gestion retenu, ou trop rapide, ou trop faible.
Elle a par exemple été trop rapide en Polynésie française, à
Saint Pierre et Miquelon, à Mayotte. Ainsi le guichet des aides a dû être
fermé en cours d’année par plusieurs collectivités, en raison de
l’insuffisance de crédits. Elle a été trop faible jusqu’en 2006 à la Réunion,
en raison du retard pris par la collectivité dans la mise en place du
dispositif.
Par ailleurs, en 2005, il a été relevé qu’une partie de la prise en
charge par l’Etat du rapatriement des passagers, de la Réunion en
métropole, suite à la défaillance de la compagnie aérienne Air Bourbon, a
été imputée par le ministère de l’Outre-Mer sur les crédits de la dotation de
continuité territoriale (98.391€). Le financement de façon indifférenciée du
transport de la totalité des passagers, notamment de ceux résidant en
métropole, s’est ainsi effectué de façon non conforme à la destination des
crédits et en dehors du respect des critères d’attribution en vigueur. .
b)
Les bons de réduction
Les huit collectivités ayant adopté la procédure du bon de réduction,
la principale difficulté réside dans la durée de validité des bons de
réduction qui peut entraîner des effets d’aubaine, mais aussi gêner la
prévision budgétaire.
Plusieurs collectivités n’ont fixé aucune durée de validité aux bons
de réduction.
Ainsi, en Nouvelle Calédonie, il est possible d’obtenir un bon en
cours d’année n (année de faibles revenus par exemple) et de l’utiliser
l’année suivante. Ce cas est fréquent pour les fonctionnaires métropolitains
nouvellement arrivés en cours d’année et qui, de façon abusive, ne
330
COUR DES COMPTES
déclarent la première année que les seuls revenus perçus en Nouvelle-
Calédonie.
Aucune règle de conservation du titre de transport aidé n’a été
établie en Polynésie française, ou à la Réunion. A contrario, la
Guadeloupe a réduit à 3 mois le délai d’utilisation des bons, fixé à
l’origine à un an, une
trop longue durée de validité des bons rendant
difficile la prévision des règlements.
c)
Les relations avec les émetteurs de billets
Les émetteurs de billets se font rembourser ex post par la
collectivité le montant total des réductions qu’ils ont consenties sur les
billets délivrés. Toutes les collectivités paraissent s’être dotées des
moyens de vérifier, au stade de la liquidation, le calcul des factures
présentées. La plupart sont dotées d’outils de suivi, dont elles se sont
efforcées d’améliorer les performances au cours des années. On peut
regretter
cependant,
de
façon
générale,
l’absence
de
données
économiques sur la politique tarifaire des compagnies.
d)
Le cas particulier de la Polynésie française
Mis en place dès le 1
er
mai 2004, le dispositif, financé
exclusivement par une dotation annuelle de l’Etat d’environ 500 MF CFP
(4 190 000 €), a permis à quelque 5 000 résidents par an de voyager, pour
presque la moitié d’entre eux dans le cadre de déplacements
« associatifs ». Ces résultats sont très éloignés, non seulement des
objectifs du dispositif national, mais aussi des attentes exprimées lors de
la mise en place du régime d’aide qui ambitionnait de faire bénéficier
annuellement
15 000
résidents
d’une
aide
individuelle
de
30 000 F CFP (251,40 €).
Le dispositif initial s’est très rapidement écarté des motivations
exprimées par l’Etat, l’aide à orientation sociale étant devenue, « à titre
dérogatoire », une aide à vocation quasi universelle. Elle a bénéficié
notamment à des personnes se déplaçant à l’occasion de voyages
collectifs à des fins éducatives, culturelles ou sportives, sans conditions
de ressources. Parallèlement, le montant des aides est devenu plus
attractif,
les
déplacements
organisés
par
une
association
étant
subventionnés à hauteur de 90 % du prix du billet.
L’effet combiné de ces mesures a conduit à un épuisement rapide
de l’enveloppe financière affectée au dispositif et à l’abandon des
objectifs quantitatifs et qualitatifs qui lui étaient initialement assignés.
Ces difficultés ont abouti à trois reprises en deux ans à une décision de
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
331
suspension temporaire du service, la dotation de l’Etat ne suffisant plus
au financement du dispositif.
L’élargissement
des
publics
bénéficiaires
a
entraîné
un
fonctionnement erratique du régime d’aide, qui a parfois favorisé les
effets d’aubaine et les abus. Ainsi en a-t-il été :
•
des demandes émanant d’associations sans exiger une durée de
vie associative minimale, situation qui s’est traduite par une
hausse significative des créations d’associations de circonstance ;
•
des aides accordées dans une précipitation injustifiée (par
exemple pour la participation à l’animation de l’opération « Paris
Plage ») ;
•
des abus manifestes quant aux bénéficiaires (exemple d’agents
publics de haut niveau bénéficiant des aides par l’intermédiaire
d’associations).
Enfin, bien que la réglementation ait limité l’aide au passage à une
seule prise en charge par an, plus de 80 personnes ont bénéficié de deux
passages par an : une première fois en qualité de membre d’une
association, une
seconde à titre individuel (ou vice versa).
Fort opportunément, afin que cessent les effets d’aubaine et
certaines situations jugées « scandaleusement abusives » par le Président
de la collectivité lui-même, dans sa réponse aux observations provisoires
de la Chambre régionale, les autorités polynésiennes ont réagi.
L’encadrement réglementaire et la gestion des demandes d’aide
ont cependant été substantiellement modifiés, le 15 mai 2007, par
l’adoption de mesures qui vont dans le sens des recommandations de la
Cour : aide personnelle, réduction de la prise en charge, meilleur tarif et
diffusion plus équitable de l’aide au voyage. En outre, l’annonce de
l’engagement imminent de discussions avec les compagnies aériennes,
portant notamment sur la tarification, contribue, dans l’état actuel d’un
financement limité à la dotation de l’Etat, à replacer la question du prix
du billet au centre des contraintes de gestion du dispositif.
B - Le refus de la participation au financement du
dispositif
A ce jour, soit quatre ans après l’instauration du dispositif, aucune
collectivité d’outre-mer n’a décidé de participer financièrement à cette
politique publique.
332
COUR DES COMPTES
Seule la collectivité de Saint-Pierre et Miquelon a abondé la
dotation de l’Etat (à hauteur de 12 446 € en 2006). Elle a toutefois
souligné le caractère exceptionnel de cette opération destinée à éviter la
fermeture du guichet. Mais cela n’empêche pas certaines collectivités
d’omettre, à l’exemple de la Nouvelle Calédonie et de la Martinique, dans
leur publicité sur le dispositif d’aide, de mentionner qu’il s’agit d’un
financement de l’Etat.
Au surplus, en dépit des efforts de l’Etat pour les impliquer, rien
n’indique à ce jour une évolution de la position des collectivités dans le
sens d’une participation de leur part au dispositif de continuité territoriale.
III
-
Une évaluation embryonnaire par l’Etat
S’agissant d’une subvention publique, il appartient à l’Etat
d’évaluer la politique mise en place.
A cet effet, le décret susvisé du 30 janvier 2004 prévoit la
transmission au ministère de l’outre-mer, via le représentant de l’Etat, de
comptes rendus semestriels et de bilans annuels.
En dépit des efforts du ministère, les bilans annuels transmis par
les collectivités n’ont pas encore atteint le degré de précision propre à
permettre le suivi efficace par l’Etat de la mise en oeuvre des différents
régimes d’aide par les collectivités.
A titre d’exemple, le choix des critères et, secondairement, la durée
de validité des bons de réduction sont des facteurs qui influent sur la
consommation de la dotation, mais les données collectées par le ministère
sont incomplètes pour apprécier l’origine de la forte progression des bons
non utilisés en 2006.
En outre l’observatoire de la desserte aérienne pour les
départements d’outre-mer n’a pas rempli son rôle en matière de tarifs
aériens. Il n’a pas été en mesure de fournir des données à jour et fiables
permettant de nourrir une analyse économique propre à définir une
meilleure politique en matière de fixation des prix des passages aériens
entre l’outre-mer et la métropole.
A cet égard, dès lors que le choix serait fait de maintenir le
dispositif actuel, les efforts engagés par le ministère de l’outre-mer
doivent être poursuivis et les représentants de l’Etat invités à s’impliquer
davantage dans l’évaluation de l’utilisation des crédits, implication
d’autant plus fondée que la responsabilité qu’ils exercent dans le domaine
de la gestion des crédits délégués leur donne la possibilité de surseoir au
versement des crédits en cas de comptes rendus insuffisants.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
333
______________________
CONCLUSION
_____________________
Après quatre années de mise en oeuvre, la politique de continuité
territoriale aérienne avec l’outre-mer est globalement un échec par
rapport aux objectifs fixés par le législateur.
La masse critique d’un financement associant l’Etat, les
collectivités territoriales d’outre-mer et l’Europe est loin d’avoir été
atteinte, si bien que la seule dotation de l’Etat n’a pas permis de servir à
toute la population concernée une aide significative.
Laissant aux collectivités bénéficiaires de la dotation le soin de
fixer elles-mêmes les critères d’attribution, il est résulté du dispositif une
situation confuse, des disparités selon les territoires et des effets
d’aubaine, propices à un usage détourné de ces concours financiers
publics.
Enfin l’Etat n’a pas mis en place un système d’évaluation fiable et
cohérent des effets de cette politique, se bornant à recevoir des
collectivités d’outre-mer des bilans eux-mêmes lacunaires et tardifs. A
l’évidence, la question de la poursuite
de cette
politique doit être
posée
car elle ne répond ni aux attentes des populations concernées, ni aux
ambitions du législateur.
334
COUR DES COMPTES
ANNEXE
2006
Barème
Collectivités
Catégories de
passagers
Montant de l’aide en
€
Montant
moyen
% du
prix
du billet
Majoration de
barème
12-30 ans
150 €
adulte
150 €
formation
examen
200 €
<12 ans
100 €
Guadeloupe
soumis à
condition de
ressources
sauf moins de 12
ans
revenus
modestes
200 €
168€
personnes non
imposables
étudiants (1)
Martinique
associations
217€
50%
26-60 ans non
imposables
30%
(<300 €)
autre âge, non
imposable
50%
(<500€)
évènement ou
handicap
50 %
100%
La Réunion
mobilité
éducative (2)
337€
100%
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
335
Mayotte
personnes à
ressources
modestes et leurs
ayants droit (3)
650€
10 à
80%
100%
adultes
St Pierre
260€
- 12
ans
Miquelon
290€
adultes
St Pierre
200€
St Pierre et
Miquelon
ensemble des
passagers
- 12
ans
Miquelon
220€
253€
enfant ayant droit
de 2 à 12 ans
293,30€
adultes et enfants
plus de 12 ans
502,80€
Nouvelle
Calédonie
personnes à
ressources
modestes et leurs
ayants droit d’au
moins 2 ans (4)
adultes non à
charge de 18 à 27
ans
838,00€
492€
Doublement
pour
personne
accompagnant
un malade
> 12 ans et adultes
670,40€
1378€
personnes à
ressources
modestes et ayants
droit > 2 ans (5)
enfants (2 à 12
ans)
502,80€
Polynésie
française
passagers « motifs
spéciaux » (6)
90%
Wallis et
Futuna
ensemble des
passagers
631€
30%
50%
Source Medetom
(1)
étendu aux scolaires, collégien, lycéens – passage au taux d’aide de 50% en octobre 2006
(2)
lycéens, étudiants et autres demandeurs de formation
(3)
taux fonction du quotient familial et pour des billets limités à 1200€ ; un quota de billets
réservé de 40% pour les domaines thématiques, jusqu’à fin septembre
(4)
dont l’impôt sur le revenu est inférieur à 2514€
(5)
dont les ressources mensuelles sont inférieures à 3xSMIG (personne seule) ou 4xSMIG
(couple)
(6)
étudiants, groupes associatifs, évasan (évacués sanitaires)
336
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE D’ÉTAT, MINISTRE DE L’ÉCOLOGIE,
DU DÉVELOPPEMENT ET DE L’AMÉNAGEMENT DURABLES
L’insertion de la Cour des comptes sur « la dotation de continuité
territoriale aérienne avec l'outre-mer »
appelle de ma part les éléments de
réponse suivants.
1. S’agissant de l’absence de financements complémentaires
La Cour estime que l’absence de financements complétant la dotation
versée par l’Etat a pour conséquence « la remise en cause de l’économie du
dispositif lui-même, dès lors que l’effet de seuil escompté n’est pas atteint
pour répondre au public ciblé » et le fait que « à l’évidence, la question de la
poursuite de cette politique doit être posée car elle ne répond ni aux attentes
de la population concernée ni aux ambitions du législateur ». Cette analyse
me semble devoir être nuancée.
La dotation de continuité territoriale permet aux collectivités
d’accorder des aides de nature sociale à leurs résidents. La notion de masse
critique ou de seuil de financement n’est guère pertinente, s’agissant d’un
dispositif d’aides individuelles. La politique des collectivités d’outre-mer
aurait pu être critiquée si elles avaient choisi un saupoudrage des aides en
aidant d’un faible montant un grand nombre de bénéficiaires. Or la majorité
des collectivités a choisi d’accorder des aides d’un montant significatif par
rapport au prix du billet, en ciblant précisément les catégories de voyageurs
dont la mobilité est la plus entravée par le coût du transport.
Il est difficile de remettre en cause les aides qui sont aujourd’hui
accordées à certaines catégories de résidents d’outre-mer au motif que
d’autres catégories de résidents ne peuvent y avoir accès en l’absence de
financements complémentaires, dès lors que les critères d’éligibilité sont
recevables. En l’occurrence, la plupart des collectivités ont défini l’éligibilité
en fonction de seuils de ressources ou du motif du déplacement
(accompagnement d’évacuation sanitaire, prise d’emploi ou passage
d’examen…). Ces critères de sélection ne paraissent pas discriminatoires. Ils
correspondent aux personnes qui rencontrent le plus de difficultés
financières ou celles contraintes, par le caractère imprévisible de leur
déplacement, d’acheter des billets à un tarif élevé.
La Cour met l’accent sur l’absence de mise en oeuvre dans la région
Guyane, laquelle refuse le bénéfice du dispositif en invoquant l’impossibilité
de définir des critères objectifs et non discriminatoires entre les résidents.
Toutefois, l’exemple des huit autres collectivités montre qu’il est possible de
définir de tels critères. En outre, la Cour regrette l’ouverture par la loi du
21 février 2007 du bénéfice des aides aux ultramarins résidant en métropole,
qui lui paraît éloigner le dispositif de ses objectifs initiaux ; le souhait de la
région Guyane de pouvoir aider les déplacements à l’intérieur de son
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
337
territoire au moyen de la dotation de continuité territoriale pourrait appeler
la même critique. Il convient à cet égard de rappeler que l’Etat participe
d’ores et déjà au financement des liaisons aériennes de service public
intérieures à la Guyane, pour un montant annuel de l’ordre de 1,5 M€.
2. S’agissant de la hausse des tarifs
Les taux de la taxe d’aéroport ne sont pas plus élevés dans les
aéroports d’outre-mer que dans les aéroports de métropole comparables. Les
aéroports d’outre-mer, comme la majorité des aéroports de métropole,
relèvent tous de la classe des aéroports dont le trafic est compris entre 5 000
et 4 000 000 de passagers pour lesquels le plafond de la taxe est fixé à 11 €.
Le taux de la taxe est fixé à ce plafond pour 80 % des aéroports de cette
classe.
Si le produit de la taxe d’aéroport a augmenté sur les aéroports
d’outre-mer de 18 % en 2006 par rapport à 2005, c’est en raison de
l’extension, le 1
er
juillet 2006, des dispositions relatives à la taxe d’aéroport
aux aéroports d’Etat de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française.
A périmètre constant, compte tenu du plafonnement des taux, l’augmentation
des prélèvements sur les aéroports d’outre-mer est du même ordre de
grandeur que sur les petits et moyens aéroports de métropole.
La Cour se demande si une part significative de l’aide à la personne
liée à la dotation de continuité territoriale n’a pas pour seul effet de
compenser l’augmentation de l’ensemble des charges pesant sur le transport
aérien. Cette question pourrait effectivement se poser si des aides peu élevées
étaient octroyées à une très large partie des résidents de l’outre-mer. Le
choix des collectivités territoriales d’attribuer des aides d’un montant
significatif sur la base de critères sélectifs permet d’apporter une réponse
négative à cette question.
3. S’agissant de la diversité des régimes d’aides
La Cour porte une appréciation négative sur la diversité des
modalités d’attribution des aides de continuité territoriale selon les
collectivités concernées, qualifiant cette situation de disparate et confuse.
Chacune des collectivités d’outre-mer a ses spécificités, y compris en
matière de desserte aérienne. A titre d’exemple, les problématiques de
transport aérien sont radicalement différentes entre Saint-Pierre-et-
Miquelon, reliée à la métropole via une escale au Canada par un appareil à
hélices de 50 places, et les Antilles, reliées à Paris par plusieurs vols directs
transportant chaque jour un nombre important de passagers.
La situation de chaque collectivité appelle donc une réponse
spécifique et c’est pourquoi il est apparu légitime de confier aux collectivités
concernées la responsabilité de retenir les critères les plus pertinents en
fonction des besoins de leur population, sous le contrôle de l’Etat pour ce qui
concerne la compatibilité avec l’encadrement communautaire des aides
d’Etat, là où il est applicable.
338
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS
ET DE LA FONCTION PUBLIQUE
Le rapport estime non atteints les objectifs assignés par le législateur
à la politique de continuité territoriale aérienne avec l’outre-mer. La
précarité du montage financier d’une part, et l’absence de réel pilotage
d’autre part, restreindraient en effet la capacité de la seule dotation de
continuité territoriale à satisfaire les ambitions initiales, s’agissant
notamment du nombre de passagers aidés.
L’architecture qui a présidé à l’instauration de la politique de
continuité territoriale aérienne reposait en effet sur un investissement
significatif des partenaires locaux, à due concurrence de celui de l’Etat. Ce
partenariat entre l’Etat et les collectivités, financier tout d’abord, devrait
permettre de mobiliser les fonds nécessaires à la prise en charge d’un
nombre important de voyageurs. Cette coopération imposait alors de définir
les modalités de coordination et de pilotage de cette politique.
Or l’absence de participation financière des collectivités depuis
l’instauration du dispositif d’une part, et le caractère partiels des restitutions
d’informations transmises à l’Etat d’autre par, ont fragilisé cette
architecture, sans que les objectifs soient infléchis. En dépit de certaines
améliorations récentes, la mise en oeuvre des actions en faveur de la
continuité territoriale reste peu suivie. L’avenir de ce dispositif est donc
étroitement dépendant de la capacité de chacun des acteurs à respecter
l’architecture originelle, ce qui nécessite notamment, une participation
financière des collectivités territoriales.
Un des enjeux réside également dans le renforcement de l’évaluation
du dispositif. L’annexe relative à la continuité territoriale du document de
politique transversale « Outre-mer », réalisée dans le cadre du projet de loi
de finances pour 2008, marque un premier pas dans cette direction.
Soucieux de sensibiliser les collectivités au développement du suivi
des actions entreprises, l’Etat a décidé, pour l’année 2007, de lier
explicitement le versement de la dotation à l’amélioration des informations
transmises par les collectivités. L’article 3 de l’arrêté du 16 janvier 2007
fixant pour l’année 2007 la répartition de la dotation la répartition de la
dotation de continuité territoriale dispose ainsi que la dotation est désormais
versée en plusieurs tranches, sur la base des comptes rendus et bilans
transmis. La participation effective de l’Etat sera donc déterminée par le
montant des dépenses réelles effectuées et explicitées par les collectivités,
dans la limite du montant des crédits fixés par l’arrêté mentionné ci-dessus.
Enfin, la réflexion conduite dans le cadre de la révision générale des
politiques publiques portant sur l’outre-mer s’attachera à remettre en
perspective les finalités de la politique de continuité territoriale et en
conséquence, les modalités pratiques de sa mise en oeuvre.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
339
RÉPONSE DU SECRÉTAIRE D’ÉTAT CHARGÉ DE L’OUTRE MER
Vous avez bien voulu me transmettre l'insertion sur la dotation de
continuité territoriale aérienne avec l'outre-mer, dotation qui a été mise en
place par l'article 60 de la loi programme pour l'outre-mer n° 2003-660 du
21 juillet 2003.
Le dispositif législatif de la dotation de continuité territoriale a été
mis en place en 2004 et a fait l'objet d'un premier rapport de votre juridiction
fm 2005. Les orientations formulées, l'analyse de la gestion des régimes
d'aide mais aussi l'initiative parlementaire ont conduit à des évolutions
récentes.
Ainsi, l'article 122 de la loi de finances pour 2007 a introduit le
principe du reversement sur le passeport mobilité des sommes non engagées
en fm d'exercice et, par la loi n° 2007-224 du 21 février 2007, la possibilité a
été donnée aux collectivités d'apporter une aide à des bénéficiaires non
résidents, dans des conditions très encadrées; cette loi permet également à
un département -de se substituer-à une région qui ne mettrait pas en place le
dispositif de continuité territoriale; elle clarifie enfin le principe d'une
dotation annuelle, dont les conditions de versement tiennent compte des
montants disponibles à la fm de l'exercice précédent dans les comptes de la
collectivité gestionnaire.
Le Gouvernement a pris toute la mesure des préconisations que votre
juridiction a formulées dans son rapport de 2005 et a déployé les efforts
nécessaires afin de s'assurer du bon usage et de la bonne gestion de cette
dotation.
En droit
Ceci s'est traduit en droit dans l'évolution législative rappelée ci-
dessus, et en particulier dans les conditions de versement à la collectivité, qui
sont clairement le fruit de cette volonté de maîtriser le régime d'aide; la
prolongation par voie réglementaire et de lettre circulaire des ajustements
apportés à ce dispositif n'a pas manqué de susciter, dans les collectivités, des
actions de recentrage sur les objectifs initiaux de la loi de programme pour
l'outre-mer de 2003.
Du point de vue réglementaire, l'arrêté du 16 janvier 2007 de
répartition de la dotation et pris en application du décret du 30 janvier 2004
a introduit une disposition encadrant le versement de la dotation à la
collectivité et les remontées d'informations sur la gestion aux préfets et
hauts-commissaires.
S'agissant des instructions adressées au niveau local sur les
conditions de la gestion, elles ont été données par le biais des remontées
statistiques semestrielles et du bilan annuel. En effet, compte tenu de ce que
340
COUR DES COMPTES
la loi de programme pour l'outre-mer a entendu donner aux collectivités la
responsabilité de déterminer les conditions de l'aide au passage aérien
financée par la dotation de continuité territoriale, une circulaire adressée
aux collectivités mêmes aurait empiété sur leur compétence, garantie par le
principe de libre administration. Aussi, la lettre circulaire aux préfets et
hauts-commissaires du 20 mars 2007 a permis d'apporter aux collectivités,
au travers des informations demandées par les représentants de l'Etat, les
orientations décidées par le Gouvernement, et de suivre au plus près les
dépenses et les reliquats.
En fait
Cette action sur le plan du droit s'est accompagnée de mesures
concrètes du secrétariat d'Etat chargé de l'outre-mer destinées à garder la
maîtrise de l'utilisation de cette aide, comme ceci a été le cas envers la
région de l'Ile de la Réunion, où le préfet a suspendu les versements dans
l'attente de la production par la collectivité des pièces justificatives de son
utilisation.
Vous rappelez le défaut de contrôle interne et les irrégularités
constatées dans la gestion de la dotation de continuité territoriale par la
collectivité de Polynésie française. S'agissant là, effectivement, d'une
utilisation de l'aide non conforme à son objet, les versements des crédits à la
collectivité ont été suspendus, et le hautcommissaire a confié au trésorier-
payeur général la réalisation d'une mission d'audit comptable du dispositif
de continuité territoriale.
Les objectifs maintenus: aider dans l'équité
L'instauration de la dotation de continuité territoriale par la loi du
21 juillet 2003 répondait à la volonté de favoriser le passage des ultra-
marins vers la métropole, tout en respectant le principe de l'équité.
Du point de vue de l'atteinte de l'objectif, l'avis de la Cour demande à
être tempéré. Car si, dans l'esprit de la loi de 2003, la dotation de continuité
territoriale se concevait comme une aide conjointe de l'Etat et des
collectivités d'outre-mer et de la Communauté européenne, le défaut de
contribution de ces deux derniers acteurs n'en a pas pour autant réduit
l'efficience du dispositif. Les bénéficiaires de la dotation reçoivent en effet
une aide substantielle pour le financement de leur passage aérien,
majoritairement située entre 30 % et 50 % du prix du billet. Ce résultat a pu
être obtenu par le resserrement du champ des bénéficiaires, sous l'effet des
critères d'attribution. Une limitation admise par tous consiste à n'offrir
qu'une aide par an.
L'aide au passage aérien est une nécessité alors même que le
transport aérien s'est démocratisé et est devenu incontournable sur ces
distances. Si l'on devait y mettre fin, ce serait avant tout les citoyens
ultramarins les plus défavorisés qui en subiraient les conséquences. La
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
341
dotation de continuité territoriale représente donc un moyen d'assurer
l'équité au sein de la société. Le renchérissement du transport aérien depuis
lors, en raison notamment de l'élévation du prix des carburants, souligne
d'autant plus la pertinence de l'aide aux usagers de ce mode de transport.
Dotation de continuité territoriale et coût du transport aérien
La Cour fait un lien entre la mise en place de la dotation de continuité
territoriale et la hausse des tarifs du transport aérien, notamment la hausse
des taxes et redevances.
Du simple point de vue des taxes et redevances, il est important de
souligner que la hausse tarifaire s'inscrit dans un contexte de plus grande
exigence en termes de sûreté et de respect environnemental, avec notamment
l'extension prochaine à l'aviation du système européen d'échange de droits
d'émission de gaz à effet de serre. Toutefois, on constate que l'augmentation
des taxes et redevances a été contenue: en moyenne sur les cinq dernières
années et sur les aéroports de Fort-deFrance, Pointe-à-Pitre, Cayenne et
Saint-Denis, cette augmentation se situe à 3,7 % par an, loin du chiffre de
20 % représentant un pic momentané sur la seule taxe d'aéroport. Il convient
également de préciser que la taxe d'aéroport est reversée aux gestionnaires
d'aéroport et ne constitue pas une ressource pour l'Etat. Il apparaît donc que
la dotation de continuité territoriale est motivée par la nécessité de réduire la
cherté du transport sur ces liaisons et non pas par la volonté de corriger la
hausse intervenue sur le montant des taxes.
Le Gouvernement est conscient des difficultés inhérentes à ce type de
système d'aide au passage aérien et poursuit la réflexion sur les moyens de
les résoudre. A ce jour, une profonde évolution est en projet, prévoyant une
fusion des deux systèmes existants, la dotation de continuité territoriale et le
passeport mobilité, en observant les conclusions que votre juridiction a
émises lors de son premier rapport de décembre 2005 ainsi que celles que
vous avez bien voulu me transmettre dans votre dernier courrier.
342
COUR DES COMPTES
RÉPONSE DU PRÉSIDENT DU CONSEIL RÉGIONAL
DE LA RÉUNION
Cette insertion fait, sans en expliciter les motifs, le double constat
pour la Réunion :
- d’une mise en place tardive du régime d’aide de continuité
territoriale conduisant à des lenteurs dans l’utilisation des crédits délégués ;
- et du refus de la collectivité régionale de participer financièrement à
cette politique publique.
Concernant les raisons motivant l’application tardive du dispositif de
continuité territoriale, je souhaite vous apporter les éléments de réponse
ci-après.
1) Dès l’examen de la loi-programme du 21 juillet 2003, la Région a
affiché une position critique sur l’inégalité de traitement entre les
départements et collectivités d’outre-mer et la Corse en matière de
Continuité Territoriale.
La Région par une motion votée à l’unanimité lors de son assemblée
plénière du 23 octobre 2003 a demandé au gouvernement « d’attribuer aux
ressortissants de l’outre-mer une dotation de continuité territoriale évaluée
sur la base de celle attribuée aux ressortissants de la région Corse et dans
l’esprit de ce qui prévaut pour les Régions Ultrapériphériques espagnole et
portugaises ».
Cette motion établit ainsi le constat que la dotation par habitant est
évaluée à 11,5 € à la Réunion contre plus de 616 € par habitant en Corse.
Elle conclue que le dispositif institué pour l’Outre-Mer, tant par ses
modalités que par la modestie des moyens financiers mobilisés, est en
contradiction avec le principe proclamé de la Continuité Territoriale et
s’apparente à un dispositif de plus d’aide à la mobilité.
2) Malgré cela, la Collectivité s’est impliquée activement aux côtés de
l’Etat pour la création du dispositif.
Compte tenu du risque de superposition des aides à la mobilité à la
Réunion pouvant conduire à une double prise en charge, il était essentiel
d’engager une réflexion partenariale en amont de toute intervention.
Ainsi, au cours du premier semestre 2004, de nombreux échanges ont
eu lieu avec la préfecture, les organismes et les collectivités concernées par
des dispositifs d’aides à la mobilité. Ces discussions ont conduit à une
délibération de l’Assemblée Plénière du Conseil régional en date du 29 juin
2004 définissant les critères d’intervention du dispositif.
Par la suite, la Préfecture en date du 5 août 2004 a souhaité obtenir
des précisions sur le dispositif, notamment sur les modalités de gestion.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
343
Ces précisions ont été apportées par la délibération de la Commission
permanente du 14 septembre 2004 mettant en oeuvre les principes de
continuité territoriale définis lors de l’Assemblée Plénière du 29 juin 2004.
Cette délibération a été transmise au ministère de l’Outre-Mer et à la
Préfecture le 21 septembre 2004 en vue de la notification du régime d’aide
auprès de la Commission Européenne.
3) La procédure de notification s’est avérée être une procédure
longue de 9 mois.
Rappelons à cet égard que la notification en l’espèce est adressée à la
préfecture pour transmission au ministère des Transports, lequel vérifie la
conformité du dispositif (en l’espèce un régime d’aide à caractère social)
avec les règles nationales avant de l’adresser à l’Union Européenne
(services de la commission) via le représentant permanent de la France à
Bruxelles. Ce dernier effectue alors les démarches nécessaires auprès de la
Commission Européenne qui a deux mois pour répondre et ce délai est
suspendu jusqu’à obtention des informations réclamées par l’UE.
Ainsi, le représentant de la France a déposé auprès de la Commission
Européenne le dossier de notification du régime d’aide le 9 novembre 2004.
Le 9 février 2005, soit trois mois plus tard, la Commission
Européenne accuse réception du dossier de notification et demande des
informations complémentaires relayées par le ministère français des
transports le 17 février 2005.
Le 26 mai 2005 soit presque deux mois plus tard, le représentant de la
France transmet ses réponses aux instances Européennes.
Au vu des retards pris dans cette procédure de notification qui ne lui
incombent pas par ailleurs, la Région a décidé de démarrer le dispositif le
1
er
juillet 2005, alors que l’agrément du régime d’aide par la Commission
européenne n’est intervenu que le 20 juillet 2005.
Il en découle que la mise en oeuvre du dispositif dès l’année 2004
était illusoire, et que cet aspect ne pouvait pas être ignoré par les ministères
concernés.
4) Aspects financiers
S’agissant de la participation financière de la Région à la politique
publique de continuité territoriale, il convient de rappeler que la mise en
oeuvre de ce principe relève d’une initiative de l’Etat, confiée à la Région
dans le cadre de dotations allouées à cet effet.
L’extrait du rapport de la Cour des Comptes relatif à la gestion de la
Continuité Territoriale par la Région Réunion, se basant sur des données
anciennes, fait également état de retard dans la mise en oeuvre de ce
344
COUR DES COMPTES
dispositif qui se traduit par un taux de consommation de crédits le plus faible
des collectivités bénéficiaires.
Ce constat est toutefois réducteur car après deux adaptations du
régime d’aide, le dispositif de Continuité Territoriale a atteint son rythme de
croisière en 2007.
Malgré les bilans transmis au représentant de l’Etat depuis le
18 février 2007 et le volume de financement justifié d’un montant total de
24 012 239 €
, l’Etat n’a pas versé à ce jour le solde de la dotation 2007 d’un
montant de
3 329 204 €
.
De même, l’Etat reste redevable du solde des dotations des années
2005 et 2006 non perçues à ce jour pour un montant global de
9 714 263 €.
A cet égard, la Région a adressé le 3 septembre 2007 un recours
gracieux à Monsieur le Préfet de La Réunion pour le versement de ces
reliquats. Aucune réponse n’a été communiquée à la Région à ce jour.
Par conséquent, la collectivité régionale mettra en oeuvre un recours
en contentieux afin de recouvrer les sommes dues.
Aussi, étant donné que les engagements financiers de l’Etat au titre
des années 2005 à 2007 ne sont pas respectés et que les moyens alloués ne
sont pas mis en adéquation avec les besoins exprimés par la population,
traduisant une grosse demande sociale, la Région a été contrainte de
suspendre l’instruction des demandes d’aides depuis le 4 septembre 2007, et
s’interroge sur la poursuite du dispositif en l’absence d’éléments nouveaux.
D’ailleurs, une position similaire semble avoir été prise par la Région
Martinique qui vient d’arrêter le dispositif.
En conclusion, consciente de l’enjeu d’un tel outil de désenclavement
et d’ouverture, la Région Réunion souhaite que l’Etat prenne toute sa
mesure, et mobilise des moyens à la hauteur des attentes de la population
réunionnaise.
LA DOTATION DE CONTINUITÉ TERRITORIALE AÉRIENNE
AVEC L’OUTRE-MER
345
RÉPONSE DE L’ADMINISTRATEUR SUPÉRIEUR DU TERRITOIRE
DES ÎLES DE WALLIS-ET-FUTUNA
Rendu opérationnel au mois de juillet 2004 à Wallis et Futuna, le
versement tardif des crédits prévus, conjugué avec une connaissance
insuffisante du dispositif par le public, a conduit à des reports de crédits sur
2005 et 2006.
Le nombre de bénéficiaires n’a cessé d’augmenter depuis 2004 avec
pour conséquence un taux de consommation des crédits avoisinant 100 % à
la fin de l’année 2006 puisque seulement 1 503 € ont été reportés sur 2007.
L’ouverture du régime à tous les résidents sans prise en compte des
critères sociaux comme à Saint-Pierre et Miquelon, conjuguée avec une
tarification aérienne la plus élevée dans toutes les collectivités d’outre-mer et
une hausse importante des demandeurs, a nécessité la participation
financière du Territoire au budget supplémentaire 2007 à hauteur de
83 800 €. Cette situation va perdurer en 2008 et le Territoire sera
inévitablement amené à revoir les critères d’attribution de l’aide au passage
aérien compte tenu des moyens financiers dont il dispose, sauf si l’Etat venait
à revoir sa contribution à la hausse.
La participation financière du Territoire s’inscrit donc parfaitement
dans l’esprit d’origine lors de la mise en place du dispositif où il a été prévu
une contribution financière tripartie : Union européenne / Etat / collectivités
outre-mer.
Au demeurant, l’Administration a prévu de présenter à la session
budgétaire de l’Assemblée territoriale au mois de décembre 2007 une
réforme du dispositif allant dans le sens de la prise en compte des conditions
sociales des demandeurs d’aide à la continuité territoriale. Par ailleurs,
l’ouverture du bénéfice de l’aide aux ultramarins résidant en métropole par
la loi n° 2007-224 du 21 février 2007 est intégré dans le projet de texte.