ENTITÉS ET POLITIQUES PUBLIQUES
LE LOGEMENT EN
ÎLE-DE-FRANCE :
donner de la cohérence
à l’action publique
Rapport public thématique
Synthèse
Avril 2015
g
AVERTISSEMENT
C
ette synthèse est destinée à faciliter la lecture et l’utilisation du
rapport de la Cour des comptes.
Seul le rapport engage la Cour des comptes.
SOMMAIRE
3
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Introduction
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
5
1
Le logement en Île-de-France : une situation complexe,
une tension durable
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7
2
Un impact limité des politiques d’aménagement sur la production
de logements
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .9
3
Le logement social : des résultats insuffisants malgré des efforts
financiers importants
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .13
4
Le logement privé : des politiques aux résultats contrastés,
un ciblage à poursuivre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .21
Conclusion
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .25
Recommandations
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .27
INTRODUCTION
5
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La situation du marché du logement en Île-de-France se distingue très forte-
ment de celle du reste du pays, notamment par le niveau des prix immobiliers et
des loyers et par d’autres traits caractéristiques des zones où la situation du
marché du logement est dite « tendue » : difficultés de logement pour les
ménages de niveau de vie modeste ou moyen et forte segmentation géogra-
phique de l’habitat.
L’enquête de la Cour et de la chambre régionale des comptes d’Île-de-France
(1)
a cherché tout d’abord à prendre la mesure de cette situation de la région capi-
tale. Elle a examiné ensuite la mise en œuvre dans cette région de diverses inter-
ventions de la politique publique du logement.
Ces interventions s’inscrivent dans le cadre de règles générales d’utilisation des
sols et de gestion du parc de logements avec, notamment, une différenciation
marquée entre les secteurs locatifs privé et public. Elles tendent à répondre à de
nombreux objectifs : aider les ménages les plus modestes à accéder à un loge-
ment ; satisfaire dans les meilleurs délais la demande de logements locatifs ;
promouvoir la mixité sociale au sein des agglomérations ; améliorer et adapter
la qualité du parc privé ; promouvoir le développement durable dans le loge-
ment ; soutenir l’accession sociale à la propriété, etc. Enfin, ces interventions
sont affectées par l’évolution des modes de gouvernance et par les objectifs
d’aménagement propres à la région capitale.
Dans une zone aussi tendue que l’Île-de-France, ces règles sont complexes à
mettre en oeuvre et le risque peut apparaître, plus qu’ailleurs, de contradiction
entre les objectifs poursuivis.
Face à une situation à bien des égards préoccupante (I), la Cour constate les
limites des politiques menées en Île-de-France depuis une vingtaine d’années
dans trois domaines majeurs : l’aménagement, qui encadre et conditionne la
production de logements (II) ; le logement social (III) ; le logement privé (IV).
_______
(1) Dans la suite de la synthèse, il sera fait référence à la Cour des comptes.
6
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
INTRODUCTION
Géographie administrative de l
’Île-
de-France et densité
Source : APUR. Périmètre INSEE 2010, densité recensement 2009
7
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
1
Le logement en Île-de-France :
une situation complexe, une
tension durable
L’effort de construction de loge-
ments en Île-de-France, bien infé-
rieur aux prévisions, est très en deçà
de celui de la province. Les prix de
marché ont beaucoup augmenté du
fait d’une demande dynamique, creu-
sant au fil du temps l’écart entre les
loyers du parc social et du parc privé,
aujourd’hui très important.
Un marché tendu
En 2011, l’Île-de-France comptait 5,49
millions de logements, soit 16,3 % du
parc total français. 91 % d’entre eux
étaient des résidences principales,
occupées à raison de 48 % par leurs
propriétaires et de 49 % par des loca-
taires, les autres occupants étant
logés à titre gratuit.
Le taux de construction, qui est de 6,1
logements par an pour 1 000 habi-
tants en province, n’atteint que 3,2 en
Île-de-France, dont 3,4 en petite cou-
ronne, 4,1 en grande couronne et seu-
lement 0,8 à Paris. Le parc est plus
ancien et les cas de sur-occupation
dans la région capitale sont nette-
ment plus nombreux qu’en province.
Devant une demande soutenue et une
offre peu dynamique, les prix immobi-
liers sont très supérieurs en Île-de-
France. Cela vaut aussi bien pour le
coût des terrains, en moyenne 3,3 fois
plus élevé qu’en province, que pour le
prix des logements anciens (× 2,3) ou
pour les loyers du secteur libre (× 2,4).
Une segmentation prononcée entre
le secteur HLM et le secteur privé
Les loyers de marché élevés de l’im-
mobilier francilien contrastent, plus
fortement qu’ailleurs, avec les loyers
réglementés des logements locatifs
sociaux : en moyenne l’écart entre le
loyer social et le loyer privé est de 1 à
2,6. Il s’élève à près de 1 à 4 dans cer-
tains arrondissements de Paris, alors
qu’il est de 1 à 1,4 en province. Dans
ce contexte, l’avantage économique
tiré de la mise à disposition d’un loge-
ment à loyer plus faible que celui du
marché pouvait être estimé en 2013,
pour un locataire du parc HLM franci-
lien, à environ cinq fois celui obtenu
par un locataire d’HLM en province. Ce
différentiel entre les niveaux de loyers
est d’une telle ampleur qu’il entraîne
toute une série de conséquences,
témoignant d’une mauvaise articula-
tion entre les deux secteurs.
Les demandes de logement social non
satisfaites s’accumulent : elles équiva-
lent à 47 % du parc en Île-de-France
contre 38 % en province. Le segment
locatif intermédiaire est très restreint.
Le taux de mobilité dans le parc social
francilien, insuffisant pour alléger la
8
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Le logement en Île-de-France : une
situation complexe, une tension durable
tension de la demande, se détériore : il
a baissé de plus de trois points depuis
la fin des années 1990, bien plus vite
que dans le reste du pays. Entre 2001
et 2011, la proportion des locataires
en place depuis plus de dix ans s’est
accrue de près de huit points chez les
bailleurs sociaux franciliens (orga-
nismes d’HLM, sociétés d’économie
mixte), alors qu’elle est restée stable
chez les bailleurs privés.
Des questions d’équité se trouvent
ainsi posées, tant au regard de la
situation des locataires sociaux de
province que pour les 64 % de loca-
taires privés franciliens éligibles au
logement social, dont les taux d’ef-
fort, après imputation des aides à la
personne, sont très supérieurs à ceux
des locataires du parc social et qui ne
disposent pas des moyens d’accéder à
la propriété compte tenu du niveau
des prix d’acquisition.
Une palette d’interventions publi-
ques
Des moyens financiers importants
sont alloués en Île-de-France pour les
politiques publiques du logement :
plus de 6 Md€ par an en moyenne
(2)
.
Leur part dans le total national, com-
parable au poids de la région pour ce
qui concerne les aides personnelles
(2,8 Md€ par an), est supérieure en ce
qui concerne les aides au logement
social (2 Md€), les dépenses fiscales
pour les propriétaires bailleurs (0,3 à
0,4 Md€) et les aides à l’accession
(0,8 Md€), du fait du coût unitaire
beaucoup plus élevé de chaque opéra-
tion.
_______
(2) Cette estimation est imparfaite car certaines données ne sont pas disponibles par région
(dépenses fiscales, interventions d’Action Logement) et d’autres ne sont pas recensées (aides
des collectivités territoriales).
9
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
2
Un impact limité des politiques
d’aménagement sur la produc-
tion de logements
Le schéma directeur de la région
d’Île-de-France (SDRIF) a affiché un
objectif important de logements
neufs, mais cet objectif n’a jamais été
atteint. La réorganisation de la
région autour de la métropole du
Grand Paris devrait être l’occasion de
rationaliser les règles de la program-
mation et de l’urbanisme.
Des instruments de planification peu
efficaces
De 1994 à 2007, l’objectif de construc-
tion fixé par le SDRIF était de 53 000
logements
pour
une
moyenne
annuelle de mises en chantier de
41 562 durant cette période. Depuis
2010, l’objectif est de 70 000 loge-
ments par an, pour une moyenne
annuelle de mises en chantier de
43 980 de 2010 à la fin de 2013.
Objectifs de construction et logements mis en chantier en Île-de-France
Source : Cour des comptes d’après données SDRIF et SITADEL2
Un impact limité des politiques
d’aménagement sur la production de
logements
10
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
La réalisation de l’objectif nécessite-
rait d'augmenter des deux tiers le
rythme de construction annuel en Île-
de-France par rapport à la tendance
des 20 dernières années. Pour ce faire,
il est prévu de densifier en renforçant
les implantations urbaines existantes
à hauteur de 75 % de l’effort d’ac-
croissement du parc plutôt que d’utili-
ser trop d’espaces naturels.
Cependant, le SDRIF ne fixe aucune
contrainte pour la réalisation de cet
objectif. Or les collectivités territo-
riales risquent de s’opposer à l’aug-
mentation de la densité sur leur terri-
toire, rendant ainsi complexe la locali-
sation d’une offre nouvelle de loge-
ments prioritaires.
En tout état de cause, les instruments
actuels de planification (territorialisa-
tion de l’offre de logement, contrats
de développement territoriaux, sché-
mas
de
cohérence
territoriale)
devront être révisés pour que leur
périmètre coïncide avec le contour
des nouvelles intercommunalités pro-
jetées.
Aujourd’hui, seule une minorité de
collectivités franciliennes est dotée
d’un programme local de l’habitat
(PLH) et moins de la moitié des com-
munes ont adopté des plans locaux
d’urbanisme (PLU). La loi du 24 mars
2014 pour l’accès au logement et un
urbanisme rénové (ALUR) transfère,
dans un délai de trois ans, la compé-
tence d’élaboration des PLU aux com-
munautés d’agglomération et aux
communautés de communes, sauf
opposition de 25 % des communes
membres représentant au moins 20 %
de la population. En Île-de-France,
cette disposition ne devrait s’appli-
quer qu’aux seuls territoires de la
grande couronne hors métropole,
cette dernière étant régie en l’espèce
par les dispositions de la loi du 27 jan-
vier 2014 de modernisation de l’action
publique territoriale et d’affirmation
des métropoles (MAPTAM), en cours
de révision par le Parlement.
Dans ce nouveau contexte, il serait
logique de confier aux établissements
publics de coopération intercommu-
nale (EPCI) non seulement la respon-
sabilité des PLU et des PLH, mais aussi
les autorisations de construire, par les-
quelles ces règles et ces programma-
tions sont mises en œuvre.
Une régulation de l’offre foncière à
améliorer
Le foncier disponible et son utilisa-
tion
Selon l’analyse des documents d’urba-
nisme, 20 000 hectares étaient en
2011 disponibles à l’urbanisation dans
les plans d’occupation des sols (POS)
et les PLU franciliens. L’Île-de-France
ne manquerait donc pas, globale-
ment, de foncier potentiellement
constructible. Dans les zones déjà
denses, privilégiées par le SDRIF pour
de nouvelles constructions, le foncier
11
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
est beaucoup plus cher qu’en grande
couronne, des écarts de 1 à 10 pou-
vant se constater entre Paris et des
communes de Seine-et-Marne.
Toutefois, la densification n’est écono-
miquement possible que si les prix de
sortie des logements absorbables par
le marché sont suffisamment élevés
pour pouvoir offrir aux propriétaires
fonciers un prix supérieur à la valeur
d’usage et couvrir les coûts d’aména-
gement et de construction plus éle-
vés.
Aussi, peut-on se demander si les prix
et les typologies de logements qui
résulteront d’une densification accrue
du cœur d’agglomération permet-
tront vraiment d’équilibrer le marché
du logement en Île-de-France. Ceci
plaide pour une extension raisonnée
aux marges de l'agglomération, évi-
tant un développement résidentiel
encore plus éloigné et émietté dans la
couronne rurale.
Une panoplie d’outils à mieux mobi-
liser
Des outils d’aménagement efficaces
créés au siècle dernier, comme les
villes nouvelles, pourraient être redy-
namisés, en exploitant pleinement les
capacités foncières disponibles de leur
périmètre. Les établissements publics
d’aménagement de nouvelle généra-
tion ont un double rôle de développe-
ment territorial et d’aménageur et
méritent d’être confortés.
La création d’un établissement foncier
unique en Île-de-France et le change-
ment de mission de l’Agence foncière
et technique de la région parisienne,
transformée
en
Grand
Paris
Aménagement sont des signes d’une
implication plus forte de l’État. La
mobilisation du foncier public reste
cependant insuffisante et peut se
heurter à un autre objectif de l’État et
de ses opérateurs, qui est de valoriser
au mieux leur patrimoine. Une alter-
native serait, plutôt que de céder le
foncier public, de le mettre à disposi-
tion d’opérateurs publics ou privés,
par des baux emphytéotiques ou des
baux à construction.
Enfin, la fiscalité devrait évoluer pour
décourager la rétention foncière des
terrains par les propriétaires. La révi-
sion des bases d’imposition n’a pas
commencé pour le foncier non bâti : la
valeur vénale devrait être prise en
compte, comme dans les fiscalités
foncières des pays européens. En ce
qui concerne les transactions, une
modification des règles permettant
de taxer les plus-values de cession de
terrains à bâtir, en tenant compte de la
seule érosion monétaire, est recom-
mandée.
Un impact limité des politiques
d’aménagement sur la production de
logements
13
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
3
Le logement social :
des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers
importants
Le parc locatif social comprend plu-
sieurs types de logements qui se dis-
tinguent par leur niveau de loyer et
par les plafonds de ressources de
leurs locataires
(3)
.
Des besoins loin d’être satisfaits en
dépit d’interventions coûteuses
En 2012, on comptait 544 236 deman-
deurs de logements sociaux inscrits
en Île-de-France, à comparer à un parc
régional de 1 166 630 logements loca-
tifs
sociaux
conventionnés.
Paris
concentre 25,7 % des demandes alors
que son parc social représente 17 %
du parc régional. Le nombre des
demandes y équivaut ainsi à 67 % de
son parc social et, malgré des inter-
ventions publiques conséquentes, les
réalisations restent en deçà des
besoins.
Le stock de logements sociaux n’a
augmenté que de 6 % entre 2002 et
2012. Si, à partir de 2005, une forte
impulsion a été donnée pour augmen-
ter la programmation annuelle de
logements, le nombre de nouveaux
logements sociaux mis en première
location est demeuré bien plus faible
que celui des logements program-
més : sauf en 2010, il est toujours
resté inférieur à 20 000 par an
(4)
.
.
_______
(3) Par ordre croissant de ces plafonds, on distingue les logements financés par des PLAI (prêts
locatifs aidés d’insertion), des PLUS (prêts locatifs à usage social) et des PLS (prêts locatifs
sociaux).
(4) Il peut s’écouler de trois à cinq ans entre une décision de programmation et la livraison du
logement ; dans le cas où des logements existants sont conventionnés, les logements sont, la
plupart du temps, déjà occupés et leurs locataires ont droit au maintien dans les lieux.
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
14
Comparaison des logements locatifs sociaux (hors logements en foyers)
programmés avec les logements agréés et les logements mis en
première location
Source : Chiffres EPLS/RPLS
Les financements de l’État sont désor-
mais très concentrés sur l’Île-de-
France. À partir de 2010, plus de 50 %
des aides à la construction de loge-
ments locatifs sociaux, dites « aides à
la pierre », réparties par région au
niveau national, ont été fléchées sur
cette région, soit une enveloppe de
l’ordre de 220 M€ en 2012 et 2013,
avec une priorité pour les PLAI.
Le coût moyen d’un logement social
agréé, de 145 000 € par logement en
2013, est assez homogène au sein de
l’Île-de-France. Il existe en revanche
d’importantes différences dans la
répartition géographique des agré-
ments selon la taille et l’ancienneté du
logement : on compte ainsi, dans les
logements agréés, 59 % de logements
neufs à Paris, contre 83 % en
moyenne pour l’Île-de-France (92 %
dans les Hauts-de-Seine, 96 % dans le
Val-d’Oise).
Le coût de revient moyen au m
2
des
logements sociaux (hors foyers) à
Paris est proche de 2 800 €, montant
supérieur d’environ 50 % au coût
moyen régional. Dès lors que les diffé-
rences de coût sont faibles d’une caté-
gorie de logement social à l’autre, un
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
15
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
bailleur social francilien trouve avan-
tage, pour mieux valoriser son inves-
tissement, à privilégier le PLS dans les
zones les plus tendues car, compte
tenu du barème des loyers plafonds, il
pourra en retirer un loyer deux fois
supérieur à celui d’un PLAI ou d’un
PLUS.
De fait, au cours de la période 2010-
2013, l’agrément des PLS l’a emporté
en Île-de-France sur celui des PLUS
dont le subventionnement par l’État a
chuté, alors que le PLUS est la formule
de logement locatif social de droit
commun ; de même, la part des loge-
ments PLAI est passée de 45 % à 20 %
alors que ce sont les plus demandés.
Le bilan contrasté de la mise en
oeuvre de l’article 55 de la loi
« solidarité
et
renouvellement
urbains » (SRU)
L’article 55 modifié de la loi SRU a
pour objectif premier de modifier la
répartition géographique des loge-
ments sociaux, afin d’accroître la
mixité sociale. Il a introduit en consé-
quence, pour certaines communes,
l’obligation de définir un objectif de
réalisation de logements locatifs
sociaux, pour que la proportion de ces
logements atteigne 20 % des rési-
dences principales au 1
er
janvier 2020.
La loi du 18 janvier 2013 a fait passer
l’objectif à 25 % de logements sociaux
d’ici à 2025 et elle a prévu que les
pénalités encourues par les com-
munes ne réalisant pas leurs objectifs
puissent être quintuplées.
Tant que l’objectif n’est pas atteint, les
communes concernées sont en effet
soumises à un prélèvement dont le
montant est toutefois diminué d’un
certain nombre de dépenses déducti-
bles.
Des résultats significatifs
L’Île-de-France est la région la plus
concernée par l’application de l’article
55 de la loi SRU : de 2002 à 2012, la
mise en œuvre de cette obligation y a
mobilisé entre 179 et 185 communes
dont la population est au moins égale
à 1 500 habitants (3 500 dans les
autres régions). C’est aussi celle où les
objectifs ont été globalement les
mieux suivis et où les services de l’État
ont été particulièrement attentifs. La
région Île-de-France est celle qui a le
plus efficacement rattrapé son retard
initial.
Du 1
er
janvier 2002 au 1
er
janvier
2011, le nombre total des logements
sociaux s’est accru de 22,6 % en Île-
de-France
dans
les
communes
constamment soumises à l’obligation
de la loi SRU : 68 870 logements sup-
plémentaires, dont 39 651 à Paris
(58 %) et 29 219 dans les communes
de banlieue (42 %).
À l’issue de la dernière période trien-
nale contrôlée (2008-2010), près de
70 % des communes d’Île-de-France
avaient atteint les objectifs qu’elles
s’étaient fixés, soit une proportion
supérieure à celle constatée pour la
France entière : seules ont été consi-
dérées en carence 57 communes pour
lesquelles, en 2012, par le jeu des
dépenses déductibles, les prélève-
ments nets arrêtés ont atteint seule-
ment 4,6 M€.
La faculté introduite par la loi du
18 janvier 2013 de multiplier jusqu’à
cinq fois, à l’initiative des préfets, les
pénalités pour les communes en
carence et le relèvement de leur pla-
fond pour les communes les plus
aisées devraient conduire à une aug-
mentation sensible des prélèvements.
Les obstacles à la réalisation des
objectifs peuvent tenir à la réticence
des communes, des élus et des élec-
teurs, mais aussi à l’existence de
contraintes
matérielles
réelles,
comme le caractère exigu et déjà très
urbanisé du territoire, le manque de
foncier et la forte densité.
Des difficultés dans un contexte de
renforcement des contraintes de la
loi SRU
Une première difficulté existe dans la
mesure de l’adéquation entre l’objec-
tif de mixité sociale et celui d’attein-
dre une proportion donnée de loge-
ments locatifs sociaux. L’atteinte du
second objectif est présumée favori-
ser la mise en œuvre du premier, mais
le lien entre les deux demeure à véri-
fier. Le seul critère du pourcentage par
commune est insuffisant : ainsi, à
Paris
(5)
, il s’applique à la capitale tout
entière et non par arrondissement, ce
qui induit des écarts considérables.
Par ailleurs, l’absence de différencia-
tion suivant la taille du logement
aboutit à privilégier la production des
logements sociaux ayant les surfaces
les plus modestes : de 2002 à 2010,
moins de la moitié des logements
sociaux conventionnés dans les com-
munes d’Île-de-France sous obligation
de la loi SRU ont été d’une taille supé-
rieure à un deux pièces contre 60 %
dans les communes non soumises à
cette obligation. Le décompte des
logements au sein de l’objectif à
atteindre gagnerait à être pondéré
suivant leur nombre de pièces, de
sorte qu’un logement familial ne soit
pas comptabilisé à l’identique d’un
studio.
De plus, les efforts déployés pour aug-
menter le nombre de logements
sociaux ne se concrétisent pas tou-
jours par une augmentation corres-
pondante de l’offre :
- l’acquisition et la réhabilitation
lourde d’immeubles dégradés dont les
habitants doivent être relogés aug-
mentent le nombre des logements
locatifs sociaux mais pas celui des
logements disponibles ;
- le conventionnement de logements
existants transfère dans le parc locatif
social « de droit » certains logements
souvent
déjà
considérés
comme
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
16
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
_______
(5) Comme à Lyon et Marseille.
sociaux « de fait », mais non compta-
bilisés comme tels selon les critères
d’application de la loi SRU ; cela n’a
pas pour effet d’ouvrir l’offre à de
nouveaux locataires.
En tout état de cause, une grande par-
tie des communes vont devoir conti-
nuer à investir au-delà de 2020 alors
qu’elles étaient proches d’atteindre
l’objectif de 20 %. Selon une évalua-
tion remise aux services régionaux de
l’État en septembre 2013, atteindre
un taux global de logements sociaux
de 25 % en 2025 impliquerait, à comp-
ter de 2012, un accroissement de 37 %
de la production, et un accroissement
de 61 % dans les communes soumises
à obligations triennales. Cela signifie-
rait, pour les communes ayant moins
de 10 % de logements sociaux actuel-
lement, des efforts de construction
élevés et désormais consacrés à
100 % au logement social.
La plupart des communes concer-
nées, dont Paris et certaines com-
munes de première couronne, se
situent dans la zone la plus tendue de
la région. Cette orientation aboutira à
solliciter
les
finances
publiques
locales pour la construction ou la
conversion de logements dans les
zones les plus chères d’Île-de-France,
alors que dans des zones moins ten-
dues et moins coûteuses de la région,
des dépenses d’un niveau équivalent
permettraient de financer beaucoup
plus de logements locatifs sociaux. Le
maintien d’objectifs très élevés de
logements sociaux aux marges de
l’agglomération, dans des communes
rurales de 1 500 habitants, paraît éga-
lement peu justifié. Un seuil de 3 500
habitants pour l’application de la loi
SRU, comme en province, semblerait
mieux adapté.
Enfin, une contradiction d’objectifs
apparaît entre l’incitation renouvelée
à construire des logements locatifs
intermédiaires et l’interdiction de
construire de tels logements dans les
communes en situation de carence
SRU. Faute de fluidité dans le par-
cours résidentiel, les communes sou-
mises à l’obligation SRU pourraient à
terme se retrouver dans une situation
d’engorgement
des
logements
sociaux qu’elles construiraient, l’écart
de loyer entre le parc social et le parc
privé étant trop important pour que
les locataires les plus aisés soient inci-
tés, même après application d’un
loyer de solidarité, à libérer des loge-
ments sociaux. Une voie possible,
pour favoriser à la fois le parcours
résidentiel et le principe de mixité
sociale porté par la loi SRU et concilier
les
deux
objectifs
de
politiques
publiques, pourrait être qu’une part
limitée du nouveau quota de 25 % soit
constituée de logements intermé-
diaires à loyers réglementés.
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
17
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
L’inadaptation des règles d’attribu-
tion et de gestion des logements
sociaux
Renforcer la transparence des procé-
dures d’attribution
En contrepartie de leur contribution
au financement du logement social,
les collectivités territoriales, de même
qu’Action Logement (ex-1 % loge-
ment) sont réservataires de loge-
ments. De son côté, l’État dispose éga-
lement de droits de réservation au
profit de personnes prioritaires. La
quasi-totalité du parc social francilien
est soumis à réservation.
Or les procédures d’attribution res-
tent peu transparentes car les réser-
vataires peuvent définir librement
selon quels critères ils souhaitent
sélectionner les candidats qu’ils pro-
posent aux organismes d’HLM. Il
conviendrait de rendre plus homo-
gènes ces critères. Il est nécessaire de
renforcer la cohérence des politiques
d’attribution exercées sur un bassin
de vie. Une première impulsion en ce
sens a été donnée par la loi ALUR qui
prévoit des mesures permettant d’ac-
croître la connaissance et la gestion
de la demande au niveau intercom-
munal.
Appliquer sans dérogation les sup-
pléments de loyers de solidarité
Dans un contexte de forte demande
de logements locatifs sociaux, et pour
éviter le maintien dans les lieux de
locataires bénéficiant de revenus
supérieurs aux plafonds réglemen-
taires tout en payant le même mon-
tant de loyer que les ménages éligi-
bles, des dispositions législatives suc-
cessives ont mis en place et rendu
obligatoire un supplément de loyer de
solidarité (SLS). En théorie, le loyer
maximal de la zone A pouvait attein-
dre, avec le SLS, 22,86 € par m², soit le
niveau moyen constaté dans le parc
privé à Paris ; en pratique, cependant,
son montant est plafonné à 25 % de
taux d’effort, et de nombreuses
exceptions
ont
été
introduites,
comme pour les logements HLM
situés en zones urbaines sensibles
(ZUS), quels que soient les revenus
des ménages concernés.
Par ailleurs, les bailleurs ont souvent
souhaité conserver dans leur parc des
locataires dont le profil et les revenus
ne présentaient pas de risque d’im-
payés de loyer. Dès lors que les bail-
leurs concluaient avec l’État une
convention d’utilité sociale (CUS),
avec
des
engagements
sur
la
construction de logements et sur la
mixité du peuplement de leur parc, il
leur a été offert d’appliquer le SLS à
des taux inférieurs au droit commun.
Selon l’analyse des CUS signées, une
telle modulation est applicable à 68 %
des logements du parc locatif social
d’Île-de-France, 760 000 logements
bénéficiant de SLS à taux réduit.
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
18
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
Réformer les règles de fixation des
loyers et de maintien dans les lieux
Il paraît nécessaire, dans la situation
de pénurie durable de logements
locatifs sociaux en Île-de-France, de
procéder à une remise en ordre des
loyers, afin de passer des loyers maxi-
mums réglementaires à des loyers
fixés en fonction du service rendu au
locataire, cette évolution pouvant être
liée à un conventionnement global
pour la seconde génération des CUS.
Le système des surloyers restant trop
peu appliqué, et leur montant étant
souvent trop faible pour compenser
une part significative de l’avantage de
loyer, spécialement en Île-de-France,
une progressivité des loyers en fonc-
tion des revenus pourrait être égale-
ment envisagée, comme alternative
ou complément à un système plus
robuste de supplément de loyer de
solidarité.
Enfin, la réforme des règles de main-
tien dans les lieux devrait être enga-
gée. Le droit au maintien dans les
lieux n’est plus garanti désormais
quand le revenu atteint le double du
plafond d’éligibilité, mais cela ne s’ap-
plique pas aux locataires de 65 ans et
plus, quelle que soit l’évolution de leur
situation financière. Cette exception
pourrait ne plus être mise en œuvre,
après un délai permettant d’apprécier
le niveau des revenus réels après une
mise à la retraite. De même, la ques-
tion doit être posée de la garantie du
maintien de ménages dans des lieux
en état de sous-occupation aggravée,
ou de ménages disposant par ailleurs
d’un patrimoine immobilier, dans le
parc locatif privé ou en résidence
secondaire, d’une importance signifi-
cative.
Le logement social : des résultats insuffisants
malgré des efforts financiers importants
19
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
21
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
4
Le logement privé :
des politiques aux résultats
contrastés, un ciblage à
poursuivre
Le parc privé regroupe 78 % des rési-
dences principales en Île-de-France.
De nombreuses actions y ont été
menées en faveur des propriétaires,
sans qu’elles ne contribuent à aug-
menter de façon significative le
volume du parc.
Les faibles résultats de la lutte
contre la vacance des logements et
des transformations de bureaux
Selon
le
recensement
de
2011,
328 000 logements étaient vacants en
Île-de-France et le taux de vacance de
9,2 % à Paris est supérieur de 3 points
à la moyenne nationale. Cependant la
plus grande partie de la vacance
constatée dans la capitale est de
nature frictionnelle, le logement res-
tant vide quelques mois entre deux
locations ou pendant qu’il est en
vente. La vacance structurelle (loge-
ment vide pendant plus de deux ans)
ne concerne que 20 % des logements
vacants recensés, le plus souvent pour
des raisons techniques ou juridiques :
réhabilitation, changement d’usage,
difficultés successorales. Depuis 1999,
les principales communes de l’agglo-
mération parisienne sont soumises à
la taxe sur les logements vacants mais
sa mise en œuvre est d’une grande
complexité. Des mesures incitatives
ont aussi été instituées. Toutefois, sur
la période 2005-2009, seulement
2 126 opérations ont pu être réalisées,
alors que l’objectif était de remettre
sur le marché 11 000 logements. Des
campagnes de réquisition ont été lan-
cées en 2001 et 2012, la première
n’ayant au final donné lieu à aucune
réquisition, la seconde ayant vu sa
cible réduite de 7 800 à 497 loge-
ments, 26 seulement ayant fait l’objet
d’une procédure suspendue suite aux
démarches des propriétaires.
Le gisement souvent évoqué de la
transformation de bureaux vides en
logements n’a représenté, de 2001 à
2012, que 2,4 % du stock d’immobilier
tertiaire parisien. La transformation
d’immeubles
conçus
à
l’origine
comme espaces de travail est com-
plexe et onéreuse mais, avec l’allége-
ment récent des contraintes d’urba-
nisme, on peut estimer pouvoir trans-
former en logements de 140 000 à
240 000 m² de bureaux vacants par
an, sur les 3,6 millions de m² de
bureaux actuellement sans occupa-
tion dans la région.
Le logement privé : des politiques aux
résultats contrastés, un ciblage à poursuivre
Le bilan mitigé des aides au parc
locatif privé existant
Les aides au parc locatif existant ne
visent pas à accroître l’offre de loge-
ment, mais à éviter qu’elle ne se
dégrade et qu’elle diminue. Pour une
petite partie, elles ont concerné aussi
le parc social puisque des aides à la
réhabilitation puis au conventionne-
ment dans le secteur locatif social de
logements privés ont été mises en
œuvre.
Le secteur locatif privé joue un rôle clé
dans le marché immobilier francilien
en raison de son taux de rotation
élevé : il produit chaque année une
offre de près de 300 000 logements,
alors que le parc social en propose
moins de 80 000. Il loge chaque année
47 % des nouveaux emménagés,
contre 19 % pour le parc social.
Entre 2005 et 2010, l’Agence natio-
nale de l’habitat (ANAH) a financé des
travaux d’amélioration dans 200 000
logements franciliens. Après 2010,
une réforme a réorienté les aides en
direction de la lutte contre l’habitat
indigne, la rénovation énergétique,
l’adaptation du logement à la perte
d’autonomie, mais également en
faveur des propriétaires occupants.
De fait, on a constaté un véritable
effondrement des subventions accor-
dées aux propriétaires bailleurs, le
nombre annuel de logements rénovés
est passé de 17 972 en 2007 à 307 en
2012 et 249 en 2013.
Le bilan de la période 2005 à 2010
n’est pas pour autant négatif dans son
aspect social puisque, dans le cadre
des rénovations, le conventionnement
à loyer social ou intermédiaire a fait
l’objet d’une priorité : l’objectif était
de produire 75 000 logements en cinq
ans, dont 64 000 logements intermé-
diaires et 11 000 logements sociaux. Il
a
été
atteint
à
99 %
pour
les
logements intermédiaires, mais à
53 % seulement pour les logements
sociaux.
Les copropriétés dégradées : pro-
mouvoir la prévention
En Île-de-France, les logements en
immeubles collectifs privés représen-
tent 47 % des résidences principales,
contre 28 % en France métropoli-
taine. Parmi eux, 87 % se situent dans
une copropriété - taux supérieur de
11 points au taux national.
La dégradation se caractérise par des
défaillances dans le paiement des
charges, l’arrêt de l’entretien, d’où la
baisse de la valeur marchande des
logements pouvant induire une arri-
vée de nouveaux propriétaires plus
pauvres que les sortants, des pra-
tiques spéculatives d’investissement
locatif, voire le rachat de logements
par des marchands de sommeil et l’ap-
parition
de
phénomènes
de
surpeuplement. 22 500 copropriétés
pour 400 000 logements franciliens
pourraient être concernées.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
22
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
23
L’ANAH a engagé 291 M€ de subven-
tions en Île-de-France entre 2006 et
2012 au titre du financement des tra-
vaux dans des copropriétés pour
148 048 logements : en extrapolant,
le besoin total de subventions de
l’ANAH serait donc d’environ 786 M€
pour les 400 000 logements des
copropriétés estimées fragiles. Pour
limiter ces coûts, la question du repé-
rage et de l’intervention préventive
est donc centrale et les actions en ce
sens méritent d’être privilégiées.
Les aides fiscales à l’investissement
locatif privé : un ciblage nécessaire
Depuis 1996, huit dispositifs d’aide fis-
cale à l’investissement locatif privé
neuf se sont succédé
(6)
. Ils reposent
sur le principe soit d’une réduction
d’impôt sur le revenu plafonnée, soit
d’un amortissement du bien. Le coût
unitaire moyen actualisé est de
18 700 € pour un Scellier libre 2012,
31 000 € pour un Scellier intermé-
diaire 2012, 25 900 € pour un Duflot.
Ces mesures induisent une forte rigi-
dité en termes de finances publiques :
elles les engagent sur des périodes de
9 à 15 ans pour chaque investisse-
ment réalisé et elles représentent des
dépenses de plusieurs milliards d’eu-
ros sur leur durée de vie.
Alors que l’Île-de-France représente
19,3 % du parc locatif privé national,
les investissements locatifs qui y ont
été réalisés n’ont été, sur la période
1996-2009, que de 10,8 % du nombre
total d’opérations réalisées en France.
Si, contrairement à d’autres régions,
l’Île-de-France n’a pas connu de cas
avéré de surproduction de logements
locatifs, déconnectée des besoins,
aucun effet de modération du rythme
d’augmentation des loyers n’a été
constaté sur l’agglomération pari-
sienne. La mise en œuvre des disposi-
tifs d’incitation a pu donner lieu à des
effets d’aubaine : les loyers plafonds
franciliens du Scellier intermédiaire
n’ayant pas été fixés à un niveau signi-
ficativement inférieur aux loyers de
marché de nombreuses communes,
les investisseurs ont ainsi eu tout inté-
rêt à opter pour ce dispositif, plus
avantageux
fiscalement
que
le
Scellier libre.
L’État souhaitant donner une nouvelle
impulsion
à
ces
instruments,
il
importe que l’impact social et fiscal
des mesures précédentes fasse enfin
l’objet d’une évaluation exhaustive
permettant, notamment, de vérifier le
respect des loyers plafonds applica-
bles aux logements aidés.
Le logement privé : des politiques aux
résultats contrastés, un ciblage à poursuivre
_______
(6) Les dispositifs dits Périssol (1996-1999), Besson (1999-2003), Robien (2003-2006), Robien
recentré et Borloo populaire (2006-2009), Scellier libre et Scellier intermédiaire (2009-2012),
enfin Duflot depuis 2013.
Le logement privé : des politiques aux
résultats contrastés, un ciblage à poursuivre
Les aides à l’accession à la propriété :
un
recentrage
bienvenu
sur
la
construction neuve
La principale aide à l’accession à la
propriété est le prêt à taux zéro (PTZ)
qui donne lieu à une dépense fiscale
en faveur des banques qui le délivrent
à leur client. Au cours de la période
2005-2012, le PTZ a financé en
moyenne annuelle 36 000 opérations
en Île-de-France, soit nettement plus
que les mises en première location de
logements sociaux durant la période,
mais il n’a que très peu soutenu la
construction neuve : 80 % des opéra-
tions en Île-de-France ont concerné
des logements anciens. De ce fait, le
PTZ, en soutenant les transactions
dans le parc existant, a pu contribuer
au maintien de prix élevés. Plusieurs
études ont en outre montré les limites
du produit, relevant des effets d’au-
baine dont le champ a été évalué à
85 %
des
bénéficiaires : ceux-ci
auraient décidé de déménager pour
devenir propriétaires en réalisant un
achat, indépendamment de l’exis-
tence du PTZ.
À partir de 2010, le doublement de
l’aide dans le neuf et, plus récemment,
les recentrages successifs des aides
vers le neuf ont eu un effet bénéfique
sur la construction neuve. Depuis
2013, le PTZ n’est plus mobilisable à
l’accession dans l’ancien et son éligibi-
lité a été restreinte afin de limiter les
effets d’aubaine, ce qui répond mieux
aux besoins et aux objectifs de
construction neuve fixés par le SDRIF.
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
24
25
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
CONCLUSION
L’examen des politiques du logement en Île-de-France conduit au constat de la
relative inadaptation des actions menées. Le rythme de mise en chantier de
logements est demeuré très inférieur aux objectifs affichés. La densification du
tissu urbain se heurte à des limites et la complexité de la gouvernance dans l’ag-
glomération parisienne n’a pas facilité l’effort de construction. Les actions
d’aménagement et de régulation foncière ont manqué de vigueur. L’effort en
faveur du logement social n’a pas remédié à la segmentation du parc privé et du
parc social francilien. Les politiques de mobilisation de l’offre de logement dans
le parc privé ont été fluctuantes et leurs résultats mitigés.
Cette efficacité limitée tient d’abord au fait que pour maintenir et accroître, dans
une zone géographique de prix très élevés comme l’Île-de-France, un parc de
logements de prix beaucoup plus abordables en location comme en accession à
la propriété, il faudrait consentir un effort financier considérable. Les acteurs de
ces politiques ne semblent pas en mesure, dans le contexte budgétaire actuel,
de pousser très loin un tel effort, même en accroissant le recentrage vers l’Île-
de-France des aides publiques au logement, amorcé en 2010 pour le finance-
ment par l’État des logements sociaux. Ces limites devraient conduire les déci-
deurs publics à rechercher d’autres voies d’amélioration, plus économes en res-
sources et plus efficaces.
Trois messages principaux se dégagent de l’enquête de la Cour et structurent les
recommandations :
- la cohérence de l’action publique doit être recherchée tant dans la délimitation
des périmètres de planification et de programmation que dans la détermination
des compétences en matière d’urbanisme et de logement. Elle est aussi néces-
saire dans la formulation et la coordination des multiples objectifs de la poli-
tique du logement. Et elle doit se conjuguer avec une plus grande sélectivité de
l’action publique, notamment pour les aides au logement privé ;
- la situation du marché du logement francilien est fortement influencée par
celle du marché foncier. Les orientations visant à donner un nouveau dyna-
misme aux opérations d’aménagement et aux interventions foncières publiques
en Île-de-France sont donc particulièrement bienvenues mais les outils fiscaux
pourraient être réformés pour contribuer à faciliter la mobilisation des terrains
constructibles ;
- une action résolue pour rationaliser l’occupation du parc social francilien et la
rendre plus conforme à sa vocation mérite d’être menée en ce qui concerne,
notamment, l’attribution des logements, la fixation des loyers et les règles de
maintien dans les lieux. Ceci contribuerait à réduire le déséquilibre entre les
parcs locatifs public et privé.
RECOMMANDATIONS
27
Synthèse du Rapport public thématique de la Cour des comptes
–
élaborer en Île-de-France un
répertoire statistique de l’ensemble
des logements, contenant des infor-
mations détaillées par logement et
accessible à l’ensemble des décideurs
publics du secteur ;
–
stabiliser et faire coïncider les
périmètres d’intervention retenus
pour la planification, la programma-
tion et la contractualisation de l’offre
de logement sur la base des nou-
veaux contours des intercommunali-
tés ;
–
confier
aux
établissements
publics de coopération intercommu-
nale après la responsabilité des plans
locaux d’urbanisme et des pro-
grammes locaux de l’habitat, la déli-
vrance
des
autorisations
de
construire ;
–
favoriser la mise à disposition
des terrains publics pour la construc-
tion de logements locatifs sociaux
par le biais de baux emphytéotiques
ou à construction plutôt que par des
cessions à titre gratuit ;
–
décourager la rétention fon-
cière en taxant les plus-values immo-
bilières réelles sans condition de
durée de détention, mais en tenant
compte de l’érosion monétaire ;
–
modifier l’assiette de la taxe
foncière sur les propriétés non bâties,
en tenant compte de la valeur vénale
des terrains à bâtir ;
–
remonter le seuil d’application
de l’obligation de réaliser un nombre
de logements locatifs sociaux attei-
gnant 25 % des résidences princi-
pales aux communes de 3 500 habi-
tants en Île-de-France, comme c’est
le cas dans les autres régions ;
–
renforcer la transparence des
procédures d’attribution des loge-
ments sociaux, en invitant l’ensemble
des réservataires à rendre plus
homogènes les critères de sélection
des bénéficiaires ;
–
appliquer sans dérogation ni
plafonnement les suppléments de
loyer de solidarité, et présenter régu-
lièrement les bilans prévus par la loi ;
–
proposer, dans le cadre des
nouvelles
conventions
d’utilité
sociale, des règles de fixation des
loyers des logements sociaux, en
tenant compte de leur localisation,
des prix du marché local et de la qua-
lité intrinsèque du bâti ;
–
moduler le loyer à l’entrée dans
le logement social et pendant toute
sa durée d’occupation, en fonction du
revenu des locataires ;
–
réexaminer les conditions de
maintien dans les lieux des locataires
des logements sociaux, notamment
la condition d’âge, en prenant en
compte non seulement les revenus
mais aussi le patrimoine de l’occu-
pant et le taux d’occupation du loge-
ment ;
–
poursuivre la réhabilitation des
copropriétés dégradées en orientant
l’action publique en faveur des
démarches
préventives
de
difficultés ;
–
accentuer le ciblage des aides
fiscales à l’investissement locatif
privé de loyer intermédiaire sur les
zones les plus tendues, en évaluant
régulièrement leurs effets et en
contrôlant l’effectivité des loyers
pratiqués.