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APPORT PUBLIC THEMATIQUE
Paris, le 22 novembre 2012
Sciences Po
Une forte ambition, une gestion défaillante
Sciences Po est le nom générique de l’ensemble formé
par la Fondation nationale des sciences politiques
(FNSP) et l’Institut d’études po
litiques de Paris (IEP), créés en 1945
pour succéder à l’E
cole libre des sciences
politiques.
Le contrôle de la Cour, qui a porté sur les années 2005 à 2010, a mis en évidence le dynamisme de cette
institution, mais a également révélé une insuffisante maîtrise des dépenses et des lacunes importantes dans sa
gestion, qui sont à l’origine de nombreuses irrégularités.
1)
Une architecture institutionnelle atypique et une organisation complexe
La création de deux entités et la décision de confier à la FNSP la gest
ion administrative et financière de l’IEP
résultent d’un compromis
visant à pré
server l’autonomie de Sciences P
o, tout en
l’intégrant au
service public de
l’enseignement supérieur
.
L’IEP est en effet un établissement public à caractère scientifique, cultur
el et
professionnel relevant du ministère de l’enseigneme
nt supérieur et de la recherche mais, géré administrativement
et financièrement par la FNSP, il n’a ni budget ni personnel
.
Il en est résulté une organisation administrative complexe qui a rendu difficile le pilotage de
l’
ensemble formé
par Sciences Po, du fait de la séparation entre les fonctions de gestion et les activités
d’enseignement
,
d’une part,
et
de recherche et d’enseignement
,
d’autre part.
2)
Un développement rapide et des innovations nombreuses, obtenus à un coût élevé
Depuis 2005, Sciences Po a développé et élargi
l’ensemble de ses activités. Les effectifs de l’établissement ont
quasiment doublé, pour atteindre en 2010-2011 plus de 10 000 étudiants, dont 35
% d’étrangers. L’établissement a
poursuivi la diversification sociale de son corps étudiant, dans la continuité de la procédure des « conventions
éducation prioritaire » lancée en 2001, et compte 26 % de boursiers en 2011. Enfin, l
’activité de recherche
a été
développée, notamment à travers le recrutement d'
une cinquantaine d’enseignants
-chercheurs et de chercheurs
permanents sous contrat privé.
La croissance
du nombre d’étudiant
s, dont le coût à Sciences Po est
supérieur à celui d’un étudiant en
université, a entraîné une forte progression des charges : le budget de la FNSP a crû de 78,7 à 127,1 millions
d’euros de 2005 à 2010.
Cette augmentation a été essentiellement supportée par l
’Etat, qui finance à plus de 50
% l’établissement, et
par les élèves
, qui paient des droits d’inscription m
odulables en fonction du revenu de leurs familles. Entre 2005 et
2010, l
a subvention versée par l’Etat à la FNSP est passée de 47,7 à 63,6 millions d’euros et le produit des droits
d’inscription a progressé de 9,9 à 27,9 millions d’euros
.
Dans ce contexte,
l’Etat
n’a pas suffisamment assorti son
soutien financier essentiel par des contreparties et
contraintes en matière de maîtrise et de suivi des dépenses. La situation des finances publiques impose
aujourd’hui que cette
exigence soit placée
au cœur des pré
occupations de la FNSP.
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3)
Une gestion marquée par de nombreuses anomalies
Le contrôle de la Cour a mis en lumière sur la période considérée des défaillances nombreuses dans la gestion
matérielle et financière de l’établissement. Parmi celles
-ci, il convient de relever particulièrement :
-
l’absence de respect de l’ordonnance du 6 juin 2005
relative aux marchés passés par certaines personnes
publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;
- la
souscription d’un emprunt
structuré dit « toxique »
de 15 millions d’euros, potentiellement risqué pour
l’institution, sans autorisation préalable du conseil d’administration et sans information des autorités ministérielles ;
- le
développement d’un système opaque de rémunération des salariés de la fond
ation
;
- des
irrégularités multiples et récurrentes dans la gestion du service des enseignants-chercheurs
;
- des
dysfonctionnements dans la gestion et la déclaration des logements de fonction
;
-
l’instauration d’un système de rémunération de l’administ
rateur-directeur non maîtrisé
, hors de
proportion avec les rémunérations perçues en France par
les dirigeants d’établissements d’enseignement supérieur
comparables, et opaque car non présenté aux instances dirigeantes
de l’institution et
à
l’Etat
;
- le
financement sur les ressources de Sciences Po,
sans approbation du conseil d’administration de la
fondation, de
la mission « Lycée pour tous »
, confiée
intuitu personae
au directeur de l’IEP par le p
résident de la
République et
n’entrant pas dans l’objet de
la FNSP.
Certaines défaillances résultent de
l’insuffisante vigilance des conseils chargés d’administrer
Sciences Po et de
l’i
ncapacité
dans laquelle l’Etat, principal financeur de la Fondation, a été d’exercer son rôle de tutelle. D’autres ont
été permise
s par l’ambiguïté juridique qui caractérise le statut actuel de Sciences Po
et par la méconnaissance des
textes qui lui sont applicables.
Conclusion
En dix ans, Sciences Po a montré son dynamisme et sa capacité d’adaptation aux évolutions de
l’enseignemen
t supérieur et de la recherche. Toutefois, sa gestion a été marquée par de nombreuses irrégularités.
La troisième chambre de la Cour des comptes a décidé de saisir la Cour de discipline budgétaire et financière
de certains faits constatés et a transmis le dossier au parquet général à cette fin.
En outre, dans le contexte actuel des finances publiques
, la singularité et la pérennité de l’institution ne seront
préservées que si des réformes sont mises en œuvre pour en augmenter l’efficience. La Cour invite dès lors l’Etat
et Sciences Po à prendre les mesures nécessaires pour assurer une réelle transparence dans la gestion de
l’établissement et renforcer la cohérence de son pilotage opérationnel et de sa gouvernance
.
Recommandations
La Cour formule 19 recommandations visant à :
-
mettre fin aux irrégularités constatées dans la gestion de l’établissement
;
-
consolider les résultats financiers de l’établissement et mettre en place une politique rigoureuse de
maîtrise des dépenses, notamment de la masse salariale ;
-
instituer un système plus transparent de rémunération des salariés de la FNSP ;
-
engager les réformes législatives et réglementaires nécessaires pour assurer la transparence de gestion
de l’établissement et la bonne information de l’É
tat.
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