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Réf. : JO1 074 01
Monsieur le Maire,
Par lettre en date du 2 novembre 1999, le maire en fonctions avait été informé du contrôle, par la
chambre régionale des comptes de Midi-Pyrénées, des comptes et de la gestion de la commune
de CONQUES au titre des exercices 1992 à 1997, l'examen de la gestion ayant été étendu aux
données disponibles les plus récentes. L'entretien préalable, prévu à l'article L. 241-7 du code des
juridictions financières était intervenu le 8 décembre 1999.
La chambre avait procédé, dans sa séance du 20 janvier 2000, à l'examen du rapport que lui avait
présenté le premier conseiller chargé de l'instruction. Par lettre du 7 mars 2000, j'avais adressé au
maire alors en fonctions les observations provisoires retenues par la chambre lors de cette
séance. Le maire avait apporté des réponses à ces observations par courrier en date du 8 juin
2000.
Par lettre en date du 18 juillet 2000, le maire avait été informé du nom du nouveau conseiller
chargé de l'instruction des suites à donner à ces réponses, avec lequel il a eu un entretien le 30
novembre 2000.
A la suite des réponses apportées par le maire à la lettre d'observations provisoires du 7 mars
2000 et au vu des éléments nouveaux mis en évidence au cours de l'instruction des suites à
donner, la juridiction avait décidé, lors de sa séance du 9 janvier 2001, de communiquer au maire
de nouvelles observations provisoires.
A la suite des réponses et précisions complémentaires qui ont été apportées par les lettres du
maire en dates du 19 février et du 8 mars 2001, par sa télécopie du 8 mars 2001 et lors de son
audition, à sa demande, en date du 7 mars 2001, la juridiction a, dans sa séance du 13 mars
2001, arrêté les observations définitives suivantes.
Elles portent sur les conditions d'élaboration du budget et du compte administratif (1), le suivi et la
justification des subventions (2), la situation financière (3), la construction d'un groupe scolaire et
du centre européen d'art et de civilisation médiévale (4) et les liens conventionnels avec
l'Association pour le développement économique et culturel de CONQUES (5).
1 - LES CONDITIONS D'ELABORATION DU BUDGET ET DU COMPTE ADMINISTRATIF
De manière générale, les documents budgétaires, tant en ce qui concerne les budgets primitifs et
supplémentaires que les comptes administratifs, ne permettent pas d'obtenir une information
précise sur le suivi de chaque opération d'investissement bénéficiant d'un financement qui lui est
spécifiquement affecté. En effet, bien que faisant l'objet d'un tel financement particulier, nombre
d'opérations, en dépenses et en recettes, sont confondues dans un seul chapitre regroupant des "
équipements non individualisés en opération ".
Cette globalisation a pour principal inconvénient d'empêcher de discerner en recettes, d'une part,
les ressources affectées incluant, le cas échéant, des subventions d'équipement, et, d'autre part,
les ressources propres. Dès lors, cela ne facilite pas le contrôle de l'obligation d'équilibre réel du
budget prévue par les dispositions de l'article L.1612-4 du code général des collectivités
territoriales et par les dispositions de l'instruction M 14 (volume 1, tome II, titre 1. chapitre 1, § 5).
Le suivi des restes à réaliser, en recettes, est également plus difficile, faute de pouvoir être mis en
cohérence avec des opérations individualisées.
Bien qu'il ne s'agisse pas d'une obligation absolue, toute opération d'équipement bénéficiant d'un
financement spécifique gagnerait donc à être individualisée au budget, au stade des prévisions de
dépenses et de recettes, et au compte administratif, lors de l'arrêté des comptes. Cette
individualisation permettrait également une information plus directe et plus lisible sur le degré
d'avancement de différentes opérations.
2 - LE SUIVI ET LA JUSTIFICATION DES SUBVENTIONS
Les pratiques décrites ci-dessus présentent d'autres sérieux inconvénients tenant à l'impossibilité
d'établir une certaine cohérence entre les recettes des subventions reçues et les opérations, en
dépenses, qui sont spécifiquement visées dans les arrêtés d'attribution, que ce soit au stade des
prévisions budgétaires ou des réalisations.
A titre liminaire et pour faire suite à une remarque du maire précédemment en fonctions, la
chambre estime nécessaire de rappeler que cette vérification de la concordance entre les
subventions accordées et les travaux réalisés relève de l'examen de la gestion de la collectivité,
entreprise en application de l'article L. 211-8 du code des juridictions financières ; cette vérification
peut au demeurant être étendue aux données disponibles les plus récentes et donne lieu, le cas
échéant, à des observations adressées à l'ordonnateur. Elle est donc distincte du jugement des
comptes rendus par le comptable public, effectué en application de l'article L. 211-1 du code des
juridictions financières, limité à des exercices budgétaires précis et qui consiste à vérifier que le
comptable a exercé les contrôles lui incombant au titre des articles 12 et 13 du décret n° 62-1587
du 29 décembre 1962 modifié, portant règlement général sur la comptabilité publique.
Ainsi, les champs d'investigation de ces deux contrôles sont distincts. Dès lors, la décharge et le
quitus donnés, le cas échéant, au comptable ne sauraient être interprétés comme valant absence
d'observations à l'encontre de la gestion de l'ordonnateur.
En cours d'instruction, il n'avait pas été possible d'obtenir toutes les justifications sur les dépenses
afférentes à certaines opérations ayant bénéficié d'un financement par voie de subventions. Or,
en dépit des demandes formulées à nouveau dans la première lettre d'observations provisoires,
aucune nouvelle justification n'a été apportée. Le rapporteur chargé de l'instruction des suites
avait donc fait jouer son droit de communication auprès des collectivités ayant accordé les
subventions, conformément aux articles L. 241-1, L. 241-2 et L. 140-4 du code des juridictions
financières, en vue d'obtenir des éléments d'information complémentaires. Par ailleurs, il avait été
demandé au comptable public de CONQUES d'effectuer diverses recherches exhaustives sur les
mandats payés sur le budget communal de 1992 à 2000 inclus.
a) Réfection du bâtiment communal ROUDIE
Par arrêté du président du conseil régional de Midi-Pyrénées du 17 avril 1997, une subvention
forfaitaire de 200.000 F a été octroyée pour la réfection de ce bâtiment communal. Les travaux
n'ont pas été estimés dans l'arrêté. La somme de 200 000 F a été encaissée, en section
d'investissement, le 7 juillet 1997.
La seule dépense relative à cette opération retrouvée dans les pièces produites à la chambre
correspond à une facture de 25 030 F TTC du 20 novembre 1996, payée le 21 mai 1997 par
mandat n° 136-1997. Lors de l'audition du maire par la chambre, le 7 mars 2001, a été produite
une seconde facture, d'un montant de 41 040 F TTC du 22 février 1997, payée le 13 mai 1997 par
mandat n° 137-1997 ; cette facture, qui concernait des travaux de couverture, ne portait pas de
mention de l'immeuble concerné ; en toute hypothèse, même si elle se rapportait à l'immeuble
ROUDIE, le montant total des travaux justifié par des factures s'élèverait à 66 070 FTTC. Par
ailleurs, les 4 autres factures également produites lors de l'audition, d'un montant total de 34 448
F TTC, ont été mandatées en 1999 et ne pouvaient, de ce fait, concerner une opération de
réfection dont l'achèvement, tel qu'attesté au Conseil régional, remonte au plus tard au 28 avril
1997.
En effet, les justificatifs produits à la Région pour le versement de la subvention comportaient un
document signé par le maire de la commune, en date du 28 avril 1997, attestant l'achèvement des
travaux, ainsi qu'un état des dépenses engagées, également signé par le maire à la même date et
mentionnant 4 entreprises pour des travaux d'un montant total de 727 628 F HT. Aucune copie de
facture n'a été adressée à la Région.
Or, les recherches complémentaires effectuées sur l'ensemble des mandats payés sur le budget
communal, de 1992 à 2000, à ces entreprises n'ont pas permis de retrouver trace de ces
paiements attestés, afférents à l'immeuble ROUDIE.
Dans ces conditions, la juridiction est fondée à douter de la véracité de l'attestation du 28 avril
1997 précitée, produite au Conseil régional. Au cours de l'audition, le maire a d'ailleurs reconnu
qu'il s'agissait " d'une erreur " et a indiqué qu'en réalité, ces travaux ont été réalisés en régie ; la
plausibilité de cette explication est examinée au point c) ci-après.
b) Aménagement de l'immeuble DADON en centre d'hébergement
Pour cette opération, deux arrêtés de subventions ont été pris par le président du conseil régional
de Midi-Pyrénées, l'un le 18 novembre 1994, pour une subvention de 200 000 F, l'autre le 15 mars
1995, pour une subvention de 300 000 F. Les travaux, qui n'ont pas été estimés dans les arrêtés
de subvention, concernaient, a priori, la section d'investissement. Or, les versements de 200 000
F et 300 000 F ont été respectivement comptabilisés en 1994 et en 1995, au compte 7372 de la
section de fonctionnement.
Ces attributions de subventions appellent une première observation. L'immeuble concerné, affecté
à des foyers logements pour personnes âgées jusqu'en 1992, devait être acquis par la commune.
Or, l'opération comptable d'acquisition n'a été constatée dans les comptes de la commune qu'au
cours de l'exercice 1995. La collectivité aurait donc sollicité et encaissé des subventions au titre
d'une opération à réaliser sur une immobilisation qui ne figurait pas encore dans sa comptabilité
patrimoniale.
Par ailleurs, les justificatifs produits à la Région pour le versement de la subvention comportaient
une attestation d'achèvement des travaux signée par le maire de la commune le 30 mars 1995,
ainsi qu'un état des dépenses réalisées, également signé par le maire et daté du 7 septembre
1995, mentionnant 3 entreprises : une première pour un montant de 141 689,69 F HT, une
deuxième pour un montant de 146 041,00 F HT et une troisième, pour un montant de 57 322,00 F
HT.
Pour cette dernière entreprise, aucune copie de facture n'a été produite à la Région ; cependant,
l'original de cette facture a été retrouvé joint au mandat n° 142/1994 payé sur le budget de la
commune ; les travaux réalisés par cette entreprise concernaient bien l'immeuble DADON.
Par contre, des copies des factures de la première entreprise (facture non datée) et de la
deuxième entreprise (facture du 29 novembre 1994) avaient été produites à la Région. Mais il n'a
pas été possible d'en retrouver les originaux dans les pièces de dépenses afférentes aux
exercices 1992 à 1997 de la commune de CONQUES. Cependant, dans les pièces justificatives
relatives à l'opération de construction du centre européen de culture romane et du groupe
scolaire, ont été retrouvés des originaux de factures émanant des mêmes entreprises, pour les
mêmes montants, les mêmes numéros de lots et les mêmes détails de travaux. S'agissant de la
première entreprise, la facture originale, non datée, retrouvée jointe au mandat n° 285/1994 du 7
septembre 1994, ne se distinguait de la copie de la facture produite à la Région que par l'intitulé
de l'opération. S'agissant de la deuxième entreprise, la facture originale retrouvée jointe au
mandat n° 302/1994 du 14 septembre 1994 ne se distinguait de la copie de la facture produite à la
Région que par l'intitulé de l'opération et par la date (19 janvier 1994).
Dans la mesure où les copies des factures transmises à la Région en justification des travaux
réalisés sur l'immeuble DADON sont quasiment identiques (hormis les différences précitées) aux
factures originales acquittées par la commune de CONQUES au titre des travaux de construction
du centre européen de culture romane et du groupe scolaire, et étant donné qu'aucun original des
factures afférentes à l'immeuble DADON n'a été trouvé ou produit, la juridiction est fondée à
émettre des doutes sur l'authenticité des justificatifs produits à la Région Midi-Pyrénées pour le
versement des subventions afférentes à l'immeuble DADON. Au demeurant, la juridiction rappelle
que, par ailleurs, la Région avait déjà amplement subventionné le coût de la construction du
centre européen de culture romane, pour un montant de 2 630 000 F.
Au cours de son audition, le maire a d'ailleurs reconnu que la production des ces pièces
justificatives à la Région résultait d'une " erreur ". Il a produit, par ailleurs, deux factures relatives à
des travaux de couverture sur la résidence DADON, d'un montant total de 109 829,20 F TTC,
mais qui ont été payées en 1999 ; ces factures ne pouvaient donc manifestement pas concerner
une opération d'aménagement dont le maire a attesté l'achèvement au plus tard le 30 mars 1995 ;
la juridiction a cependant tenu compte de ces factures dans son analyse d'une opération
d'investissement concernant la même résidence pour laquelle le Syndicat intercommunal à
vocation multiple (SIVOM) du canton de CONQUES avait bénéficié de subventions en 1999.
Enfin, le maire a indiqué qu'en réalité, ces travaux ont été réalisés en régie ; la plausibilité de cette
explication est examinée au point c ci-après.
c) L'hypothèse de réalisation des travaux précités en régie
Cette hypothèse a été avancée au cours de l'audition en ce qui concerne les deux opérations
précitées (réfection du bâtiment communal ROUDIE et aménagement de l'immeuble DADON).
Ainsi, hormis les travaux réalisés pour un montant de 66 070 F TTC par des entreprises sur
l'immeuble ROUDIE (voir point a), tous les autres travaux auraient été réalisés par les agents
techniques communaux, pour un coût global équivalent à celui annoncé dans les demandes de
subventions (lesquelles ont représenté un montant global de 700 000 F pour ces deux
opérations).
Cette hypothèse a également été avancée dans le cas du SIVOM du canton de CONQUES, pour
trois opérations d'investissement (la restauration des remparts de CONQUES en 1996-1997 ; la
mise en sécurité du bâtiment communal abritant la Poste de CONQUES en 1998 et la réfection de
la toiture de la résidence DADON de CONQUES en 1999). Pour ces opérations du SIVOM, eu
égard aux attestations signées par son président, les dépenses totales restant à justifier
s'élevaient à 2 848 931 F HT (soit 3 435 811 F TTC). Or, lors de l'audition du maire et président du
SIVOM, il a également été indiqué que ces travaux ont été exécutés en régie par du personnel
technique de la commune de CONQUES (le SIVOM ne disposant pas du personnel technique
capable de réaliser ces travaux).
Cependant, dans un premier temps, cette réponse n'avait été appuyée d'aucun justificatif. Au
cours de l'entretien du 30 novembre 2000 avec le rapporteur chargé de l'instruction des suites des
premières lettres provisoires, le maire avait indiqué qu'une comptabilisation des heures passées
par les agents techniques communaux au titre de la réalisation de ces opérations subventionnées
aurait été tenue mais qu'elle aurait été détruite par mégarde, suite aux rangements consécutifs à
deux cambriolages perpétrés à la mairie de CONQUES. Cette explication ne semblait cependant
guère acceptable, notamment pour les opérations postérieures au 1er mai 1997, date du second
cambriolage.
Par ailleurs, la réalisation des travaux en régie suppose au moins l'acquisition de matériaux. Or,
s'il est vrai que, s'agissant de certains travaux, il était possible de réutiliser des pierres et des
lauzes anciennes, cette explication paraît insuffisante pour expliquer l'absence de production de
justificatifs d'achats : en effet, les opérations d'investissement subventionnées ne pouvaient, à
l'évidence, seulement avoir été réalisés à l'aide de matériaux de récupération.
Au cours de son audition et par sa lettre susmentionnée en date du 8 mars 2001, le maire a
produit à la juridiction des copies de diverses factures relatives à l'acquisition de matériaux divers
et imputées sur le budget communal, au titre des exercices 1996 (pour un montant total de 10 760
F TTC), 1997 (pour un montant total de 64 907 F TTC), 1998 (pour un montant total de 20 427 F
TTCC) et 1999 (pour un montant total de 64 452 F TTC), soit un montant total cumulé 1996-1999
de 160 546 F TTC.
Cependant, en dépit de la prise en compte de ces éléments, la chambre a été amenée à
s'interroger sur la plausibilité de cette explication de travaux effectués en régie.
Ainsi, l'analyse des charges de personnel de la commune permet d'estimer à un montant maximal
de 2,5 MF le coût cumulé 1997 à 1999 du personnel technique titulaire de la commune. De ce fait,
et même à supposer que les agents techniques et d'entretien aient tous travaillé à temps plein et
pendant ces trois années aux chantiers de la commune et du SIVOM (ce qui ne paraît guère
vraisemblable), les charges de personnel afférentes resteraient bien inférieures au coût global des
travaux attestés par le maire de la commune et le président du SIVOM.
Le maire a également indiqué lors de son audition que certains de ces travaux auraient été
réalisés en partie par le recours à du bénévolat. La chambre observe cependant que, dans cette
hypothèse, il n'y aurait guère de justification à la perception, par la commune ou par le SIVOM, de
subventions à ce titre, puisque ces collectivités n'auraient pas supporté les charges afférentes à
ce travail bénévole.
Par ailleurs, lorsque le principe d'une réalisation des travaux par les services techniques de la
commune pour le compte du SIVOM est décidé, il devrait donner lieu, au préalable, à la passation
d'un acte conventionnel entre le SIVOM et la commune, autorisé par les assemblées délibérantes
des deux collectivités et précisant notamment la nature des travaux à exécuter, leur coût
prévisionnel , les moyens à mettre en ouvre ainsi que les modalités de paiement. Or, aucun acte
de ce type n'a été produit en cours d'instruction.
De plus, lorsque la commune effectue des travaux pour le compte du SIVOM, ceux-ci doivent
donner lieu à un traitement comptable spécifique, en application de l'instruction comptable M 14.
Ainsi, la comptabilisation précise des frais engagés par la commune devrait servir de base à
l'émission, à l'encontre du SIVOM, de titres de recettes imputés au compte 704 " travaux " du
budget communal (compte destiné à retracer les facturations faites aux tiers pour des travaux
réalisés pour leur compte par la commune). Or, aucune opération n'a été imputée au c/704 de la
commune de CONQUES au titre des exercices 1997, 1998 et 1999. De même, il n'a été apporté
aucune preuve d'opérations comptables de dépenses à ce titre dans les comptes 1997, 1998 et
1999 du SIVOM de CONQUES, pas plus d'ailleurs que d'opérations d'intégration des travaux
réalisés dans la comptabilité patrimoniale du SIVOM.
Dans ces conditions, l'explication avancée selon laquelle la totalité des travaux susmentionnés
réalisés pour la commune et pour le SIVOM aurait été réalisée en régie par des agents techniques
communaux, pour l'intégralité des montants attestés, ne paraît guère plausible.
De manière plus vraisemblable, il ressort de l'examen des réponses et des pièces produites que
des travaux ont bel et bien pu être réalisés par des agents de la commune de CONQUES au titre
des opérations d'investissement précitées, mais dans des proportions et pour des montants très
inférieurs à ceux figurant sur les demandes de subventions et sur les attestations de réalisation
des travaux produites aux collectivités locales qui avaient apporté leur aide financière, le surplus
des subventions perçues ayant tout simplement servi à équilibrer les comptes de la commune.
d) Subventions pour le fonctionnement du centre culturel et touristique
Pour le fonctionnement de ce centre culturel, service tout à fait indépendant du Centre européen
d'art et de civilisation médiévale (CEACM) et disposant d'un local situé sous la mairie, diverses
subventions ont été versées au cours des exercices 1993 à 1996 :
- par le Département de l'Aveyron : 230 000 F en 1993, 250 000 F en 1994, 150 000 F en 1995 et
250 000 F en 1996
- par la Région Midi-Pyrénées : au titre du "fonctionnement" : 200.000 F en 1994 ; au titre de "
l'aide technique " : 110.000 F en 1994 et 40.000 F en 1995.
En cours d'instruction, les demandes de communication du budget de fonctionnement du centre
culturel et touristique ou de tout autre élément permettant de s'assurer de la réalité et de la
consistance des dépenses engagées au titre du fonctionnement de ce service étaient demeurées
sans réponse.
D'ailleurs, aucun justificatif n'avait été produit au Conseil général de l'Aveyron pour le versement
des subventions précitées (880 000 F de 1993 à 1996). En effet, les différents actes d'attribution
pris par le Département ne prévoyaient pas la production de telles justifications.
Les subventions de fonctionnement allouées par le Conseil régional avaient été versées après
production des justificatifs suivants :
- subvention de 200 000 F en 1994 : attestation de réalisation du programme d'activité 1993 du
centre culturel et touristique, signée par le maire de la commune le 13 janvier 1993, accompagnée
d'un état de dépenses (essentiellement liées à des frais de personnel) et de recettes certifié exact
par le maire, ainsi que d'une plaquette intitulée " saison culturelle 1993 " réalisée par le CEACM ;
- subvention de 110 000 F en 1995 : attestation d'achèvement d'une mission au titre du
programme " Haut lieu culturel " signée par le maire le 10 janvier 1994, accompagnée d'un bilan
financier comportant pour l'essentiel des charges de personnel, ainsi que d'un bilan retraçant les
activités d'une chargée de mission ;
- subvention de 40 000 F en 1994 : production par le maire, le 23 février 1995, d'un bilan de la "
mission d'animation touristique et culturelle de CONQUES " au titre de l'exercice 1993 dans le
cadre du contrat de " Haut lieu culturel " détaillant les dépenses engagées, consacrées pour
l'essentiel à la rémunération du directeur du CEACM et de la chargée de mission précitée, et
incluant un bilan de l'activité de ces deux personnes.
Or, l'examen des dépenses 1992 à 2000 de CONQUES n'a pas permis de trouver trace du
versement, sur le budget communal, de rémunérations au directeur du C.E.A.C.M. ou à la
chargée de mission précitée. Ces deux personnes avaient en fait été rémunérées au cours de la
période considérée par l'Association pour le développement économique et culturel de CONQUES
(ADECC).
C'est cette même association, gestionnaire du CEACM, équipement distinct du centre culturel et
touristique, qui a réalisé la plaquette produite en justification de la première subvention. De plus,
l'examen des comptes de cette association a montré qu'elle avait par ailleurs perçu pour son
fonctionnement des subventions régionales importantes, leur montant cumulé pour les exercices
1994 à 1998 s'étant élevé à 2,677 MF.
En définitive, le fait pour le maire de la commune de CONQUES d'avoir justifié les dépenses
communales alléguées concernant le centre culturel et touristique par des activités réalisées par
l'ADECC, gestionnaire d'un autre équipement public et dont le coût, essentiellement constitué de
charges de personnel, avait été supporté par cette association, conduit à s'interroger sur la réalité
des charges de fonctionnement communales liées au centre culturel et touristique.
En toute hypothèse, cette analyse amène la chambre à considérer que les justificatifs produits à la
Région pour le versement des subventions ne concernaient pas le fonctionnement dudit centre
culturel et touristique, pour lequel elles avaient pourtant été sollicitées.
De surcroît, s'il s'avérait que, comme tout semble l'indiquer, l'essentiel des financements précités
pour les trois opérations susmentionnées n'a pas eu d'autre utilisation que celle de redresser la
situation financière de la commune, mise à mal notamment par la construction du CEACM et sa
gestion, cette situation conduirait à se demander s'il n'aurait pas été préférable de réaliser cet
équipement sous maîtrise d'ouvrage confiée à un syndicat mixte créé spécialement à cet effet. En
effet, un tel montage juridique aurait peut-être évité à la commune, qui ne disposait manifestement
pas de la taille financière suffisante pour porter un tel projet, d'avoir à solliciter, de manière
répétée et sur la base de justifications inexactes, des financements externes auprès d'autres
collectivités territoriales.
3 LA SITUATION FINANCIERE
Les contrôles précédents avaient en effet été l'occasion de mettre en évidence une situation
financière très dégradée. La réalisation d'importants investissements, financés pour partie par des
emprunts dont les annuités étaient hors de proportion avec les facultés financières de la
collectivité, en constituait la principale origine.
Depuis lors et faute de disposer de ressources suffisantes pour parvenir à un équilibre budgétaire
satisfaisant, la commune, a sollicité l'aide du Département de l'Aveyron.
Cette aide, accordée en 1998, a pris deux formes :
- une subvention de 1,9 millions de francs (MF), venant compléter les subventions déjà accordées
au titre de la construction du centre européen ;
- une avance, remboursable à compter de 2002, sur 8 ans et sans intérêt, de 2,5 MF, destinée à
rembourser par anticipation certains emprunts mobilisés pour le financement du centre européen.
Outre cette aide départementale qui a contribué à assainir les comptes, divers indicateurs révèlent
les signes d'un certain redressement. Ainsi, sans tenir compte de la subvention exceptionnelle du
Département de 1,9 MF versée en 1998, les produits de fonctionnement ont augmenté de 50,5 %
sur la période 1992-1998, alors que les charges, sur la même période, ne progressaient que de
24,7 %. Cette évolution favorable a permis d'améliorer le niveau de l'excédent brut.
Par ailleurs, une pause a été observée dans les investissements et dans le recours à l'emprunt,
avec, pour effet, une diminution significative de l'encours de la dette : 10,45 MF fin 1998, après
remboursement anticipé de certains emprunts, contre 18,027 MF fin 1993.
Toutefois, d'autres indicateurs demeurent défavorables et témoignent toujours d'un équilibre
financier très précaire.
Il s'agit tout d'abord de l'épargne nette, ou marge d'autofinancement courant, résultant de la
différence entre les ressources et les charges de fonctionnement, intérêts compris, après prise en
compte de l'annuité en capital des emprunts. Elle est restée négative au cours des exercices 1992
à 1998 et, par voie de conséquence, a entraîné une insuffisance de financement à couvrir par les
ressources propres d'investissement. Or, pour de nombreux exercices, comme 1994, 1996, 1997
et 1998, ces ressources propres d'investissement ont été elles-mêmes insuffisantes. Pour ces
derniers exercices, les ressources normalement affectées à des opérations d'investissement
auraient donc servi à financer le remboursement de l'annuité en capital des emprunts.
La capacité d'endettement est encore fortement compromise. Bien que l'encours de la dette ait
sensiblement diminué fin 1998 (10,45 MF), il faudrait 41 ans pour permettre à la collectivité de
rembourser le seul capital de cet encours, en se référant à l'excédent brut moyen d'un montant de
0,253 MF calculé sur la période 1992 à 1998 (hors subvention exceptionnelle de 1,9 MF pour ce
dernier exercice). Quant à l'annuité, prévue au budget 1999 pour un montant de 2,306 MF, elle
représente encore 33,7 % des recettes réelles de fonctionnement ; ce ratio a été nettement
amélioré par rapport aux années antérieures, mais excède les normes prudentielles admises (25
%). De surcroît, à compter de 2002, le remboursement de l'avance du Département, d'un montant
de 2,5 MF, deviendra exigible.
La chambre a cependant pris note des éléments produits lors de l'audition du maire, le 13 mars
2001, laissant espérer une évolution favorable des recettes provenant de la fréquentation
touristique (aux visites guidées, visites du " trésor " et parkings payant institués récemment).
Une telle perspective serait d'autant plus appréciable que les possibilités d'une augmentation
significative des autres ressources de fonctionnement sont très restreintes. Sur les produits
fiscaux, les taux d'imposition n'ont pas été augmentés depuis 1992, mais demeurent à un niveau
élevé, notamment en ce qui concerne la taxe professionnelle (23,69 %). Au surplus, du fait de la
disparition d'activités temporaires taxables, les produits de la taxe professionnelle sont en net
recul, puisqu'ils sont passés de 0,538 MF en 1998 à 0,244 MF en 1999.
En conclusion, si la situation financière de la commune semble en voie d'amélioration, elle
présente toujours une grande fragilité. Il y a donc lieu de persister dans les efforts engagés pour
son redressement. A cet égard, la poursuite du désendettement devra constituer la priorité. Par
ailleurs, la collectivité, tant qu'elle ne pourra pas disposer d'une capacité d'autofinancement
suffisante, devra continuer à limiter ses dépenses d'équipement au strict minimum.
4 -
LA CONSTRUCTION D'UN GROUPE SCOLAIRE ET DU CENTRE EUROPEEN D'ART ET
DE CIVILISATION MEDIEVALE
Les conditions dans lesquelles ce programme a été étudié et réalisé révèlent de sérieuses
carences dans l'exercice des missions du maître d'ouvrage, carences qui sont à l'origine de
transgressions des dispositions du code des marchés publics.
Initialement, l'opération ne concernait que la construction d'un groupe scolaire. C'est dans le cadre
d'un tel programme que, par délibération du 21 juin 1989, le conseil municipal a décidé, après une
mise en compétition non formalisée, de confier la maîtrise d'ouvre à un groupement d'architectes,
sur la base d'un coût d'objectif de 4 375 410,20 F HT et d'une rémunération de 375 410,20 F HT.
Par la suite, pour " absorber le surcoût de fondation " lié à la nature des sols, le conseil municipal,
dans sa délibération du 6 avril 1990, a décidé de construire, en sous-sol, un auditorium de 400
places, pour réaliser un centre européen de culture romane, ainsi qu'un parking. Par la même
délibération, il a été accepté de passer un avenant n° l au marché de maîtrise d'ouvre qui a eu
pour effet de fixer le nouveau coût d'objectif à 13 561 896,50 F HT, soit un montant plus de 3 fois
supérieur au coût d'objectif initial. L'augmentation de la rémunération du maître d'ouvre, a été, de
ce fait, conséquente, puisqu'elle est passée de 375 410,20 F à 1 061 896,50 F HT.
A ce stade, compte tenu du nouveau programme qui avait été modifié de manière plus que
substantielle, il aurait été nécessaire que la maîtrise d'ouvre fasse l'objet d'une nouvelle mise en
compétition. De surcroît, le nouveau montant des honoraires aurait nécessité l'organisation d'un
concours en application des dispositions de l'article 314-bis du code des marchés publics.
En tout état de cause, en l'absence d'études préalables et suffisantes, la découverte postérieure
de difficultés liées à la nature du terrain ne pouvait pas entrer dans le champ d'application des
sujétions techniques imprévues, au sens des dispositions de l'article 255 bis du code des marchés
publics (Conseil d'Etat, 8 mars 1996, " commune de PETITBOURG "). La passation d'un simple
avenant était donc irrégulière.
Dans les réponses du maire et lors de son audition, il a indiqué que cette irrégularité s'est produite
alors que la commune s'était assurée des services de la Direction départementale de l'équipement
(DDE) pour la conduite d'opération ; a l'appui de cette affirmation, ont été produites deux
délibérations du conseil municipal en dates du 21 juin 1989 (concernant la construction du groupe
scolaire) et du 25 juillet 1990 (concernant la construction du centre européen de culture romane et
du groupe scolaire) décidant de confier cette mission à la DDE.
Quoi qu'il en soit, cette première irrégularité a été aggravée par le fait que deux autres avenants,
autorisés par délibération du conseil municipal respectivement le 20 avril 1993 et le 1er août 1994,
sont encore venus modifier ou compléter le programme de manière importante. Il s'agissait
d'aménager et d'équiper l'auditorium ainsi que de réaliser un bureau-salon pour interprètes avec
sanitaires, un hall d'exposition et une salle des commissions. Tous ces travaux supplémentaires
ont eu pour effet de porter le coût d'objectif à 20 997 122,75 HT, soit une augmentation de 54,8 %
par rapport au dernier programme déterminé par avenant n° 1. Le nouveau forfait de rémunération
a été fixé à 1 567 222,34 F HT.
Enfin, l'examen des justifications comptables relatives à cette opération fait apparaître des
dépenses importantes réglées sur simples mémoires, sans mise en compétition, alors que le total
de l'opération dépassait largement le seuil imposé pour un nouvel appel d'offres. Tels ont été
notamment les cas des dépenses suivantes :
- pour des équipements techniques : 259.976,66 F (mandat du 27/07/1993), 260 024,57 F
(mandat du 31/08/1993), 299 472,12 F (mandat 31/08/1993), 80 648 F (mandat 16/07/1993) ,
- pour du mobilier : 96 253 F (mandat 27/07/1993), 91 710 F (mandat du 12/08/1993),
- pour l'installation d'un système de surveillance 84 206 F et 76 615,66 F (mandats du 4/03/1992
et 18/01/1994) ;
- pour l'aménagements des abords : 262 107,19 F (mandat du 12/08/1993), 63 451 F (mandat du
12/08/1993), 81 243,37 F (mandat du 16/10/1992).
Les réponses apportées à la lettre d'observations provisoires ont également expliqué les
irrégularités constatées par le " manque d'expérience des services de la mairie qui ne sont pas
habitués à gérer des chantiers d'une telle importance ". En outre, au cours de l'entretien
susmentionné du 30 novembre 2000, il a été indiqué que le contrôle de légalité n'avait pas
soulevé d'objection lors de l'examen des pièces afférentes à ces opérations ; sur ce point
particulier, il convient néanmoins d'observer que le contrôle de légalité ne pouvait notamment pas
avoir eu connaissance des paiements effectués sur simples factures, n'ayant pas été destinataire
desdites pièces.
5 - LES LIENS CONVENTIONNELS ENTRE L'ASSOCIATION ET LA COMMUNE DE CONQUES
Plusieurs conventions ont été passées entre l'ADECC et la commune de CONQUES.
Tout d'abord, un bail de location du 21 juin 1993 a prévu la mise à disposition de l'association de
l'ensemble des équipements communaux constituant le Centre européen d'art et de civilisation
médiévale (CEACM), moyennant un loyer de 60 000 F par an. Hormis les clauses habituellement
prévues dans les baux de location, il existe des dispositions particulières sur l'utilisation des
équipements : " les locaux présentement loués sont destinés à l'exercice par le LOCATAIRE des
missions définies par l'objet social des statuts de l'ADEC à savoir
....
(objet statutaire cité ci-
dessus). Le LOCATAIRE pourra mettre à disposition, gratuite ou payante, les locaux et
équipements loués par la commune, sous réserve que lesdits locaux soient utilisés dans le cadre
de l'objet social des statuts de l'ADEC comme indiqué ci-dessus ".
Une autre convention, passée le 26 juillet 1994 entre l'Etat, la Région Midi-Pyrénées, le
Département de l'AVEYRON, la commune de CONQUES, d'une part, et l'ADECC, d'autre part, a
essentiellement eu pour objet d'organiser le partenariat financier entre les parties signataires et de
préciser les missions ainsi financées, c'est-à-dire les activités orientées vers la recherche, la
formation et le développement culturel et touristique.
Enfin, une dernière convention, en date du 9 mai 1995, a prévu la participation financière
forfaitaire de 600 000 F par an de l'association au remboursement des annuités d'emprunts
contractés par la commune pour la construction du CEACM
Le dispositif conventionnel ainsi mis en place appelle diverses remarques.
Tout d'abord, il convient de rappeler que toute convention passée entre deux cocontractants
suppose, au préalable et sous peine de nullité juridique, qu'aucun d'entre eux ne puisse être en
mesure de contrôler ou d'influencer la décision de contracter prise par l'autre partie. Au cas
d'espèce, il importe donc que l'autonomie de décision de l'ADECC par rapport à la commune de
CONQUES soit incontestable, ce qui ne semble pas toujours avoir été le cas, ainsi qu'il ressort de
l'analyse développée dans la lettre adressée ce jour au président du conseil d'administration de
l'ADECC et qui vous est également communiquée de droit. Cette analyse serait au demeurant
transférable, à l'avenir, au cas de toute autre collectivité territoriale membre de l'association qui
souhaiterait passer une convention avec elle.
Par ailleurs, le bail de location du 21 juin 1993 susmentionné permet à l'ADECC de sous-louer à
titre onéreux les équipements communaux constituant le CEACM. Or, à cet égard, la juridiction
rappelle que n'importe quelle convention ne peut fonder le droit pour un organisme privé de
percevoir des deniers pouvant être qualifiés de publics.
Après analyse du contenu de l'ensemble des relations conventionnelles établies entre l'ADECC et
la commune de CONQUES, la chambre estime que ce dispositif contractuel relève actuellement
des dispositions de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 qui ont été codifiées aux articles L. 1411-1
et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT), relatifs aux délégations de
services publics.
En effet, plusieurs éléments concourent à faire rentrer ce dispositif dans ce champ normatif.
Ainsi, il ressort clairement des conditions particulières du bail souscrit le 21 juin ainsi que du
préambule de la convention de développement culturel et touristique pour le Centre européen
d'art et de civilisation médiévale de CONQUES signée le 26 juillet 1994 entre l'Etat, la Région, le
Département, la commune de CONQUES et l'ADECC que le CEACM, dont la gestion a été
confiée à l'association, constitue un " outil de communication et de développement " qui s'inscrit
dans le cadre de l'action culturelle et touristique de la commune. Or, dans une affaire similaire, le
Conseil d'Etat avait conclu qu'un contrat par lequel une ville confie à un exploitant privé la gestion
d'un équipement culturel " dans l'intérêt du maintien et du développement des activités culturelles
" sur son territoire constituait en réalité une concession de service public (CE 18 mai 1979, "
association Saint SEURIN "). Cette analyse peut au demeurant être étendue à l'organisation du
festival de CONQUES, incombant également à l'A.D.E.C.C. Il ne semble donc guère faire de
doute que les activités confiées par la commune de CONQUES à l'A.D.E.C.C., financées en
grande partie par des fonds publics, notamment communaux, et menées dans des locaux
appartenant au domaine public de la commune, relèvent, par leur nature, d'une mission de service
public.
Ainsi, au cas d'espèce et pour toutes ces raisons, la situation diffère notablement de celle
examinée par la Chambre régionale des comptes dans un autre dossier que le maire a évoqué
dans sa réponse susmentionnée du 19 février 2001 ; au demeurant, la citation sur laquelle
s'appuyait le maire était sortie de son contexte car il s'agissait, en réalité, d'un extrait des moyens
invoqués par l'une des deux parties et non pas d'un extrait de l'analyse faite par la juridiction.
Dans le cas de CONQUES, le dispositif conventionnel entre la commune et l'ADECC ne peut donc
pas, en toute hypothèse, être celui du simple bail de location et devrait relever soit d'une
procédure de dévolution par marché public de prestations soit d'une procédure de délégation de
service public, lesquelles supposent toutes les deux une mise en concurrence préalable.
A cet égard, le maire a également justifié l'absence de mise en concurrence en invoquant les
dispositions dérogatoires de la loi n°93-122 précitée, concernant les négociations suffisamment
avancées mais non encore achevées à la date de sa promulgation. Cependant ces dispositions ne
peuvent s'appliquer au cas d'espèce, dans la mesure où la commune n'avait pas pressenti un "
délégataire ", mais uniquement un " locataire ".
D'ailleurs, les stipulations du bail passé le 21 juin 1993 diffèrent notablement de celles d'une
convention de délégation de service public, et ce notamment en ce qui concerne sa durée : " le
présent bail est consenti et accepté pour (...) trois années à compter du 1er juin 1993 (...). A son
expiration (...) (il) sera reconduit tacitement pour une durée d'une année ". Au demeurant, la
chambre attire votre attention sur le fait qu'une lecture stricte de ces stipulations amènerait à
considérer que ce bail a expiré le 31 mai 1997.
Quoi qu'il en soit, et pour l'avenir, parmi les deux autres solutions envisageables (dévolution par
marché public de prestations ou par délégation de service public), c'est la seconde qui paraît la
plus pertinente et la plus intéressante pour la commune.
En effet, sur le plan juridique, c'est la procédure à retenir lorsque la rémunération du cocontractant
est assurée substantiellement par les résultats de l'exploitation (CE 15 avril 1996 " Préfet des
Bouches-du-Rhône/commune de LAMBESC "). Or, dans le cas de l'ADECC, la part de ressources
propres dans les recettes d'exploitation est en continuel accroissement et avoisinerait
actuellement les 30 %. De plus, contrairement à un marché public, une délégation de service
public permet à la collectivité délégante de conserver de manière permanente un droit de regard
sur les conditions de fonctionnement du service public délégué, en application de l'article L. 1411-
3 du CGCT.
Qui plus est, le recours à cette procédure aurait un triple mérite. D'une part, pour répondre à une
interrogation qu'évoquait le maire dans sa réponse du 19 février 2001 susmentionnée, la
passation d'une convention de délégation de service public permettrait de doter le délégataire d'un
titre légal pour percevoir les produits de la sous-location des salles du CEACM. D'autre part, à
travers l'élaboration du document prévu à l'article L. 1411-1 du CGCT, elle obligerait au préalable
la commune de CONQUES à clarifier les conditions de la délégation et, notamment, les objectifs
poursuivis ainsi que la nature des compétences conservées par elle. Enfin, elle pourrait, le cas
échéant, être l'occasion de confronter l'offre de l'ADECC à des offres concurrentes,
éventuellement de meilleure qualité et/ou de moindre coût, ce qui permettrait soit le choix d'un
autre intervenant, soit, si nécessaire, la mise en ouvre par l'ADECC de modalités d'organisation et
d'intervention plus compétitives.
Conformément à l'article L. 241-11 du livre II du code des juridictions financières, il vous
appartient de communiquer la présente lettre au conseil municipal de la commune de CONQUES,
lors de sa plus proche réunion.
Vous voudrez bien me tenir informé des conditions de cette communication par tout moyen à votre
convenance, par exemple en m'adressant copie d'un extrait du procès-verbal des débats ou du
relevé des délibérations.
Je vous rappelle que ces observations sont, selon les dispositions de l'article R. 241-17 du code
précité, communicables aux tiers dès qu'a eu lieu la première réunion de l'assemblée délibérante
suivant leur réception.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Maire, l'expression de ma considération distinguée.
Le Président,
Jean-Philippe VACHIA